jeudi 24 février 2022

Les tailleurs de pierre de Samoëns

En Haute-Savoie, dans la vallée du Giffre, Samoëns est une jolie station de montagne qui a gardé un charme authentique, malgré son succès touristique. Vieilles fermes de bois aux balustres ouvragées, petits greniers isolés, où l’on gardait tout ce qui était précieux, par peur de l’incendie, chapelles dispersées au cœur des hameaux, fontaines … Les randonnées, en été comme en hiver, font découvrir, en plus d’une nature alpine superbe, un patrimoine immobilier préservé. Avec un point commun à toutes les constructions : l’utilisation du calcaire bleu gris des montagnes voisines.

Autrefois, à Samoëns, pas moins de 8 carrières exploitaient cette belle pierre aux allures de marbre. Les maçons et tailleurs de pierre regroupés en confrérie dès 1659 étaient si renommés par leur savoir-faire qu’ils étaient appelés sur les plus grands chantiers à travers le monde. Ils contribuèrent ainsi aux fortifications de Vauban, au percement des canaux voulus par Bonaparte, ils construisirent le château de Voltaire à Ferney et participèrent à bien d’autres constructions à Lyon, Grenoble, et jusqu'en Amérique …

Dans le village de Samoëns, les encadrements de porte et fenêtres des maisons, les soubassements des fermes, les pierres d’angles, le bénitier de l’église, et de nombreuses tombes sculptées dans le cimetière voisin témoignent de cette activité. Deux sculpteurs travaillent encore au village, qui organise tous les deux ans un symposium international de sculpture sur pierre. Des artistes contemporains d’envergure créent alors à partir du calcaire ancestral des œuvres installées ensuite au fil des rues.

Eté comme hiver, Samoëns accueille touristes et sportifs attirés par la montagne. Mais ce village authentique a gardé tout son charme en préservant son histoire, ses traditions, et en cultivant une dimension artistique à travers l’architecture locale et son remarquable jardin botanique.

Article publié dans le JTT du jeudi 24 février.


jeudi 17 février 2022

Les Clévos, cité des savoirs, à Etoile-sur-Rhône

« Les Clévos » est une structure dépendant de Valence Romans Agglo,  un lieu culturel dont le but est de comprendre, découvrir, explorer l'art et la science par l'expérimentation et le plaisir. Les Clévos sont situés à Etoile, dans un ancien moulinage du XIXe siècle, au milieu d’un grand parc arboré. Actuellement on y présente jusqu’au 13 février 2022 une exposition conçue par l'Espace des Inventions de Lausanne : L'arbre, de la petite graine à la vieille branche.

Cette exposition interactive est destinée à tout public à partir de 6 ans. Elle est guidée en partie, chacun peut ensuite profiter des modules ludiques et sensoriels mettant en scène toutes les questions relatives aux arbres. Des cubes en bois permettent d’apprécier les différences de dureté, de poids. Avec des lames, on apprécie leur élasticité, leur son. On apprend aussi à reconnaître par des expériences ou vidéos leur âge, leurs feuilles ou aiguilles, leurs fruits, ainsi que leurs besoins, leurs défenses… Durée de la visite guidée : 1h30.

Depuis 2019, Les Clévos, sont chargés de la culture scientifique et technique sur le territoire de la Drôme, ils coordonnent notamment la fête de la science. Chaque année, deux expositions temporaires sur différents domaines de la science et de l’art sont proposées au public. Les scolaires y sont régulièrement accueillis. Mais cet équipement mériterait d’être mieux connu des habitants de la région en quête de loisirs éducatifs pour les enfants.

A noter : Vendredi 25 février 2022 un spectacle pour enfants : « C’est quoi MA forêt ? » par la Compagnie La Mâchoire 36 en partenariat avec le Train Théâtre.

Contact : Les Clévos, cité des savoirs 04 75 60 27 33

390 Route de Marmans
26800 Étoile-sur-Rhône

Article publié dans le JTT du jeudi 10 février.

vendredi 11 février 2022

Chronique littéraire : La femme révélée, de Gaëlle Nohant


Eliza Donnelly avait tout pour elle : belle, douée, mariée à un riche promoteur, mère d’un charmant petit garçon. Elle a pourtant quitté les beaux quartiers de Chicago pour fuir à Paris et se cacher dans la grisaille du Paris de 1950. Pourquoi ?

C’est une question qui ne trouvera sa réponse qu’à la fin du livre, quand elle retourne enfin à Chicago, après s’être réinventée. A Paris, c’est par la photo qu’elle survit puis se libère, laissant son talent s’exprimer, rejoignant le monde artistique de l’époque. Sous un nouveau nom, Violet Lee, elle retrouve peu à peu l’indépendance et un semblant de paix, malgré la traque dont elle fait l’objet, et le remords d’avoir abandonné son fils.

En 1968, quand elle revient à Chicago, Martin Luther King vient d’être assassiné, les débordements raciaux ravagent la ville, et sont réprimés dans une violence totale. Violet veut témoigner du racisme généralisé, de l’injustice, même si ses photos des manifestations la mettent en péril. Cette partie du livre nous fait comprendre les racines d’un problème racial que le mouvement « Black lives matter » a réaffirmé au grand jour.

Un beau portrait de femme, sensible et profond, dans un contexte historique à redécouvrir.

Gaëlle Nohant, née à Paris en 1973, est une écrivaine française. Son roman est maintenant disponible en Livre de Poche.

Chronique publiée dans le JTT.

vendredi 4 février 2022

Des rives de la Baltique aux bords du Rhône, Audra fait chanter les orgues

A Saint-Julien dimanche, l’assistance était nombreuse pour célébrer la messe des Fiancés. Une messe chaleureuse animée par l’équipe paroissiale, les choristes et les musiciens. Parmi eux, Audra. De son piano, elle synchronise la partie musicale, avec Clotilde au violon et Quentin à la batterie. Mais qui est Audra ?

Née à Kaunas, en Lituanie, en 1968, Audra a connu une enfance choyée, entourée d’animaux. A 4 ans, elle a commencé d’étudier le violon, puis à 7 ans le piano, mais son rêve était de devenir vétérinaire. Les difficultés d’emploi sous le joug russe (obligation de partir travailler dans un kolkhoze) lui ont fait choisir d’étudier plutôt la musique, l’orgue particulièrement. Pourquoi l’orgue ? Par bravade. Cet instrument était alors très peu étudié, car les églises étaient fermées par le régime soviétique. Mais Audra pratiquait sa religion en secret, chez sa grand-mère, à la campagne. Et pour elle, l’orgue avait les charmes de l’interdit.

On pouvait néanmoins l’étudier à l’université. A Klapaida sur les rives de la mer Baltique, durant 5 ans, Audra a donc étudié l’orgue, la composition, l’histoire de la musique… En 1990 un changement majeur a bouleversé la Lituanie : la révolution, qui permit au pays de se libérer de l’oppression de l’URSS. Vytautas Landsbergis, un éminent professeur d’Audra, en fut le principal instigateur. Ce fut une période d’euphorie dans tout le pays, et bien sûr chez les étudiants qui accédaient à la liberté. La Lituanie déclara son indépendance, toutes les églises furent réouvertes, et Audra put enfin jouer de l’orgue partout, de Klapeida à Vilnius.

Mais les postes d’organistes sont rares, et Audra une fois mariée, a exercé le métier de professeur de piano, tout en élevant ses enfants. L’orgue a disparu de sa vie. Nouveau bouleversement avec l’arrivée de Patrick, un Tainois, dans sa vie. Après quelques années passées ensemble en Lituanie, iIs ont décidé de venir vivre en France. En 2014 Audra a donc quitté son pays, sa famille, son travail. Un déchirement, mais aussi une aventure stimulante dans laquelle elle s’est lancée corps et âme, avec le soutien de Patrick. Elle a appris le français, cherché un travail, n’importe lequel. Patrick travaillant comme cuisinier pendant la saison de ski dans les Alpes, elle a été embauchée comme femme de chambre, tout en animant les soirées au piano de l’hôtel.

Finalement installés à Tain, où Patrick avait tenu le restaurant « le Vivarais » auparavant, Audra a cherché de nouveau un emploi. Faute de poste disponible de professeur de musique, elle a commencé à donner des cours particuliers de piano. Et à fréquenter les différents organistes de Tain, Tournon, Vion, Saint-Donat, avec qui elle a peu à peu collaboré, en animant les messes. Après tant d’années, quel bonheur de pouvoir enfin rejouer de l’orgue ! Ainsi, pendant tout le mois de décembre Audra a enchanté par ses concerts gratuits les visiteurs venus admirer la crèche monumentale installée dans l’église de Vion.

Devant les revers de la vie, courageuse, optimiste, Audra s’est adaptée. Lorsque Patrick, greffé du rein, a dû être dialysé, elle a suivi la formation d’aide-soignante, pour le dialyser à domicile. Son rêve d’enfance, être vétérinaire, elle l’a matérialisé en passant le diplôme d’assistante vétérinaire. Pendant le confinement, musicienne passionnée et généreuse, elle a même composé une messe complète, dédiée Saint-Julien. Audra est une battante, qui jongle maintenant entre ses différents élèves, les animations des messes à l’orgue et ses animaux, lapin, chien, poules, qu’elle chouchoute dans son petit jardin de Tain. Audra, c’est l’énergie, le talent et la gentillesse réunis. Une belle personne.

Article publié dans le JTT du jeudi 3 février.