mercredi 31 mai 2017

Roger Dérieux et l'Ardèche


Derniers jours pour apprécier l'exposition des œuvres de Roger Dérieux au Château de Tournon. Un artiste local contemporain, qui illustre parfaitement l'évolution picturale du XXème siècle.

Roger Dérieux est né  Paris en 1922. Dès 1941, il s’installe l’été en Ardèche à Saint Martin de Valamas, où il peint assidûment. Et développe un goût pour la couleur, comme en témoignent ses plateaux ardéchois brossés dans un camaïeu de verts et bleus. Mais rattrapé par la guerre, il doit partir au STO. La difficulté d’obtenir des toiles l’oblige à peindre à l’huile sur papier, une privation qui finalement lui permet d’essayer de nouvelles techniques, car il peut plus facilement déchirer et recommencer. En 1945 il s’installe à Paris pour suivre des cours dans diverses écoles d’art. Sa première exposition a lieu en 1950, à Copenhague.


Il présente alors des paysages figuratifs, des natures mortes, où s’expriment toutes ses qualités de coloriste, à l’instar de Bonnard, Matisse ou Degas. Après les rencontres avec F. Picabia et Francis Ponge, il illustre nombre de livres d’artistes, participe régulièrement à des expositions internationales. Et s’éloigne de la figuration pour des lignes plus abstraites, mais toujours avec une recherche d’harmonie de couleurs. Puis dans les années 1980, il s’intéresse particulièrement au collage, par découpage de papiers préalablement peints et juxtaposition de figures géométriques.


Le Château-Musée de Tournon rend hommage à l’artiste décédé en 2015, en présentant des œuvres ayant pour sujet ou pour lieu de réalisation l’Ardèche. Huiles sur toile, sur carton, dessins, collages et livres d’artistes enchantent l’œil et constituent un résumé instructif de l’évolution d’un peintre avec son temps.

Article publié dans le JTT du jeudi 1 juin 2017.


mercredi 24 mai 2017

Grandiose expo Monet à Bâle


En 2017, la Fondation Beyeler de Bâle fête ses vingt ans en offrant dans son lumineux espace, créé par Renzo Piano, une double exposition. La première s’inspire de la présentation inaugurale, lorsque Ernst et Hildy Beyeler, collectionneurs passionnés, ont permis au public d’admirer les œuvres des artistes majeurs de l’art moderne, de Van Gogh, Cézanne et Monet à Giacometti, Rothko et Bacon, en passant par Picasso, Matisse, Léger et Klee…


La deuxième, jusqu’au 28 mai, est exclusivement consacrée à Claude Monet (1840-1926), et particulièrement centrée sur les années allant de 1880 au début du vingtième siècle. Son rôle de pionnier de l’impressionnisme est alors achevé, et Monet cherche de plus en plus à traduire subjectivement son ressenti devant un paysage.



La présentation des 62 œuvres prêtées par les grands musées d’Europe, Etats-Unis et Japon, ainsi queles nombreuses toiles issues de collections privées, s’articule autour des voyages du peintre. Les bords de Seine et Londres, la Côte d’azur et la Normandie, la mer et la campagne, sont autant de sujets où Monet joue avec la couleur, le reflet, l’ombre et la lumière. Enfin, les Nymphéas, l’ornement préféré de son jardin de Giverny, illustrent sa réflexion sur les infinies possibilités de la reproduction. L’art de Monet culmine alors dans une recherche d’abstraction, un appel à l’imaginaire.

La Fondation Beyeler, à Bâle-Riehen, est ouverte 365 jours par an. Le tarif d’entrée adulte est de 28 CHF, c’est cher pour les Français. Mais découvrir les éblouissantes toiles de Monet, dont certaines rarement exposées, justifie de sortir quelque ... money !

Article publié dans le JTT du jeudi 25 mai.

lundi 15 mai 2017

Un travail de Romain : Les bateaux de Caligula


Caligula (12-41 après JC) est un empereur romain qui a laissé de très mauvais souvenirs dans l’histoire. Ce successeur de Tibère, intronisé en 37, despote fou, débauché et sanguinaire, finit assassiné. Est-ce pour se protéger qu’il avait décidé de vivre à Nemi (à une trentaine de km de Rome), non pas au bord du lac mais SUR le lac ?

Il s’était donc fait construire un gigantesque bateau de 75 m sur 24 m. Sur la coque plate fut édifiée une somptueuse villa flottante, avec colonnes de marbre, sol en mosaïque, tuiles en bronze, thermes, jardins et statues. Sur un autre navire de même dimension, il fit construire un temple dédié à Diane, déesse de la chasse, dont le sanctuaire monumental était un lieu de pèlerinage au bord du lac. La crainte de l’au-delà le tenaillait, sans doute. Les deux navires, coulés à la mort de Caligula, sont restés dans l’oubli pendant les siècles suivants.

Quelques pêcheurs plongeaient parfois, et rapportaient des objets antiques, qui accréditaient l’idée qu’un trésor était caché au fond du lac. Au XIXème siècle, les vestiges rapportés confirmèrent l’intérêt de fouiller les épaves, enfouis à une quinzaine de mètres de profondeur. C’est en 1924 que la campagne de fouilles commença vraiment sous l’impulsion de Mussolini. Autre époque, autre tyran mégalomane, qui voulait affirmer la puissance infinie de Rome. Grâce au canal émissaire antique retrouvé, le lac fut lentement vidé. En 1929 le premier bateau apparut à l’air libre. Le second suivit en 1930. Mussolini fit spécialement construire un vaste musée sur la rive, avec deux ailes symétriques, pour y conserver les navires et leur cargaison d’antiquités. Hisser les deux navires mis à jour jusqu’au bord du lac fut une prouesse technique.  Et le Musée des Navires Romains ouvrit ses portes en 1940.

Hélas, cette formidable trouvaille ne fut visible que quelques années par les archéologues, scientifiques et amateurs. Le musée fut entièrement détruit dans un gigantesque incendie le 1 juin 1944. Vengeance des nazis, bombardement par les Américains qui débarquaient à Anzio ou feu allumé accidentellement par les réfugiés qui passaient la nuit dans le musée ? Nul ne sait. Seules quelques pièces furent sauvées. Et le superbe musée, longtemps abandonné, n’a été ré-ouvert qu’en 1988, avec les maquettes des navires, les photos de leur sauvetage et quelques antiquités récupérées dans les villas romaines voisines.

Les navires romains de Nemi ne sont plus visibles, mais leur histoire subsiste dans notre mémoire, « Fluctuat nec mergitur »  comme le chantait Brassens ...

Article publié dans le JTT.

samedi 6 mai 2017

Au Lycée Quelet de Valdoie, c'est la fête des fleurs et du tricot ...




Les lycéens, en plus de leurs études en agriculture, ont appris à tricoter, et transformé leur petit pont de bois en Pont des Arts avec ses cadenas emblématiques. Bravo !


lundi 1 mai 2017

Chronique littéraire : Soudain seuls, de Isabelle Autissier


Chacun connaît Isabelle Autissier, navigatrice capable de réussir le tour du monde en solitaire. Mais que sait-on de l’écrivaine ? Un constat : elle sait aussi bien manier la plume que hisser les voiles, et garder le cap malgré les embûches d’une intrigue passionnante. Tout en nourrissant son récit de son vécu, par des descriptions précises de la faune et la flore de l’Antarctique, des déferlantes et vents violents, des glaces éternelles sous des ciels infiniment gris.

L’histoire : Un jeune couple de bobos parisiens s’accorde une année sabbatique pour vivre une véritable aventure : le tour de l’Atlantique en bateau. Les débuts sont remplis d’allégresse, de matins bleus, de complicité amoureuse. Un jour, au large de la Patagonie, ils décident de s’arrêter dans une île déserte pour escalader quelques glaciers vierges. Et tout dérape. Une tempête violente brise leur bateau, ils se retrouvent piégés sur cette île inhospitalière.

Comme Robinson, il leur faut réapprendre la vie sauvage, lutter pour se nourrir, se chauffer, survivre. Ils ne sont pas armés pour cela. Dans ces conditions extrêmes surgissent aussi les querelles, l’amertume, le jeu de la culpabilité et du pouvoir. Mais il faut rester solidaires pour survivre. Jusqu’à quand ?

Un huis-clos terrible, dans une région que la navigatrice connait bien, les Cinquantièmes Hurlants. Un impossible retour dans les sphères médiatiques parisiennes, ensuite, situation qu’elle a certainement vécue elle aussi. Une belle analyse de caractères, au filtre d’un cauchemar austral de plusieurs mois. Et un hymne à l’instinct de survie, plus fort que tout.

Soudain seuls est disponible en Livre de Poche.

Chronique publiée dans le JTT.