jeudi 30 novembre 2017

Bonne nouvelle : O mia Patria ...



est désormais accessible dans toutes les librairies, l'ouvrage est référencé sur Electre, Dilicom et même Amazon.

Deux nouvelles présentations-dédicaces sont prévues samedi 2 décembre :

A la bibliothèque Léon-Deubel de Belfort, à 10h30
A la médiathèque de Foussemagne à 14h.

Au plaisir de vous y rencontrer !

samedi 25 novembre 2017

La philosophie du jardin zen


Les érables éclatants frémissent au vent, les plaqueminiers et arbousiers regorgent de fruits dorés, les vignes rousses s'étalent au soleil, le jardin zen de Beaumont-Monteux a pris ses teintes d'automne. Pour son concepteur Erik Borja, l'art du jardin est symbolique de la culture japonaise. Une culture particulière, héritière de siècles d'isolement dans l'archipel nippon, d'une agriculture parfaitement adaptée à son environnement, et d'une religion d'origine, le shintoïsme, religion animiste où la nature était siège du divin. Les montagnes, les sources, les tempêtes, le soleil, le vent, étaient peuplés d'esprits (kami) à respecter. Contrairement au principe occidental de maîtrise des éléments.

A partir du Vème siècle, l'ouverture du Japon sur d'autres civilisations, chinoise, coréenne, a fait émerger de nouveaux codes de vie, prônant raffinement, esthétique, de l'écriture jusqu'au jardin en passant par les étoffes, la céramique. Puis lorsque la Réforme se répandait en Europe, le bouddhisme zen en Asie a lui aussi épuré l'iconographie. Des jardins sanctuaires ont été créés, visant non pas la beauté mais la méditation individuelle, support de l'élévation spirituelle.
Concevoir un jardin zen, explique Erik Borja, c'est donc une démarche bien plus que botanique. Artiste passionné par les jardins visités au Japon, il en a fait l'expérience. Partant d'une friche héritée au bord de l'Herbasse, il décida en 1977 de créer un jardin japonais, en parfait autodidacte. La nature lui a appris l'humilité, c'est elle qui décide. Après des années à son écoute, il a trouvé l'équilibre avec elle, compris la nécessité d'une forme d'ascèse. Conservant les emblèmes saisonniers traditionnels, cerisiers et érables, mais multipliant les pins, toujours verts, et développant la part minérale, graviers, rochers, symboles d'éternité, jouant sur la présence permanente de l'eau. Son jardin de Beaumont-Monteux exprime à la fois sa démarche artistique et son chemin de vie.

Jardin méditatif, jardin de thé, sous-bois ou bambous, promenade au bord de l'eau, ouverture sur le paysage, c'est un véritable parcours initiatique, une relation sensorielle avec la nature, que partage le visiteur. A condition de faire le vide en soi, d'être réceptif à la beauté, aux forces telluriques, de ne plus jouer les prédateurs, mais d'accepter de faire partie d'un tout à protéger, notre planète.

Article publié dans le JTT du jeudi 23 novembre.

dimanche 19 novembre 2017

Paysage, lectures et ... gastronomie


Dans le cadre des Petites Fugues, festival littéraire itinérant en Franche-Comté, organisé par le Centre Régional du Livre, une promenade a rassemblé dimanche en fin de matinée un public motivé à la Maison de l’Environnement, au bord du lac du Malsaucy.

La fine couche de neige de la nuit entourait le paysage d’une douceur cotonneuse, étouffant les couleurs d’automne. Une brume légère flottait au-dessus des eaux, il faisait froid, quelques degrés à peine. La promenade littéraire entre bois et étangs a permis de découvrir les textes de trois auteurs contemporains, Jakuta Alikavazovic, Anne-Sophie Subilia et Pascal Commère, interprétés par des comédiens. De déambulations rurales en monologues nostalgiques, le ton des textes s'accordait au paysage.

Une bonne soupe au retour a réchauffé le public, invité à participer à une table ronde avec les auteurs. Le temps que le cuisinier botaniste, Jean-François Dusart, installe un exceptionnel buffet, concocté à partir de spécialités locales. Galettes de panais, saucisse à l’épicéa, tiramisu de glands, coings et argouses… pour ne citer que quelques ingrédients inhabituels.
Le point d’orgue fut l’apparition de l’immense meringue représentant le site du Malsaucy, avec les montagnes et lacs,  le parcours de la promenade et quelques citations extraites des lectures. Un travail époustouflant par sa créativité et sa minutieuse réalisation… Un réalisme poussé jusqu’aux petites graines, faînes et myrtilles, répandues au pied des sapins meringués, qui ont fondu dans les estomacs gourmands comme neige au soleil.  
Jean-François Dusart est un pâtissier-magicien qui anime des ateliers gustatifs, des cueillettes botaniques et des repas à thème, au gré des activités "nature" proposées par la Maison départementale de l'Environnement à Sermamagny (T. de Belfort).

dimanche 12 novembre 2017

Chronique littéraire : Petit pays, de Gaël Faye


Un petit pays, le Burundi, comme son voisin le Rwanda. Agréablement situés près du lac Tanganika, pays aux mille collines, voués à l’agriculture, bénis des dieux. Mais de grands malheurs, puisque les ethnies Hutus et Tutsis s’y opposent, s’y déchirent, depuis toujours.

Gaby raconte son enfance insouciante de petit métis, père français, mère rwandaise réfugiée à Bujumbura, capitale du Burundi. Une enfance merveilleuse, dans une maison cossue, avec la bande de copains du quartier, et une belle liberté d’action. Cueillir des mangues, faire des blagues, nager, écouter de la musique… Hutus ou Tutsis, peu importe, dans son petit monde, tout est idéalement en place. La politique, il s’en fiche.

Puis tout bascule. D’abord sa famille, le père et la mère se séparent. Ensuite, en 1993, le Rwanda s’embrase, c’est le génocide, qui contamine le Burundi. La guerre surprend Gaby, qui, à 13 ans, va devoir choisir un camp, connaître la peur, la mort, bref devenir un homme. Et fuir le doux pays de son enfance.

Le roman autobiographique de Gaël Faye a le charme des souvenirs d’enfance, mais aussi l’intérêt des fresques historiques. Raconté de l’intérieur, sans pathos, sans théorie, avec des images et un humour décalés, il permet d’appréhender l’enchaînement des violences, les ravages du génocide des Tutsis, la soif de vengeance, la confusion qui règnent dans le Petit pays. Où vingt ans après, il revient sur ses traces.

Gaël Faye, né en 1982 à Bujumbura, réfugié à Paris en 1995, connaît la nostalgie de l’exil malgré sa réussite dans la musique. Nostalgie de l’enfance, aussi, qui ne peut se soigner que par la littérature.

Prix Goncourt des Lycéens 2016, Petit Pays est maintenant disponible en Livre de Poche.

Chronique publiée dans le JTT.

samedi 4 novembre 2017

Frédéric Mistral, chantre de la Provence


Son nom est porté par d'innombrables lieux publics, places, rues, écoles, ponts, mais qui connaît vraiment ce personnage extraordinaire, chantre de la Provence, créateur du Félibrige, écrivain célèbre dans le monde entier, lauréat du Prix Nobel de littérature en 1904 

Frédéric Mistral est né en 1830 à Maillane, dans une propriété agricole des Bouches-du-Rhône. Mistral n'est pas un pseudonyme littéraire, c'est vraiment son nom, marquant dès la naissance son ancrage dans la Provence. Chez lui, on parle provençal, la langue maternelle, celle des échanges avec sa mère à laquelle il restera très attaché toute sa vie. Pensionnaire à Avignon, puis étudiant à la faculté de droit d'Aix-en-Provence, il apprend et pratique à la perfection le français, mais commence d'écrire des poèmes … en provençal. Pour lui, la langue d'oc est la première langue civilisée d'Europe, celle des troubadours, il veut la restaurer, la magnifier, et mettre en valeur la culture et les traditions provençales. Mistral s'oppose ainsi à la nation qui veut éradiquer les langues régionales.

En 1854, avec six autres poètes provençaux, Roumanille, Brunet, Aubanel, Giéra, Tavan et Mathieu, il fonde le Félibrige, académie littéraire de langue d'oc. Et commence une œuvre magistrale dont l'élaboration prendra plusieurs années : un dictionnaire bilingue provençal-français. En même temps, Frédéric Mistral rédige des poèmes, des articles pour le journal du Félibrige, et, à l'instar du poète Homère, se lance dans un roman épique en vers, Mirèio (Mireille).

« Cante uno chato de Prouvènço,
Dins lis amour de sa jouvènço,
A través de la Crau, vers la mar, dins li blad,
Umble escoulan dóu grand Oumèro, iéu la vole segui. »
« Je chante une jeune fille de Provence,
Dans les amours de sa jeunesse,
À travers la Crau, vers la mer, dans les blés,
Humble élève du grand Homère. »

Mireille est un long poème en douze chants, que Mistral met 8 ans à écrire. En 1859, il en propose une version bilingue, en vers provençaux et français, au célèbre écrivain romantique Lamartine. Lamartine est enthousiaste, il salue l'émergence d'un grand poète. Mireille obtient un succès immédiat en France, puis en Europe, l’œuvre est traduite dans une quinzaine de langues. Elle est même mise en musique par Charles Gounod en 1863.

Frédéric Mistral ne cède rien à la célébrité, il continue de vivre simplement dans son mas de Maillane, reçoit les amis de passage, dont Alphonse Daudet, continue obstinément de rédiger son dictionnaire bilingue, ses articles, contes et poèmes pour l'Armana Prouvençau, pour l'Aïoli. Peaufine d'autres oeuvres, Nerto, Les Olivades, le Chant du Rhône... Et développe un nouveau grand projet : un musée de la culture provençale à Arles. Il collecte et stocke tous les objets de la vie quotidienne, littéraire, religieuse, culturelle de la Provence. Et en 1899, grâce aux soutiens que lui vaut sa notoriété, le Musée Arlaten, lieu de mémoire de la Provence populaire, ouvre ses portes.

La renommée de Mistral est mondiale, le Félibrige se développe à travers l'Occitanie, la Catalogne, de nombreuses régions commencent à défendre leur spécificité culturelle. Le prix Nobel vient couronner le travail exigeant, opiniâtre d'un homme fier de ses racines, soucieux de conserver les traditions de son pays, à la fois linguiste, lexicographe, ethnologue et poète. Frédéric Mistral investit le prix dans son musée, et continue sa vie simple, écrivant jusqu'à son dernier jour, en mars 1914.

En 1992, la France adopte la Charte européenne des langues régionales. Le provençal, comme le breton, l'alsacien... est désormais pris en compte par l'Education nationale.

Article publié dans le JTT du jeudi 2 novembre.