mardi 31 juillet 2012

Au Ratou, t'as tout!


Retour d’un trek dans le Haut Jura, avec Gym+ et Cie, sous la houlette de nos deux sympathiques accompagnateurs, Eric et Olivier.
Je ne vous raconterai pas le détail des randonnées superbes, vallée de la Valserine ou Balcon du Léman, ascension du Crêt de la Neige (1720m) et de ses concurrents le Reculet (1719m), et le Colomby de Gex,  ou descente infernale en direction du Chapeau de Gendarme.
Je ne décrirai pas non plus les participants, volubiles ou silencieux, râleurs ou railleurs, infatigables ou contemplatifs, les couples qui se bécotent ou se chipotent, les solitaires en quête de calme ou de partenaires de belote, les amateurs d’espéranto ou de desperados.

J’aimerais parler plus longuement de la faune : aigles royaux et bouquetins, papillons et lézards, escargots et gélinottes, vaches salers sur les crêtes herbeuses du Courson … De la flore aux couleurs foisonnantes: gentianes déjà rousses, campanules et centaurées bleues, potentilles et pensées jaunes, œillets mauves et blancs, épilobes roses et digitales jaunes. De l’infinie diversité des espèces, du précieux lys martagon aux marguerites et sainfoin rustiques, des minuscules joubarbes accrochées à la rocaille aux énormes chardons et cirses à la géométrie parfaite… mais les connaissances naturalistes me font défaut.

Evoquer la météo ? Facile, on a tout eu : écrasante chaleur le premier jour, ensoleillement idéal le deuxième, pluie le troisième, avec repli stratégique dans une grotte (le grizzly est resté au fond !), et fraicheur bucolique le dernier jour. Entre les thermomètres mal réglés, les altimètres qui se contredisaient, et les propos édulcorés de nos guides (« petite rando facile avec seulement 500m de dénivelé positif » = 850m de négatif à rajouter, « rando découverte des falaises » = 12h chaussures aux pieds…) on a beaucoup contesté, encore plus admiré, et finalement bien survécu.

Non, c’est du refuge que je veux parler. Le refuge CAF du Ratou, situé à 1200m, au-dessus de Lélex. On était prévenus : économisez l’eau, les réserves des citernes sont limitées. Toilettes sèches. On s’attendait donc à du rustique, de l’austérité.
Eh bien, pas du tout ! Au Ratou, t’as tout : Un accueil sympathique, une bonne cuisine régionale  le soir, poulet au comté, croziflette, bleu de Gex ou morbier, tarte au goumeau, des sandwiches et salades variés pour le pique-nique, des boissons fraîches au retour de balade. Une douche minutée, mais bienfaisante, des nuits douillettes sous une bonne couette. Et même des lectures voyageuses à disposition.

Tout cela grâce à la disponibilité et l’efficacité des deux gardiens, Charlotte et Mathias, un jeune couple écolo, qui partage l’amour de la montagne et de la nature avec les randonneurs de passage. Potager, poulailler, transport des bagages, cuisine et service, ménage et approvisionnement, ils ne manquent pas d’activités, et tiennent leur rôle avec sérieux.
J’ai beaucoup aimé leur mot de bienvenue, l’annonce solennelle des menus et de la météo, leurs efforts pour assurer à Patrick un bel anniversaire, et aussi leur simplicité à se joindre à nous, lors de conviviales soirées, arrosées au Poulsard et Crémant du Jura.

Si tu randonnes dans le Haut Jura, sans passer par le Ratou, tu rates tout !


lundi 30 juillet 2012

Chronique littéraire : D'acier, de Silvia Avallone


Chaud devant ! Un roman incandescent, comme l’acier en fusion, les hauts fourneaux qui écrasent la petite ville toscane de Piombino. Comme le soleil qui cogne dans les immeubles vétustes, et échauffe les esprits. Comme les corps en chaleur, jeunes ou adultes, aux appétits sexuels exacerbés.

C’est l’histoire de l’amitié fusionnelle entre deux filles, Anna et Francesca, quatorze ans, qui croient pouvoir échapper à une vie sinistre entre l’usine dévoreuse d’hommes et la cité miteuse. Deux beautés, l’une brune, l’autre blonde, et qui savent en jouer. Leur terrain de prédilection, c’est la plage populeuse qui borde la cité, où elles draguent les jeunes du quartier. Qui, entre combines, alcool et drogue, essaient aussi d’échapper au rouleau compresseur de la médiocrité. Et puis les événements les séparent, Anna cède au beau Mattia, tandis que Francesca vend son corps, pour tenter de fuir la misère des femmes, blessées, coincées, usées, et la loi des mâles, victimes de leurs pulsions, sexe, argent, danger.

Ce roman d’amitié, à la fois dur et lumineux, dépeint les émois et incertitudes de la jeunesse, dans un monde particulier et étouffant, au voisinage des aciéries. C’est aussi une fresque sociale documentée, au suspense maitrisé, dont le langage moderne, cru, accentue le réalisme.

Silvia Avallone est née en 1984. Avant d’étudier la philosophie à Bologne, elle a passé une partie de son enfance à Piombino, la ville industrielle qui sert de toile de fond à D’acier. Ce premier roman l’a propulsée en tête des ventes en Italie.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 26 juillet 2012.

mardi 24 juillet 2012

Une famille formidable

L’inauguration du Festival Vochora, en vallée du Rhône, s’est faite en compagnie d’un étonnant groupe de jazz : le Swing Brosse System.
Etonnant pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’une seule famille de six personnes, deux parents, deux adolescentes et deux enfants superdoués.
Brosse : BernardRachelOdensonSachaSaraEster, ils jouent du jazz manouche, bien sûr.


Etonnant encore par les performances des enfants, Sacha, 10 ans, est un guitariste virtuose, qui interprète les morceaux de Django avec une aisance que beaucoup d’adultes lui envieraient, Odenson, 12 ans, au trombone, assure des solos avec toute la faconde de son tempérament haïtien, Esther et Rachel, saxo et clarinette, savent à la fois jouer, improviser et chanter. On reste stupéfaits devant leur maestria, on en oublierait presque les parents,  Bernard à la guitare et Sara à la basse, qui ont su leur inculquer le goût de la musique, et l’envie de la pratiquer ainsi en famille.

Combien de séances de travail, de répétitions, avant d’arriver à ce niveau de prestation ? Car Swing Brosse System, bien que limité par le calendrier scolaire, revient de concerts en Chine, avant de partir pour une tournée en Italie. Eh oui, ils jouent dans la cour des grands ! Avec une complicité extraordinaire, une vraie présence sur scène, et pour notre plus grand plaisir.


vendredi 20 juillet 2012

Chronique littéraire : Le potager des malfaiteurs ayant échappé à la pendaison, de Arto Paasilinna


Le titre facétieux et la couverture donnent le ton : sous couvert d’une histoire champêtre et loufoque, voilà un polar nordique, écrit par un auteur Finlandais. Que cultive-t-on en Laponie ? En lisant ce livre, vous le saurez, même si, dans le potager en question, on rencontre surtout des mauvaises graines !

Le roman commence de façon classique, par une enquête policière dans un vaste domaine d’agriculture biologique du Grand Nord. Motif : de mystérieuses disparitions. L’inspecteur Jalmari, chargé des recherches, se fait passer pour un contrôleur bio, et s’immisce dans la vie de l’exploitation. Bien accueilli, il accepte de participer aux différents travaux, champignonnières, herbes aromatiques, séchage, transport... tout en fouinant partout.

Tout bascule quand, convaincu par les méthodes de la propriétaire, l’inspecteur accepte aussi de couvrir des choses illégales. Comme kidnapper de mauvais garçons, ou des financiers véreux, pour les rééduquer par le travail à la ferme. La tentation de faire justice soi-même est grisante… La problématique est ainsi posée avec humour : au nom de la morale et de l’efficacité, jusqu’où peut-on aller ?

Ce polar délirant est une initiation à l’agriculture biologique en milieu nordique. Mais en compagnie d’un inspecteur déjanté, et d’une horticultrice amoureuse, on ne s’ennuie pas ! Et la nature finlandaise est superbe, avec ses immenses forêts, ses étranges coutumes, et le caractère imprévisible de ses habitants.

Arto Paasilinna est né en Laponie en 1942. Bûcheron, ouvrier agricole, puis journaliste et poète, il est l'auteur d'une trentaine de livres, ainsi que de scénarios pour le cinéma et la radio finlandaise. Ce roman social burlesque est tout-à-fait représentatif de son parcours, et de son humour !


Chronique publiée dans le JTT du jeudi 19 juillet 2012.

lundi 9 juillet 2012

Chronique littéraire : Une pièce montée, de Blandine Le Callet

C’est la saison des mariages. Je vous propose un moment d’humour sur le sujet, avec ce court roman, qui se moque allègrement des fastueux préparatifs, des faux-semblants, et de tout ce qui grince derrière la grandiose mise en scène matrimoniale. Un roman tonique, cocasse, parfois cruel, ou émouvant, mais toujours réaliste, dans un style vif et actuel.

Une belle noce bourgeoise à la campagne. Tout est parfaitement organisé. Mais les masques tombent peu à peu, entre l’enfant qui vomit, les parents exaspérés, l’handicapé qu’on cache sur la photo, le prêtre amer, la copine déprimée, le dragueur impénitent, la grand-mère fragile … A chaque chapitre, un personnage laisse entrevoir ses secrets cachés. Une critique des cérémonies stéréotypées, où finalement rien ne se passe comme prévu. Mais aussi une analyse fine de la société moderne et de ses maux. Une pièce de théâtre aussi indigeste que la pièce … montée !

Blandine Le Callet, née en 1969, est maître de conférences. Une pièce montée, publié en 2006 chez Stock, a obtenu le Prix des Lecteurs du Livre de poche. En 2010, elle a publié La ballade de Lila K, Prix des Bibliothèques pour Tous. Ses prix n’ont pas pris un pli !

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 5 juillet.

mercredi 4 juillet 2012

Le Bain des Dames


C’est Sonya qui a tout organisé. Pour fêter l’anniversaire de Jacline, elle a décidé de lui faire une surprise : nous retrouver toutes les quatre, dans un endroit agréable, et prendre le temps de savourer notre amitié. Elle a précisé à chacune ses horaires de train, et le lieu de rendez-vous : à Neuchâtel,  aux Bains des Dames, un ancien établissement du 19° siècle, rénové en restaurant de charme, avec terrasse suspendue au-dessus du lac. Invité de dernière minute, comme une cerise sur le gâteau, le soleil, après deux jours de pluie ininterrompue.

La surprise fut à la hauteur, Jacline très émue de nous revoir, après plus d’un an de séparation. Et nous, ravies de lui offrir cet instant magique, inattendu et fort. Une fête, sans grandes pompes ni hauts talons. L’endroit était idyllique, la cuisine succulente, les serveuses complices. Nous avons papoté de tout et de rien pendant des heures, parfois interrompues par les sirènes des bateaux, les cris des oiseaux, le clapotis des vagues. Refait le monde, et défait les paquets…

Là, encore, Sonya nous a épatées. Ses emballages de cadeaux, elle les fignole, de petites œuvres d’art, porteuses de messages. Par exemple, la ribambelle de boutons, qu’est-ce que ça signifie ? Ouvrir et fermer ! Ouvrir son cœur, fermer la porte aux idées noires, suivre le fil, chercher l’étoile, cueillir la fleur, apprécier le sel de la vie…

Qu’il est bon d’oser convoquer le bonheur. Au Bain des Dames, le moment d’harmonie a duré quelques heures... 
Merci Sonya, Jacline, Josine.