mercredi 29 juin 2022

Le Palais idéal du Facteur Cheval magnifié par J.M. Othoniel

Il y a 110 ans, le Facteur Cheval achevait son Palais idéal, après 33 ans d’efforts. Il avait commencé par édifier pierre à pierre une fontaine dans son potager, la Source de vie. C’est en inspirant de cette thématique de l’eau, que l’artiste Jean-Michel Othoniel a investi le palais, juxtaposant à la pierre, matériau lourd, opaque, torturé, ses briques et perles de verre colorées, aériennes et lumineuses.

« Le rêve de l’eau » est le nom de cette superbe exposition, qui rappelle que le Facteur rêvait d’alimenter son palais en eau. Faute de système hydraulique possible, il vidait des seaux d’eau pour faire entendre à ses visiteurs le clapotis des fontaines. Jean-Michel Othoniel a réussi à matérialiser ce rêve, ses cascades de perles, ses fontaines de verre, jouent à la fois avec la lumière du soleil et la présence de l’eau. Une superbe réussite, car cette alchimie entre pierre et verre donne une dimension magique à la visite. Il faudrait suivre la course du soleil, pour voir tour à tour, sur chaque façade, la lumière enchanter les briques et perles en verre de Murano.

C’est la première fois que l’exposition de l’été a lieu dans le Palais idéal. Et la première fois qu’une exposition ajoute quelque chose à l’œuvre du Facteur. Chacune des sculptures de JM Othoniel fait écho à un thème qu’il a traité, fontaine devant fontaine, plantations de verre dans les pots de la terrasse, vitraux éclairant le passage intérieur… L’accumulation de briques de verre bleu, un peu trop géométrique, peut s’interpréter comme celle des pierres du Facteur.

Jean-Michel Othoniel, né à Saint-Etienne en 1964, est un sculpteur mondialement connu, il a exposé dans toutes les capitales, Rome, Grenade, New York, Tokyo. En France, en l’an 2 000, il a transformé la station de métro Palais Royal en kiosque de verre. Installé ses sculptures dans les jardins de Versailles et au Petit Palais à Paris l’année dernière. Le Palais idéal représentait pour lui un lieu symbolique, rattaché à ses vacances d’enfant dans la Drôme, chez ses grands-parents à Albon. Ses sculptures de verre, délicates, baroques, soigneusement architecturées, répondent en toute légèreté à l’art brut du Facteur. Une exposition poétique et un choc visuel.

"Le rêve de l'eau" au Palais Idéal, à Hauterives (26), du 15 mai au 6 novembre 2022.

vendredi 17 juin 2022

En Norvège avec l'Accueil muzolais

 

La Norvège, c’est la nature dans toute sa splendeur. Des fjords de la côte aux hautes montagnes qui traversent le pays, les paysages sont spectaculaires. C’est ce qu’ont découvert les participants au voyage organisé par l’Accueil Muzolais. 

Un grand soleil a permis d’apprécier pleinement les promenades en bateau dans les fjords, d’emprunter des routes vertigineuses, comme celle des Trolls (900 m de dénivelé à 12%), de découvrir lacs et cascades, torrents tumultueux et forêts profondes. Entre les jardins fleuris de rhododendrons et lupins de la côte et les parois neigeuses des sommets, s’étendent prairies, vergers, forêts, collines. On y trouve des maisonnettes en bois au toit végétalisé, des églises en bois debout, et des équipements de ski comme les fameux tremplins de saut. 

Mais ce qui a le plus épaté les Ardéchois, c’est de réaliser que le soleil se couche à minuit pour se lever à 3h. Des journées de lumière de plus en plus longues au fil des jours, jusqu’à leur apogée lors de la fête … de la Saint-Jean, bien sûr !

Article publié dans le Jtt du jeudi 16 juin.

lundi 13 juin 2022

la Dolce via, entre Saint- Agrève et Le Cheylard

La température caniculaire en Vallée du Rhône invite à chercher la fraîcheur dans les montagnes ardéchoises. Départ pour Saint-Agrève, 1050 m d’altitude, le point culminant de la Dolce Via, cette ancienne voie ferrée reconvertie en piste cyclable. Notre objectif : la parcourir jusqu’au Cheylard, 25 km plus bas, à 420 m d’altitude. Le problème ne sera pas la descente, qui peut s’effectuer avec n’importe quel VTT, mais la remontée. Nous décidons de louer des vélos électriques pour la journée. D’autres vacanciers choisissent de réserver leur retour avec la navette du loueur de vélos.

Le VTT, électrique ou non, est indispensable car la Dolce Via n’est pas goudronnée, sauf sur les parties « partagées », à proximité des villages. C’est sur un sol sablonneux et gravillonné que nous abordons la descente, dans un paysage de montagne : hautes futaies de sapins, falaises de granit, sommets bleutés à l’horizon, puis moutonnement verdoyant des vallées, parsemées de solides hameaux de pierre blonde.  Le parcours permet d’admirer les ouvrages d’art édifiés lors de la construction de la voie ferrée, viaducs vertigineux, ponts et tunnels s’enchaînent jusqu’à Saint-Martin-de-Valamas. Où l’on découvre enfin l’Eyrieux, jusque là caché au fond d’une profonde et luxuriante vallée. Baignade possible entre sable et rochers.


Après 17 km nous arrivons à 520 m d’altitude. La suite du parcours est moins abrupte, il reste environ 7 km pour atteindre Le Cheylard, à 420 m d’altitude. On peut tranquillement s’arrêter dans un joli coin pour pique-niquer. Le choix est vaste, car bancs et tables avec vue sont à disposition tout au long du parcours, le plus bel aménagement étant à l’ancienne gare du Cheylard. Après une bonne pause et un petit tour de ville, il faut envisager la remontée vers Saint-Agrève. C’est là que l’assistance électrique est nécessaire.

Douce montée jusqu’à Saint-Martin de Valamas, puis beaucoup plus raide ensuite. L’avantage ? On découvre une autre nature : les fleurs sauvages qui bordent le chemin, pensées, centaurées, marguerites, boutons d’or, bruyère ; les cerises juteuses qui allèchent le cycliste fatigué, les châteaux en ruines qui se découpent entre deux châtaigniers fleuris. A cette vitesse, s’arrêter ne pose aucun problème, c’est le moment idéal pour lire les panneaux dispersés le long de la voie, expliquant l’histoire, le patrimoine, la vie de cette région si particulière. Repartir non plus, grâce à l’assistance. Il faut environ trois heures pour atteindre Saint-Agrève, et retrouver la civilisation, encore tout étourdis par ce grand bain de nature.

Un parcours qui donne envie de découvrir d’autres tronçons de la Dolce Via. Superbe mise en valeur de l’Ardèche, cette piste cyclable est déjà saluée comme une des meilleures d’Europe. 

Article publié dans le JTT du jeudi 9 juin 2022.

 

jeudi 2 juin 2022

Chronique littéraire : Chavirer, de Lola Lafon

Un roman bouleversant, qui montre comment il est facile pour une ado de se laisser séduire par des promesses d’adultes et d’en payer toute sa vie les conséquences.

Cléo, treize ans en 1984, mène une existence modeste en banlieue. Elle rêve de faire carrière dans la danse moderne et quand une belle femme, à la sortie de son cours, lui propose de préparer une bourse pour aller étudier la danse dans les meilleures écoles américaines, elle s’emballe. Complètement subjuguée, elle travaille d’arrache-pied, suivie et encouragée par sa nouvelle marraine. Mais pour obtenir la bourse de la Fondation, il faut passer devant un jury. Et ce jury est formé d’hommes libidineux qui veulent toucher…

Dans sa tête, c’est la sidération, le brouillard. Cléo ne se rappelle plus, n’en parle pas. Pire, elle entraîne à sa suite des copines, attirées elles aussi par les paillettes, fascinées par la belle dame, qui veulent réussir dans la mode, la chanson …

En 2019, un fichier de photos découvert par la police permet de lancer une enquête contre un réseau pédophile qui sévissait sous la couverture d’une certaine Fondation. Cléo doit alors affronter sa double responsabilité, de victime et de coupable.

Lola Lafon excelle à décortiquer l’emprise, sans jugement, mais avec subtilité et empathie. Et sous sa plume efficace elle rend aussi un bel hommage au milieu de la danse de variété. Née en 1974 dans le Nord, elle est une écrivaine, chanteuse et compositrice féministe.

« Chavirer » est disponible en poche dans la collection Babel chez  Actes sud.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 2 juin 2022.