mercredi 30 décembre 2015

Le Jura en Berne

C'est un jeu de mots audacieux qui annonce l’exposition jurassienne consacrée au bicentenaire du Traité de Vienne. Tous les cantons suisses ont travaillé sur ce moment fondateur de la Confédération, chacun avec son histoire propre. Les habitants de Porrentruy et sa région, fief de l’Evêché de Bâle, ont vécu une période particulièrement troublée entre 1792 et 1815, administrés par trois nations successives : sujets du Saint-Empire, puis Français, puis Suisses, intégrés au canton de Berne. Auquel ils resteront liés bon gré mal gré jusqu’en 1979, date de l’indépendance du canton du Jura.

C’est en compagnie de quatre personnages fictifs, nés en 1800, qu’on parcourt l’exposition. Une idée judicieuse, qui permet de comprendre les nombreux problèmes de société, les droits et devoirs des habitants variant suivant leur langue, leur religion, leur statut. Hélène est noble, son père est proche du prince-évêque, François est fils d’un meunier catholique, Ester est fille d’un marchand juif, et Antoine fils d’un fermier anabaptiste. Ils ont le même âge, sont issus du même pays, mais vivent des destins totalement divergents.

Le Congrès de Vienne redessine l’Europe, mais pas seulement. Un dialogue savoureux entre Metternich et Talleyrand montre leur complicité, et leur envergure politique. Les anciens usages sont abandonnés, la traite des Noirs abolie, les préséances diplomatiques simplifiées, la liberté de navigation sur le Rhin instaurée...
Tout n’est pourtant pas réglé en 1815 pour les Jurassiens. Si la création de la Confédération se double d’une obligation militaire, ferment de l’unité, puisque l’armée suisse est constituée de tous les citoyens, le XIXème siècle verra de violentes révoltes, des guerres de religion, l’apparition du clivage entre Noirs et Rouges… avant la stabilité politique permettant l’autonomie au XXème siècle. Les caricatures présentées en donnent une représentation impertinente !

Tout cela est à découvrir au Musée de l’Hôtel-Dieu de Porrentruy, un splendide hôtel particulier qui abrite par ailleurs une collection permanente fort intéressante, avec des salles consacrées à l’horlogerie jurassienne et une magnifique pharmacie en érable moucheté, parfaitement conservée depuis plus de deux siècles.

Le Jura en Berne, Bicentenaire du Congrès de Vienne (1815):
Exposition jusqu’au 27 mars 2016 au Musée de l’Hôtel-Dieu de Porrentruy (JU).
www.mhdp.ch

dimanche 20 décembre 2015

Ben à Bâle

Est-ce que tout est art ?
C’est la question métaphysique que pose Ben, dans la mouvance de Duchamp. Spécialiste des petites phrases impertinentes, artiste narcissique, omniprésent en France grâce au succès de ces écritures blanches sur fond noir, il provoque réflexion ou sourire par la justesse de ses aphorismes.

Ben Vautier, artiste franco-suisse, né en 1935 à Naples, a grandi à Nice, où dès 1960 il ouvre une galerie hétéroclite pour exposer les jeunes artistes contemporains, dont Yves Klein. Son « magasin » est la pièce centrale de la rétrospective qui lui est consacrée au Musée Tinguely de Bâle. Une place pertinente, dans ce lieu consacré aux sculptures mouvantes inventées par son illustre contemporain, où la ferraille tourne, les lampes clignotent, les rouages grincent et cliquettent

Photos, concerts, films, installations, confection d’objets, jeux de langage, Ben, en pionnier du mouvement Fluxus, a créé des performances, organisé des actions, et utilisé tous les supports pour interroger l’art, la vie, et mêler le public à l’expérimentation. C’est dans cet esprit qu’il  a décoré les stations du tram de Nice, où ses petites phrases décalées distillent la pensée dans la ville.

Ben au Musée Tinguely à Bâle, une exposition qui décoiffe, jusqu’au 22 janvier 2016.

mercredi 16 décembre 2015

Chronique littéraire : La dernière leçon, de Noëlle Châtelet

Est-ce une leçon de vie ? Une leçon de mort ? Plutôt une leçon de deuil, de séparation.
Dans ce récit intime, l’auteur nous raconte les derniers mois de connivence avec Mireille, sa mère. Celle-ci, âgée de 92 ans, ancienne sage-femme et militante du droit de mourir dans la dignité, a décidé de mettre fin à ses jours. Elle se sent à bout de forces.
Noëlle comprend et approuve intellectuellement la décision maternelle, toute sa vie, sa mère a montré son indépendance d’esprit, sa hardiesse, sa volonté. Elle comprend qu’elle veuille aussi maîtriser sa mort. Mais n’arrive pas à accepter la fin de leur complicité fusionnelle. Elle se révolte contre la proximité de l’échéance choisie par sa mère. 

Le récit raconte les dernières semaines, quand il faut profiter du moindre moment ensemble pour le transformer en petit bonheur, quand il faut apprendre à ne pas avoir de réponse au téléphone, ni de projet commun. Mireille mène le jeu, inflexible, sa force de caractère balaie les arguments de sa fille. Elle lui apprend peu à peu à vivre sans elle, avant son vrai départ.
Pas de théorie, ni même de recherche littéraire, juste un témoignage écrit avec des mots simples, sur une cérémonie d’adieu entre deux personnes qui s’aiment profondément. Pour le lecteur, un beau sujet de réflexion.

Noëlle Châtelet, née en 1944, est femme de lettres et universitaire. Devant le succès de son récit, elle vient de publier "Suite à la dernière leçon", où elle développe son engagement en faveur de la mort assistée, en regard de l’actualité, et des nombreux courriers reçus de lecteurs.
"La dernière leçon" vient d’être adaptée au cinéma, avec Marthe Villalonga et Sandrine Bonnaire dans les rôles principaux.
Ce récit est disponible en poche chez Points.

Chronique publiée dans le JTT.

jeudi 10 décembre 2015

Expo à Tournon : Joseph-Xavier Mallet, peintre et seigneur du fleuve

Le Château de Tournon est aussi  musée de la Batellerie. Exposer un artiste local, amoureux et usager du Rhône, est un choix pertinent, qui nous permet de découvrir les toiles de Joseph-Xavier Mallet, un plaisir visuel chargé d'émotions, d'histoire, accessible à tous.

Quant à sa vie ? Plutôt exceptionnelle. Mallet est né au Teil en 1827, dans une famille de négociants et mariniers. Il a grandi au bord du Rhône, arpenté tous les chemins de halage, fait son apprentissage de batelier dès l'âge de quinze ans, puis navigué sur les barques familiales, qui descendaient le fleuve grâce au courant à l'aller, et remontaient tirées par la force des chevaux.
A l'âge de trente ans, témoin du déclin de la batellerie traditionnelle, il décide de changer complètement de vie. Les bateaux à moteurs remplacent les barques et leurs chevaux ; les ponts se multiplient, grâce à une technologie nouvelle ; on commence de canaliser le fleuve. Mallet quitte la batellerie et la vallée du Rhône pour Paris et les Beaux-arts.
Elève de peintres académiques réputés, il peaufine sa technique de paysagiste, représentant avec nostalgie le Rhône et l'Ardèche, les rives et les falaises, les petits métiers ordinaires, pêcheurs, mariniers, lavandières. Comme ses collègues J.-F. Millet, ou G. Courbet, il participe à l'effervescence politique de la deuxième moitié du XIXème siècle, court après la gloire, mais doit se contenter d'exposer au Salon des Refusés en 1863, avant d'acquérir une petite notoriété.

Au bout d'une dizaine d'années parisiennes, ayant hérité de la maison familiale, il revient s'installer près du Teil, pour commencer une troisième carrière de viticulteur et éleveur. Jusqu'à sa mort en 1895, il continue cependant de croquer des scènes de la vie quotidienne, illustrant à la fois les coutumes agricoles, vendanges, abattage du bétail, et l'émergence de nouveaux métiers, de nouvelles cités, autour de l'expansion de la cimenterie Lafarge, suite à la construction du canal de Suez.
Joseph-Xavier Mallet, peintre du Rhône et de l'Ardèche, a su admirablement représenter la vie de la région à la fin du XIXème siècle. Cette plongée dans l'histoire locale, et dans  la finesse de l'art paysager, est à savourer au Château-Musée de Tournon (07).

"Joseph-Xavier Mallet, le peintre ordinaire du Rhône", jusqu'au 20 décembre 2015.
www.chateaumusee-tournon.com

Article publié dans le JTT du 10 décembre 2015.

dimanche 6 décembre 2015

La légende de Saint-Nicolas

En Lorraine et dans l’Est de la France, en Russie et dans les pays nordiques, le 6 décembre, on fête Saint Nicolas. Une tradition de plus de dix siècles.

Tout commence avec Nicolas, évêque de la ville de Myre, au sud de la Turquie. Un éminent personnage du IVème siècle, célèbre pour sa foi et sa charité. Après sa mort en martyre, le 6 décembre, son tombeau devint lieu de pèlerinage, parfois profané par les pillards. Lors des Croisades, au XIe siècle, des marins Italiens emportèrent les reliques de Saint Nicolas à Bari, dans les Pouilles, où son culte se développa, dans une splendide cathédrale. Mais dans l'équipage,  un chevalier lorrain subtilisa une phalange, pour l’offrir à l’église de Port en Lorraine. Devenue à son tour lieu de pèlerinage, la ville fut alors rebaptisée Saint-Nicolas-de-Port, et Saint Nicolas devint le saint patron de la Lorraine. Il est entre autres le protecteur des marins et des enfants. On raconte qu’il a ressuscité trois petits enfants tués et mis au saloir par un horrible boucher. Il est souvent représenté avec les trois enfants tendant les bras vers lui.

En Alsace et Lorraine, le 6 décembre, en plus des traditionnels marchés de Saint-Nicolas, un défilé aux flambeaux est organisé dans les rues des villes. Un Saint Nicolas, en somptueux habit d’évêque, avec mitre et crosse, accompagné de son âne, distribue des friandises aux enfants sages, tandis que son comparse, le père Fouettard, tout de noir vêtu, donne quelques coups de bâton à ceux qui méritent punition. Et le soir, Saint Nicolas (ou le Père Fouettard suivant les cas) passe dans les maisons. Les enfants l’attendent fiévreusement, mais ne le voient jamais, alors leur tactique, c’est de déposer devant la porte un panier garni de carottes et de sucre, pour attirer son âne. Le lendemain, papillotes, oranges, pains d’épices ou gâteaux en forme de bonhommes, appelés jeanbonhommes (en Franche-Comté) ou männele (en Alsace) garnissent le panier. Parfois même, quelques baguettes de bois dissuasives y sont jointes…

En Lorraine, Saint-Nicolas est la fête la plus importante de l’année. C’est le 6 décembre qu’on échange traditionnellement les cadeaux, les vœux ; les enfants reçoivent leurs jouets, alors qu’à Noël, on se contente de festoyer. Une avance sur le calendrier tout-à-fait légitime, puisque la tradition de Saint-Nicolas est bien antérieure à l’invention du Père-Noël, qui n’est qu’un avatar américain récent de Santa Claus (traduction littérale de Saint Nicolas) en habit rouge et blanc, couleurs  emblématiques de Coca-Cola.

Article publié dans le JTT.

lundi 30 novembre 2015

Festival Entrevues : Voyage à Tokyo

A l’occasion de la 30ème édition du festival international du film de Belfort, les organisateurs ont joué aux cadavres exquis. Ils ont demandé aux trente cinéastes qui ont fait la renommée d'Entrevues de choisir un film culte, à partir de la dernière image d’un autre film. Jafar Panahi a choisi « Voyage à Tokyo » de Yasujiro Uzo (1953).

Un film magnifique sur les liens familiaux, et leur évolution au fil des âges. Deux personnes âgées font le voyage depuis leur campagne jusqu’à la lointaine capitale, afin de revoir leurs enfants et petits-enfants qui y vivent depuis des années. Après la joie des retrouvailles, ils s’aperçoivent qu’aucun de leurs enfants, pris par leurs obligations, ne trouve le temps de s’occuper d’eux. La narration est maîtrisée, elle suggère, précise, mais ne juge pas.
Le Japon est alors en pleine mutation,  il se relève difficilement de la guerre . Précarité des emplois, logements minuscules, familles en deuil. Le couple âgé se sent perdu dans la métropole, le décalage est trop fort. Les rituels de politesse subsistent encore, mais le respect des anciens comme la soumission des femmes s’effacent progressivement. Une vie trépidante s’installe.

Ce qui surprend dans ce film, c’est la finesse de l’analyse des relations, et leur actualité. Malgré le décalage de société, d’époque, de lieu, les émotions passent. Le contexte japonais codifié, esthétique, leur laisse toute la place. Ce film de plus de deux heures, aux plans lents, permet de s’immerger totalement dans la culture japonaise. Et d’observer les réactions universelles d’une famille devant l’absence, la maladie, le travail, le deuil. Tout est dit sobrement, et  rien n’a changé depuis 1953. Du grand art.


jeudi 26 novembre 2015

Paola Pigani aux Petites Fugues

Vendredi 27 novembre, la Bibliothèque de Grandvillars accueille l'auteure Paola Pigani, dans le cadre des Petits Fugues de Franche-Comté.
Paola Pigani est née en 1963 de parents italiens émigrés en Charente. Domiciliée à Lyon, éducatrice de jeunes enfants, elle partage son temps entre le monde de l'enfance et l'écriture. Elle a publié plusieurs recueils de poésie et de nouvelles. Ses deux derniers romans collent à l’actualité, mais avec sensibilité et distance historique. 

N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures s’inspire de l’incarcération des Roms par Pétain, à travers le personnage d'Alba. Cette jeune fille de quatorze ans entre dans un camp d'internement  près d'Angoulême avec les siens, en 1940 , elle passera là six longues années, rythmées par l’appel du matin, la soupe bleue à force d’être claire, le retour des hommes après leur journée de travail…
Venus d’ailleurs suit le chemin d’exil de deux migrants, Mirko et sa soeur Simona, depuis le Kosovo en guerre. Passage clandestin des frontières,  mois d’attente dans un centre de transit avant d’obtenir le statut de réfugié, petits boulots pour survivre, solitude d’un foyer anonyme. En filigrane, la beauté de la ville, le hasard des rencontres, le goût amer de la nostalgie...

A partir de 18h30, la Bibliothèque de Grandvillars vous propose une heure d’échanges avec Paola Pigani, une lecture d'extraits, suivies d’un moment convivial. Et c’est gratuit !

N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures et Venus d'ailleurs sont tous deux édités chez Liana Levi.

vendredi 20 novembre 2015

Chronique littéraire : La nuit de Maritzburg, de Gilbert Sinoué

Lire, c'est résister à la pensée unique.

Ce roman passionnant dévoile une partie de l'histoire d'un homme qui a bouleversé la vie de millions d'autres, par une théorie qui paraissait totalement inefficace : la non-violence. A-t-elle encore sa place dans notre monde ? Seul l'avenir le dira. Mais l'incroyable détermination de Gandhi en dépit des obstacles donne de l'espoir, et matière à réfléchir.

Il est question ici d'un Gandhi méconnu, celui d’avant la lutte pour l’autonomie de l’Inde. En 1893, jeune avocat diplômé de l’université de Londres, il est sollicité par une entreprise indienne pour défendre ses intérêts  en Afrique du Sud. C’est là qu’il découvre une situation sociale explosive. C’est là qu’il mûrit, développe et expérimente sa théorie de la non-violence, pendant un combat de plus de vingt ans.

A Johannesburg, comme dans toute l’Afrique du Sud, les travailleurs immigrés Indiens sont relégués à un statut d’esclaves par les Blancs, alors qu'ils sont considérés à l’égal des citoyens Anglais en Inde. Gandhi va l'expérimenter à ses dépens. Une nuit, à Maritzburg, il se fait expulser brutalement de la première classe du train, interdite aux gens de couleur. 
Commence alors une lutte par tous les moyens légaux contre les lois ségrégationnistes : grèves, pétitions, manifestations. Gandhi harcèle le gouvernement sud-africain, malgré les menaces, chantages, mensonges, emprisonnements, bastonnades. Acceptant les insultes et les coups, tout comme ses amis et disciples, en particulier Hermann Kallenbach, brillant architecte d’origine allemande, dont les lettres  témoignent d’une amitié fusionnelle avec lui. Gandhi évolue peu à peu, passant d’une vie bourgeoise à une vie ascétique, se transformant en gourou, capable de mobiliser les foules, mais aussi d’exiger la soumission totale de sa famille et de ses adeptes. Un personnage ambivalent, charismatique mais aussi tyrannique.

Gilbert Sinoué tisse à merveille les documents et lettres d’époque avec la fiction romanesque, révélant l’ambiguïté du grand homme, et les pans méconnus de son itinéraire.
Né en 1947 au Caire, cet écrivain, musicien  et scénariste français est l’auteur de nombreux romans historiques inspirés par l’Orient.

"La nuit de Maritzburg" est disponible en poche chez J’ai Lu.

Chronique publiée dans le JTT.


lundi 16 novembre 2015

Un dessin de Carlos Latuff (Brésil).



Et les paroles du pape François:
"... la voie de la violence et de la haine ne résout pas les problèmes de l'humanité et utiliser le nom de Dieu pour justifier ce chemin de violence est un blasphème"...

samedi 14 novembre 2015

La p'tite vache qui monte, qui monte...

Qui monte à Paris ... au très réputé Salon du Made in France de la Porte de Versailles, les 6/7/8 novembre. Pour faire son entrée dans le monde des métiers d'art, accueillie au pavillon de la Drôme, par le Département, qui a sélectionné la fine fleur des créateurs régionaux.

Qui est-elle ? C'est la vachette mascotte de la maroquinerie Faugier, à Tournon. Déclinée dans toutes les couleurs, du bleu électrique au rose bonbon, en cuir lisse ou à poils, unie ou tachetée, elle symbolise l'atelier tournonnais, où le savoir-faire de Florence, la maroquinière s'est allié à l'énergie créatrice de Maxime, l'homme du terroir.

Florence Faugier, formée dans les grandes entreprises du luxe, a conçu et réalisé une ligne complète d'accessoires de cuir, chics et contemporains. Porte-feuilles, sacs, ceintures, étuis, déclinés dans les coloris cerise, chocolat ou jean, avec priorité à la matière, la qualité du travail et le design. Elle réalise aussi des créations sur mesure, pour les particuliers comme les entreprises, avec le souci de l'innovation et de la personnalisation. Tout est fabriqué de façon artisanale, par Florence et Maxime, avec un matériau de qualité : le veau pleine fleur. D'où l'idée de la vachette comme mascotte de leur production haut de gamme. 

De toutes tailles, du porte-clé au siège, les p'tites vaches décorent avec humour un bureau, une poignée de sac, une entrée. C'est le cadeau idéal, qu'on peut acheter directement à l'atelier, ou envoyer par courrier à des amis lointains. Car les créateurs ont eu l'idée géniale de concevoir le modèle en kit : vous achetez la vachette prédécoupée dans le cuir de votre choix, avec une attache parisienne et le mode d'emploi, simplissime, du montage. Vous glissez le tout dans une enveloppe, et votre correspondant reçoit sa vachette à réaliser lui-même ! Un cadeau-gag original et décoratif. Et une vachement bonne idée, en période de fêtes ...

Atelier-Boutique Florence Faugier, 7 Grande Rue, 07300 Tournon sur Rhône.
www.faugierfrance.com

On peut aussi commander sa vachette sur Internet, et visionner le montage, sur le site : www.mavachette.com.

Article publié dans le JTT.

lundi 9 novembre 2015

Le bicentenaire du Traité de Vienne (1815 ) : La Suisse redessinée

En 1814, après la défaite de Napoléon, les grandes puissances victorieuses se réunirent en congrès à Vienne pour réorganiser les frontières de l’Europe. Fêtes somptueuses et négociations secrètes se succédèrent pendant des mois, Metternich et Talleyrand s'y distinguèrent, un nouvel équilibre de l’Europe se dessina. Et s’il est un pays pour lequel le Congrès fut déterminant, c’est la Suisse.
A Bienne, l’exposition "La Suisse redessinée" au Nouveau Musée explore ce chapitre décisif de l’histoire suisse. En insistant sur la situation très particulière de la ville, ballottée de l'Evéché de Bâle à la république Rauracienne en 1792, du département français du Mont Terrible, créé par Bonaparte en 1793, à celui du Haut-Rhin en 1800, avant d'être intégrée au canton de Berne en 1815.

La confédération suisse n’a pas été épargnée par l’épopée napoléonienne. Envahie par les armées, ingérable car en proie à de permanentes dissensions, elle fut annexée par Bonaparte en 1798, qui instaura une république helvétique sous protectorat français. Il réforma les lois administratives, juridiques, en profita pour lever des troupes (12 000 à 15 000 Suisses dans la Grande Armée). Et imposa un gouvernement  fédéral, le seul compatible avec la rivalité des cantons. Il signa en février 1803 l’Acte de Médiation, qui  réunit  pour la première fois dix-neuf cantons.

Après la défaite de Napoléon, l'invasion par les troupes autrichiennes, les querelles entre cantons resurgirent, et la Suisse laissa les grandes puissances décider de son destin. Sauf qu’elle bénéficiait d’un atout de poids : le Vaudois Frédéric-César de la Harpe, précepteur puis secrétaire du tsar Alexandre Ier, participait aux débats. Il négocia le ralliement des cantons de Vaud, Argovie et Tessin aux autres cantons. L’organisation fédérale et la neutralité officielle de la Suisse furent établies dans l’acte final du Congrès de Vienne, en juin 1815.

1815 fut une année riche en bouleversements, et pas seulement politiques. L'exposition rappelle un événement (d)étonnant, en écho à nos préoccupations actuelles : l’éruption du volcan indonésien Tambora, à l'origine d'un terrible changement climatique. L’éruption, les raz de marée, détruisirent en partie l’Indonésie, tandis que l'énorme nuage de cendres fit baisser la température de la planète entière pendant plusieurs années, ruinant les récoltes, provoquant disettes, épidémies et révoltes en Europe. Une tragédie d'une ampleur comparable  à l'éruption de Santorin, qui entraîna la fin de la civilisation minoenne en 1650 avant J.-C..
Les soubresauts de de la planète entraînant des bouleversements politiques... De quoi s'interroger.

Pour les passionnés d'histoire globale :
"La Suisse redessinée", au Nouveau Musée de Bienne, jusqu’au 10/01/2016.
http://www.nmbienne.ch/

Sur le même sujet, mais d'un point de vue local : "Le Jura en Berne", au Musée de l'Hôtel-Dieu de Porrentruy, jusqu'au 27/03/2016.
http://www.mhdp.ch

Article publié dans le JTT.

jeudi 5 novembre 2015

Le transport fluvial : une alternative éco-logistique


De nombreux riverains ont profité du soleil et des vacances, pour visiter les deux péniches amarrées vendredi et samedi, quai Defer à Tain. Banderoles, drapeaux, affiches sérigraphiées, chapiteau, impossible d'ignorer qu'il se passait quelque chose à bord. Mais quoi ? Une promotion du transport fluvial à l'échelle régionale. L'expérimentation d'une pratique écologique, à la fois dans l'air du temps et dans la continuité de la tradition marinière.

Sur la péniche Alizarine, le capitaine Raphaël et son matelot Cécile accueillaient les curieux, ravis de franchir la passerelle. A côté, sur la Tourmente, capitaine Sam et matelot Denis faisaient de même. Dans leurs cales, un stock de marchandises régionales en transit, vins et conserves d'Ardèche, miel et riz de Camargue, huile et confitures, potirons, transportés de Sète à Paris pour l'une, de Sète à Bordeaux pour l'autre, soit 1500 km par fleuves, rivières et canaux. Pas question, pour ces péniches des années 1930, bien restaurées, de vitesse performante : il faut compter 21 jours pour faire le trajet de Sète à Paris, avec une escale chaque soir, pour charger ou décharger les produits, informer le public, faire de la publicité, contacter les producteurs.
Au bout du voyage, la participation à la COP 21 à Paris, la fameuse conférence internationale sur le climat. Les Voies Navigables de France organisent l'accueil de l'Alizarine, espèrent la présence de la ministre de l’Écologie, pour soutenir ce projet de ligne régulière fluviale empruntant la plus ancienne "route des vins". Un potage avec les potirons transportés sera concoté par Cécile, porteuse du message : si on ne peut pas changer le climat, changeons nos pratiques!

En France, le transport fluvial bénéficie du meilleur réseau d'Europe, mais il a été abandonné au profit du transport routier. Pourtant il faut une colonne de camions pour transporter autant de frêt qu'une seule péniche (les plus gros gabarits transportent jusqu'à l'équivalent de 200 camions). En Allemagne, le transport fluvial est incessant, on compte un bateau de commerce sur le Rhin toutes les 5 secondes, contre un toutes les 5 heures sur le Rhône.
A l'heure des économies d'énergie, des routes embouteillées, des accidents multiples, un transport qui réduit la consommation d'énergie, ce n'est pas une idée ... barge !

En savoir plus : http://bateau-alizarine.fr/

Article publié dans le JTT.

dimanche 1 novembre 2015

Chronique littéraire : La dernière séance, de Chahdortt Djavann

Pas question de cinéma ici, malgré une suite de péripéties digne d’un grand film, mais de psychanalyse. Le roman alterne la progression des séances chez un psy parisien, une rare immersion dans cette thérapie mystérieuse, avec la relation du parcours de Donya, jeune étudiante iranienne obligée de fuir son pays.

Une enfance brisée, une adolescence dans l’Iran déchiré où sévissent la terreur, la violence, la répression sous le régime des mollahs. Un viol collectif par ces gardiens de l’ordre moral.  La fuite à Istanbul, à vingt ans, où il faut survivre, entre danse orientale, job dans une clinique et études. L’obligation de se rendre en Bulgarie pour renouveler le permis de séjour, tous les trois mois, dans des conditions apocalyptiques. Jusqu’à l’arrivée comme réfugiée à Paris, pour recommencer une autre vie, apprendre une nouvelle langue, de nouveaux codes.
Donya survit difficilement, elle est détruite intérieurement, aussi, dès qu’elle manie correctement le français, elle entreprend une psychanalyse. Mais la psychanalyse ne règle rien, la vie personnelle désastreuse du psychanalyste en illustre les limites. Quant au monde occidental, ce paradis idéalisé, quelle déception ! Des gens libres qui ne savent pas en profiter. Personne n’écoute la douleur de Donya.
Finalement, l’écriture se révèle la vraie thérapie. En abandonnant le persan, langue de son enfance et de son malheur, pour le français, elle pourra enfin exprimer sa révolte.

Chahdortt Djavann s’est largement inspirée de son propre parcours pour écrire "Je ne suis pas celle que je suis", puis "La dernière séance". Arrivée en France en 1993, elle a mis toute son énergie à assimiler au plus vite la langue française, multipliant les petits boulots pour payer ses études de littérature et psychologie. Critique de l’intégrisme musulman, elle a écrit de nombreux articles, romans et essais exprimant sa révolte, et sa lutte pour l'émancipation des femmes, dont le très remarqué "Bas les voiles !"

"Je ne suis pas celle que je suis" et "La dernière séance" sont disponibles en Livre de poche.

Chronique publiée dans le JTT.


mercredi 28 octobre 2015

Devenez écrivain (e) !

Dans la ville de Bienne, l’affiche interpelle, invite à participer aux journées Portes Ouvertes de l’Institut littéraire, un département de la Haute Ecole d’Art  de Berne, qui propose depuis 2006 aux étudiants un Bachelor en écriture littéraire. Les enseignants : des écrivains confirmés.
Dans la belle villa art déco cachée au fond d’un parc aux couleurs d’automne, l’effervescence règne . Accueil chaleureux par les étudiants, en allemand et en français, la formation étant proposée dans les deux langues officielles de la ville.  Le public peut assister à des cours, suivre des lectures de textes, participer à des ateliers d’écriture. Une approche du programme d’études mis en place pour développer la création littéraire, qui en plus d'une pratique régulière comporte échanges critiques, suivi et approfondissement personnalisés, contacts avec le milieu éditorial, rencontres artistiques. 

Les départements de creative writing existent depuis très longtemps dans les universités anglo-saxonnes, et nombre d’auteurs reconnus (Philippe Roth, Ian Mac Ewan, Raymond Carver, Laura Kasischke… ) en sont issus. La Suisse a ouvert il y a dix ans cette première formation en langue française, alors que la France s'en désintéressait. Depuis, un Master de création littéraire s’est ouvert au Havre en 2013, Paris et Toulouse ont suivi cette année. Pourquoi ce retard à la formation ?

Une idée répandue, c'est qu'écrire ça ne s’apprend pas. Pourtant toutes les autres disciplines artistiques, peinture, sculpture, musique ... s’enseignent.
Une difficulté : les facultés de lettres ne favorisent pas la création littéraire, avec des universitaires, bardés de diplômes, qui n’ont en général publié que des exégèses  peu lisibles. On ne développe pas la créativité des étudiants en les comparant d’emblée à Proust ou Balzac, même si leur lecture est indispensable. 
Il fallait innover en s'appuyant sur des structures adaptées, comme les écoles d’art. Une (r)évolution.

L’Institut littéraire de Bienne va plus loin avec le Mentorat en ligne. Il accompagne ainsi les projets d’écriture d'auteurs de tous âges qui ne peuvent suivre le cursus, en leur proposant un échange constructif suivi. Admission payante et sur dossier.
Mais en France, on peut s'adonner au plaisir de la création littéraire autrement : en fréquentant les ateliers d'écriture, ouverts à tous, sur tout le territoire.

Renseignements sur  l'Institut littéraire de Bienne : http://www.hkb.bfh.ch/fr

samedi 24 octobre 2015

Cristel, fleuron de l'art culinaire français

A l’origine, la fabrique de casseroles émaillées de Fesches-le-Châtel (Doubs) était une des nombreuses usines de l’empire industriel fondé par Frédéric Japy  à la fin du XVIIIème siècle, qui produisait visserie, mouvements horlogers, pompes, moulins, puis machines à écrire ... La première casserole emboutie au monde, exposée dans une vitrine de l’entreprise, fut fabriquée ici en 1849. Après le démantèlement de la multinationale Japy en 1959,  mal gérée par des financiers successifs, l’usine de casseroles fut déclarée en liquidation en 1979, malgré son savoir-faire reconnu. Mais les anciens employés refusèrent d’abandonner leur entreprise, s’unirent en coopérative et essayèrent de maintenir une petite production dès 1983.

La résurrection de l’entreprise, c’est au couple Dodane qu’ils la doivent : Madame, scrupuleuse comptable, Monsieur, technicien inventif. Sollicités pour évaluer les chances de survie de la coopérative lourdement endettée, promise à la faillite, ils relèvent le défi sur une intuition géniale : changer de créneau, en innovant : ils décident de mêler cuisson et service. Comment cela ? En inventant les poignées amovibles, qui transforment la casserole  en légumier, et la font passer de la cuisine à la table. Esthétiques, ergonomiques, fonctionnelles, les premières casseroles à poignées amovibles présentées au salon Bijorca en 1986 obtiennent un beau succès. L’heure est à une nouvelle conception de la cuisine, conviviale et ouverte, le produit s’adapte parfaitement à l’air du temps.
 
Les difficultés financières ne sont pas réglées pour autant. Mais la success story est en marche, des investisseurs parient sur le haut de gamme et l’innovation. Quand les plaques à induction apparaissent, Paul Dodane, prévoyant l’évolution du marché, met au point une casserole adaptée, grâce à un fond conducteur compatible. Nouveau succès. Ensuite, il propose les bords droits, pour un meilleur rendement thermique, les anses amovibles, pour mettre la cocotte au four, introduit la couleur… Les Japonais, conquis dès la première heure par le gain de place et le design, sont à l’origine d’un marché international en plein essor. Toutes les grandes tables s'équipent en Cristel.

La petite entreprise familiale a obtenu de nombreux trophées, dont celui du Patrimoine vivant. Le Pays de Montbéliard concourt ainsi à valoriser la gastronomie française, reconnue au Patrimoine de l’humanité !

mardi 20 octobre 2015

Les 60 ans du site nucléaire de Marcoule

Le centre d'énergie atomique de Marcoule a été créé en 1955, au bord du Rhône, entre Pont-Saint-Esprit et Bagnols-sur-Cèze. En 1956, son réacteur a produit les premiers kilowatt-heures français d'origine nucléaire. Après un élargissement constant de ses activités, il est maintenant spécialisé dans la recherche sur la gestion des déchets radioactifs. Il accueille environ 3000 employés et 2000 étudiants doctorants de tous les pays.
A l'occasion des 60 ans du site, les familles et amis des employés étaient invités, moyennant des contrôles drastiques d'identité (photos et téléphones interdits), à pénétrer dans l'enceinte hypersécurisée. Une fois les portiques passés, une immense cité industrielle se dévoilait. Au centre, un chapiteau festif proposait une vitrine des initiatives économiques et sociales, et des animations ludiques, mais la plupart des visiteurs n'avaient qu'une envie : entrer au coeur des bâtiments où leurs proches travaillent, pour essayer de comprendre un peu ce qui s'y passe.

La visite du bâtiment Atalante était très prisée. Une rapide présentation : ici, on s'occupe de la gestion des déchets radioactifs, à la fois au niveau de la recherche théorique, de la mise en place de protocoles techniques, et de la réalisation pratique. Le procédé français est la vitrification, qui isole le déchet radioactif dans une couche de verre que les rayons ne peuvent traverser. Il fallait s'équiper de blouses et de chaussons pour parcourir d'interminables couloirs, ponctués de portes sécurisées, et entrer dans les salles de travail dépressurisées. Un univers robotisé, où les techniciens, à l'abri de parois protectrices, interviennent les mains enfilées dans des "boîtes à gants" en cas de déchets simplement contaminés, ou en dirigeant des pinces télécommandées, situées derrière un mètre de béton, en cas de matériaux irradiants.

Pour saisir quelques principes de la radioactivité, le plus simple, c'était de compléter la visite de Marcoule par une incursion au Visiatome, le musée scientifique ouvert au public à côté du site depuis 10 ans. Un lieu qui fêtait la science ce week-end, avec de nombreuses animations destinées à rendre concrètes certaines notions de physique et chimie. Les différences entre rayonnements α, β et γ, leur utilisation pour dater les corps, ou soigner les cancers... Un stand a eu beaucoup de succès auprès des enfants : l'arbre aux cristaux, ou comment une solution saline se répand le long de buvards, pour se cristalliser à l'air.
Le Visiatome est ouvert toute l'année au public, il organise visites, expositions, conférences, animations scolaires et, pendant les vacances, des ateliers scientifiques. Le thème de celles de Toussaint : l'aimant et la boussole. De quoi faire naître des vocations de chercheurs en tous domaines !

Pour en savoir plus : www.visiatome.fr

Article publié dans le JTT.

vendredi 16 octobre 2015

Chronique littéraire : Constellation, de Adrien Bosc

Le 27 octobre 1949, à 20h06, le qua­drimoteur Constellation F-BAZN d'Air France décolle de l'aérodrome d'Orly, à destination des Etats-Unis. Dans la nuit, l'avion s'écrase sur la crête du mont Redondo, aux Açores. Aucun survivant. 
Le 24 mars 2015, l’A 320 GWI18G de la compagnie Germanwings décolle de l'aéroport international de Barcelone-El Prat. Destination Düsseldorf, en Allemagne, avec 144 passagers et six membres d'équipages à bord. A 10h41, il s’écrase sur un massif des Alpes de Haute-Provence. Aucun survivant.

Ces deux événements n’ont rien de commun, sauf l’épilogue. D’un côté, un avion de stars, pour un voyage inaugural, de l’autre une compagnie à bas prix. Pilote chevronné dans le Constellation, face à un malade mental dans l’A320. Mais en lisant le roman d’Adrien Bosc, écrit bien avant le deuxième drame, on ne peut que mettre les deux événements en parallèle.
L’écrivain alterne en courts chapitres le déroulement du vol, du crash, et des recherches, avec les portraits émouvants des 48 passagers. Célèbres, comme Marcel Cerdan, champion du monde de boxe, rejoignant Edith Piaf aux USA, ou Ginette Neveu, violoniste virtuose en tournée internationale. Ou inconnus, vacanciers riches, voyageurs réguliers, mais aussi simples employés, berger ou bobineuse attirés par le Nouveau Monde. Une constellation de destins, d’histoires poignantes, arrêtés par un hasard implacable. Comme l’avion brisé au sol, toutes ces vies laissent des traces derrière elles, des souvenirs.

Le vrai héros de l’histoire, c’est le hasard. Pourquoi certains ont-ils renoncé à prendre place dans l’avion à la dernière minute ? Pourquoi ce vol par beau temps, dans un avion sophistiqué, avec un bon pilote a-t-il percuté la montagne ? Comment certains ont-ils pressenti la catastrophe ? Ce récit passionnant, émouvant, bien documenté, ouvre sur de grandes interrogations.

Adrien Bosc, né en Avignon en 1986, a obtenu le Grand Prix de l’Académie Française en 2014 pour ce premier roman. Disponible actuellement en Livre de Poche.

Chronique publiée dans le JTT.

dimanche 11 octobre 2015

Soleil d'automne à Brienz

Brienz en octobre offre une symphonie de couleurs éclatantes, lac turquoise, végétation dorée ponctuée de flamboiements rouges sur les rives, forêts de sapins sombres, puis chaumes ocres partant à l’assaut des crêtes rocheuses, enfin, tout en haut, les premières traces de neige sur les cimes.
Pour apprécier le panorama dans toute sa splendeur, rien ne vaut la montée au Rothorn, le sommet local, avec le petit train à crémaillère, qui en une heure, et à (toute) vapeur, grimpe vaillamment les 1700 m de dénivelée. Curieux attelage : la locomotive noire est accrochée derrière les wagons rouges et les pousse. Elle siffle et halète tout le long du parcours de 7.6 km, ajoutant une petite note nostalgique au voyage. 

Par les vitres panoramiques, on profite de points de vue spectaculaires sur la ville, le lac, et les Alpes bernoises. Forêt ou prairie, tunnels ou vertigineux alpages, le décor se renouvelle tout au long de la rude pente, plus de 20% ! A mi-parcours, il faut recharger la locomotive en eau. Deux mécaniciens s’en chargent, visages noircis et souriants. A l’intérieur des wagons aussi, la bienveillance règne, un compagnonnage bon enfant se crée. Est-ce la lenteur du déplacement ? L’émerveillement devant la beauté grandiose du paysage ? Chacun s’extasie, et partage son enthousiasme avec ses voisins.

Après l’arrivée à la gare , il faut encore 20 minutes de rude grimpette zu Fuss avant d’atteindre le sommet, 2350 m. Là-haut, on atteint le sublime, quand la chaîne immaculée des 4000, Eiger, Jungfrau, Mönch, émerge, radieuse, au soleil. La vue s’étale à 360°, Pilatus, Riggi, Chasseral et autres cimes balisent le décor, on est vraiment au centre de la Suisse. Une borne triangulaire en témoigne : le Rothorn est à l'intersection des trois cantons : Bern, Luzern et Unterwald.
Grisés d'infini, de vent et de soleil, il ne reste qu'à faire honneur aux rösti du Rothorn Kulm Restaurant, avant d'entreprendre la descente.

mardi 6 octobre 2015

Les arbres de légende

La luminosité d'automne était exceptionnelle, le panorama s'étirait du Ventoux à Sainte-Victoire, de Sainte-Baume au Lubéron et même jusqu'au Dévoluy. Les champs moissonnés de lavande ou de blé dur s'étendaient à l'infini, sous un ciel bleu pur, juste ponctués par quelques mas isolés, construits en galets, blottis à l'ombre d'un arbre séculaire. Quelques pigeonniers, à l'architecture codifiée, rompaient l'horizontalité : double toiture, exposition sud, petites ouvertures pour filtrer les prédateurs, alignement de boulins à l'intérieur, carreaux de faïence pour décourager les rongeurs d'y grimper. Mais pourquoi toutes ces attentions envers les pigeons ? A quoi servaient-ils ? De nourriture parfois, mais c'était surtout leur guano qui importait, car il fertilisait les champs.

Les arbres emblématiques de Provence, c'était le thème de notre randonnée sur le plateau de Valensole. L'olivier et le figuier, appréciés, productifs et entretenus. Les mûriers aux formes noueuses, maintenant abandonnés, autrefois indispensables car leurs feuilles servaient à nourrir les vers à soie, quand les paysans arrondissaient leurs fins de mois avec l'élevage et la vente des cocons, du XVIIIè siècle jusqu'à la seconde guerre mondiale.
Les amandiers, venus d'Iran comme leurs cousins les pêchers, plus de cent vingt mille sur la simple commune de Valensole dans les années 1950, assuraient la production d'amandes pour toute la France, consommées naturelles ou transformées par les confiseurs locaux, en nougat, calissons, croquants... Ils sont rares maintenant, les amandes viennent de Californie, et les amandiers, dont la floraison immaculée marquait la fin de l'hiver, ont été abattus car ils gênaient la mécanisation des cultures.
A l'opposé des chênes truffiers, de plus en plus nombreux sur ce terroir rocheux et ensoleillé. Un investissement d'avenir, car il faut attendre au moins dix ans, avant d'obtenir, peut-être, une première truffe.
Présents dans chaque ferme : noyer et tilleul. Un apport nutritif, commercial, et une tradition familiale : quand naissait un garçon, on plantait un noyer, les noix sont précieuses en hiver et le bois servirait un jour à faire les meubles nécessaires à l'établissement d'un homme. Pour une fille, on plantait un tilleul, la récolte du tilleul, c'était l'argent des femmes, celui qui permettrait de faire face aux dépenses imprévues. Les anciens préparaient ainsi l'avenir, en renouvelant les plantations.

Tout cela, notre accompagnatrice le raconte de sa voix douce, avec son accent chantant. Elle est l'incarnation de la nature provençale, généreuse, riante et passionnée. Avec elle chaque balade est à la fois botanique, culturelle et gourmande. Avant de nous quitter, elle sort de son sac le sirop de lavande ou le nougat noir, pour nous initier aux saveurs d'antan... Que du bonheur !

lundi 28 septembre 2015

Chronique littéraire : Les brumes de l'apparence, de Frédérique Deghelt

Entre intrigue psychologique et aventure fantastique, ce livre bouleverse les certitudes, pulvérise le rationnel, met à mal les préjugés. Impossible de le lâcher avant de savoir jusqu’où une vie banale peut basculer.

Gabrielle, Parisienne à qui tout réussit, hérite d’une forêt, le Bois des sorciers, en pleine campagne profonde. Alors qu’elle part régler cette affaire, c'est-à-dire s’en débarrasser au plus vite, elle se trouve confrontée à une partie de l’histoire familiale qu’elle ignorait : le don de médium. Pire : elle en est porteuse.
Elle renie immédiatement cette hérédité, pourtant les circonstances l’obligent à évoluer. Dans cette campagne au rythme si différent de Paris, elle réalise qu’elle entretient réellement une relation particulière avec l’au-delà. Ses certitudes s’envolent, son angoisse monte, sa vie passée éclate en morceaux. Et le lecteur s’interroge : où est la réalité, où commence la fiction?

Mais de réponse rationnelle, il n’y a pas. F. Deghelt distille le mystère avec maestria, à travers une intrigue palpitante qu’on ne peut lâcher. Son personnage est parfaitement crédible dans son évolution, il nous ressemble avec nos interrogations, nos refus, nos peurs. Malgré de longues digressions, impossible de fournir des preuves tangibles, de convaincre. Juste faire vaciller nos croyances. Et nous remettre en question.

Frédérique Deghelt est romancière, journaliste, scénariste. Elle vit à Paris.
Ce roman profond et perturbant est maintenant disponible en poche chez Babel.

Chronique publiée dans le JTT.

mercredi 23 septembre 2015

La cueillette des plantes aromatiques

En Haute Provence, le climat qui s'étage de méditerranéen à montagnard favorise la présence d'un patrimoine naturel varié et abondant. De tous temps, on y a cueilli les simples, pour se nourrir, se soigner, fabriquer cordages et paniers... Aujourd'hui, les professionnels continuent d'exploiter la nature en vue de commercialiser huiles essentielles, tisanes et autres produits. Mais ils ne sont pas seuls : Les Provençaux, familiers d'une nature prodigue et respectueux du savoir-faire ancestral, perpétuent la tradition en cueillant les plantes aromatiques et médicinales pour leur consommation personnelle. Ils partagent volontiers leurs connaissances avec les visiteurs. C'est ainsi que dans les sous-bois de Gréoux, on peut faire provision de thym et romarin, de sarriette et lavande, de marjolaine et pimprenelle. Mais pas seulement !

Au début de l'automne les baies, rouges, noires, bleues, orangées, prolifèrent, il faut savoir les reconnaître, car toutes ne sont pas comestibles. Baies de genièvre fortes en bouche, prunelles sauvages et baies d'aubépine, amères, sureau à consommer cuit, en sirop, en confiture. Attention aux fruits toxiques qui leur ressemblent, baies du troène, de la viorne et du cornouiller sanguin, qui peuvent provoquer des maux de ventre plus ou moins graves.
La sécheresse de l'été a malmené les ressources. Les mûres sont rabougries. Ne subsistent des légumes de printemps, asperges, carottes et fenouil sauvages, que des filaments ligneux. Mais on peut encore réaliser des salades originales avec pourpier, roquette, pissenlits et autres chicorées.

La médecine naturelle prône la santé par les plantes, qui sont à l'origine des principes chimiques de la pharmacopée. Mais pas d'angélisme ! Pour se soigner ainsi, il faut bien les connaître, un produit peut guérir ou tuer, suivant le dosage. Les rebouteux des siècles passés, accusés de sorcellerie, en ont souvent fait les frais.
Soyons réalistes : En cas de morsure de serpent, rien ne vaut le centre anti-poison, le frêne et la vipérine restent impuissants. Quant aux champignons, comestibles, vénéneux ou hallucinogènes, ne vous trompez pas !

vendredi 18 septembre 2015

La vie secrète des figues

Avez-vous déjà vu un figuier en fleur ? Non? C'est normal, puisque les fleurs du figuier sont invisibles, elles tapissent l'intérieur du fruit. Ouvrez-en un, vous identifierez les filaments végétaux. Une étrangeté botanique plutôt complexe à expliquer. Disons pour simplifier que la figue n'est pas un fruit, c'est plutôt le réceptacle de fleurs minuscules. Après fécondation, elles produisent l'équivalent d'un pépin, qui en grossissant devient le fruit. Tout se passe à l'intérieur.
Pour se reproduire, la figue a besoin de la présence d'une sorte de petite guêpe, le blastophage, qui entre par un trou minuscule. Échange de bons procédés : Le blastophage, lui, a aussi besoin de la figue pour se reproduire. La femelle blastophage, préalablement fécondée, entre dans la figue et y pond ses oeufs. Après éclosion les nouveaux blastophages ressortent de la figue chargés du pollen des fleurs internes, puis, en pénétrant dans d'autres figues, le déposent sur le pistil, assurant ainsi la fécondation.

La figue, blanche ou violette, est un fruit onctueux, succulent, riche en vitamines et minéraux, c'est un trésor de santé. Allons plus loin : La figue ne serait-elle pas le fruit défendu de la Bible ? Dans l'imagerie populaire, c'est la pomme, cueillie par Adam et Eve sur l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Pourtant, nulle mention de pommier dans la végétation traditionnelle du Moyen-Orient. Est-ce une confusion de sens entre le terme latin "malum", désignant l'arbre de la connaissance, et le "malus", une variété de pommier ? La figue semble plus légitime, d'autant qu'Adam et Eve ont couvert leur nudité, après leur forfait, de feuilles de figuier. Pratique et sur place !

La figue est à l'origine de nombreuses expressions, la plus connue est mi-figue, mi-raisin. En voici une explication : jadis, les marchands de Corinthe mélangeaient leurs précieux raisins avec des morceaux de figues séchées. Leurs acheteurs Vénitiens, pris entre gourmandise et mécontentement, arboraient alors une mine ambigüe, mi-figue, mi-raisin.
Impossible de passer sous silence la connotation sexuelle du mot figue, utilisé aussi bien pour désigner le sexe féminin que les testicules. Il faut dire qu'il s'en passe de belles à l'intérieur d'une figue : c'est là que les nouveaux-nés blastophages se fécondent entre eux !

Pour en savoir plus sur la reproduction des figues et des blastophages, consultez le site internet ou les publications scientifiques édités par "Les écologistes de l'Euzière".

Article publié dans le JTT.

dimanche 13 septembre 2015

La p'tite balade des curistes

Moustiers-Sainte-Marie est un des plus beaux villages de France, un site spectaculaire du Parc du Verdon, connu pour ses faïences délicates. Pas étonnant que la balade intitulée "Les hauteurs de Moustiers, découverte du village et du milieu naturel, retour en lacets par la voie romaine" ait attiré nombre d'amateurs en cette chaude après-midi de septembre.
Tous bien chaussés, sac à dos, équipés de bâtons. On pourrait croire à un groupe de marcheurs confirmés, sexagénaires à la forme olympique. Certains, peut-être le sont : les conjoints, les touristes, mais le gros de la troupe ? Des curistes. En plus de leur sac, ils portent rhumatismes, arthrose, prothèses de hanches ou de genoux, vertèbres fêlées et asthme, problèmes cardiaques, diabète et j'en passe. L'animateur est un spécialiste de la faune et la flore locales. Quid d'un groupe humain hétérogène ?

Départ du parking, en bas du village, panorama splendide. La falaise paraît inaccessible, certains s'inquiètent. Pas de problème, on va la contourner par la gauche ! Longue montée à travers les terrasses jardinées, les murailles de la ville, la porte ouest, le pont génois, puis à flanc de coteau dans les oliveraies. Nombreux arrêts, le guide précise les espèces végétales : genévriers commun (dégustation de baies, c'est bon pour la santé) et genévrier de Phénicie, buis, chêne vert, amélanchier, cornouiller et, plus haut, pin d'Autriche et pin sylvestre. Senteurs de thym, de lavande, de sarriette, les dames font la cueillette. Le groupe arrive tant bien que mal au sommet, certains suant, soufflant, joues en feu. Une pause-goûter sur le plateau, annonce le guide. Où çà, un plateau ? A l'infini, s'étend une garrigue pierreuse et tourmentée, ponctuée de cairns et de trous de sorcière asséchés, qu'il faudra traverser.

Le guide signale les nids de chenilles processionnaires, un vol de grands corbeaux dans le ciel, deux chamois qui batifolent, il sait tout de leurs caractéristiques, leurs amours, leur résistance. Mais ne s'inquiète pas de celle des curistes, presque à bout de force. C'est un passionné de nature, pas un garde-malades, il les ignore. Une bonne tactique, car ses remarques sur les formations karstiques, calcaire, tuf, argile ... distraient les esprits. Le temps passe, une agréable fraîcheur se fait sentir, puis des nuages noirs apparaissent. Pas de souci, ce sont les nuages du soir !
Au carrefour de la voie romaine, quand surgit la vallée du Verdon au soleil couchant, le guide s'étonne. Si tard, déjà ? Pour arriver avant la nuit, il doit raccourcir le retour, et engage le groupe dans le vertigineux éboulis qui conduit directement au-dessus du promontoire de la chapelle Notre Dame de Beauvoir.

Un vrai couloir d'escalade. Si les rochers ne sont pas glissants, les gravillons roulent sous le pied. L'entraide entre randonneurs permet d'éviter le pire. Personne ne bronche. Les curistes progressent lentement, ils ont du mal à plier leurs genoux, à placer les pieds sur les aspérités, à passer les escarpement étroits sur les fesses. Mais que faire à part avancer ? Si la Sécurité sociale les voyait ... Privés de cure, les Pieds Nickelés !
Au loin, le soleil embrase les falaises, le village s'illumine à leurs pieds, le spectacle est grandiose. Ils passent sous l'étoile emblématique de Moustiers en songeant à l'ex-voto qu'il pourraient offrir ... s'ils s'en sortent.
C'est dans la nuit qu'ils arrivent en bas, épuisés, soulagés, étonnés de leur prouesse. Les ateliers de faïence sont fermés, mais il y a du réseau, les smartphones crépitent : 650 m de dénivelé, annonce l'un, 4 h de rando, dit l'autre, 8,5 km proclame un troisième. Dire qu'on était partis pour une p'tite balade ! 3450 calories consommées, conclut le plus maigre de la troupe. De quoi envisager un repas roboratif pour se remettre des émotions.
Mais demain, aux Thermes, courbatures et plaintes seront au programme : Quel inconscient, ce guide !


lundi 7 septembre 2015

Chronique littéraire : En finir avec Eddy Bellegueule, de Edouard Louis

Découvrir sa différence sexuelle, essayer de la gommer parce qu’on est dans un milieu qui ne la tolère pas, c’est un sujet qui reste d'actualité. L'originalité de ce récit bouleversant vient de la description du milieu, un milieu rude, peu évoqué en littérature : la France du bas, le quart monde, version picarde. Chômage, alcoolisme, racisme, homophobie, les réactions y sont primaires, le vocabulaire grossier, on ne mâche pas ses mots face à la différence. A l'opposé de la bien-pensance convenue ou de l'hypocrisie.

Eddy est un garçon de dix ans, efféminé, qui se sent étrangement décalé dans son monde de brutes, où cogner est la règle. Ses parents veulent l’endurcir, pour qu’il ressemble aux autres garçons, qui boivent, baisent, triment et se battent. C’est leur forme d’amour. Eddy fait tout pour y arriver, sort avec des filles, joue au foot, mais ses efforts ne contribuent qu’à augmenter ses souffrances, sa culpabilité, il ne réussit pas à devenir celui qu’on souhaite qu’il soit. Il ne lui reste qu’une échappatoire, étudier, pour fuir son milieu.

Edouard Louis raconte ici en mots simples son propre itinéraire. Né en 1992, en Picardie profonde, isolé, incompris, rejeté, grâce à des études brillantes il a pu changer de vie, et même changer de nom. Normalien diplômé en sociologie, il a obtenu en 2014 le prix Guénin contre l’homophobie pour son roman. Sans toutefois échapper à la polémique ! 

En finir avec Eddy Bellegueule est maintenant disponible en poche chez Points.

Chronique publiée dans le JTT.

lundi 31 août 2015

Expo Milano 2015

Les expositions universelles sont le reflet de leur époque. De celle de Paris en 1889, il nous reste la Tour Eiffel, édifiée pour fêter le centenaire de la Révolution. A Milan cette année, un assaut de créativité architecturale se déploie autour d’une préoccupation majeure : nourrir la planète. Parcourir les 110 hectares de l’expo est donc un régal pour les yeux et les papilles.

Les pavillons rivalisent d’extravagance par leurs formes, couleurs, matériaux. Conteneurs bariolés de Monaco protégeant la vie sous-marine, voiles dressées du Koweït sur dunes  de sable, pont de singe amazonien pour accéder au Brésil, mur de barils de saké devant le Japon, piliers de bambous du Viet-Nam, rideaux de perles multicolores d’Equateur, le spectacle est partout.
Dans chaque pavillon, la nourriture locale est à l’honneur. Grenades d’Iran, raviolis chinois, sushis, nems, kebab, hamburgers, café colombien, chocolat, épices  … et bien sûr Eataly. La France s’en sort bien, avec un élégant pavillon en bois franc-comtois, au plafond ondulé garni de casiers d’où surgissent toutes sortes de victuailles. Bonus : l’odeur de pain chaud qui flotte à l’entrée.
Tous les sens sont sollicités, jardins d’aromates, goût des épices dans lesquels on peut puiser librement, mélodies populaires ou tambours lancinants, jeux d’eau et de lumière autour de l’arbre de vie.

Le point commun à tous les participants, symbole de l'époque, c'est la profusion d'images virtuelles : Diaporamas d’agriculture traditionnelle en Turquie, tables interactives et jeux vidéo du pavillon US, forêt d’écrans chinoise, images défilantes en Iran, œilletons pour observer les méduses à Monaco ou les ours en Estonie. La France propose des exposés didactiques sur les différents acteurs de l’agroalimentaire. Mais à part quelques initiatives de partage avec les plus pauvres, le manque de propositions novatrices pour nourrir la planète fait défaut.

Certains pays n’ont même pas respecté le thème. Pour eux l’expo est l’occasion de faire leur promotion. Il est amusant d’ailleurs de voir comment se représentent les régimes durs : La Chine a construit le plus grand pavillon, entouré d’une multitude d’œillets jaunes, et le président Xi Jinping accueille les visiteurs par un discours de bienvenue enregistré sur grand écran. Au Turkménistan, la photo en pied du dictateur trône à l’entrée, précédant une grande carte des ressources du pays en gaz et pétrole ! Un immense miroir tremblé, comme une steppe glaciaire, avale les visiteurs de la Russie, dirigés ensuite par des beautés évanescentes en talons vertigineux, entre gerbes de céréales et tableau de Mendeleïev, jusqu’à la boutique où on vend des tee-shirts à l'effigie de Poutine.

 A Milan, avec 130 pays participants, 20 millions de visiteurs, on ne peut voir en une journée qu’une partie des pavillons, tant les files d’attente s’allongent. Mais il faut saluer une logistique réussie. Trains, métros, bus, parkings donnent directement sur le site, le personnel d’accueil est vigilant et sympathique, les guichets nombreux. Tout le long du decumano, l’artère principale protégée du soleil par un système de voiles à la romaine, on trouve toilettes, wifi, chaises-longues, brumisateurs et petite restauration… On peut s’y reposer, s’y sustenter, assister à un spectacle, une parade.

Il reste moins de deux mois pour visiter cette immense vitrine du monde, d’une richesse et d’une diversité inouïes. Profitez de la proximité, car c’est à Astana au Kazakhstan, puis à Dubaï, qu’auront lieu les prochaines expositions universelles !

Article publié dans le JTT.