jeudi 16 septembre 2021

L'insolite musée de la douane suisse, à Lugano

De tout temps, les Suisses ont protégé leur territoire, et on ne plaisantait pas avec leurs douaniers. Même s’ils ne sont pas inclus dans l’Union européenne, les accords de Schengen y permettent maintenant la libre circulation des marchandises, et le travail des douaniers a bien évolué. Plutôt que stationner aux frontières, ils interviennent n’importe où sur le territoire helvétique pour contrôler des proies repérées préalablement.

Le musée de la douane suisse à Gandria, près de Lugano, a le charme désuet des pratiques abandonnées. Le temps où les contrebandiers essayaient d’échapper aux gabelous par tous les moyens. Comme la frontière avec l’Italie longe le lac, la contrebande s’effectuait par bateau ou à pied à travers la montagne. Double cale ou double fond, toutes sortes d’astuces étaient utilisées pour faire passer le tabac, les bijoux ou l’argent. Des cachettes aménagées dans les talons de chaussures, dans de fausses victuailles, dans les vêtements … en témoignent.

La partie pédagogique du musée évoque l’histoire des douanes, les principaux postes névralgiques en Suisse, la vie des douaniers au siècle dernier. Mais le plus édifiant, c’est l’étage réservé aux actuelles prises des douaniers. Des stocks de contrefaçons : montres, sacs, bijoux. Des kilos de faux médicaments. Des œuvres d’art provenant d’Afrique ou d’Asie. Les animaux sauvages ne sont pas épargnés : tortues naturalisées, coquillages précieux, peaux de tigres, défenses d’éléphants… Une caverne d’Alibaba où les stratagèmes les plus sophistiqués concernent le camouflage des drogues, cachées dans des canettes de boissons, des poches secrètes… L’activité actuelle des douanes a pourtant changé, l’essentiel est maintenant orienté sur la protection des propriétés intellectuelles, des droits d’auteur et le filtrage des migrants.

Dans le jardin du musée, on retrouve l’histoire concrète avec une belle collection de bornes anciennes en pierre, chacune ornée du double écussonnage, d’un côté le symbole suisse (ours de Berne, croix blanche, CH…) de l’autre les symboles du pays limitrophe (fleur de Lys ou RF pour la France, I pour Italie). Une réalité tangible, à l’opposé des actuelles frontières virtuelles.

https://www.myswitzerland.com/fr-fr/decouvrir/musee-suisse-des-douanes/

 Article publié dans le JTT.

jeudi 9 septembre 2021

En bus, à vélo et en bateau sur le Rhône

C’est la formule originale proposée par la Compagnie des Canotiers pour une superbe promenade dans la nature ardéchoise. Les voyageurs, avec leurs vélos, embarquent dans le bus de la ligne 11 vers 9h en gare de Tournon, direction Lalouvesc. Puis ils descendent à vélo le long de la vallée de l’Ay, à leur rythme. Rendez-vous à l’embarcadère de Saint-Vallier à 14h 30, pour un retour à Tournon par le fleuve, dans le catamaran des Canotiers.

Nous avons interprété la formule à notre guise, quittant le bus au col du Marchand, pour réduire le trajet et éviter la ville. Immédiatement, l’immersion dans la nature nous enchante. La descente vers Satillieu est un pur plaisir, vivifiés par l’air frais, dans de sombres forêts de sapins égayées de fougères phosphorescentes et d’épilobes roses. 

Le village de Satillieu est un centre commercial accueillant, idéal pour faire une pause et acheter des provisions, avant de poursuivre la route vers Saint-Romain d’Ay. La petite départementale traverse alors un paysage de campagne, ponctué de hameaux aux solides maisons de pierre ocre et de vénérables châtaigniers et mûriers. Les cultures, les vergers, les jardins, alternent avec les prairies où paissent les vaches. L’odeur du foin coupé embaume l’air. On devine le lit de la rivière Ay entre les entre les arbres, quelques pêcheurs y sont installés. Ce n’est qu’au sanctuaire de Notre-Dame d’Ay qu’un sentier bucolique permet d’approcher ce petit affluent du Rhône. Un joli torrent qui a creusé son lit entre roches et buissons foisonnants. Fraîcheur, ombre et soleil, clapotis de l’eau sur les cailloux, l’endroit est parfait pour le pique-nique.

Puis le trajet se continue vers Ardoix, où commencent les gorges de l’Ay, une petite merveille de la nature. Hautes murailles granitiques, végétation sauvage, à pic impressionnant au fond duquel la rivière cascade. Dans cet univers minéral la route dévale une pente vertigineuse, il faut s’arrêter près des ponts, se pencher au-dessus des murets, pour apprécier le fabuleux travail de creusement des falaises par l’eau. Enfin Sarras apparaît, les collines s’adoucissent pour accueillir les vignes, on retrouve la civilisation, les feux rouges, la circulation sur le pont qui mène à Saint-Vallier. Et au bord du quai, le catamaran des Canotiers nous attend. Nous embarquons avec nos vélos pour une paisible descente du Rhône jusqu’à Tournon.

Un moment de détente totale, à admirer le bel alignement des maisons sur la rive, le défilement des berges puis les coteaux, les villages, sous un angle différent. Après le spectaculaire passage de l’écluse de Gervans, on dépasse la mythique Table du Roy, et déjà  le château de Tournon se profile à l’horizon. Fin de la balade au port, nous remercions les navigateurs pour cette belle proposition touristique. En quelques heures, nous avons vécu un dépaysement total, avons côtoyé des milieux naturels variés : montagne, campagne, végétal, minéral, aquatique… Tout cela sans grand effort et sans aucun souci d’organisation !

La Compagnie des Canotiers propose cette aventure (parmi d’autres) les dimanches et jeudis d’été, au prix de 18 € (+0.80 € pour le bus). Renseignements et réservation : 0644307976 et www.canotiersboatnbike.com.

Article publié dans le Jtt du jeudi 9 septembre 2021.

vendredi 3 septembre 2021

Chronique littéraire : Les grands cerfs, de Claudie Hunzinger

Une ode à la nature sauvage. Claudie Hunzinger vit avec son compagnon Nils dans une ferme perdue de la montagne vosgienne. Pas reliée aux réseaux d’eau, d’électricité, loin de la société de consommation, acceptant les difficultés d’accès, de ravitaillement, les intempéries, pluie, gel, neige, et ce depuis plus de 50 ans. Mais avant tout fidèle à son idéal de vivre une vie simple, au plus près de la nature, remplaçant le confort et le conformisme par la lecture et la débrouillardise.

Un jour, par hasard, elle croise un grand cerf dans la forêt. Bouleversée par la beauté de l’animal, elle veut immédiatement en savoir plus sur ces animaux dont elle pressent la présence autour de sa maison, mais qui savent se cacher des hommes. Ils redoutent les chasseurs, avec leur folie des trophées, et les gens de l’ONF, qui gèrent et exploitent les bois, remplaçant leurs arbres nourriciers par d’autres plus rentables.

Un photographe animalier, Léo, passionné de cerfs lui aussi, va lui apprendre à rester en affût, des nuits entières, pour découvrir leur vie, leurs différences, comment ils évoluent, naissance, nourriture, sommeil, mue, brame, lutte … Pour Claudie, une expérience de silence, de temps étiré, dans des conditions extrêmes, un peu semblable à celle vécue par Sylvain Tesson au Népal, sur les traces de la panthère des neiges.

De cette expérience, Claudie a tiré un magnifique hommage aux cerfs, écrit dans une langue poétique et tendre, mais qui est aussi pamphlet contre la marchandisation des milieux naturels et l’extinction programmée des grands animaux sauvages.

Claudie Hunzinger, née en 1940 à Colmar dans le Haut-Rhin, est une artiste plasticienne et romancière française. La nature et l’originalité sont omniprésentes dans son double parcours.

« Les grands cerfs » est disponible en poche chez J’ai lu.

Chronique publiée dans le Jtt du jeudi 2 septembre 2021.