samedi 31 mars 2012

Tous au Larzac !



Un film passionnant.

Nous avons tous entendu parler de la résistance des paysans du Larzac à l’extension du camp militaire, au début des années 1970. Puis le mouvement de « retour à la terre », la présence des hippies sur le fameux plateau, les manifestations médiatiques.
Mais ce qu’on ignore, c’est la durée de la lutte, dix ans, jusqu’en 1981, l’extraordinaire imagination qu’il a fallu déployer pour se faire entendre dans une société indifférente, par des marches, des manifs, la remise en état de friches, la réquisition des fermes en ruines…

Le film mélange agréablement les images d’époque, des documents télévisés ou militaires censurés, et l’interview, en 2011, des protagonistes survivants. Qui analysent avec justesse l’évolution de leur solidarité, nourrie de réflexion, de débats. Et nous donnent une magnifique leçon : seule la non-violence peut lutter contre la violence.

Entre l’atmosphère folklorique des années 1970, la tentative solidaire, et la réflexion a posteriori sur l’histoire de ce combat, on ne s’ennuie pas une minute, et on sort dynamisé : tout est encore possible, en 2012…

vendredi 30 mars 2012

Vol au-dessus des champs de coucous


9H45. Aérodrome de Chaux.

Pas de coucous sur la piste de décollage, mais de l’herbe bien rase. Les coucous, primevères sauvages, se cachent dans les alentours. Les seules fleurs visibles sont les forsythias éclatants et magnolias plus timides qui bordent les maisons.

Mais d’autres coucous sont là : Les avions, bien rangés dans le hangar, planeurs d’un côté, avions à moteur de l’autre. Car Eric me fait le grand jeu : visionner le plan de vol, aller chercher l’avion, vérifier huile, essence (on consomme du sans plomb 100), puis les ailes, les sondes… Enfin, je monte à bord, je m’assois dans le cockpit, j'apprécie la complexité du  tableau de bord. J’attache ceinture et casque, Eric suit la liste des manipulations, il met le moteur en marche, l’hélice tourne. On décolle, face aux Vosges. Beau jeu de lumières sur le massif, ciel bleu, quelques nuages, peu de vent.

Direction Delle, la limite sud du périmètre autorisé (30km autour de Chaux) : Je veux photographier ma maison ! Mon appareil en main, j’essaie déjà de mettre en boîte les étangs de Malsaucy, jolies taches aquatiques aux contours sinueux, puis Belfort, la gare TGV, tout va très vite. La Nationale 19, et voilà Delle. La haie de peupliers de mon ancien collège, clic clac, le stade, c’est là, et hop, c’est passé… Eric vire largement au-dessus, j’aperçois Joncherey, clic clac, mais pas JP qui me fait coucou. Attention, revoilà le stade, la maison, clic clac, j’essaie de zoomer, trop tard.

Retour vers Belfort, son château, les Résidences, le Salbert, clic clac. Puis de nouveau les Vosges. Le Ballon ? Non. Eric préfère se diriger vers Ronchamp, il y a maintenant trop de turbulences. Tiens, c’est vrai, je commence à sentir mon estomac se manifester. Il y a un sachet prévu ? Oui, dans la poche droite.
Le ban de Champagney, bleu sur vert, les Ballastières, la chapelle du Corbusier immaculée, et en dessous, le couvent de Renzo Piano, zébrant la colline. Et ton chalet, Eric : tu veux que je le prenne en photo ? Oui, j’ai défriché hier, regarde la zone en terre rouge, c’est là.

Passage au-dessus du fort de Giromagny, direction Chaux, et l’aérodrome, prairie verte, bien plane, à l’horizon. Eric se met en position, descend lentement, réduit la vitesse, et réussit un atterrissage en douceur, parfait. Totale maîtrise. Il est 10h30. Mon estomac a résisté. Merci Eric !

Dehors, je visionne mes photos, car dans l’avion, entre la luminosité, la vitesse, le casque, tout réglage est improbable.
Gagné, ma maison, je l’ai eue !

jeudi 29 mars 2012

Les Timbrés de l'orthographe


J’en suis une. Pas de ma faute, je suis tombée dedans quand j’étais petite !

Fortiche en dictée à l‘école. Puis essayant de faire celle de Bernard Pivot, à la TV, malgré les ricanements de mes enfants. Déjouer ses pièges était un régal, à la fois résolution d’énigme, friandise  ludique et arrière goût de nostalgie.
L’année dernière, quand j’ai repéré le test de sélection des Timbrés sur le journal, j’ai répondu illico. Sans m’intéresser vraiment à la suite, c’était la première édition d’un nouveau concours d’orthographe, ça me suffisait. Sur 20 000 réponses, 10 000 candidats ont été retenus pour participer aux finales régionales, dans une vingtaine de villes de France. J’étais convoquée à Colmar. Les 500 finalistes nationaux se sont retrouvés à  Paris le 18 juin 2011, j’y étais.
Philippe Delerm, parrain de la première édition, et Frédérick Gersal avaient concocté dictées et questionnaires, multiplié les pièges. A Paris, ils animaient la finale dans la superbe salle du Théâtre des Variétés. C’était la grande fête de l’orthographe ! Les gagnants ont fait moins de trois fautes, moi plus de vingt !

Cette année, j’ai recommencé le parcours. Rempli le premier questionnaire en novembre. 25 000 réponses. Convoquée aux finales régionales à Colmar, le 24 mars. Heureusement, ce n’est pas trop loin, ni trop grand. Car le plus dur pour moi, c’est de trouver les lieux, l’IUT en l’occurence, et une place pour me garer.
Après, c’est la routine : la queue à la vérification d’identité, l’entrée dans l’amphi, le discours de la Direction générale de la Poste, et le questionnaire de Frédérick Gestal, 10, 20 ou 30 points de grammaire ou vocabulaire, suivant la catégorie, cadet, junior ou adulte. De plus en plus difficiles. Enfin la dictée. Eric-Emmanuel Schmitt, parrain du concours cette année, apparaît sur l’écran géant, pour nous la présenter. Concentration.

Une dictée, il ne faut pas la lire, il faut la faire, sinon on ne se rend pas compte des difficultés. Féminin ou masculin ? Singulier ou pluriel ? Un h ou deux l ? Un accent ou pas? Les pièges sont pervers, les faux amis nombreux.
Voici le texte, essayez !


Les anges de Rio

Alors que chaque jour Rio développait davantage ses tentacules constitués de maisons marron, de toitures rouges, de volets turquoise, les enfants du bidonville avaient aménagé une scène de théâtre à ciel ouvert. Là, ils donnaient libre cours à leur imagination : ils jouaient des saynètes, chantaient à tue-­tête, s’exerçaient à la danse. Tous les dimanches à seize heures pile, ces artistes en herbe offraient une représentation qu’ils avaient rodée pendant la semaine. (fin dictée cadets)
Sur ce sol où chèvres et moutons s’étaient succédé, l’art avait désormais pris ses quartiers. Certes, ce n’était pas un repaire de talents. Quand Pablo se risquait à interpréter une chanson en américain – langue dont il n’avait nul rudiment –, on n’entendait qu’un galimatias confus, un charabia absurde où surnageaient, distincts, çà et là, les mots qu’il prenait pour du brésilien. Si Jairo fredonnait, on souffrait aussi le martyre tant il produisait de sons faux : quoique la ligne mélodique s’avérât juste, chacune des notes qu’il émettait sonnait un ou deux commas plus bas que celle de ses camarades, ce qui donnait l’impression d’un bourdon au sein du choeur. (fin dictée juniors)
Quoi qu’il en soit, leur chef, Pamela, quinze ans, avait su tirer parti de tous ces défauts et transformait les prestations ratées en numéros burlesques. – Je veux bien qu’on rie, mais pas de vous, réitérait-­elle à loisir, dressée debout sur l’estrade en ruine. Au fil des triomphes, tout le monde voulait faire partie de cette troupe hors pair. Certes, Pamela incorpora le plus de candidats possible. Mais arrivée à quatre-vingts garçons et quatre-vingt-dix filles qu’elle avait accepté d’accueillir, elle avoua ne pouvoir prendre la population tout entière. Géhenne devenue paradis, la favela exultait quelle que fût la production dominicale. Ces jeunes thaumaturges régalaient de leurs chants montant vers le ciel le public carioca qui, ne fût-­ce que le temps de la représentation, faisait fi des décombres dispersés, du chaos des ordures et des immondices pourries. Répétant pour eux et pour l’azur, les enfants se baptisèrent « La compagnie verticale ».
Eric-Emmanuel Schmitt

mercredi 28 mars 2012

J'suis snob... j'achète Vitra


Après trente ans debout dans ma cuisine, entre four et évier, ou dans une salle de classe, au mobilier rudimentaire, je passe des heures avachie devant mon ordi. A rêvasser ? Non, à travailler. Les lectures, les articles, ça se prépare.
Est-ce l’âge, ou la position ? J’ai mal au dos. Une solution pratique et rapide : m’équiper d’un fauteuil de professionnelle, pour avoir une bonne position. Un vrai fauteuil de bureau, à la place de la vieille chaise des Puces héritée des enfants. Mais oui, JP, je sais qu’elle est bien rembourrée.

On m’a indiqué un magasin spécialisé dans le mobilier de bureau haut de gamme. Parce que je le vaux bien. Difficile à trouver, discret, en deuxième ligne à l‘entrée de Belfort. Une exposition impressionnante de  chaises, fauteuils, bureaux, déco. Je regarde, aucun prix. Je teste, je m’assois partout. Certains fauteuils sont grandioses, prévus pour des big boss à l’ego surdimensionné, d’autres pourvus de multiples réglages, ma hantise. D’autres encore ont des coloris acidulés, ou des gadgets sur lesquels je m’interroge. Enfin j’en trouve un qui me plait. Sobre, sans réglage, peu encombrant, maintenant parfaitement mon dos. C’est lui. Je le veux.

J’interroge une vendeuse, elle va chercher les tarifs. Celui-là ? C’est un très beau modèle. Un fauteuil dessiné par Charles Eames, commercialisé par Vitra. Vous connaissez Vitra ?
Euh… Oui, j’ai visité leur nouveau musée à Weil am Rhein : superbe.

Donc c’est un modèle assez cher ?
Ehh, le modèle que vous regardez ? plus de 2000€… TTC.
Aïe ! Vous ne vous trompez pas d’un 0 ? Il est tout simple, ce fauteuil !
Non, c’est un modèle original. En aluminium et résille, répertorié EA 108. Fabriqué depuis 1958. Indémodable et top qualité. Garanti 30 ans par Vitra.
Et en période de soldes, on peut descendre jusqu’à combien ? 
Attendez, je vais demander à ma patronne.
Après beaucoup de palabres, la patronne accepte de descendre jusqu’à 1600. Je rentre à la maison dépitée. Dire que j’avais rencontré l’oiseau rare. Je retrouve ma chaise à 10€, moche, affaissée, vieille. Stop ! Je ne veux pas m’identifier à elle.
Un fauteuil de qualité, je le vaux bien.

Si j’essayais les annonces du Bon Coin ? Clic, clac. En Franche-Comté, rien. En France ? Des fauteuils Eames de toutes sortes, entre 1000 et 2000€. Je fais défiler, éberluée. Soudain, bingo : Le modèle du magasin, proposé par Frédéric, à Paris, au prix de 700€. J’envoie un mail. Retour photo. Impeccable, comme neuf, aucune égratignure.
Je commence à rêver. Puis à raisonner. Ma nouvelle carrière ne m’a rapporté que 2 x 15€ ce mois-ci. Un fauteuil luxueux, c’est hors de proportion.
Oui, mais depuis des années, je fonctionne avec les restes des enfants… Ce fauteuil, je le vaux bien !

Autre problème : le transport depuis Paris. Comment faire, et à quel prix ? Nombreux échanges de mails avec le vendeur. Devant les coûts de transport, je laisse tomber. Mais le poisson est ferré, Frédéric ne lâche pas. Il revient à la charge. Et propose au final de faire la moitié du chemin en voiture. Je craque.

C’était dimanche. On s’est retrouvés au péage de Pouilly en Auxois. JP a transporté l’objet, en marmonnant : Je peux te trouver le même pour 20€ à Emmaüs, moi !
A la maison, j’ai installé mon fauteuil amoureusement. Les tiroirs du bureau étaient trop bas. J’ai déménagé celui de JN à la place. Changer de bureau, un jour, à réfléchir… 
On s’est assis à tour de rôle. Plusieurs fois. C’est effectivement souple et ferme dans le dos. Et d’une beauté simplissime.
J’ai allumé l’ordi. Regardé les modèles et prix du Bon Coin pour confirmation. Rassurée. J’ai fait le bon choix.


Est-ce que la créativité augmente, quand on s'assoit sur un fauteuil de créateur ?


lundi 26 mars 2012

Hola Barcelona !

Quatre jours pour découvrir cette capitale cosmopolite, accueillante pour le touriste, propre, calme, moderne. Tout fonctionne à merveille, aérobus, métro, funiculaire. Les passants, vendeurs, serveurs, souriants, comprennent le français. Le catalan est décryptable. Pas d’agression par la pub, les klaxons ou les crachats. Détente assurée.

Tant de richesses : la vieille ville, ses dédales de ruelles sombres, ses églises et places ombragées de palmiers. Les Ramblas, ponctués de fleurs, d’oiseaux et de kiosques divers, pris d’assaut par un flot incessant de promeneurs.
La mer d’un bleu intense, le port dominé par la statue de Christophe Colomb, saluant le large. Les plages de la Barceloneta au soleil, le marché aux poissons, celui des fruits. Les bars à tapas. Et la colline de Montjuic, son fort austère, une merveilleuse vue panoramique, des jardins en cascade. Des musées à foison, art roman ou gothique, Miro ou Picasso…
 
Mais le plus spécifique, le plus extraordinaire, c’est l’omniprésence des œuvres de Gaudi dans la ville moderne. Né en 1852, Antoni Gaudi, au génie visionnaire, a révolutionné l’urbanisme et imposé sa créativité. Grâce au soutien d’un mécène inconditionnel, le Comte Güell.
Diplômé d’architecture à Barcelone en 1878, il a dessiné, réalisé, sans relâche lampadaires, immeubles, jardins, usines, églises, dans un style moderne et esthétique, l’Art Nouveau.
Ses créations sont époustouflantes. Dès ses débuts, son style s’éloigne de tout ce qui est conventionnel. Gaudi s’inspire de la nature, cyprès et palmiers, fleurs et oiseaux, fruits et graines, coquillages et œufs, pour décorer ou inventer des courbes, des lignes, des vagues qui leur ressemblent. Une géométrie ondulatoire, et un délire de couleurs.

La Pedrera est l’exemple le plus abouti des immeubles à usage d’habitation que Gaudi créait. Non seulement le plan est à la fois fonctionnel et original, avec d’immenses patios intérieurs, pour apporter le maximum de lumière, mais la décoration, ferronnerie, verre, bois, céramique, est extravagante. L’émerveillement est total en débouchant sur le toit ondulé,  où les cheminées anthropomorphes forment un jardin de sculptures en plein ciel.

En 1886, à 34 ans, Gaudi prend la direction du chantier de la Sagrada Familia, la « cathédrale des pauvres », son œuvre majeure. Il y consacrera quarante ans de sa vie, jusqu’à son décès accidentel en 1926.
J’avais visité la Sagrada Familia en 2007, l’extérieur était déjà prodigieux, les hauts clochers en forme d’épis de maïs, les deux portails, la Passion et la Nativité, d’une richesse sculpturale époustouflante, mais l’intérieur était entièrement bâché, invisible.
Aujourd’hui, entrer dans la nef terminée est un éblouissement. Une forêt de piliers-arbres soutient une frondaison de feuilles de pierres. Vitraux colorés, escaliers en colimaçons, voûtes dorées, l’ensemble est inondé de lumière. Chaque détail est une performance esthétique et technique, et renvoie à des références religieuses ou naturelles. Une imagination, une originalité et une culture hors normes.

Le contraste est d’autant plus grand, quand on découvre l’austère bureau de Gaudi, installé dans la Sagrada Familia, où il vivait pour plus de commodité. De simples instruments de géomètre, des rouleaux de papier, des crayons. Ses maquettes bricolées, hyperboles et paraboles, ses études de répartition des forces grâce à de petits sacs de plomb, ses structures en fil, inversées par miroir. Avec ces modestes modèles, son intelligence fulgurante lui permettait de visualiser l’ensemble, de maîtriser les étapes de la construction d’un chantier gigantesque entamé partout à la fois. Gaudi a fait exploser non seulement les limites de l’architecture, mais les capacités de tous les corps de métier. Ses papiers, ses calculs ont brûlé, il faut actuellement une armada d’ingénieurs, équipés des ordinateurs les plus performants, pour vaincre les difficultés techniques et poursuivre son travail.

Gaudi était un génie. Et Barcelone lui rend hommage, en s’ouvrant aux meilleurs architectes actuels, Ricardo Bofill, Jean Nouvel, Franck Gehry ...

18/19/20/21 mars 2012

vendredi 23 mars 2012

La chronique : "Le Cuisinier" de Martin Suter

Ma chronique littéraire, parue dans le  JTT  du jeudi 22 mars 2012



Aujourd’hui, je me suis régalée, avec Le cuisinier, un polar culinaire de Martin Suter.
Livre traduit de l’allemand par Olivier Mannoni.

Non, il ne s’agit pas de Marcon ou de Pic. Ni de Bocuse ou Chabran. Ce cuisinier-là vient de beaucoup plus loin : Maravan est un jeune Tamoul immigré en Suisse, à Zurich. Spécialiste en cuisine ayurvédique, expert en épices aphrodisiaques et autres raffinements orientaux.

Pour lui, ça commence mal. Obligé de jouer les laveurs de vaisselle dans un restaurant chic, malgré sa qualification, puis viré comme un malpropre, il doit sa survie à son amie Andrea, une femme décidée, qui a compris le parti à tirer de sa cuisine exceptionnelle, propre à dérider les sens de n’importe quel(le) partenaire. Mélange complexe de saveurs et senteurs, préparations sophistiquées, transformations moléculaires, Maravan est à la fois un maître de la métamorphose, et très respectueux de sa cuisine ancestrale.
A Zurich, comme partout, le pouvoir, l’argent et le sexe s’attirent. Le concept de «Love food», restauration aphrodisiaque, est un succès, qui éloigne peu à peu Maravan de ses préoccupations éthiques. Et quand les résultats dépassent les espérances, la question est de savoir s’arrêter avant le danger.

Martin Suter est un écrivain suisse, né en 1948, originaire de Zurich. Après avoir travaillé dans la publicité, il s’est tourné vers l’écriture, et a publié depuis 1991 des romans à succès, mêlant critique sociale et intrigues originales très documentées. La bourgeoisie suisse affairiste, d’une part, le communautarisme belliqueux des Tigres Tamouls d’autre part, sont ici vilipendés avec force.

La sérénité mentale de Maravan tranche avec la volonté de puissance de son entourage. Ses recettes raffinées, mélange d’esthétique et de savoir-faire, sont même précisées dans le chapitre final. Essayer ? Mais les feuilles de calioupé, graines de cardamome, et autre curcuma en poudre, ce n’est pas facile à trouver. Alors, juste saliver…

vendredi 16 mars 2012

Conférence sur l'immigration italienne dans le Nord Franche-Comté

Par Frédéric Spagnoli, professeur d'histoire à l'Université de Franche-Comté.

Vous savez comment j'ai rencontré Frédéric? Il était en maternelle avec ma fille, j'assurais un club d'initiation musicale à l'école le mercredi matin. Ce jour-là, Frédéric s'est senti mal, je l'ai ramené chez nous, puis étendu sur le banc des enfants à la cuisine. J'étais inquiète. Et soudain, j'ai vu le visage de Frédéric se transformer, subjugué par l'affiche placée au-dessus de sa tête. C'était la fresque historique d'Astrapi. Son premier rendez-vous avec l'Histoire...

Trêve de plaisanteries. Frédéric nous a fait un exposé dense et bien construit sur  l'immigration italienne, régulière et importante pendant les cent dernières années. Les fluctuations dues au besoin de main d'oeuvre, à la politique, aux guerres de 1914 et 1940. L'intégration réussie. Un détail cocasse mais édifiant : Le célèbre Astérix, si emblématique des Gaulois, est né de la plume d'Uderzo, un Romain d'origine !

Moi, j'avais entraîné des amis Suisses à la conférence, passionnés de généalogie, d'origine transalpine. J'y ai rencontré d'autres descendants d'immigrés, certains du même village que mon grand-père, dans le val Serio, province de Bergame. J'ai annoncé l'enregistrement de mon émission sur les "Bâtisseurs", l'histoire de l'entreprise de maçonnerie Peduzzi, qui passera bientôt sur RCF Besançon.
Une belle soirée enrichissante, qui s'est terminée chez nous autour de Limoncello et Gressini.

Ne manquez pas l'émission "De page en Page", en direct sur RCF Besançon, le mercredi 28 mars de 11h30 à 12h, ou en podcast.

Références: Les Bâtisseurs, Etienne Duchêne
Un siècle d'immigration dans les Vosges, Olivier Guatelli

samedi 10 mars 2012

Atelier d'écriture sur l'Italie


Nous étions huit ce samedi, autour d'une table, le soleil chauffait généreusement la médiathèque. On se serait crues en Italie... Pas difficile alors d'observer les consignes!
Pendant une matinée, nous avons bavardé et rêvé ensemble, beaucoup ri, et découvert en nous des ressources cachées : celles de l'écriture.
Voici quelques-unes de nos productions.

D’abord une présentation en acrostiche. 
Nocciole sur bruschetta
Italia et vacanze
Chianti en Murano
Olives siciliennes
Limoncello pour chanter
E la vita e bella !

Les haïkus italiens, ça existe ? Mais oui, la preuve :
Pizza, foccacia,
Spaghetti carbonara
Bon appetito!

Pour écrire vos cartes postales, vous avez le choix :
J’adore Bergamo. Tu es as de la chance d’être né ici. Se promener dans la ville haute est un vrai bonheur, chapelles baroques, galeries de peintures, ruelles médiévales… Et partout des marchands de glace et des effluves de caffè. Je pense à toi.

Je m'ennuie à Naples, j'ai peur de me promener. En arrivant sur la place de la gare, un voyou en scooter a essayé de me voler mon sac. J'ai tenu bon, mais je suis tombée. Rien de cassé, mais le moral en a pris un coup. Je me suis réfugiée dans un café, où j'attends le bateau pour Capri. Ciao. 

Les  Cadavres exquis ont toujours autant de succès...  
Et réécrire un article de presse sur le Costa Concordia, en changeant de ton, c’est bien amusant.
Euh, le Costa Concordia, c’est un gros bateau plein de vieux qui se la coulent. Le capitaine, lui, y s’la pète, toujours à draguer les meufs, au lieu de piloter. Résultat, y se prend un rocher.  Et le bateau, lui, y coule. Chance, y avait une île tout près, les vieux y z’ont pas tous crevé.

vendredi 9 mars 2012

Bologna, Italia

Obligée d'assurer en italien des courriers de formalités que JN, à la fac de Barcelone actuellement, n'a pas envoyés en temps utile quand il était à l'Alma Mater de Bologne, il y a deux mois. Maman s'il te plaît... OK!  ça me plait d'écrire en italien, et de revivre ma découverte de Bologne, en janvier.
Les souvenirs sont encore présents.

Le rouge omniprésent. Briques rouges, façades rouges, arcades rouges, une extraordinaire cohérence architecturale, une totale harmonie. Cœur de ville médiéval, palais, églises, places, rues, partout l’atmosphère italienne, douce et élégante, déclinée en un dégradé de rouges. Depuis la terrasse de San Petronio, un autre univers rouge, celui des toits, cheminées, clochetons et campaniles, encore du rouge à l’infini. Au soleil couchant, les couleurs changent, variant du rouge foncé au rose, puis à l’orangé. Embrasement de rouges.

L’opulence est visible. Nombreux palais aux cours intérieures décorées de palmiers et fontaines. Eglises rivalisant de richesses, dorures, marbres, fresques, statues. San Stefano, San Domenico, San Pietro, Santa Maria delle Vità… Voitures rutilantes. Bijouteries scintillantes. Enseignes de luxe, les grands noms de la couture italienne cohabitent avec Vuitton, Kenzo et Hermès. Passants vêtus élégamment, à l’italienne, somptueuse fourrure et sac griffé pour les dames, manteau de cachemire et chapeau de feutre pour les hommes, bottes cirées et lunettes noires pour tous. Même les chiens portent un mantelet ! Les 40 km d’arcades rouges, de tous styles, en pierre, en briques, en marbre, en béton, avec ou sans chapiteau, facilitent le shopping et invitent à la passegiatta. Plaisir des yeux, de la conversation, à l’abri des intempéries et du trafic automobile. Les arcades sortent même de la ville, grimpent à l’assaut de la colline de San Luca, sur plusieurs kilomètres, étonnantes, extravagantes, mais jamais écrasantes. La vie protégée jusqu’au ciel.

La bonne chère s’expose. Plaisir des sens, les vitrines débordent de victuailles. Odeur entêtante de caffè. Incontournables producteurs de tortellini, risotto, prosciutto, parmigiano, les références locales, mais aussi profusion de vins, pâtisseries, fruits et légumes, poissons. Marchés et boutiques. Traiteurs d’où s’échappent des fumets odorants de pizze, foccaccie, piadine, lasagne, gnocchi al ragù. Bars proposant des apéritifs dinatoires, restaurants illuminés par de somptueux lustres vénitiens. Slow food et fast food. La nourriture promue en art de vivre.

Bologne la docte. Riches librairies sur plusieurs étages. Expos temporaires et musées universitaires, théâtres, concerts, musiciens amateurs à chaque coin de rue. Des étudiants partout, une jeunesse en doudoune et bonnet de laine, sourire aux lèvres  ou cigarette au bec, qui se déverse dans la via Zambino, sous les arcades, en direction de l’Alma Mater Studiorum, la plus vieille université du monde. Le palais Poggi, l’Archiginnasio, le Palazzo Communale, glorieux témoins du passé, à la fois musées et salles de cours. On y étudie tout, et même l’histoire de la gastronomie !

Bien sûr, il y a aussi les indigents, mendiants sur les trottoirs ou vendeurs à la sauvette, Chinois sur le marché, bonnes sœurs demandant la charité à l’entrée des églises. La grève des bus. Le tremblement de terre. Les tracas quotidiens. Mais l’impression dominante reste l’harmonie entre les différentes couches de la société. Les telefonini se font discrets, les vélos l’emportent sur les scooters, on peut traverser les rues en dehors des passages réservés, même les voitures de police ne font pas hurler leurs sirènes. Loin de Roma ! No stress. Même pour l’étrangère que je suis, il est facile de se repérer, torre pendente et Piazza Maggiore en ligne de mire.

Bologna, belle ville, riche, paisible, et fraternelle, dépositaire d’un passé rouge communiste mais aussi rouge du sang des attentats perpétrés par les Brigatisti. Ancrée dans la réalité, respectueuse de ses habitants, ouverte sur l’avenir. Protégée par ses arcades, par son histoire. Dans une harmonie de rouges. Ici, plus qu’ailleurs, le rouge, c’est la vie.

Bologne, la rouge, la grasse, la docte…             26-27-28 / 01/ 2012

jeudi 8 mars 2012

Ma chronique littéraire : "Purge", de Sofi Oksanen


Après avoir commenté pendant 10 semaines bénévolement les livres nominés au concours du Prix des Hebdos en région, j'ai été invitée à partager mes coups de cœur littéraires avec les lecteurs du JTT. En tant que correspondante rémunérée ! 2 articles par mois, à 15€ le texte.Vous pigez ? 
Pour me différencier des habituelles critiques de nouveautés, j'ai choisi de m’intéresser à un domaine particulier : les dernières sorties en « livre de poche ». Pourquoi ? Parce que ces parutions, au bout d’un an, remettent en valeur les ouvrages les plus intéressants de l’année écoulée. Le tri étant fait, les ouvrages édités en « poche » sont des valeurs sûres, à prix modique.

 Aujourd’hui,  Purge, de Sofi Oksanen.
Livre traduit du finnois par Sébastien Cagnoli.
Prix Femina étranger et Prix du livre Fnac 2010.

Sofi Oksanen est une jeune auteure finlandaise d’origine estonienne, née en 1977. Son premier roman édité, magistral, fait découvrir, à travers l’itinéraire de deux femmes, l’histoire tragique de l’Estonie entre 1940 et 2000. Un petit pays en quête d’indépendance, écrasé d’abord par l’armée rouge, puis envahi par les nazis, et de retour sous la domination russe, de 1945 jusqu’à sa récente autonomie.

Deux femmes que tout sépare : Aliide, vieille paysanne estonienne misanthrope, et Zara, jeune prostituée russe paumée, essayant d’échapper à son souteneur. Zara, à bout de forces, s’effondre un jour dans le jardin d’Aliide. Après une phase de méfiance, lentement, elles s’apprivoisent, et à travers leurs confidences, se dessine l’histoire du pays et des drames vécus, guerre, persécutions, amour, misère. Un terrible secret de famille apparait peu à peu à travers les récits croisés des deux protagonistes. Les hommes ici sont absents : tués, tueurs, prisonniers ou enfuis. Les femmes survivent malgré les viols, la famine, la solitude. A chaque génération, de nouvelles tragédies.

Un livre « coup de poing », avec des personnages dont la vie, écrasée par la politique, oscille entre peur, honte, courage et rédemption. L’intrigue est soutenue, les indices distillés soigneusement, comme dans un thriller. Pas de jugements manichéens ni de psychologie bavarde. Une écriture réaliste, tantôt réchauffée par les petits détails de la vie quotidienne, fabrication des confitures, soins aux animaux… tantôt elliptique dans la description du passé, mais terriblement incisive, comme dans le portrait des filles de l’Est aujourd’hui, attirées à l’Ouest et contraintes à la prostitution.
Brassant l’histoire contemporaine, l’analyse sociale, le passé et le présent, ce polar nordique est une réussite totale.

mercredi 7 mars 2012

J'ai veillé sur Belfort

05/12/2011.
Rendez-vous à 15h10 au parking Est de la Citadelle, près du char Martin. Je suis en avance, le temps est froid et venteux, de gros nuages noirs défilent à toute allure dans le ciel clair.  Bien, le spectacle sera perturbé, changeant, je craignais d’avoir un horizon bouché. Quelques promeneurs emmitouflés, chiens en laisse.
Mon accompagnateur arrive, c’est Laurent, un ami de Josiane. Nous montons ensemble au château, lui, sans peine, il est entrainé, à venir chaque jour à pied du CCN. La grille, le souterrain, la cour, il ouvre la salle voûtée dévolue aux veilleurs, puis va s’assurer de la sécurité. Je reste au chaud.
Jolie vue sur l’arrière de la citadelle, talus ras, encore verts, corbeaux luttant contre le vent. Les fossés, les casemates, plus loin, l’autoroute, et le viaduc du TGV, ligne blanche bien nette dans la grisaille.

15h 40. Nous sortons, et montons sur la terrasse, les rafales redoublent de force. L’ « objet » est devant moi, petite guérite de bois, fragile, aérienne, trônant au-dessus d’un escalier digne d’un échafaud. La 22 ème fenêtre. Laurent m’ouvre la porte, puis s’en va. Je suis seule. Surtout, bien noter toutes mes impressions. L’espace restreint et sobre : un rectangle de 1, 50 m sur trois, vitré aux deux extrémités. Dommage, pas de vue à 360°, la Miotte et la terrasse sont cachées, le cinéma des quais aussi. L’intérieur est tempéré, 15°, sensation de chaleur, à l’abri du vent qui hurle dehors. L’odeur du bois, prégnante, agréable. Confort austère : un tabouret. La lumière naturelle est douce.  Et la vue sur Belfort sublime.

Exercice difficile pour moi, qui ne suis pas une visuelle. Regarder, observer, sans laisser mon esprit divaguer.
L’harmonie de la ville, son unité, est frappante. Toits pointus sombres, bâtiments austères, imposants, égayés par des façades colorées, des parements de grès. Innombrables fenêtres alignées géométriquement, répondant dans une amusante symétrie aux automobiles rangées sur les parkings. Nombreux espaces verts, les fortifications d’abord, vertes et roses, puis les jardins publics déserts, les bosquets dépouillés, plus loin, l’étang des Forges, l’Espérance, la Savoureuse, enfin les banlieues et leurs immeubles, les collines aux forêts sombres, le Mont, le Salbert. Et l’entourage bienveillant de montagnes, croupes roussâtres des Vosges au Nord, plateaux gris du Jura au Sud.

Dans le ciel bleu, cavalcade ininterrompue de gros nuages noirs, annonciateurs de neige. Le soleil apparait parfois, faisant naître des couleurs fugitives, jaunes, dorées sur le massif vosgien, éclairant les villages du piémont, je distingue même l’église d’Auxelles. Les corbeaux luttent contre le vent, puis se laissent porter. Il y a plus de corbeaux en l’air que de piétons en ville ! Dominant le bruit des rafales, on n’entend que leurs piaillements, et les inévitables pin-pons urbains.

Je m’attarde sur les principaux bâtiments, reliés à mon histoire par des milliers de souvenirs. Le lycée Condorcet, où j’ai fait ma terminale, près duquel j’ai habité quelques années, après mon mariage, la gare de tous les départs. Le Granit où j’ai commencé à écrire, dans sa tour de verre, la Mairie et ses Vocalises, la salle des fêtes et sa piste de danse. La préfecture, où j’ai souvent piétiné, la chambre de commerce, où les enfants allaient en stage. Le kiosque et le marché aux puces, l’Atria et la foire aux livres. Les Résidences où j’ai enseigné, l’appart de ma mère que je suis en train de vider, la Sécu, où il faut aller chercher des papiers pour JP. Saint Christophe, au clocher emballé pour travaux, égrène ponctuellement les quarts d’heure.

Trêve d’égarements, il est 16h, les rues s’animent, les administrations commencent à se vider, des gens pressés avec sacoches et sacs s’engouffrent dans leur voiture, les parkings s’aèrent. Un bataillon de poussettes se forme près de l’école, on entend les enfants qui chahutent dans la cour, se bousculent encore à la sortie, les parents rajustent bonnets et capuches, il fait froid. Quelques vitrines s’éclairent. Les voitures aussi allument leurs phares, les feux arrière rougeoient aux carrefours, la circulation s’intensifie.

Soudain, des cris, des halètements tout près de moi. Des visiteurs ? Des sportifs ? J’essaie de guigner, mais je ne vois pas la terrasse. Si, j’aperçois le coach, en short et T-shirt, qui se met en position pour faire des pompes, et lance : c’est la vie de château, le groupe répond : pourvu que ça dure, le coach : quand on veut…, le groupe : on peut ! et ainsi de suite… Message positif, somme toute. Au bout d’une vingtaine de pompes, ils repartent en courant, c’est un groupe de militaires. Normal dans le décor.

Une belle apparition du soleil, insoutenable au regard, entre deux invasions nuageuses noires. Les innombrables velux sur les toits renvoient la lumière, comme des éclats de verre. Puis les nuages avalent le soleil, seuls quelques rayons traversent encore, en faisceau de lignes géométriques. Les fenêtres de bureaux, d’appartement s’allument, l’éclairage public, quelques décorations de Noël, suivent. On ne distingue plus des collines alentour qu’une masse sombre.

16h 45, Laurent vient me chercher. Une photo de moi devant l’ « objet ». Mais je veux rester encore, je veux voir la nuit sur la ville, il fait encore trop jour, avec ce ciel clair !
Nous prenons le temps, sur la terrasse, de bavarder, jusqu’à l’arrivée de l’obscurité, qui transforme la ville en un magma urbain indistinct. Puis nous regagnons la salle de détente, pour une boisson chaude et des impressions écrites. Laurent m’explique comment trouver les extraits de textes et photos sur le blog des Veilleurs. Il parle du projet final, un livre peut-être.

Comment l'idée est-elle venue à Joanne Leighton  ? Ayant observé des veilleurs dans d’autres pays, apprécié le symbole, elle a imaginé en faire l’objet d’une performance, d’une promotion du CCN. Lors de  sa candidature à la direction du CCN,  son projet a plu. Le financement a été plus aisé à finaliser que les innombrables formalités de conception, réalisation, sécurité, responsabilité … L’obsession du contrôle, maladie du siècle. Mais le résultat est là : une logistique impeccable, les veilleurs se succèdent, matin et soir, comme au temps jadis, l’accompagnateur sert de passeur de témoin. Il facilite l’expression du ressenti de chacun, il ouvre toutes les portes...

Dans cette expérience, j'apprécie aussi l’aspect humain, le lien. Veiller sur Belfort du haut de la Citadelle, comme tant d’autres guetteurs l’ont fait depuis Vauban, c’est se placer dans une continuité historique. Et pendant que je veille sur les habitants, certains en bas repèrent ma présence, une silhouette qui se découpe au-dessus de la terrasse. Présence rassurante ? J’aimerais le croire. Pour les prisonniers, juste en contrebas, certainement oui, veiller, ce n’est pas surveiller.
De mon côté, j’ai profité d’une heure de contemplation arrachée à un emploi du temps trop rempli. Une heure la tête dans le ciel en furie, accrochée à un bâtiment qui ne craint pas les tempêtes, minuscule être humain, devant l’ample variété du paysage, de la ville, des hommes.

Une heure à observer le monde, la vie, sans intervenir, tout en restant un point de repère évident. Et si c’était cela, la sagesse, à soixante ans passés ?
Bien veiller. Bien vieillir.

mardi 6 mars 2012

Trek glaciaire

Trek glaciaire                                                                                     07/02/2012

Aujourd’hui, avec -12°, je n’aurai personne, elles vont rester au chaud, les mémés… Je pourrai tranquillement faire mes photos de cascades gelées et de torrents pétrifiés. Le Rahin  pris par les glaces est extraordinaire. Malgré le courant, le ruisseau et les chutes sont figés en plein mouvement. Et cette fois, ma caméra frontale marche, c’est super.

Mince, elles sont toutes sur le parking de la Goutte des Saules ! Bon, je ne m’arrête pas, un tas de neige ferme la montée du Ballon de Servance, mais avec mon élan, je passe. Ça va peut-être les refroidir ?  Hé non, elles contournent bravement le tas, et s’engagent derrière moi ! Sont pas froussardes, les mémés. Y en a bien une qui va rester plantée sur la route verglacée ? Pas du tout, les rails sont bien tracés dans la neige gelée. Zut, c’est moi qui n’avance plus, trop glissant. Je vais me garer, elles m’imiteront. Elles doivent avoir les pétoches. Même pas, elles se congratulent !

Pas terrible cette altitude, pas assez haut, pas assez de neige pour faire des raquettes, on va improviser une rando à pied dans la montagne. Vous allez rouspéter mesdames : on range les raquettes ! Aucune protestation, elles préfèrent ça, elles seront plus à l’aise. Allez, on y va.
Où ? Ça, je n’en sais rien, il faut voir l’état des sentiers.

Ben, ça commence mal. Tous les ruisseaux qui suintent d’habitude le long des pentes se sont transformés en langues de glace, envahissant le chemin, on ne peut pas avancer, c’est pire qu’une patinoire. C’est la Mer de Glace. Longez le bord ! Et là, traversez, à petits pas, petits pas… Après c’est facile. Elles jacassent. Inconscientes, les mémés.
Aïe, ça recommence, passage difficile. Je ne les entends plus, seraient-elles crispées ? Il ne faudrait pas qu’il y en ait une qui se casse, je vais couper des branches de sapin, et les étaler sur la glace. Voilà, marchez dessus tranquillement… Après, c’est sec.
Encore une langue de glace perpendiculaire au chemin. Infranchissable, celle-là, trop large. Vous vous laissez glisser sur les fesses, comme en toboggan, et je vous rattrape en bas. Après, on contournera à travers la forêt. Super, Eric, le canyoning glaciaire ! Le hors-piste, il y  a longtemps que ça ne leur fait plus peur, aux mémés. Voilà, on remonte maintenant…

Je n’en crois pas mes oreilles : Comme c’est beau, cet univers de glace, ces cascades pétrifiées, avec un mince filet d’eau qui pulse en dessous. Ces dégradés de couleur, gris, blanc, vert laiteux… Et ce petit pont de bois, romantique. On a bien fait de venir, c’est exceptionnel. Et en plus, il fait soleil ! Quel bonheur !

Stop, impossible de continuer ! Trop de glace, trop dangereux. Cette fois, on va descendre par la forêt, jusqu’en bas, vous verrez le ruisseau complètement gelé. On pourra traverser sur la glace, Eric ? Complètement givrées, les mémés. Ça dépendra de  l’épaisseur ! Allez-y doucement, la pente est forte, et en biais, c’est glissant. La mince couche de neige sur les feuilles mortes, les rochers moussus, c’est trompeur. Ça ne rate pas, en voilà une qui tombe, puis encore une autre. Et ça les fait rire ! Increvables, les mémés. Doucement, on descend doucement… Rangez vos bâtons, ils vous gênent plus qu’ils ne  vous aident !
Attendez-moi en bas, je vais faire quelques photos en attendant que tout le monde y arrive. Vas-y Eric, on se débrouille !

Elles vont s’impatienter si je les fais attendre. Mais ces cascades sont exceptionnelles, vite, encore une photo par-dessus, une autre par-dessous. J’arrive ! Pas stressées, non, contentes de  se reposer, elles en profitent pour se restaurer. Tu veux du biscuit au chocolat, Eric ?Du thé bien chaud ?
Des mémés de choc, je dois le reconnaître. Un groupe comme ça, il faut le conserver le plus longtemps possible…  
Si je les congelais ?                                                    

p.c.c. Nicole Cordier