mercredi 27 avril 2016

Angkor ... toujours

Angkor, du Xème au XIIIème siècle, recouvrait 1000 kilomètres carrés, capitale du royaume khmer elle comptabilisait 750 000 habitants. Toute la zone était irriguée, et donc nourrie, grâce à des travaux hydrauliques colossaux et une gestion des eaux parfaitement maîtrisée. Les aléas climatiques, les guerres, le changement de religion, ont eu raison de cette merveilleuse cité qui fut progressivement abandonnée, puis reprise par la jungle. Jusqu’à sa « redécouverte » en 1860 par Henri Mouhot, un explorateur Montbéliardais. Ses carnets ont mis Angkor à la mode en Europe, comme Bonaparte avait initié l’égyptomanie quelques décennies plus tôt.

Aujourd’hui, une centaine de temples subsistent dans une jungle de 900 km2, sillonnée par un réseau de pistes. Angkor Vat, le temple majeur du site est un des mieux conservés. Le terme temple est  impropre pour cette cité de pierre aux bâtiments somptueux imbriqués les uns dans les autres. Une magnifique voie pavée passe au dessus d’une douve, et pénètre dans une muraille de 3.5 km de long. Architecture de grès et de latérite, les blocs ne sont pas assemblés par un mortier, mais par une taille ajustée. Les différents niveaux s’étagent en terrasses successives, reliées par des escaliers, jusqu’au centre, où on accède au sanctuaire dominé par les cinq célèbres tours. Le temple est aujourd’hui encore un lieu saint, mais dédié à Bouddha, alors qu’à l’origine c’était un lieu de culte hindouiste, dédié à Vishnou. Le Cambodge est passé en douceur d’une religion à une autre, dans une forme de syncrétisme paisible.

Deux autres sites spectaculaires, à une vingtaine de kilomètres, attirent les touristes. D’abord Angkor Tom, la ville royale fortifiée. Un carré de 3 km de côté, entouré d'une douve et d'une muraille percée par quatre portes. Un alignement d’une cinquantaine de dieux d’un côté, de démons de l’autre, tenant le serpent sacré, le naga borde l’entrée principale. A l’intérieur, plusieurs palais, temples, dont le fameux Bayon bâti par Jayavarman VII. Ce fantastique monument, avec ses 54 tours à quatre visages, fut dédié par le souverain à Bouddha  dont il diffusa la doctrine. Partout, on se sent regardé avec bienveillance.

Ta Prohm est le temple dissimulé sous les fromagers géants, où végétal et minéral se livrent une lutte sans merci. C’est hallucinant. Les racines des arbres, vieux de 300 ans environ, se sont insérées entre les pierres des temples, ont poussé sur les ruines. Cette double architecture grandiose donne l’impression de se trouver face au chaos, dans un autre monde, après l’apocalypse. 

Angkor est un site exceptionnel, où chaque temple a sa personnalité. Les dizaines de kilomètres entre les monuments, à travers la jungle, sont l’occasion d’apercevoir entre les arbres, d’autres temples, d’autres ruines, que personne ne visite. Les archéologues de l’école française d’Extrême-Orient ont encore de belles restaurations en perspective !


vendredi 22 avril 2016

Indo-Chine


Depuis la France, on assimile souvent Vietnam et Cambodge, deux pays voisins, baignés par les eaux poissonneuses du Mékong et celles du golfe de Siam, terres de rizières, jardins exotiques et plantations de thé, soumises aux caprices des moussons. Pourtant, quand on prend le temps de les parcourir, que de différences !
Les deux pays sont dirigés par un régime communiste, mais le Cambodge est un royaume, tandis que le Vietnam est une république. Le premier est un petit pays compact  de 15 millions d’habitants, tandis que les 95 millions d’habitants du second se pressent sur une bande de terre d’environ 2000 km le long de la mer de Chine.

Les deux langues diffèrent totalement, caractères latins pour le Vietnam, issus du sanskrit pour le Cambodge. Côté religion, on est très discret au Vietnam, où seul le culte des ancêtres fait l’unanimité, tandis qu’au Cambodge, les bonzes en robe safran sont omniprésents en ville comme
en campagne. Même le physique s’y met : le teint jaune et les yeux bridés des Vietnamiens laissent place à une peau sombre et des yeux en amande au Cambodge.

La société vietnamienne est homogène, c’est une population hyperactive de travailleurs astucieux et entreprenants, qui ambitionnent la pleine croissance. Au Cambodge, le clivage est énorme entre nouveaux riches arborant un luxe indécent et miséreux fatalistes et souriants. Au Vietnam la monnaie locale est le dong, mais on accepte volontiers les euros. Tandis qu’au Cambodge, le riel est totalement disqualifié au profit du dollar.

Leur histoire commune est nourrie de luttes fratricides : l’empire Khmer a absorbé une grande partie du Vietnam au XIIème siècle, de leur côté les Vietnamiens, après avoir contribué à la chute de Pol Pot, ont occupé et saigné le Cambodge pendant 10 ans, par besoin d’agrandir leur espace vital.
Pour faire court, le Cambodge a des allures d’Inde, tandis que le Vietnam est un petit frère de la Chine… Mais n’est-ce pas précisément l’origine du vocable Indochine ?

Article publié dans le JTT du jeudi 21 avril 2016.

vendredi 15 avril 2016

Chronique littéraire : Un hiver à Paris, de Jean-Philippe Blondel

JP Blondel décrit avec simplicité et minutie le mal-être des étudiants confrontés à l’hyper sélectivité des classes préparatoires, l’élitisme méprisant des profs, la surcharge de travail. Son héros, Victor, un jeune provincial, s’adapte difficilement à une bourgeoisie intellectuelle parisienne dont il ignore les codes. La perte de contact avec ses parents, l’incompréhension de ses camarades, le déstabilisent. Il se sent isolé, à l’écart, et se demande comment et combien de temps il va tenir.
 
Le suicide de Mathieu, un étudiant avec qui il avait échangé quelques mots un jour de grande solitude, change la donne. Bombardé ami de la victime, il devient intéressant aux yeux des autres khâgneux, des profs, du proviseur, et des parents de Mathieu. Victor est à la fois profondément ébranlé par la mort de son copain, et intrigué par l’intérêt qu’il présente. Il expérimente et goûte ainsi de nouvelles relations. Une évolution qui va lui permettre d’affirmer sa vocation. Il sera prof, mais un prof  au contraire de celui qui les torture en hypokhâgne, et écrivain, pour écrire tout ce qu’il voit et ne dit pas.

Dans ce livre passionnant, on retrouve Jean-Philippe Blondel au meilleur de sa plume. Un prof avec qui on aurait aimé suivre des cours ! Ecrivain prolifique, il sait mettre en mots les souffrances de l’adolescence, la sienne n’ayant pas été épargnée par le malheur. Avec une belle empathie pour son personnage, il le laisse peu à peu trouver sa place. Un message qui suscite l'espoir.

Ce roman est disponible en poche chez Pocket.

Chronique publiée dans le JTT.

mardi 12 avril 2016

Le marché aux puces de Belfort

Tous les premiers dimanches du mois, de mars à décembre, place d'Armes, place de l'Arsenal, rue de la Grande Fontaine, rue des Bons Enfants, Grande Rue, c’est la fête dans la vieille ville rendue piétonne. Le grand marché aux puces réunit en plein air plus de 120 commerçants professionnels, et des milliers d’amateurs de brocantes et d'antiquités. La grande variété de meubles, vaisselle, bibelots, pièces de collection, cartes postales... attire les connaisseurs qui viennent de toute la région, ainsi que d'Alsace, d’Allemagne et de Suisse.

Pas besoin d’acheter pour profiter d’une agréable promenade matinale. La porte de Brisach et les remparts de Vauban, les hautes maisons aux façades de grès rose, les fontaines,  la jolie place aux marronniers, ses terrasses et son kiosque, la vue ouverte sur le fameux Lion de Bartholdi, la cathédrale Saint Christophe, forment un cadre superbe pour flâner en famille.
Les restaurants, bars, magasins et antiquaires de la ville profitent de l’affluence et de l’humeur nonchalante des visiteurs. La librairie « La marmite à mots » propose dans ses rayons un festival de livres originaux qui séduisent tous les âges. Et si vous avez envie de musique, un concert gratuit est offert par la municipalité dans la salle d’honneur de la mairie.
Programmés de 11 heures à midi, les dimanches de marché aux puces, par l'ensemble vocal Arcanes, les « Vocalises » jouent l’éclectisme, œuvres médiévales ou contemporaines, opérettes ou mélodies, swing ou folklore, pour le plus grand plaisir des amateurs de musique vocale.
 
Loin de son image austère et technologique, Belfort cultive son dynamisme, c’est la destination touristique et culturelle incontournable de la région chaque premier dimanche du mois. En attendant la grande fête musicale de Pentecôte, le FIMU…



vendredi 8 avril 2016

Les locavores sont omnivores


Eh oui ! Les locavores (qui se nourrissent de produits locaux ) apprécient de manger varié (ils sont omnivores). A Tain l'Hermitage, c'est le bonheur : une nouvelle structure, Locavor, leur livre sur place toute la fraîcheur du terroir.
Qu'est-ce que Locavor ? La mise en relation par internet de consommateurs et de producteurs. C'est simple, on s'inscrit sur le site (sans obligation d'achat, ni cotisation), on choisit les produits, ensuite si on commande, on paie par carte bleue, et le mardi soir, on vient chercher son colis tout prêt au Fournil de Camille. Pour l'instant, la communauté compte 30 producteurs et plus de 400 consommateurs. Tout le monde est gagnant : les producteurs, qui trouvent là une occasion de vendre en direct, complémentaire du marché du samedi. Les consommateurs, qui peuvent renouveler leur stock de produits frais en milieu de semaine.

Que peut -on acheter ? A vrai dire, presque tout ce qui est produit dans un rayon d'une cinquantaine de km. Commençons par Nicolas, le boulanger du Fournil qui prête son espace, il propose un pain au levain spécialement pétri pour Locavor. A côté, on trouve tous les classiques de la région, légumes et légumes bio, fruits de saison, jus de fruits et compotes, fromages de chèvre, de brebis, de vache, lait et yaourts, canards, poulets, pintades, œufs. Confitures, ravioles, noix et produits dérivés, huile, vin, croquants ; tisanes, miels, aromates ...
Qui est à l'origine du concept ? Marianne Guméry, une passionnée de nature et de santé. Petite-fille d'agriculteurs, elle a toujours apprécié la nourriture saine. Dans son cabinet de réflexologie plantaire à Tournon, elle pratique une approche thérapeutique douce, avec des produits naturels. Depuis longtemps, elle cherchait une structure qui permette de promouvoir une nourriture écologique, valorisant les produits locaux, limitant les intermédiaires et les déplacements. C'est chose faite grâce à la plate-forme nationale Locavor, qui a finalisé le concept, l'adaptant à une clientèle connectée, en proposant un service proche du drive, mais avec le contact en plus. Car tisser des liens, c'est aussi un des enjeux de Locavor.

Ainsi chaque mardi soir entre 17h30 et 19h, les amateurs de produits frais et d'échanges conviviaux se retrouvent au Fournil de Camille, avenue Roosevelt à Tain. Mardi dernier, c'était la fête : Pour marquer les deux mois d'existence, le loc'apéro a réuni plus d'une centaine de participants, producteurs, consommateurs et curieux confondus. Depuis les inscriptions se multiplient !

Locavor est un concept qui existe à travers toute la France. Pour savoir comment participer dans votre région, consultez le site : locavor.fr et laissez-vous guider. Bon appétit !

Article publié dans le JTT du jeudi 7 avril 2016.

dimanche 3 avril 2016

Le Mékong, fleuve-dragon

De sa source dans l’Himalaya, à plus de 5000 m d’altitude, jusqu’à son delta en Mer de Chine méridionale, ce fleuve majestueux parcourt environ 4500 km. Il traverse la Chine, sert de frontière à la Birmanie, la Thaïlande, avant de fertiliser de ses alluvions le Laos, le Cambodge et le Vietnam.  A Phnom-Penh, il se divise en deux bras principaux, puis en neuf bras secondaires, qui se ramifient encore en milliers de canaux pour former un immense delta. Au Vietnam, pays du dragon, le Mékong est sacré, c'est un dragon bénéfique qui permet des récoltes exceptionnelles.


Alimenté par la fonte des neiges, creusant son lit dans les gorges profondes et sauvages en Chine, après des chutes spectaculaires, il s’étale et devient navigable à son arrivée en plaine, au Cambodge. C’est un fleuve puissant, au régime complexe : lors des fortes crues, il est capable de remonter ses affluents, comme le Tonlé Sap, au Cambodge, dont le sens du courant change de juin à septembre. Plus au sud, il est soumis à la mousson, ainsi qu’aux marées. Très poissonneux, il assure la subsistance des villageois qui habitent sur ses berges. Maisons sur pilotis ou maisons flottantes sur des structures en bambou, les hommes se sont adaptés à ses colères et gèrent sa prodigalité. Les rizières du Vietnam donnent jusqu’à trois récoltes par an, légumes et fruits exotiques bénéficient aussi de l’eau et du soleil en toute saison. Chaque matin, sur les marchés flottants du delta, une multitude les sampans proposent ramboutans, patates douces, oranges, pamplemousses, bananes, ananas ou poissons d’eau douce, serpents, crevettes des champs, aux acheteurs et aux touristes.




Ce bel équilibre est menacé : la Chine projette de créer une dizaine de barrages sur le cours supérieur du Mékong, pour répondre à ses besoins en hydroélectricité. Quels seront les impacts sur
l’écosystème, la vie du fleuve et l’économie du delta ? Le dragon se laissera-t-il museler ?


Article publié dans le JTT.