dimanche 29 mai 2016

Chronique littéraire : Berezina, de Sylvain Tesson

Un road-trip totalement hors normes, en compagnie d'un trompe-la-mort assumé.
1812 : Retraite des armées napoléoniennes à travers la Russie.
2012 : Pour commémorer cet anniversaire, Sylvain Tesson, avec quelques amis aussi déjantés que lui, décide de refaire le trajet en moto, et en plein hiver, de Moscou à Paris. S’ensuit un récit de voyage qui mêle constamment histoire et géographie, carnet de route et météo, réflexions philosophiques et rencontres.

Beaucoup de remises en question dans cet ouvrage. En premier lieu, le mot Berezina, synonyme chez nous de débandade. Ce fut pourtant une réussite stratégique de Napoléon sur l’armée russe, qui d’ailleurs n’a jamais obtenu de victoire sur lui : c’est l’hiver qui a décimé la Grande Armée. Ensuite, le rôle et le génie de Napoléon, si injustement brocardé, alors que la gestion administrative de la France lui doit beaucoup et qu’il fut le premier chantre de l’égalité, via la méritocratie. Enfin, la description d'un carnage inimaginable, qui préfigure celui de 1914 par son ampleur, son horreur.

Le style, l’écriture de Tesson sont remarquables de diversité et de pertinence. Formules lapidaires, éclairs poétiques, humour ravageur, impressions personnelles, raisonnements argumentés. Étayés par ses connaissances du terrain, la Russie et l’Europe de l’Est, sa culture historique, et sa pénétration de l’âme humaine, lui qui a vécu des situations extrêmes. Il peut se permettre de critiquer notre monde de confort, de fadeur, et de fric, puisqu’il vit en marge, loup solitaire préférant la douceur de l’alcool à celle des sentiments.
Avec Tesson, sur les vieilles motos soviétiques, les seules qui peuvent rouler dans la neige par -30°, ça décoiffe !

Berezina est disponible en poche chez Folio.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 26 mai.

lundi 23 mai 2016

Marie-Josée Faure, la passion du vin

« Terres de Syrah » est un nouveau concept oenotouristique, fruit de la collaboration entre Marie-Josée Faure et la Cave de Tain. Ce projet commun utilise les compétences de l'une et les infrastructures de l'autre. Marie-Josée est la seule personne de la Vallée du Rhône septentrionale qui vise le très réputé Master of Wine. La Cave de Tain, attirée par cette expertise, l’a donc sollicitée pour développer ses activités oenotouristiques.
Fille de vigneron, Marie- Josée a passé son enfance au pied de l'Hermitage, accompagnant très tôt son père, employé chez Chapoutier, dans les vignes. Après le bac elle s'est tout naturellement inscrite à l'Université du Vin de Suze-la Rousse. C'est dans la chapelle du château, sous la houlette d'un professeur passionné, qu'elle a eu le déclic, lors d'une séance de dégustation : Comme lui, elle transmettrait le goût des vins, la connaissance des crus, elle ferait apprécier toutes leurs caractéristiques. Bref, elle serait guide œnologique.
Après avoir exploré différentes facettes de la filière du vin, caviste, animatrice de club de dégustation, et l'obtention du WSET (Wine and Spirit Education Trust), elle a rejoint l'équipe enseignante du lycée hôtelier de Tain l'Hermitage. Son cours d'éducation aux vins et alcools du monde, en anglais, est destiné aux apprentis sommeliers. Elle ouvre dans la foulée à Tournon le caveau « Les Sens'Ciel », en 2010. Multipliant les animations œnologiques en direction des touristes, des croisiéristes, mais aussi des amateurs locaux, par des dégustations, des promenades dans les vignes,  et des soirées conviviales. Elle intervient aussi à l’école SCOOK de Anne-Sophie Pic à Valence.

Lors de sa formation au WSET en Angleterre, Marie-Josée a été impressionnée par les immenses connaissances d'un professeur titulaire du Master of Wine, le plus haut diplôme en matière de vin. Nouveau défi : elle s’engage à son tour dans ce parcours de référence. Trois années d’études, beaucoup de candidats et peu de diplômés (seulement 5 Master of Wine français à ce jour). Mais une grande reconnaissance professionnelle dans le monde anglo-saxon du vin. Et en vallée du Rhône !
Partager la passion du vin, c’est l’objectif de « Terres de Syrah ». Les activités débuteront en juin 2016 sous la direction de Marie-Josée, avec l’aide de Yohann Denni et Delphine Ledent, de la Cave, sans oublier Bénédicte, la dynamique stagiaire. Une équipe de choc, qui vous entraînera dans les vignes à pied, en vélo électrique ou en gyropode. Vous invitera à déguster les vins after work et en musique, vous entraînera à la rencontre des différents coopérateurs, vous proposera cours de dégustation et séjours gourmands à la carte...

http://www.vin-et-sens.com/

Article publié dans le JTT du jeudi 19 mai.

mercredi 18 mai 2016

Voyages autour du monde ... et dans le passé

La nouvelle exposition du Musée de l’Hôtel-Dieu de Porrentruy mérite le détour. L'invité d'honneur est Yves Hänggi, un artiste contemporain original, dont la palette aux tons noir-gris-jaune s’inspire de la BD, et rénove complètement le style des carnets de voyage.  Un coup de crayon réaliste, humoristique qui illustre de façon très personnelle son tour du monde, au départ de Porrentruy. 

L'exposition se poursuit sur le même thème, mais avec des documents issus des collections du musée. Les voyages ne sont pas tous d'agrément, comme en témoignent un brave conscrit recruté sous Napoléon, ou  Sylvain Biétry, qui écrit une dernière lettre à ses parents depuis une caserne d’Algérie. Il part  pour le Tonkin avec le corps expéditionnaire français en 1885 et n’en reviendra pas.

Une épopée glorieuse : celle d'un officier de marine parti de Brest avec l’armée de Rochambeau, pour lutter aux côtés de Georges Washington, en 1780, lors de la guerre d’indépendance en Amérique. Les illustrations du «Voyage autour du monde par les mers de l’Inde et la Chine », effectué par l’explorateur Laplace en 1830-32, rappellent le goût de l'époque pour l'ethnographie.
Enfin, le document le plus littéraire : Joseph Wyss effectua un voyage de six mois aux Etats-Unis,  en 1882. Fin observateur, il décrivit avec minutie la société américaine, son récit de voyage est dans la veine de Tocqueville.


Quelques toiles liées au Grand Tour, des carnets de croquis anciens ou contemporains, et une collection d’affiches du tourisme suisse complètent l’exposition, dont la variété réjouit à la fois les amateurs d’art, d’histoire, ou de géographie.

"Carnets de voyage"
Musée de l'Hôtel-Dieu, Porrentruy (Jura)
jusqu'au 14 août 2016
www.mhdp.ch

Nombreuses animations à l'occasion de la nuit des musées le 21 mai.

vendredi 13 mai 2016

Chronique Littéraire : Noces de Charbon, de Sophie Chauveau

Tout commence comme Germinal, dans la misère des corons du Nord, au début du XIXème siècle, mais le style est alerte et caustique. Puis on traverse les salons mondains de la haute bourgeoisie des Houillères. Chapitre après chapitre, génération après génération, on suit ainsi deux familles que tout oppose, sauf le charbon.
Les personnages ? Des hommes qui ne pensent qu’au travail ou à la fête, des femmes qui subissent le mariage comme une fatalité, qu’elles soient riches ou pauvres, des enfants abandonnés aux soins des nurses ou des orphelinats… Bref, un manque d’amour crucial. D’où jaillit enfin la révolte : en mai 1968, celle de l’héritière de cette double généalogie, l’auteur, Sophie Chauveau.

Cette grande fresque raconte un siècle de vie en France, on y rencontre des personnages féminins hauts en couleurs, comme Micheline, la femme d’affaires ou Angèle, la cocotte. La riche documentation permet de s’immerger dans ces milieux totalement différents, avec en arrière-plan les bouleversements sociaux en France, et l’épopée  du charbon, fleuron national abandonné au profit du pétrole. Au fil des événements, la balance des richesses s’inverse, jusqu’à ce qu’une petite-fille immature des uns épouse à Paris dans les années 1950 un fêtard désargenté issu des autres.

Sophie Chauveau, née à Paris en 1953, a écrit de nombreuses biographies passionnantes sur la Renaissance, des essais artistiques, tout en militant du côté du Mouvement des femmes. Dans Noces de Charbon, elle mêle avec brio la documentation, la fiction et la mémoire intime.

Noces de Charbon est publié en poche chez Folio.

Chronique publiée dans le JTT.

samedi 7 mai 2016

La graineterie de Pont-Saint-Esprit (Gard)

En ce matin de printemps, sur le trottoir et dans la boutique c’est l’effervescence. Les clients se pressent entre les plants éclatants de géraniums, pétunias, fuchsias, les boutures d'aromates, thym, romarin, lavande, les tomates et salades, les conteneurs d'arbustes, de rosiers, et autres végétaux. L’enseigne: « Produits agricoles », est à peine lisible,  à peine visible, à l’image de ce magasin à l'ancienne, dont les étalages fleurissent le trottoir de l'avenue Gambetta, au cœur de Pont-Saint-Esprit.

L'intérieur sombre de la boutique est une véritable caverne d'Ali Baba, qui renferme tout ce qui est nécessaire au jardin : sachets de semences, sacs de terreau, outils, pots, articles de décoration. Avec une spécificité qui fait la renommée de l'enseigne : les graines en vrac. Sur une étagère, dans de grands sacs de papier, diverses semences de pois, haricots, pois gourmands, fèves... Au sol, des sacs encore plus grands contiennent l'alimentation animale, graines pour les oiseaux, les poules ... Cette graineterie centenaire témoigne de la pérennité de l'activité agricole en Vallée du Rhône.
Le client demande, la vendeuse puise dans le sac la quantité de graines désirée avec une pelle, et quand le sachet est rempli, elle le pèse sur une balance … elle aussi d'époque ! Car l'équipement du magasin, où on se succède de père en fils depuis 5 générations, est resté dans son jus. C’est ce qui fait son charme, son authenticité.

Au cœur de la ville, la graineterie est une boutique délicieusement désuète, où le dépaysement est assuré. Nostalgie du temps passé, où tout était immuable. Mais aussi qualité du service, amabilité, patience, conseils. Le patron note les commandes particulières, catalogue en main. Si vous désirez quelques graines de fantaisie, à vous de les ajouter ...

Article publié dans le JTT du jeudi 5 mai.

lundi 2 mai 2016

Sulmona, capitale des dragées

Savez-vous qu’en italien, dragées se dit confetti ? La ville de Sulmona, dans les Abruzzes, est spécialisée dans la production de confetti. De nombreuses entreprises familiales y maintiennent la tradition, un Museo del confetti expose l’histoire de ce bonbon symbolique, qui accompagne toutes les étapes de la vie. La renommée des confetti de Sulmona est internationale, leur qualité exceptionnelle, à tel point qu’on trouve, dans la liste des clients célèbres, William d’Angleterre et Kate, lors du baptême du petit prince George. 

L’Italie associe traditionnellement chaque événement familial à une consommation de dragées, aussi chaque couleur correspond-elle à une circonstance particulière.  Blanc pour les mariages, argent pour noces d’argent, or pour celles d’or,  bleu ciel ou rose pour les baptêmes, rouge pour les remises de diplômes, vert pour les fiançailles, violet pour la gay pride
Mais la variété réside d’abord dans les ingrédients. Si le produit phare est constitué de sucre enrobant les amandes de Sicile ou les noisettes DOP, on peut trouver au cœur de la dragée toutes sortes de fruits secs, anis, cannelle, grain de café, pistache, chocolat, et même du limoncello.
Revenons à la fabrication : les amandes sont plongées dans un bain de sirop de sucre, remuées longuement, puis séchées délicatement, on recommence le processus plusieurs fois pour obtenir une enveloppe dure et lisse. Attention, le prix et le goût dépendent de la quantité de sucre ajouté, moins il y a de sucre, meilleure est la dragée, car elle conserve la saveur de l’amande.

La suite, c’est une question de présentation. A côté des emballages traditionnels, les artistes de Sulmona rivalisent de créativité pour présenter des compositions de dragées innovantes, leurs œuvres s’arrachent dans les grands salons de la gastronomie mondiale. Une nouvelle façon pour l’Italie de montrer son savoir-faire en matière d’élégance

Article publié dans le JTT du jeudi 28 avril.