dimanche 25 décembre 2022

Quand le Dauphiné "débordait" en Italie : le lien extraordinaire entre Saint-Donat et Oulx

Le Dauphiné est une province dont l’histoire est pleine de péripéties. A partir de la petite seigneurie de Vion, au 11è siècle, il s’est agrandi par une suite de mariages, guerres, rachats, jusqu’à couvrir une grande partie du sud-est de la France. Il s’étendait même au-delà des Alpes, sur leur versant italien. C’est ainsi que Saint-Donat et Oulx, ville italienne du val di Susa, ont un passé dauphinois commun. Une histoire pas banale, qui a trouvé son aboutissement dans leur jumelage officiel.

A Tain, on connaît la cession du Dauphiné, province du Saint-Empire romain germanique, au royaume de France en 1343. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le grand rival du Dauphiné était alors la principauté de Savoie, qu’il ne faut pas confondre avec nos actuels départements savoyards. La Savoie était un grand état en forme de croissant, qui s’étendait du Piémont jusqu’au Lac Léman au nord et jusqu’à Nice au sud. Elle avait donc une frontière commune avec le Dauphiné tout le long de l’arc alpin. C’était la nation ennemie, à laquelle, par le traité d’Utrecht en 1713, la France a dû « rendre » le val de Susa.  De cette époque datent les forts de Briançon conçus par Vauban.

La prévôté d’Oulx, en Italie, était depuis l’an mil un centre spirituel et administratif puissant, contrôlant de nombreuses abbayes du Dauphiné, dont celle de Saint-Donat. Même après le retour d’Oulx dans le giron savoyard, cette ville de langue française, carrefour commercial des Alpes, a gardé son importance intellectuelle en continuant à former dans ses écoles des instituteurs qui ensuite partaient enseigner dans tout le Dauphiné. C’est ainsi qu’un instituteur d’Oulx, Antoine Silvestre, est venu s’installer à Saint-Donat en 1792. Suivi en 1803 par Nicolas Cossul … Toute la Drôme voyait arriver en hiver des instituteurs venus des deux côtés des Alpes, qui repartaient dans leurs montagnes à la belle saison pour cultiver leurs terres.

Antoine, Nicolas, et bien d’autres Italiens francophones ont fait souche à Saint-Donat ou ses alentours, et les liens entre la petite cité drômoise et la celle d’Oulx ont été pérennisés par un jumelage officiel entre les municipalités. A l’heure actuelle, ce jumelage continue de réunir les citoyens des deux pays à travers des festivités régulières. Une belle histoire de culture commune qui traverse les frontières et le temps.

Article publié dans le JTT du jeudi 22 décembre.

mardi 20 décembre 2022

Turin, capitale du chocolat

A Tain l’Hermitage, Valrhona embaume l’air ambiant. Mais avec Turin on change d'échelle : la ville est l’incontestable capitale du chocolat européen, mis en valeur dans de nombreuses boutiques. Ses productions chocolatées historiques ou contemporaines rivalisent d'originalité. A consommer chaudes ou froides !

Turin, en Italie, à environ 4h de route, est jumelé avec Lyon. Deux villes de plus d’un million d’habitants avec de nombreux points communs : anciennes capitales, nichées au pied des Alpes, à la confluence de deux fleuves, elles profitent d’un immense patrimoine historique et artistique. Actives, sportives, culturelles, elles sont de plus des hauts lieux de la gastronomie.

L’amour entre Turin et le chocolat remonte à près de cinq siècles, à tel point que la ville peut être considérée comme la “capitale du chocolat”. Le cacao est ici une véritable tradition, célébrée dans les cafés historiques ainsi que dans les boutiques des nouveaux maîtres chocolatiers primés. Les entreprises de production de chocolat à Turin produisent un chocolat typique, appelé Gianduiotto, d’après le Gianduja, pâte de noisette et de cacao, nommée ainsi en référence à un masque de la Commedia dell'arte. Ce chocolat inventé à Turin a fait les beaux jours d’entreprises piémontaises multinationales comme Ferrero (Mon chéri, Rocher, Kinder, Nutella). C’est aussi la base des chocolats créés par les artisans chocolatiers, bouchées, tablettes, moulages, petits carrés…

Mais ce qui fait la spécificité de Turin, c’est qu’on y consomme quotidiennement le chocolat comme boisson. En se promenant dans les rues du centre-ville, il est impossible de ne pas être enivré par l’odeur de cacao et de noisettes grillées, émanant des nombreuses chocolateries et cafés. Il suffit de franchir le seuil d’un des cafés historiques pour se retrouver plongé dans une ambiance qui n’a pas changé depuis le XIXe siècle. Deux expériences sensorielles sont inoubliables : Le Bicerin  (petit verre), la spécialité piémontaise traditionnelle, servi chaud dans un verre. Sa recette : 3/4 de chocolat chaud, ¼ d'expresso, auxquels on ajoute une cuillerée de crème fraîche. Une gourmandise addictive. Le Goûter Royal est lui un voyage dans le temps. On le consomme dans certains cafés historiques, comme la Merenda Reale. Ce chocolat chaud et puissant est préparé avec de l’eau, sans lait, et il a la consistance légèrement gélatineuse d’un flan. On le déguste accompagné des irrésistibles « bagnati » : authentiques biscuits de Savoie, amaretti, nougat, meringue…Buona Degustazione !

Article publié dans le JTT du jeudi 22 décembre.

 

lundi 12 décembre 2022

Le montage de la crèche des Balmes

Tous les matins, dès le début novembre, une petite équipe d’Amis des Balmes s’affaire dans l’église du village à construire la grande crèche animée qui va bientôt ravir le public. Ce n’est pas une mince affaire ! Sur 30 m de long, il faut installer supports, décor, pour une vingtaine de saynètes et quelques 250 santons. L’originalité de cette crèche, ce sont les modules motorisés, que les visiteurs pourront mettre en marche grâce à des interrupteurs, et qui donnent vie à tous les petits métiers présentés.

Les bénévoles retrouvent leurs activités de prédilection : le menuisier installe la plate-forme et le fond, la couturière tend le tissu bleu nuit, qui symbolise le ciel étoilé. Le terrassier sculpte des cartons mouillés pour leur donner la forme des collines et des grottes (les balmes) qui entourent le village, avant de les crépir de sable et de tracer des chemins. Le paysagiste glane puis dispose les végétaux, les dames nettoient et rhabillent les santons. Et la vice -présidente assure le café chaque matin !

Depuis 1999, la crèche a bien évolué. Elle mesurait alors seulement 3m. C’est un ingénieur du quartier, bricoleur invétéré, qui a construit et animé chaque année de nouvelles saynètes représentant les activités traditionnelles et les bâtiments des Balmes. On retrouve ainsi l’école, les fermes, la boulangerie, les échoppes : scieur de bois, rémouleur, maréchal-ferrant, cordonnier, fileuse, crémière… jusqu’au dancing local Le Tahiti !

Les Balmes, c’est un quartier excentré de Romans, où règne une ambiance de village actif et solidaire. La vitalité de l’association des Amis des Balmes en témoigne : Sur les quelques 350 habitants, 160 en font partie, et pas comme simples figurants ! C’est ainsi qu’entre décembre et janvier, on peut trouver chaque jour 2 bénévoles assurant l’accueil et les visites.

A une quinzaine de kilomètres, la crèche des Balmes vaut le détour. Parce qu’elle est une réalisation exceptionnelle, mais aussi parce que l’implication de ses habitants est digne d’éloges. Une fraternité qui fait chaud au cœur en cette période de Noël !

La Crèche sera visible tous les jours de 14h à 18h, du 9 décembre au 8 janvier 2023 dans l'église des Balmes, près de Romans. 

Possibilité de visite sur RV le matin, tél : 06 74 58 63 35

Article publié dans le JTT du jeudi 8 décembre.

lundi 5 décembre 2022

Il réalise la crèche de vos rêves

Daniel Aubenas est un artiste de renommée nationale qui se cache au bord du Rhône. Dans son atelier, il fabrique des crèches sur commande, sur mesure. A la mesure de vos rêves, maison enfouie dans vos souvenirs, petite église, lavoir, cabane de pêche, épicerie … mais aussi à la mesure de vos santons. Car tout dans ses pièces uniques doit être parfait, les proportions, le décor, le mobilier, les accessoires, fleurs ou animaux … Pour agrémenter ses crèches, véritables œuvres d’art, c’est dans la nature qu’il va récolter baies et graines, brindilles et mousse, fleurs, petits cailloux et pommes de pin.

Dans son enfance, Daniel aidait sa mère à préparer la crèche, à l’époque c’était un temps fort de Noël. Il allait chercher dans les bois de la mousse, du sable, pour garnir le papier rocher où elle déposait les précieux santons. Adulte, lorsque son fils a eu une dizaine d’années, Daniel a décidé de perpétuer la tradition en construisant avec lui une première crèche. Ensemble ils ont glané toutes sortes de matériaux dehors et l’ont fignolée dans son atelier. Le résultat a laissé l’entourage admiratif et demandeur. Une passion est née, Daniel a fabriqué une deuxième crèche, puis une autre, jamais les mêmes, de plus en plus réalistes et personnalisées. Le travail s’est professionnalisé, structure en plâtre, tuiles moulées au doigt, finitions soignées. Le bouche-à-oreille, quelques expositions, et Daniel fut propulsé dans les grands salons de santons d’Arles, Nîmes, Orange, Avignon.


Toute la France défile dans ces salons, à la recherche de décors de Noël authentiques et esthétiques. On y rencontre d’autres artistes passionnés. C’est ainsi que Daniel a fait la connaissance d’Adrien, santonnier dans la Loire. Un duo de créateurs s’est alors constitué. Ensemble les deux compères définissent un projet, assortissant personnages et crèche. Une réussite repérée par le Conseil Régional de Rhône-Alpes, qui chaque année depuis 2016 met en valeur les métiers d’art rhônalpins en organisant une crèche géante à son siège lyonnais, au quartier Confluence. Sur 64 m2, les artistes sont chargés de représenter les douze départements de Rhône-Alpes par une mise en scène symbolique. Ainsi, suivant les années, Daniel a évoqué la Drôme par les maisons perchées de Pont-en-Royans, la chapelle et les vignes de Tain l’Hermitage, ou les lavandes de Nyons …  Les moulinages, le Gerbier-de-Jonc, ont symbolisé l’Ardèche, une ferme et ses vaches Abondance la Haute-Savoie, Saint-Etienne a retrouvé ses mines … Les Lyonnais se pressent en foule pour admirer cette crèche exceptionnelle, ouverte gratuitement au public à partir du 8 décembre.

Daniel n’a plus besoin de faire les salons, sa notoriété est assurée, les clients sont devenus des amis, il peut créer à son rythme, parfois en compagnie de son petit-fils. A côté du Conseil Régional, il participe à de nombreuses manifestations locales, comme le Chemin des crèches de Mirmande, la décoration de l’Auberge de Léoncel, l’expo de Noël au musée de Saint-Uze. La demande est forte, car son intérêt pour le patrimoine régional est au goût du jour. Mais il s’adapte aussi aux influences modernes en réalisant des petites maisons grecques, aux lignes épurées, pour des intérieurs contemporains. La passion des crèches, symbole de la culture provençale, n’a pas de limites de temps, ni de lieu …

Article publié dans le supplément Noël du Jtt et dans Regard magazine de décembre.

jeudi 1 décembre 2022

La nouvelle grotte Cosquer à Marseille

24 000 ans avant notre ère, la Terre a vécu un épisode glaciaire important : une grande partie de l’hémisphère nord était sous la glace, la Provence connaissait un climat semblable à celui de l’Islande actuellement, et le niveau de la Méditerranée était descendu une centaine de mètres plus bas qu’aujourd’hui. Sur ces larges rives émergées, un peuple préhistorique de chasseurs-cueilleurs vivait entouré de bisons, pingouins, bouquetins … 

En 1985, Henri Cosquer, un plongeur expérimenté, qui aime explorer toutes les cavités sous-marines de la côte marseillaise, a repéré une entrée mystérieuse, 37 m sous la mer, au niveau de la calanque de Morgiu. Après plusieurs tentatives infructueuses, car cette entrée se poursuit par un conduit long et exigu, et un matériel spécifique, il arrive enfin à remonter toute l’étroite galerie sur 150 m, et débouche dans une salle hors d’eau, qu’il explore à la torche. C’est l’émerveillement : Partout sur les parois, des empreintes de mains, des animaux peints ou gravés, une mémoire intacte de la Préhistoire. Tout cela, inaccessible aux savants et au public.

En juin 2022, la réplique de la grotte Cosquer est inaugurée dans la Villa Méditerranée, à Marseille, à côté du Mucem. Une réalisation nécessaire, car la montée des eaux menace d’engloutir irrémédiablement les chefs-d’œuvre pariétaux. Comme pour la réplique de la grotte Chauvet, le résultat est d’un réalisme spectaculaire. Entièrement modélisée à partir de plans réalisés en 3D, puis ornée par des artistes experts, la restitution de la grotte est un choc visuel et esthétique, et grâce à une technologie ultra-sophistiquée, la visite se passe sous l’eau !

Après l’accueil-billetterie du rez-de-chaussée, les visiteurs descendent en ascenseur sous le niveau de la mer, où la station sous-marine les attend. Là, des modules d’exploration de 6 passagers se déplacent entre tunnels et salles ornées, respectant la configuration de la grotte Cosquer d’origine. Et le spectacle est fabuleux ! Sur l’argile des parois, les empreintes de mains d’adultes, d’enfants, datées de plus de 20 000 ans. Des dessins de chevaux, taureaux, morses, des scènes de chasse avec bisons, d’affrontement entre pingouins, apparaissent, tracés au charbon de bois ou gravés au silex, avec une grande dextérité. C’est l’émerveillement. Et au retour sur terre, une galerie au niveau supérieur présente ces animaux dans leurs impressionnantes dimensions ainsi que l’évolution de la grotte au fil des millénaires.

Les visiteurs ressortent de l’immersion dans ce chef-d’œuvre englouti éblouis et dubitatifs. Les hommes préhistoriques vivaient-ils dans la grotte ? Était-elle un lieu de réunion, de prière ? Comment la montée des eaux a-t-elle évolué avec le climat ? La région PACA, qui a financé ce projet avec préhistoriens, géologues, climatologues, architectes, plasticiens, scénographes mais aussi plongeurs, photographes et génies de la réalité virtuelle, ne fournit pas de réponse. Mais avec Cosquer, elle complète admirablement l’offre touristique et culturelle du Vieux port, entre Mucem et Fort Saint-Louis, en lui conférant une dimension patrimoniale à la fois paléolithique et avant-gardiste.

Article publié dans le JTT du jeudi 1 décembre.

mardi 22 novembre 2022

Une alternative locale à Compostelle : le chemin de Saint Régis


Soyons un peu chauvins. Nous avons en Vivarais-Velay de merveilleuses montagnes sauvages et un saint patron qui en a arpenté tous les chemins. La parution récente d’un topo-guide, qui propose de parcourir en 9 jours une boucle de 200 km entre Le Puy et Lalouvesc sur les pas de Jean-François Régis, facilite grandement le choix de randonner local et spirituel.

Jean-François Régis est né en 1597 dans un petit château des Corbières, pendant les guerres de religion. Après son éducation chez les Jésuites, dont 3 ans de philosophie au lycée de Tournon de 1622 à 1625, devenu prêtre, il choisit d’exercer comme professeur, puis missionnaire dans les terres reculées du Vivarais-Velay. Au Puy, la ferveur pour le « saint père » est à la mesure des actions qu’il entreprend, vivres et vêtements distribués aux pauvres, accueil des prostituées, soutien aux dentellières … En décembre1640, il part malgré la tempête évangéliser les villages et les fermes isolés du haut plateau ardéchois. Malade, il continue de prêcher et confesser jusqu’à l’épuisement. Il meut à Lalouvesc le 31 décembre 1640. Déclaré bienheureux en 1716, il est canonisé en 1737. Depuis, Saint Régis est vénéré dans toute la région, statues, chapelles, musée, pèlerinage à Lalouvesc en témoignent. Et le nom Régis est devenu un prénom très usité !

La fédération française de randonnée a imaginé un parcours en boucle, à partir des chemins parcourus par Saint Régis.  Du Puy à Lalouvesc, en passant par le Monastier-sur-Gazeille et Saint-Agrève, et de Lalouvesc au Puy, par Saint-Bonnet-le-Froid, Dunières, Tence… C’est l’occasion de parcourir de beaux paysages volcaniques, aux panoramas ouverts sur le Mézenc, le Gerbier, le Meygal. Entre épaisses forêts et landes fleuries, villages perchés et fermes isolées, sur des chemins caillouteux ou tapissés d’aiguilles, le chemin est de toute beauté.

Par commodité, car les transports en commun y sont rares, on peut n’en faire qu’une partie, sur un jour, ou une petite boucle sur trois jours. En revanche, aucun problème d’hébergement, les gîtes et hôtels sont nombreux dans la région. Quant à la gastronomie locale, ce serait péché que ne pas y goûter : charcuteries et fromages, lentilles et verveine, châtaignes, champignons  et myrtilles… Le chemin de Saint Régis est un bel hommage au « marcheur de Dieu », mais aussi à la région tout  entière. 

Article publié dans le JTT du jeudi 17 novembre.


lundi 14 novembre 2022

Chronique littéraire : Les enfants sont rois, de Delphine de Vigan

C’est un monde terrifiant que l’auteur présente, et ce monde, c’est le nôtre. Un monde encore peu connu du grand public, qui s’est installé sournoisement grâce aux réseaux sociaux. Un monde où les enfants stars de You Tube font gagner argent et reconnaissance à leurs parents, mais s’épuisent à tourner chaque jour de nouvelles vidéos. Célèbres, submergés de fans et de cadeaux inutiles, fournis par leurs sponsors, ces enfants, comme Kimmy et Sammy, les héros du récit, vivent en dehors de la réalité, et leur enfance est irrémédiablement gâchée.

La responsable de ce gâchis ? Leur mère, Mélanie. Dans sa jeunesse elle a rêvé devant les premières images de téléréalité, a souffert de ne pas en faire partie ; adulte, elle prend sa revanche à travers les millions d’abonnés qui suivent sa chaîne Happy Récré. Une chaîne You Tube où chaque jour elle met en scène ses enfants, à la maison, ouvrant un cadeau, mangeant des chips, découvrant des jouets, à l’école, à la piscine, en vacances… Pour continuer à être suivie il faut chaque jour poster une nouvelle vidéo, alors chaque jour elle invente un nouveau scénario, et les enfants doivent répéter, sourire… jusqu’à l’épuisement. Et jusqu’à l’enlèvement de Kimmy.

A l’opposé de Mélanie, une autre femme analyse les faits. Clara, une policière chargée de l’enquête, est plutôt écolo et hors réseaux sociaux. Elle découvre avec le lecteur jusqu’où ces réseaux peuvent mener. Et fait prendre conscience d’une nouvelle forme d’exploitation des enfants. Où les jeunes acteurs ne sont pas les seuls en danger : leurs millions d’abonnés, du même âge, submergés de publicités, sont soumis eux aussi à un bourrage de crâne consumériste. Et qui sont ces enfants ? Les nôtres, en pâ
moison devant les influenceurs. Delphine de Vigan enfonce le clou en évoquant la vie de Kimmy et Sammy dix ans plus tard, complètement déjantés et asociaux.

Un roman passionnant, émouvant et militant sur l’enfance en danger. Et qui ne le sait pas.

Delphine de Vigan est une écrivaine aux nombreux succès, née en 1966, auteure d’une dizaine de romans, de scenarii pour le cinéma et la TV. « Les enfants sont rois » est disponible en Poche chez Folio.

Chronique publiée dans le Jtt.

lundi 7 novembre 2022

Les frères Champollion, Dauphinois de coeur

Cette année de nombreuses expositions en France célèbrent le deux-centième anniversaire du déchiffrage des hiéroglyphes par Jean-François Champollion (1790-1832). Une découverte majeure, fruit d’un énorme travail de recherches menées durant trente ans avec son frère Jacques-Joseph (1778-1867). Une belle aventure humaine et scientifique que le musée rénové de Vif près de Grenoble a parfaitement mise en valeur. L’occasion de découvrir la maison familiale et la complicité fusionnelle entre les deux frères.

Dernier-né d’une famille pauvre de 7 enfants, à Figeac, Jean-François se distingue par ses capacités intellectuelles, il apprend tout seul à lire dans un missel dès l’âge de 5 ans. Son frère Jacques-Joseph, de douze ans son aîné, a repéré ses qualités exceptionnelles. Et lorsqu’il obtient un modeste emploi de bureau à Grenoble, en 1798, il décide de faire venir son petit frère chez lui pour lui assurer une éducation sérieuse. Jean-François arrive à Grenoble en 1801, il a juste 11 ans. Avec Jacques-Joseph, autodidacte de 23 ans, il partage l’amour des textes anciens, de l’archéologie. Ensemble ils étudient le latin, le grec, l’hébreu, l’arabe…

L’érudition de Jacques-Joseph lui permet de participer aux salons littéraires de la ville, où il emmène son petit frère. A une soirée chez le préfet de l’Isère, en 1802, les Champollion entendent parler de l’Egypte. Le préfet Joseph Fourier, brillant mathématicien, a en effet participé à l’expédition en Egypte menée par Bonaparte en 1798-1801. Jacques-Joseph et Jean-François sont fascinés par cette civilisation antique si mystérieuse, dont personne ne sait déchiffrer l’écriture, perdue depuis 15 siècles. Jacques-Joseph se lie d’amitié avec Fourier, devient son secrétaire, chargé de cataloguer les objets ramenés d’Egypte. En 1804 il présente un exposé sur la pierre de Rosette, une stèle découverte en Egypte en 1799. Cette stèle pourrait aider au déchiffrage des hiéroglyphes, puisqu’un même texte y est inscrit en 3 langues : grec, démotique (égyptien antique) et hiéroglyphes (écriture sacrée). Pour l’instant, personne n’y parvient, car il y a 1400 signes hiéroglyphiques pour 80 mots grecs... Jean-François est passionné par ce mystère, il veut être le premier à déchiffrer cette écriture oubliée.

Au lycée impérial de Grenoble, il s’ennuie. Il entreprend seul l’étude des langues orientales, araméen, chaldéen, syriaque, persan ... A 17 ans une bourse lui permet d’aller approfondir ses connaissances à Paris, au Collège de France. Il découvre aussi le copte, langue populaire en ancienne Egypte, fréquente les bibliothèques, écrit de nombreux opuscules. Visite les collectionneurs d’objets égyptiens, recopie les inscriptions, étudie les travaux des autres candidats au déchiffrage des hiéroglyphes… Car la concurrence est rude, l’Europe entière se passionne pour l’Egypte et son énigmatique écriture. De Paris, il communique par lettre chaque jour avec son frère à Grenoble, livre ses hypothèses, demande conseil… Jacques-Joseph répond, argumente, ajoute des remarques.

Jean-François est devenu à 18 ans professeur d’histoire ancienne à l’université de Grenoble, il retrouve régulièrement son frère à Vif, où ils poursuivent ensemble leurs recherches. Tous deux affichent des idées bonapartistes. Mais en 1815, cette opinion les précipite dans les soubresauts de l’histoire : Napoléon abdique, remplacé par Louis XVIII, les émeutes secouent la ville, suivies par des purges. Les deux frères Champollion sont démis de leurs fonctions, emprisonnés puis envoyés en exil à Figeac en 1816. Il faudra plus d’un an pour qu’ils obtiennent leur libération. Jacques-Joseph retrouve un emploi à Paris, Jean-François réintègre Grenoble et un poste de bibliothécaire. Jusqu’en 1821, où de nouvelles échauffourées politiques l’obligent à quitter Grenoble et se réfugier chez son frère à Paris.

Sans emploi, ses recherches s’amplifient encore, il rédige des mémoires, met au point des correspondances entre langues orientales, publie des études comparatives. Grâce au copte, il comprend que les hiéroglyphes, contrairement aux théories en cours, ne sont pas simplement des idéogrammes, mais aussi des sons. En 1821, il arrive à déchiffrer sur une copie de la pierre de Rosette le cartouche de Ptolémée, puis celui de Cléopâtre, pharaons de l’époque grecque. Et le 14 septembre 1822, il déchiffre celui de Ramsès, bien antérieur, donc sans l’aide du grec. Son hypothèse se confirme, il peut commencer à déchiffrer quelques mots.

La mise au point d’un dictionnaire complet et d’une grammaire prendra encore des années, mais Jean-François Champollion est désormais reconnu comme le grand spécialiste de l’Egypte. Il persuade le roi Charles X d’acquérir une collection complète d’objets égyptiens, afin d’ouvrir en France la première galerie égyptienne d’Europe. En 1827, au Louvre, l’exposition dont il est nommé conservateur rencontre un succès retentissant. Il peut alors réaliser son rêve : obtenir une subvention pour partir en Egypte étudier les hiéroglyphes in situ.

Son expédition scientifique en 1828-1829 accumule les relevés, les découvertes, collecte des documents qui permettent d’avancer dans le décryptage des hiéroglyphes et jette les bases de l’égyptologie. A son retour en 1831, Jean-François est à la tête d’une multitude d’informations à exploiter. Il obtient la chaire d’égyptologie au Collège de France. Mais épuisé par son périple, affaibli par différentes maladies, surmené, il meurt en mars 1832, à 42 ans. C’est Jacques-Joseph qui se chargera de terminer et de publier ses recherches.

L’élégante maison Champollion à Vif est restée propriété de la famille jusqu’à son rachat par le département de l’Isère en 2001. Entièrement réhabilitée, elle a été inaugurée en 2021 avec une belle scénographie moderne autour des frères Champollion, de leurs travaux et de l’égyptologie. La chambre de Jean-François, son bureau, ses écrits, sont préservés. Tout immerge le visiteur dans la magie de l’Egypte. Un beau parc fleuri permet ensuite de laisser vagabonder son esprit des rives de l’Isère à celle du Nil…


Article publié dans le JTT du jeudi 3 novembre. 

jeudi 3 novembre 2022

Partage des eaux et magie des pierres en Ardèche

La ligne de partage des eaux traverse le Parc des Monts d’Ardèche. Être physiquement sur cette ligne, c’est avoir sous un pied les sources se dirigeant vers la Méditerranée via le Rhône (Ardèche, Eyrieux) et sous l’autre celles se jetant dans l’Atlantique (Loire). Cette ligne a inspiré « Le partage des eaux », un parcours artistique à ciel ouvert accueillant, au cœur du patrimoine naturel, des créations contemporaines. Sur plus de 100 km, les œuvres sont accessibles à pied, à cheval ou à vélo, mais aussi en voiture, et même en l’hiver en raquettes ou ski nordique.

Le célèbre paysagiste Gilles Clément a relié eau et pierre en concevant une « tour à eau » spectaculaire : cette architecture en pierres sèches, en forme de cône, avec des aspérités capte l’humidité de l’air pour la condenser dans une vasque intérieure. Construite avec des phonolithes, ces roches volcaniques sonores des Cévennes, la tour peut fonctionner même dans les régions désertiques, elle accumule en son fond une petite réserve d’eau. Une idée providentielle en cas de sécheresse. Par sa forme, c’est un hommage au Gerbier-de-Jonc, 1551 m, lui-même réserve d’eau naturelle, hérissé de rochers. Gilles Clément a aussi implanté des « mires » en plusieurs lieux stratégiques, Saint-Agrève, Mont Mézenc, route des Sucs. Ce sont des dispositifs d’observation du paysage, qui permettent d’apprécier les plateaux vallonnés du Velay, où la Loire s’étire en direction de l’Atlantique, et les reliefs déchiquetés des Boutières et de la Cévenne ardéchoise, creusés par les torrents tumultueux qui rejoignent le Rhône.

Pas loin du Mézenc, le village de Borée offre une autre œuvre d’envergure : le « Tchier de Borée », une création mégalithique contemporaine inspiré du Land Art et réalisée par deux sculpteurs, Fabienne Versé et Serge Boyer, en 2008 : 70 stèles sculptées sont dressées en cercles concentriques, en une sorte de calendrier kabbalistique face à un panorama grandiose.

En toutes saisons, on peut s'oxygéner et s'émerveiller en Ardèche !


Article publié dans le JTT du jeudi 27 octobre.

jeudi 27 octobre 2022

Le site naturel de Crussol

Crussol, c’est un fier château perché sur un éperon rocheux dominant le Rhône, Crussol, c’est aussi un Festival très prisé en été, mais avant tout Crussol est un lieu de promenade accessible à tous en toutes saisons.

Campé sur un massif calcaire riche d’une grande biodiversité, le site de Crussol a été classé Espace Naturel Sensible. C’est pourquoi la communauté de communes Rhône-Crussol a décidé d’y proposer un choix de balades gratuites, accompagnées par un animateur, pour mieux apprécier son histoire, sa faune et sa flore. 

On peut ainsi découvrir suivant la saison orchidées et pelouses sèches, lézards et chauves-souris, oiseaux rares, insectes et papillons. Comprendre la géologie du sol, observer l’implantation des arbres. La balade « mystères de la forêt » d’octobre permet d’identifier tilleuls, érables, peupliers, chênes, buis, pins, cèdres … et même de croiser un cerisier en fleurs ! Pourquoi poussent-ils ici ? Quel âge ont-ils ? Comment évoluent-ils en fonction du climat ?  Toutes sortes de questions auxquelles l’accompagnateur répond.

Ces balades découvertes de la nature se prolongent les dimanches après-midi jusqu’à la Toussaint. Les visites médiévales du château et les ateliers pour enfants sont terminés depuis fin septembre, mais on peut encore se promener librement sur « les épaules du géant Crussol », un parcours ludique fléché, organisé autour de 7 refuges disséminés dans la forêt et la villette médiévale. Alors n’hésitez plus, par une belle journée, d’automne, parcourez la forêt de Crussol !

Article publié dans le JTT du jeudi 27 octobre.

samedi 22 octobre 2022

Le renouveau du fort de Vézelois

A Belfort on connaît bien Vauban et sa citadelle, on connaît vaguement Maginot, régulièrement moqué alors que son système de défense était à l’avant-garde, mais on ignore Séré de Rivière. Pourtant ce général et architecte militaire a lui aussi voulu défendre la France contre l’envahisseur en construisant une ligne de fortifications, qui s’étendait de Nice jusqu’à Lille. En passant par Belfort, ainsi pourvu d’une ceinture de 19 forts entre 1873 et 1911. La ville était alors frontalière de l’Allemagne après la défaite de 1870, et il fallait lui assurer une sérieuse protection. L’ensemble de ces forts voulus par Séré de Rivière constitue un patrimoine exceptionnel, contemporain de l’emblématique Lion, qu’il serait juste de valoriser davantage.

Pour prendre conscience de l’intérêt touristique du projet, il suffit d’en visiter un. Le mieux conservé, le plus accessible, est celui de Vézelois, le Fort Ordener. Sa ceinture de verdure, ses couloirs labyrinthiques, ses murailles d’où l’on jouit d’une vue à 360° sur les Vosges et le Jura, ses salles équipées d’eau et d’électricité, en font un lieu privilégié, apprécié des sociétés locales qui le louent pour leurs manifestations. Au fil des saisons s’y déroulent donc rassemblement de motards, marche gourmande, week-end d’intégration de l’UTBM, jeux de rôle, nuit d’Halloween, vide-greniers, expositions ainsi que mariages et fêtes diverses. Le fort loue aussi quelques salles à des associations, comme les Archers du Royal qui trouvent là un lieu d’entraînement idéal. Ainsi qu’à des ferronniers, ébéniste, pompiers, dresseur de chiens. Bref, à Vézelois, le fort joue un rôle central dans l’animation locale. 

Le fort Ordener est géré par une association locale, « le Renouveau du fort » depuis 1998, date à laquelle il a été cédé par l’armée à la commune de Vézelois. Cette association, d’une centaine d’adhérents à l’origine, se charge de l’entretien des bâtiments, du ménage, des espaces verts, de la gestion des manifestations … ainsi que des quelques visites de passionnés. Las, au bout de vingt ans, les bénévoles ont vieilli ou disparu, ceux qui restent ont du mal de faire face aux éboulements de certains murs, à l’entretien des sentiers, à la chute d’arbres… ainsi qu’aux réparations d’usage. Leur prochain objectif, c’est de remettre en état le mirador, d’où la vue sur le Territoire est exceptionnelle… Pour les aider : une trentaine de chèvres, qui nettoient les espèces invasives et dont les gambades font la joie des visiteurs. Mais c’est aussi une charge, il faut entretenir leur écurie l’hiver, assurer un suivi vétérinaire, relever les murs qu’elles escaladent…

Ce patrimoine est méconnu des touristes et surtout des Terrifortains. Pourtant de nombreux sentiers pédestres le longent. Il existe aussi un sentier VTT des forts, hélas plutôt long et difficile (79 km). Le fort Ordener mérite plus de visibilité, il est emblématique de l’après-guerre de 1870, du rôle de la voie stratégique autour de Belfort, et facilement accessible en voiture. Si quelques passionnés par l’histoire militaire y pénètrent chaque été, ils viennent de Paris ou de l’étranger ! Enchantés par la balade sur les remparts en compagnie des chèvres, et le dédale des couloirs, ils admirent l’architecture du fort, construit en pierre de taille par des ouvriers piémontais …

Le renouveau du Fort Ordener ne peut plus dépendre uniquement de l’association éponyme. Les finances sont insuffisantes, les recettes permettent à peine d’acheter le matériel d’entretien. C’est le cas de presque toutes les communes de la ceinture belfortaine propriétaires d’un fort. Une richesse historique, mais une charge financière. Chacune se débrouille comme elle peut, et cette exceptionnelle ceinture de forts reste un patrimoine caché, à l’abri des circuits touristiques. Il faudrait une volonté départementale ou régionale pour assurer la promotion et la préservation de cette tranche de l’histoire militaire de Belfort.

La ceinture des forts, Denfert-Rochereau, le Lion, relèvent tous de la même époque, de la même épopée. Et si l’on est inconditionnel de Vauban à Belfort, il faut savoir que Séré de Rivière est considéré comme le Vauban du XIXe siècle !

Article publié dans l'Esprit Comtois n° 28.

vendredi 14 octobre 2022

Forêt de Saoû : le renouveau de l'Auberge des Dauphins

La rénovation du bâtiment construit par Maurice Burrus,
 richissime propriétaire de la Forêt de Saoû jusqu’en 1959, est plus qu’une réussite : Devenue maison de site, ouverte à tous, consacrée à son environnement splendide, elle répond à toutes les demandes des visiteurs. Randonneurs, vététistes, amoureux de la nature ou simples promeneurs y trouvent un lieu d’exposition consistant, des propositions de balades ou d’animations, une boutique et une restauration à prix doux.

L’ancienne Auberge des Dauphins, construite dans les années 1930, fut un édifice emblématique de la Drôme avec son architecture néoclassique, inspirée du Trianon, ses salons à balustres, décorés de stucs blancs et or, son restaurant étoilé. A l’époque, elle fut une première initiative destinée à promouvoir le tourisme vert, puisque Burrus avait même financé la construction d’une route de 28 km autour de sa forêt pour faire découvrir la variété des plantations à ses visiteurs. A ce bâtiment restauré dans les règles de l’art, le Département de la Drôme, propriétaire du domaine depuis 2003, a adossé un nouveau bâtiment très contemporain, tout en bois et transparence. L’ensemble permet d’accueillir le public, les bureaux et les locaux techniques.

En parcourant les salles d’exposition, à la fois ludiques et pédagogiques, on apprend comment s’est formé cette particularité géologique qu’est le Vaisseau de Saoû, un synclinal perché, c’est-à-dire une cuvette en hauteur. On découvre la faune qui y vit (loup, aigle, chamois, écureuil, couleuvre, sitelle…) ainsi que les activités d’exploitation du sous-sol (kaolin, charbon), du sol (élevage, débardage), l’utilisation des pierres et des différentes essences de bois (pins, sapins, hêtres, chênes …). Et l’histoire des hommes qui l’ont habitée dès le néolithique, car ce territoire isolé, presque clos, a accueilli au fil des siècles toutes sortes de réfugiés, fuyant les épidémies, les guerres de religion, les nazis, les bandes armées ou la misère. Bornes tactiles, panneaux explicatifs, petites vidéos ont été soigneusement élaborées pour donner envie d’en savoir plus. La maison de site a d’ailleurs vocation à accueillir des classes par un programme de pédagogie active.

Après avoir satisfait sa soif de connaissances, il ne faut pas hésiter à pénétrer dans le salon doré dont le décor suscite l’émerveillement. Contrairement à sa vocation élitiste d’antan, il propose une petite restauration simple présentée en verrines par le food truck La Note Gourmande. Et ensuite, depuis la splendide allée de cèdres, découvrir, au gré des sentiers, cette merveilleuse forêt de Saoû, où cohabitent les écosystèmes d’Alpes et de Provence. Le plus étrange après cette période de sécheresse, c’est d’observer que la forêt a résisté, grâce à son système hydrographique particulier : les eaux de ruissellement le long des versants, qui convergent jusqu’à la Vèbre, ont permis de sauver les végétaux. Promesse de belles couleurs d’automne. Car après les activités de l’été, l’Auberge des Dauphins restera ouverte jusqu’au début novembre, les mercredis et week-ends.

Infos : www.aubergedesdauphins.fr 

tél : 04 75 76 02 25



Article publié dans le JTT du jeudi 13 octobre 2022.

jeudi 6 octobre 2022

Chronique littéraire : Les cloches jumelles, de Lars Mytting

Un roman ethnographique passionnant, autour d’un symbole de la Norvège : une merveilleuse église en bois debout. Ces églises construites entre 1150 et 1350, actuellement inscrites au patrimoine mondial, représentent l’aboutissement d’une maîtrise totale de la construction en bois par les artisans du Moyen-âge. Chefs-d’œuvre d’ébénisterie élevés dans chaque village au moment de la christianisation de la Norvège, leurs décors reflètent encore le paganisme, les croyances locales. Beaucoup ont été détruites et remplacées au fil des siècles par des bâtisses plus modernes, à l’instar de celle du roman.

1880. Dans la vallée de Gudbrandsdal. Le nouveau pasteur du village de Butangen décide de démolir l’ancienne église en bois debout, trop petite, pour en construire une plus adaptée à la population. Il la vend sur pied à un musée de Dresde, et un jeune architecte allemand est envoyé au village, chargé de dessiner l’antique église, prendre ses mesures, et planifier la démolition, pour la reconstruire à l’identique en Allemagne. Pasteur et architecte s’opposent sur cette démolition, alors qu’une fille du village, Astrid, revendique les cloches, offertes à l’église par sa famille lors du décès de ses ancêtres. Les relations complexes entre les trois personnages évoluent au fil du roman : Amour, haine, vengeance…

Comme dans un conte norvégien, la nature, terrible ou bienveillante, est omniprésente et décide par-dessus tout de la vie des gens et des choses. Les croyances populaires s’y réfèrent en toutes circonstances. Une ambiance à la fois magique et réaliste, terriblement sauvage, qui fait le charme du roman.

Lars Mytting, né en 1968, est un auteur norvégien célèbre en Scandinavie, traduit à l’international.

« Les cloches jumelles » sont disponibles en poche chez Actes sud, collection Babel.

Chronique publiée dans le JTT du 13 octobre.

mercredi 28 septembre 2022

Saint-Vallier, sur les traces de Diane de Poitiers

Quand on traverse Saint-Vallier par la N7, le village semble assoupi. Pourtant, dans le centre ancien, mille et une richesses patrimoniales classées ne demandent qu’à être admirées… C’est l’objectif de l’association locale « Histoire et patrimoine » qui, en plus d’un travail de recherches, de quête de fonds, d’autorisations, de rénovations, d’information, a créé un circuit de découverte passionnant à travers les ruelles médiévales. Des QR codes explicatifs apposés aux endroits remarquables pour une visite libre, et des visites commentées toute l’année, le mercredi, permettent aux visiteurs d’en savoir plus sur le riche passé de la ville.

Saint-Vallier, au confluent du Rhône et de la Galaure, fut d’abord une cité romaine, sur la via Agrippa. On raconte même que c’est par ici que Ponce-Pilate aurait fini ses jours en se jetant dans le fleuve en l’an 37 (d’où les toponymes voisins Ponsas, Pilat). Vers l’an 900, un certain Valère, nommé évêque de la cité, lui a donné son nom. Cité franche au moyen-âge, le fief a appartenu au dauphin puis aux comtes de Valentinois. C’est en 1499 que naît à Saint-Vallier la belle Diane de Poitiers, comtesse d’Albon, duchesse de Valentinois et de Diois. Héritière d’immenses domaines, proche de la famille royale, elle fut la maîtresse officielle du roi Henri II pendant une vingtaine d’années. Son influence était alors supérieure à celle de la reine Catherine de Médicis. Diane n’a pourtant pas oublié Saint-Vallier, accordant des terres aux paysans, ordonnant la création de canaux d’irrigation toujours en activité. Son château, en haut du bourg, actuellement propriété privée, ne se visite pas. Dommage car les jardins ont été redessinés par Le Nôtre au 17e siècle !

La ville médiévale présente de nombreux vestiges, en particulier l’église, un musée à elle seule, avec sa juxtaposition de styles, roman, gothique, néoclassique et sa collection de tableaux de la Renaissance, dont deux attribués à l’école du Caravage et aux frères Carracci. Plus contemporain, le théâtre Art déco, érigé en 1932, en partie bombardé pendant la deuxième guerre, recèle un incroyable plancher inclinable, dont le mécanisme en sous-sol est de type Eiffel. Unique en France, il permet en un clin d’œil de transformer la salle de spectacle au plan incliné en une salle d’exposition au sol plat. Si on ajoute que Napoléon a dormi à Saint-Vallier, que Marc Seguin y a construit un pont, on se demande comment Saint-Vallier a pu rester écarté des circuits touristiques !

Mais cette injustice est réparée : L’association du patrimoine a maintenant ouvert un espace muséal, où l’on peut découvrir toute l’histoire de Saint-Vallier. Plus encore :  y sont exposés les vestiges trouvés lors des fouilles paléontologiques. Des vertébrés datant de plus de 2 millions d’années !  A Saint-Vallier, au bord du Rhône, on n’a pas seulement rendez-vous avec l’histoire du village, mais avec celle de la France !



Visites commentées par Histoire et patrimoine : 04 75 23 20 97

Article publié dans le JTT du jeudi 29 septembre 2022.