lundi 30 août 2021

Annonay, pépinière de talents et d'activités

L’Ardèche septentrionale, après avoir été un des hauts lieux de l’innovation industrielle aux 18e et 19e siècles, retrouve son dynamisme et propose un tourisme à la fois patrimonial, sportif et gastronomique.


Patrimonial, avec les musées du parchemin et du cuir, de la papeterie … qui rappellent les heures de gloire du bassin annonéen. Les troupeaux fournissaient les peaux, deux rivières, la Deûme et la Cance l’énergie nécessaire à la transformation des matières premières. Ainsi est née une industrie du cuir, tanneries et mégisseries fournissant chaussures et sacs. Avec les peaux, traitées plus en finesse, on a fabriqué du parchemin. Avec les poils, du feutre, des tissus. Et le papier est arrivé, fruit des pratiques précédentes.

Tout cela, on le découvre dans deux petits musées privés. Celui du parchemin et du cuir se trouve au sein de l’entreprise Dumas, une des dernières à fabriquer ce support d’écriture imputrescible. On imagine à tort que le parchemin est un vieux papier ! Pas du tout. C’est une peau tannée, rasée, traitée, étirée, jusqu’à une épaisseur de moins d’un dixième de millimètre, mais qui reste solide au point d’être utilisée pour les tambours (dont ceux de la garde républicaine), les abat-jours, le garnissage de meubles… et comme support d’écriture dès le 2e siècle. La parcheminerie Dumas, labellisée Entreprise du patrimoine vivant, fait découvrir aux visiteurs de son petit musée la fabrication du parchemin, son histoire depuis qu’il a remplacé le papyrus, ses utilisations contemporaines et offre de nombreux objets à la vente.

Si le parchemin a été utilisé pendant tout le Moyen-Age, il fut à son tour dépassé par le papier au XVe siècle, une technique volée aux Chinois qui l’utilisaient depuis des siècles. Le Musée des papeteries Montgolfier et Canson, situé dans la demeure historique des Montgolfier au bord de la Deûme, est là pour rappeler son histoire. Pour faire du papier, il faut de vieux tissus en lambeaux, de l’eau, des produits issus de la tannerie, des feutres… Une fabrication que les guides du musée exécutent sous les yeux des visiteurs. 

Les Montgolfier, famille d’industriels et surtout d’inventeurs, peaufinèrent leur technique jusqu’à la perfection. Plus tard alliés à la famille Canson, ils développèrent le fameux papier dont la réputation est internationale. Et quel est le sigle qui orne tous les papiers Canson ? Une montgolfière ! Car le symbole d’Annonay, la gloire des Montgolfier, fut bien sûr cette montgolfière en papier qui s’éleva depuis la place des Cordeliers le 4 juin 1783… Premier vol dans l’espace ! Le musée des papeteries présente tout ce parcours, sans oublier Marc Seguin, un petit-neveu des Montgolfier, qui inventa la technique du pont suspendu, puis la chaudière tubulaire et permit la naissance des chemins de fer en France.

Annonay cache dans ses vertes vallées d’autres richesses, celles d’une nature sauvage, dans un environnement exceptionnel de collines et plateaux entaillés par de nombreuses rivières. Aux plaisirs de la randonnée à pied s’ajoutent les baignades, l’escalade, le vol en montgolfière ou en ULM. Mention particulière pour le vélo, célébré par les fans de l’Ardéchoise mais aussi par les amateurs de beaux paysages, qui peuvent choisir de parcourir la Dolce Via (de Saint-Agrève à La Voulte), la Viafluvia, qui rejoint la Loire au Rhône, ou la Viarhôna au bord du fleuve roi. Un effort physique qui permet de profiter sans limite d’un autre patrimoine, gourmand celui-là, avec les bonnes tables locales et les producteurs de vin, de fruits, de miel, de fromages…

La ville d’Annonay propose tout l’été des animations de rue, cinémas, énigmes, concerts, parcours à thème que chacun peut découvrir à son rythme. Si vous préférez un programme personnalisé, Sandrine Defour, guide-conférencière sur Annonay et ses environs, organise des balades à thème destinées aux amateurs de terroir, de nature et de patrimoine. Vous pouvez la contacter sur Facebook ou par téléphone 06 82 27 79 66.

Article publié dans le Jtt du jeudi 26 août.

jeudi 26 août 2021

Festival des Humoristes : Virginie Hocq, chic et choc

Le public qui se pressait hier soir à l’Espace Rochegude pour découvrir le spectacle de la comédienne et humoriste belge a été enchanté. Une standing ovation a clôturé sa prestation, un exercice de style périlleux, puisque le thème était « Vider l’appartement de son père disparu ». La preuve qu’on peut rire de tout, à condition d’y mettre les formes.

Virginie Hocq s’est lancée dans un vide-grenier farfelu, distribuant broc, foulard,   trompette… à un public réactif. Chaque objet la projetant dans ses souvenirs, ce fut l’occasion d’interpréter un show savoureux sur toutes les périodes de la vie, de l’adolescence qu’elle déteste à la vieillesse qu’elle redoute. Le tout mâtiné d’imitations de chanteurs, Elvis ou Madonna, de révélations intimes et de rencontres avec des visiteurs venus de l’au-delà. Un spectacle entre rire et émotion, comme l’a avoué la comédienne, ravie de reprendre enfin la scène à l’occasion de ce 32e Festival des Humoristes. 

Pour présenter cette soirée de gala, Vincent Roca, humoriste et chroniqueur bien connu, a donné lectures de quelques-uns de ses aphorismes, concoctés pendant les confinements. Une écriture percutante et jubilatoire, à retrouver lors des prochaines grandes soirées du festival, jusqu’au 28 août.

jeudi 19 août 2021

Hommage à Marc Seguin, inventeur de génie


Marc Seguin (1786-1875) a construit le premier pont suspendu sur le Rhône entre Tain et Tournon, en 1825, inventant la technique du pont suspendu par des câbles en fil de fer.  Mais cette réussite ne représente qu’une infime partie de l’œuvre immense de cet inventeur prolifique. Avec ses frères, il a ensuite édifié plus de 90 ponts à travers l’Europe, inventé la chaudière tubulaire à vapeur en 1827, qui a lancé le trafic des bateaux à vapeur sur le Rhône et construit la première ligne de chemin de fer française, entre Saint-Etienne et Lyon. Tout cela malgré d’énormes difficultés financières, politiques, techniques et les oppositions locales…

Pour construire le pont entre Tain et Tournon, rien n’a été laissé au hasard, Marc Seguin a conçu des essais à chaque étape, et cherché les meilleurs matériaux. Il a comparé les performances des fils de fer des différentes tréfileries françaises, trouvé la meilleure chaux pour faire le mortier des piles, mis au point une cloche pour descendre les maçons dans le fond du fleuve… Une passerelle test a été réalisée en 1822 derrière la propriété de Seguin à Annonay, sur la Cance. Il a fallu aussi lutter contre l’incompréhension et trouver les fonds nécessaires. Et quand le pont fut réalisé, le charger au maximum avec 70 tonnes de sable pour le stabiliser et vérifier sa solidité. Avant de l’ouvrir aux usagers, qui, s’acquittant d’un péage, ont délaissé le bac à traille. Et fait la fortune des Seguin.

Car ils étaient cinq frères Seguin, Marc étant l’aîné. Les compétences complémentaires : financière, commerciale, administrative, technique, et une bonne entente, a permis aux cadets de suivre Marc, l’inventeur aux idées toujours plus innovantes. Ensemble ils ont entièrement créé la première ligne de chemin de fer, entre Saint-Etienne et Lyon. Contre la volonté des habitants, il fallut acheter les terrains, percer des tunnels, construire des ponts, pour établir un cheminement presque horizontal, où les wagons furent d’abord traînés par des chevaux, avant d’être tractés par une locomotive à vapeur fonctionnant avec la fameuse chaudière tubulaire en 1827. D’autres lignes suivront, comme Paris-Versailles… Des accidents aussi, qui n’entameront pourtant pas la marche du progrès. 15 ans après la mort de Seguin, Clément Ader fera décoller le premier avion, grâce à une chaudière tubulaire à vapeur !

Auteur de très nombreuses publications scientifiques qu'il signe Seguin Aîné, Marc est élu en 1845 correspondant de l’Académie des sciences, dans la section de mécanique. Il fait partie de la liste des 72 noms de savants inscrits sur la tour Eiffel. Localement, le premier pont sur le Rhône entre Tain et Tournon a été démoli, son grand frère, un modèle élargi construit par les frères Seguin en 1847-1849, est actuellement utilisé comme passerelle piétonne.

Né à Annonay, marié deux fois, père de dix-neuf enfants, Marc Seguin fut aussi un humaniste, philanthrope et bienfaiteur de sa ville natale. Une statue l’honore à Tournon, pourtant ses grands-parents étaient tainois. Cela mérite un hommage de Tain, dont il est le grand homme !

Article publié dans le JTT du jeudi 5 août 2021.

jeudi 12 août 2021

La scourtinerie de Nyons

La Scourtinerie de Nyons est le dernier endroit où l'on fabrique les scourtins, ces « paillassons » traditionnels qui autrefois servaient de filtres dans les pressoirs à huile d'olives. L’entreprise familiale, fondée à Nyons en 1882 par Marie et Ferdinand Fert, est aujourd'hui dirigée par Frédérique et Arnaud Fert, les petits-enfants des créateurs, qui ont enrichi leur gamme traditionnelle d'objets décoratifs pour la maison. 

Dans l’Antiquité, la pâte d'olive était mise dans des sacs ou des linges, afin d'être compressée à l'aide d'un tronc d'arbre. Un siècle avant notre ère apparut le pressoir à vis, plus performant. La pression s’exerçant sur la pâte d'olive, il fallait la maintenir dans des sacs spéciaux en fibres végétales. D’où la naissance du scourtin, rond, avec une poche, traditionnellement tressé à partir de tiges de joncs ou de fibres d'alfa.  On empilait alors les scourtins remplis d’olives sur les pressoirs à vis, on pressait, l’huile était récupérée, et il restait dans les poches un mélange de pâte et de noyaux appelé grignon. 

Mais quand les presses hydrauliques commencèrent à s'imposer vers 1890, il fallut des scourtins plus résistants. Ferdinand et Marie firent de nombreux essais pour trouver le meilleur matériau et finalement sélectionnèrent la fibre de coco, une matière encore au goût du jour. Ils fabriquèrent aussi une première machine à tisser les scourtins, toujours opérationnelle aujourd’hui. 

A la Scourtinerie de Nyons, on peut visiter un petit musée avec atelier, où un film explique la fabrication et l'utilisation des scourtins. Et rendre visite à la boutique, où la gamme de produits s’est actualisée depuis 1956, avec des paillassons, dessous de plats et tapis colorés, pimpants, en fibre naturelle, ainsi que des ombrières, voiles d'ombrage en coco, à suspendre ou monter sur une Pergola. Un patrimoine local original, emblématique de la ville de Nyons et de ses célèbres oliveraies.  

LA SCOURTINERIE
36, rue de la Maladrerie
26110 Nyons
http://www.scourtinerie.com/

Article publié dans le JTT du jeudi 5 août.




vendredi 6 août 2021

Les vignes du Seigneur, au Jardin d'Eden

La passion de la terre était à l’honneur, samedi, lors d’une dégustation Hors les Murs organisée par la Cave de Tain au Jardin d’Eden, à Tournon. Une vingtaine de participants, en majorité venus de Drôme-Ardèche, attirés par la perspective d’allier découvertes botanique et œnologique, ont été enchantés de la prestation.

Ce domaine d’un hectare étagé sur la colline, entre rue du Doux et promenade des Tours, était au XIVe siècle le jardin nourricier de la communauté des Frères Cordeliers. Occupé et travaillé ensuite par des sœurs cloîtrées, ce lieu fut cédé en 1954 aux Sœurs du Sacré-Cœur, très impliquées dans la vie locale, enseignantes, infirmières, mais pas jardinières ! Quand Eric Lelong a racheté leur parc, en 2008, c’était un maquis inextricable. Après 14 ans d’un travail acharné, il en a fait un havre de fraîcheur et de beauté que plus de 10 000 visiteurs visitent chaque année. Terrasses défrichées, murets restaurés, bassins creusés, ponts édifiés, fontaines adaptées, sentiers dégagés, après l’installation de 1,5 km de réseau d’eau, il a multiplié les plantations dans ce coteau escarpé. 

Et maintenant, rosiers, lauriers, hydrangeas, lagerstroemias, agapanthes fleurissent entre les cèdres, pins et buis centenaires. Plaisir des yeux, des oreilles, grâce au chant des oiseaux, au murmure de l’eau, parfum des plantes médicinales qu’on effleure, la déambulation dans le jardin est un régal des sens. Mais pas seulement : Eric a chiné dans les brocantes statues et ferronneries anciennes, essayant de garder l’esprit des lieux, c’est-à-dire le souvenir des communautés religieuses qui y ont vécu. Petits oratoires propices à la méditation, terrasses ouvertes sur l’infini, offrant une vue sublime sur Tournon, Tain, le Rhône et le Vercors. Sentiment de plénitude, hors du temps. Et tout en haut, avec les vignes du Seigneur et le jardin des oliviers, l’esprit s’élève.

On est resté dans les hauteurs en dégustant avec Ludovic, sommelier de la Cave de Tain, les meilleurs nectars produits en Ardèche : Saint-Joseph blanc Terre d’Ivoire 2018 et rouge Esprit de granit 2017, Cornas Nobles rives 2018. Ludovic a partagé ses connaissances en matière de géologie, de cépages, d’accords mets-vin, expliqué les nouvelles tendances de dégustation, de vinification. Globe-trotter sans frontières, il a traversé le Rhône en présentant Hermitage blanc et Hermitage rouge 2017.

Un jardin luxuriant pour accueillir une célébration des sens, quel bel accord entre le corps et l’esprit ! Un avant-goût de paradis…

Prochaine dégustation organisée Hors les Murs : le 21 août au Palais Idéal du Facteur Cheval. Réservations : 04 75 08 91 86

Jardin d'Eden à Tournon ouvert tous les jours : 06 11 10 28 64

Article publié dans le JTT du jeudi 5 août 2021.