vendredi 30 septembre 2016

Château La Coste : Grandiose rencontre entre art et viticulture

Pour arriver au domaine, il faut s'enfoncer dans les collines de Provence, à travers pinèdes et olivettes, à une trentaine de kilomètres d'Aix. Dans un paysage bucolique, loin de toute nuisance, le Château La Coste cache ses trésors au milieu d' un vallon ensoleillé, planté de vignes. Ce domaine est à la fois une exploitation viticole et un musée en plein air, qui rassemble une prestigieuse collection d'architecture.


A l'origine, simplement centré sur la production de vin, le Château La Coste a été racheté par un richissime homme d'affaires irlandais, qui l'a transformé en lieu d'exposition d'art contemporain. Les plus grandes signatures s'y côtoient : Une araignée géante de Louise Bourgeois posée sur l'eau, un mobile de Calder tournant au vent, chaque œuvre a été choisie en fonction de sa place dans l'environnement. Et les artistes font assaut d'imagination : jeux de cubes de Sean Scully, ponts en ardoise traversant les ruisseaux (Donegal, de Larry Neufeld), soucoupe volante irréelle (Drop, de Tom Shannon) posée dans la pelouse...
Jean Nouvel a signé la rutilante cuverie nouvelle génération, inaugurée aux vendanges 2008, où le vin est préparé selon les principes de biodynamie. Dans le pavillon de musique de Franck Gehry, des concerts sont donnés pendant l'été. Le centre d'art, un triangle de béton et de verre bordé de plans d'eau, est l'œuvre de l'architecte japonais Tadao Ando. On y trouve librairie, restaurant, et accueil des visiteurs désirant faire la promenade guidée « art et architecture ». A côté des bâtiments agricoles anciens, une galerie d'exposition de J.M. Wilmotte, un pavillon de Jean Prouvé. Même le potager, qui approvisionne le restaurant, est une œuvre d'art, déclinée en neuf jardins-tableaux, conçus par le paysagiste Louis Benech.

La collection d'art contemporain s'enrichit chaque année d’œuvres réalisées par les artistes majeurs de notre époque. Un somptueux hôtel destiné à la clientèle internationale a été créé, alignant une série de suites avec piscines privées ouvertes sur le paysage de vignes ponctuées de cyprès. La vie de Château pour les people.
Pour le commun des mortels, investir 15 € de visite se justifie, tant la promenade à travers les 153 hectares de ce parc-musée est exceptionnelle. Et on peut terminer par la dégustation des vins blancs, rosés et rouges du Château La Coste, qui elle est gratuite. « Le vin est une sculpture », la devise inscrite au fronton du caveau, souligne parfaitement le mariage célébré en ces lieux de l'art et la viticulture.

http://chateau-la-coste.com/

Article publié dans le JTT du jeudi 29 septembre.

jeudi 22 septembre 2016

Plein gaz sur le Rhône

Encore une proposition pour rester en mode vacances : la virée sur le Rhône dans le superbe hors-bord du Capitaine Jimmy. L'Apache est un luxueux modèle Flyer de Jeanneau-Bénéteau, conçu pour affronter la haute mer, avec deux moteurs de 370 CV, ça déménage.

Démarrage en douceur du quai Farconnet, le temps d'apprécier la vue sur le château, et la statue de Marc Seguin émergeant au dessus des platanes. Puis Jimmy met les gaz, direction Gervans et son écluse. Dans une gerbe d'écume, on passe très vite vers la table du Roy. Les rives du Rhône verdoyantes défilent à toute allure, à peine le temps d'apercevoir un pêcheur et quelques baigneurs du côté du vieux bras du Rhône. Et nous nous voilà devant l'écluse. de Gervans. La manœuvre est entièrement guidée par radio et télécommandée. Il n'y a plus d'éclusier sur le site, mais partout des caméras, gérées depuis Chateauneuf-du-Rhône. Attention aux consignes de sécurité ! Gilets de secours enfilés et position assise sont obligatoires, sinon le feu ne passe pas au vert.

La porte métallique s'ouvre, le bateau s'avance dans un long chenal de 195m de long sur 12m de large. Pour l'Apache et ses12m de long, c'est confortable. Pour les péniches et bateaux de croisière, ça se joue parfois au centimètre, et la manœuvre peut être longue. Devant, une autre porte métallique. Jimmy fait participer les touristes, il faut jeter les flotteurs (afin de ne pas heurter le bord) et lancer les cordages. Derrière le bateau, les portes se ferment dans un grincement puissant. Puis l'eau commence à monter dans le chenal, et le bateau monte avec. Une graduation sur le mur indique le niveau final : 118m au-dessus de la mer. Une fois ce niveau atteint, les portes avant s'ouvrent, et le bateau peut s'engager vers la sortie. Même manœuvre au retour, la CNR souhaite aux passagers un bon voyage en trois langues.

Jimmy est un capitaine au long cours, dont le discours truculent anime la promenade. Depuis son QG du port de l’Épervière à Valence, il a conduit pendant plus de vingt ans de grands bateaux de 75 passagers, pour toutes sortes de croisières. Maintenant son activité principale est la formation aux différents permis bateau, ainsi que des promenades sur le Rhône sur son bolide avec une douzaine de passagers. Entreprises, particuliers, fêtes de famille, il organise aussi des croisières-repas à la carte.

Tarif promenade : à partir de 30€. Renseignements et réservations au 06 85 08 44 26
ou bateauecolejimmy@free.fr

Article publié dans le JTT du jeudi 8 septembre.

dimanche 18 septembre 2016

Chronique littéraire : Manderley for ever, de Tatiana de Rosnay

Passionnée dès l’enfance par la lecture des oeuvres de Daphné du Maurier, Tatiana de Rosnay propose dans ce magnifique récit une biographie approfondie de la romancière. De sa plume imaginative et sensible, elle recrée l’univers romanesque de Daphné, tout en analysant les difficultés de sa vie tourmentée.

Daphné est née sous une bonne étoile, petite fille riche et gâtée par son père, issue d’une lignée d’artistes et d’aristocrates anglais, elle bénéficie, ainsi que ses sœurs, d’une éducation ouverte sur le monde et sur l’art. Son imagination fertile, son esprit rebelle, son regard critique sur la société, la conduisent à repousser toutes les limites du conventionnel. Et à rechercher une forme d’expression adaptée à son âme tourmentée : l’écriture de nouvelles sombres et provocantes.
Née en 1907, Daphné part à 18 ans parfaire son éducation à Paris, où elle fait une rencontre décisive : Fernande, premier grand amour, qui lui apprend aussi l’exigence littéraire. A 23 ans, son premier roman, Rebecca, la transforme en écrivain à succès. Préférant la solitude aux mondanités, elle s’installe en Cornouailles, où elle conjugue l'écriture avec une vie de famille traditionnelle, mariée à un officier britannique passionné de voile comme elle, et l'éducation de leurs trois enfants. En découvrant Menabilly, rebaptisé Manderley, un manoir battu par les vents sur la côte, elle trouve le lieu d’écriture qui va nourrir toute son œuvre.

Tatiana de Rosnay ne raconte pas seulement la vie tumultueuse d’une héroïne de roman, dans un vingtième siècle secoué de crises, mais elle développe avec finesse l’ambigüité d’une femme, et la gestation de l’écriture. Comment la vie et le travail de l’écrivain s’entremêlent, se nourrissent mutuellement. Un récit profond et passionnant, mené de main de maître par une romancière que Daphné du Maurier, décédée en 1989, aurait certainement adoubée.

Manderley for ever est maintenant disponible en Livre de poche.

Chronique publiée dans le JTT.

mercredi 14 septembre 2016

Le petit train des vignes

Profitez d'une agréable balade dans le vignoble de l'Hermitage ! Il suffit de se présenter quai Defer, près de l'église de Tain. Le petit train des vignes et son conducteur, Monsieur Tabuteau, embarquent à leur bord tous les curieux et amoureux du site. Les enfants bien sûr, mais aussi ceux qui n'ont pas l'occasion ou l'énergie de grimper à pied dans la colline de l'Hermitage.

Le circuit bien étudié permet d'abord de faire un tour de ville en contournant les aléas de la circulation. Un commentaire pertinent accompagne le passage devant les points d'intérêt historique et les célèbres entreprises locales. Puis la montée s'amorce le long de la route des vins. Entre les ondulations des vignes, les murs de galets, la vue se déploie sur la vallée du Rhône, avec au loin le Vercors et les Cévennes. Quand le mistral dégage le ciel, la perspective est prodigieuse. Plus haut, le petit train s'engage entre les vignes. Sur le territoire de Crozes, il quitte la civilisation urbaine, chemine au milieu des fermes et des abricotiers. Un dépaysement total. Puis au débouché de la crête, retour dans les vignes avec un panorama à 360°. L'immersion dans la nature, grâce aux wagons ouverts, est réel. Une sensation de liberté, de paix, de proximité, qui enchante les promeneurs autant que la vue sublime. Chacun a le temps de prendre des photos. Certaines fois, une dégustation est même organisée dans ce paysage bucolique par Fabien Louis, clin d'oeil à la devise locale : "A bon train bon vin !"

Monsieur Tabuteau n'en est pas à son coup d'essai. Dans ses petits trains, il a promené les touristes à Tours, à Autun, et tous les enfants de la région pendant plus de vingt ans au Parc Jouvet de Valence. A Tain, il connaît tout le monde, tout le monde le salue. Un personnage sympathique qui dynamise l'offre touristique, et offre aussi un service de proximité. Pour 6€, ne ratez pas la balade dans le coteau de l'Hermitage. Un documentaire à vivre en plein air, séance à toute heure, le film est français, en Technicolor, version 3D. Mieux qu'au cinéma, l'ambiance est conviviale : le petit train mérite une palme !

Renseignements à l'office du tourisme, ou directement au petit train des vignes : 06 75 59 80 16.

Article publié dans le JTT du jeudi 8 septembre.

samedi 10 septembre 2016

Les vautours du Verdon

Randonnée nature dans les hautes gorges du Verdon. Le mythique sentier Martel n'étant pas à notre portée, notre objectif est plus modeste : le paisible chemin des pêcheurs, tout au fond du canyon, au bord de l'eau. Pour y parvenir, il faut quand même dégringoler près de 300 m, sur un sentier abrupt et caillouteux, et sous un soleil de plomb.

Du col de l'Olivier où nous sommes garés, la vue est impressionnante sur les hautes falaises, que les vautours survolent en spirale. Notre guide explique. Le Vautour fauve, à l'envergure imposante d'environ 2,5 mètres, au bec recourbé, aux serres acérées, n'est pas le prédateur terrifiant qu'on imagine. Malgré sa taille c’est un oiseau incapable de capturer une proie vivante. Son poids (8 à 10 kg) ne lui permet pas de se déplacer en vol battu très longtemps. C'est un oiseau planeur qui se laisse porter par les mouvements d’air pour s’élever sans effort à plusieurs centaines de mètres au-dessus du relief ou parcourir de grandes distances. Quand il a mangé un dixième de son poids, il ne peut plus s'envoler ! C'est ainsi qu'il a été éliminé de Provence il y a un siècle.

Depuis 1999 les vautours ont été réintroduits dans les hautes falaises des gorges du Verdon, à cause de leur rôle essentiel dans la chaîne alimentaire. Ces rapaces nécrophages sont les éboueurs de la nature. Ils consomment les charognes et éliminent bactéries et virus. Limitent la propagation des maladies, les sources de pollution et protègent les nappes phréatiques dans les massifs calcaires perméables. Ces géants des airs, au long col duveteux, au plumage fauve ourlé de noir et à la collerette blanche vivent désormais en colonie sur les falaises de Barbin.

Revenons à nos chamois. La descente dans les gorges offre de belles sensations. Les couleurs éclatantes, ciel bleu, Verdon émeraude, caché tout au fond entre rochers blancs et buissons sombres piquetés des premières nuances automnales. Les odeurs de thym, de sarriette, de cade, de buis, dont on fait les boules cloutées. Le chant des oiseaux, des grillons, des cigales. Le Verdon, qui d'en haut semblait un filet d'eau paisible se révèle un torrent puissant, aux remous violents. On ne le voit pas, mais on l'entend rugir entre les rochers, puis on sent la fraîcheur qu'il dégage.

Enfin, voilà le sentier des pêcheurs. Le lit du Verdon s'élargit, quelques bancs de galets le freinent, ménageant des coins de baignade, mais il faut être courageux et vigilant, car il est glacé et le courant est fort.
Un bain de pieds revigorant, un solide pique-nique et une pause à l'ombre permettent d'affronter la remontée. D'abord le long des fantastiques cascades de tuf, sèches en cette saison, en passant par les vertes terrasses de Saint-Maurin, où s'ébattent les papillons, puis jusqu'à la route des crêtes. Les vautours continuent de planer infatigablement au-dessus des falaises. Nous rêvons d'un courant ascensionnel pour humains...



lundi 5 septembre 2016

Parcours nocturne à Notre-Dame-du-Haut

La chapelle de Ronchamp (70) célèbre avec enthousiasme la nomination de l’œuvre de Le Corbusier au Patrimoine de l'Unesco. Mais les bénévoles de l'Association Œuvre Notre-Dame du Haut n'ont pas attendu cette reconnaissance glorieuse pour multiplier les actions en sa faveur.
L'histoire de la Chapelle est longue, il a fallu beaucoup de patience et d'énergie pour que, des ruines de l'ancienne chapelle édifiée sur le mont, naisse un ensemble bâti remarquable, témoin de son époque. Le Corbusier a magnifié le site à travers une construction de béton révolutionnaire, plus tard Jean Prouvé lui a ajouté la présence musicale du carillon, enfin Renzo Piano a confirmé la permanence spirituelle en intégrant le discret couvent des Clarisses en contrebas. Le paysagiste Michel Corajoud a harmonisé le tout dans un environnement végétal sobre, avec le souci de la pérennité et du recueillement.

Quatre architectes pour la construction. Quatre piliers qui constituent la raison d'être de la colline : architecture, spiritualité, musique, et transmission. Et quatre horizons, qu'on domine par temps clair, qui ont donné leur nom au Festival de musique éponyme, organisé la première semaine d'août à Ronchamp. Chaque année, la violoniste de renommée mondiale Marianne Piketty réunit autour d'elle dix jeunes virtuoses parmi ses élèves. Invités à jouer ensemble, à créer des œuvres inédites, à les offrir aux spectateurs, dans ce cadre exceptionnel. P. et M.-C. Vincent, responsables de l'association M4H, se chargent de l'organisation matérielle. L'hébergement est assuré au couvent des Clarisses, une ambiance propice au travail et à l'élévation spirituelle, l'occasion d'une rencontre entre deux mondes d’exigence.

Cette année, le Festival, outre les habituels concerts, conférences, et visites, a proposé au public des parcours nocturnes poétiques et musicaux. Une autre façon d'apprécier l'architecture, dans une déambulation nocturne, magnifiée par la mise en lumière. Les interprétations des jeunes virtuoses, postés en des endroits stratégiques étaient sublimes : Bach, Dvorak, Mozart, Rossini. Violons, altos, violoncelles, contrebasse se distinguaient, se répondaient, se mêlaient, dans les différents lieux ouverts au public, mettant en valeur un angle, une couleur, un jeu d'ombres ...
En contrepoint, les textes poétiques de Soeur Marie-Claire, déclamés avec conviction par Pascal Froment, évoquaient un cheminement spirituel mais ancré dans la réalité : le parcours semé d'embûches des Clarisses, entre le départ de leur couvent de Besançon et l'installation dans le havre de paix construit par Renzo Piano.
Des soirées d'intense communion fraternelle, sous la protection des quatre piliers de la Colline.