jeudi 30 mai 2019

Un artiste de talent au Château de Tournon : Jean Chièze

Jean Chièze (1898-1975), peintre et graveur sur bois, fut un artiste majeur de l'entre-deux-guerres. Passionné de dessin dès sa jeunesse, il a toute sa vie été fidèle à son Vivarais natal, qu'il a représenté à travers paysages, scènes de la vie quotidienne, portraits. Les gravures exposées au Château de Tournon sont de pures merveilles, au dessin délicat et précis. Mais c'est leur exécution qui suscite l'admiration !

La gravure sur bois demande une grande maîtrise technique, une fois le dessin recopié sur le bois, il faut inciser les parties blanches au canif, à la gouge ou au burin, avant de passer à l'encre.  Ce type de gravure n'admet ni l'erreur ni le retour en arrière. À cause de ces difficultés techniques, la gravure sur bois a perdu de son importance et Jean Chièze est considéré aujourd'hui comme un de ses derniers grands représentants.

Après des études d'art à Lyon, Jean Chièze a travaillé comme créateur de modèles dans les soieries lyonnaises, avant de devenir professeur de dessin. Un emploi qui lui a permis de découvrir d'autres régions de France, la Provence, la Corse, la Bretagne, toutes terres rurales de forte personnalité. Puis il vécut à Paris, où il se lia à de nombreux artistes. C'était l'âge d'or des beaux livres, et nombre d'éditeurs lui demandèrent d'illustrer leurs ouvrages (Rabelais, Mérimée, Queffelec, La Fontaine).

Jean Chièze ne se cantonna pas seulement à la gravure, mais multiplia les supports, illustrant les thèmes de l'imagerie populaire, décorant des céramiques, fabriquant affiches et costumes, entre autres pour le théâtre du Pigeonnier de son ami Charles Forot à Saint-Félicien.

L'exposition au Château de Tournon met en valeur toutes les facettes d'un artiste et artisan local modeste, accessible et fier de ses origines.
Elle est ouverte tous les jours jusqu'au 9 juin de 14h à 18h.

Article publié dans le JTT du jeudi 23 mai.


jeudi 23 mai 2019

Chronique littéraire : L'art de perdre, de Alice Zeniter

Une fresque puissante sur l’histoire de l’Algérie, à travers des personnages au destin bousculé par une politique qui les dépasse et les broie. Comme Ali, valeureux soldat de la deuxième guerre, puis heureux propriétaire d’oliveraie, qui se retrouve ennemi du FLN en 1962, obligé de se réfugier en France avec sa famille.
Ali va connaître les camps de harkis, puis les banlieues tristes, s’efforçant de travailler pour nourrir sa famille, et cacher sa déchéance. Son fils Hamid, lié par le silence paternel, oubliera ses racines, synonymes de cauchemar. Ce n’est qu’à la troisième génération que Naïma, fille d’Hamid, essaiera de comprendre pourquoi on ne parle jamais du passé, de l’Algérie, pourquoi on n’y va pas. Elle décide d’enfreindre le tabou, d’y aller.
Ce roman brosse l’histoire d’une famille et d’une nation, l'Algérie, entre 1950 et 2015 : la colonisation, la guerre d’indépendance puis civile, enfin la dictature qui cache son nom. Le peuple est chaque fois le grand perdant, qu’il reste ou qu’il parte. Une lecture très éclairante de l’histoire contemporaine, sans jugement, qui explique bien des comportements, des préjugés, des haines. Et une révélation sur la vie dans les camps de harkis en France, ainsi qu’en Kabylie actuelle. 
Le côté pédagogique resterait stérile sans la chair donnée à ce roman d’apprentissage. Naïma veut comprendre ce silence familial. Pleine de contradictions, à l’image de sa nature de Française d’origine algérienne, c’est au contact d’artistes qu’elle appréhende le mieux la réalité qui l’entoure. Ses émotions, ses interrogations, les réactions de son corps, parlent à chacun, et ouvrent sur une réelle empathie pour les damnés de l’histoire.
Le parcours d’Alice Zeniter, née à Clamart en 1986 d’un père kabyle et d’une mère française, nourrit le cheminement du roman. Actuellement disponible en poche chez J’ai lu.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 16 mai.


jeudi 16 mai 2019

Un baptême de trapèze volant, c'est sportif !

L'école de trapèze volant des Siamangs à Margès en Drôme des Collines possède un magnifique équipement professionnel. Les artistes de cirque viennent s'y s'entraîner régulièrement, et les amateurs d'adrénaline locaux s'offrent quelques frissons en expérimentant ce sport de haut vol !

Après une séance d'entraînement en salle, et quelques pas sur l'immense filet de réception pour apprendre à s'y mouvoir, l'initiation commence par le passage au « petit » trapèze (6m de haut). Sauter dans le vide est impressionnant, mais tout se met en place presque naturellement : le placement des mains pour soutenir son poids, le balancement des jambes pour donner de la vitesse au trapèze. C'est stressant, difficile, rapide, mais quand on lâche, la réception dans une fosse remplie de cubes de mousse est confortable. Ouf, on est vivant !
Alors on recommence plus détendu, on essaie quelques figures et positions plus sportives, sous la houlette de Jean-François, professeur confirmé. Les progrès et l'assurance se conquièrent peu à peu, permettant alors de passer aux choses sérieuses : les trapèzes acrochés à 11m de haut.

Déjà grimper sur l'échelle verticale jusqu'à la plate-forme demande un certain courage, surtout quand le vent souffle ! De là-haut, on domine le village, les arbres, la campagne. Mais ce n'est pas pour le paysage qu'on est là : tandis qu'on s'équipe de longes accrochées à une ceinture de sécurité, les pros font des saltos, des pirouettes, sautent d'un trapèze à l'autre, avant de retomber dans l'immense filet de réception. Nouveaux moments d'adrénaline : le premier saut dans le vide depuis là-haut, un aller-retour assez tendu au trapèze, et la chute dans le filet. Une fois rassuré par le déroulement, on peut recommencer, et effectuer des figures, suivant la progression établie par Jean-François. Et quelle satisfaction, quand après une heure d'efforts, on arrive à sauter d'un trapèze à l'autre en plein vol, comme les artistes de cirque !

Voler au-dessus des arbres, en pleine campagne, c'est donc possible à l'école de trapèze volant de Margès. Entraînements, stages, cours, toute l'année. Un gîte rural permet aux stagiaires de loger sur place.
Baptêmes (2h pour 30 €) à partir de 10 ans. Pour sportifs n'ayant pas froid aux yeux !

Renseignements : jfmarin@trapeze-volant.com
téléphone 06 75 36 43 23 ou 04 75 45 78 92

Article publié dans le JTT du jeudi 9 mai.


vendredi 10 mai 2019

Chronique littéraire : Ma mère, cette inconnue, de Philippe Labro


Difficile d’enquêter sur sa mère, quand tous les témoins de l’époque ont disparu, qu’elle-même a jalousement gardé ses secrets. A partir de quelques papiers trouvés après son décès, Philippe Labro essaie de reconstituer un puzzle qui commence en Europe de l’Est.

Netka, fille illégitime d’un noble polonais et d’une institutrice française, née dans les années 1910, est d’abord une enfant abandonnée dès sa naissance à des institutions, où elle vivra choyée par des mères de substitution. Caractère fort et talents multiples, à vingt ans elle rêve de poésie, de littérature, mais abandonnera ses envies d’écrire dès son mariage. Pour se consacrer exclusivement à son mari, l’éducation de ses enfants, de ses petits-enfants, donnant à ceux-ci ce qu’elle n’a pas connu, la stabilité d’un foyer chaleureux.

Le récit dévoile peu à peu l’histoire de cette mère qui jamais ne parla du passé, mais sut parfaitement mener sa vie, même pendant la deuxième guerre. Une femme heureuse de son sort, qui n’a jamais paru regretter son passé. C’est Philippe Labro lui-même, tenaillé par son amour filial, qui essaie de rendre à sa mère un peu de ce qu’elle lui a largement donné. Dans un style fluide et émouvant, il remonte le temps.

Né en 1936 à Montauban, Philippe Labro, journaliste dans la presse écrite et audiovisuelle, réalisateur, parolier et écrivain, est l’auteur d’une vingtaine de romans dont beaucoup ont été primés.
« Ma mère, cette inconnue » est disponible en poche chez Folio.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 9 mai.

jeudi 2 mai 2019

De Ferme en Ferme, jusqu'aux Maupertuis

La grande opération de communication entre producteurs agricoles et consommateurs, le dernier week-end d'avril, connaît chaque année un succès retentissant. En Drôme- Ardèche, pays du bien manger, cette vingtième édition a permis de découvrir et déguster les produits du terroir : vin, fromages, légumes, plantes aromatiques, fleurs, huiles...
Julien Bourlon est une figure bien connue au marché de Tain l'Hermitage, son sourire accueille les amateurs de volailles et lapins de qualité. Sa Ferme des Maupertuis, située à Saint-Martin d'Août, petit village de la Drôme des Collines, a attiré en cette vingtième édition de Ferme en Ferme plus de 2000 visiteurs ! Un succès bien géré, grâce à une excellente organisation et l'appui d'une poignée de bénévoles. Il faut dire que Julien représente parfaitement l'agriculture raisonnée locale.
Julien accueille lui-même les visiteurs pour présenter son projet : élever des animaux sains avec une alimentation issue de ses propres récoltes. Un objectif atteint, grâce à ses semences traditionnelles ne provenant pas de l'industrie agro alimentaire. Il cultive lui-même maïs, sorgho, soja, tournesol, blé, pois, qui, une fois concassés, mélangés, apportent aux animaux une nourriture variée et de qualité.
Ses poussins, après un début de vie bien à l'abri dans la poussinière chauffée au bois, sont élevés en plein air, sous la surveillance des border-collies. Il faut quatre mois pour qu'un poulet atteigne la taille optimale de commercialisation. Julien, travaillant avec son père, arrive à élever environ 10 000 poulets par an, en rotation sur cinq parcs différents. L'hygiène est une priorité. Ses poulets mangeant bien, vivant dehors, n'ont pas de problèmes de santé. Avec la même exigence écologique, il fait tourner ses cultures sur différents terrains, pour ne pas user les sols. Son souci, c'est le respect maximum des animaux, de la nature, tout en maîtrisant sa production.
Il élève aussi des lapins à l'air libre, qui nécessitent quatre mois d'élevage. Ainsi que des pintades, chapons et autres volailles pour Noël. Et comme les poussins n'ont besoin que de la partie farineuse du tournesol, Julien s'est lancé dans l'extraction d'une belle huile de tournesol jaune d'or, par pression à froid.

Un travail dur, de longue haleine, mais une éthique, une autonomie et une réussite qui donnent satisfaction. Julien vend ses produits haut de gamme, volailles, lapins, œufs et huile de tournesol, en direct à la ferme et sur le marché de Tain le samedi matin. Fervent défenseur de cette magnifique opération de promotion de l'agriculture locale, De Ferme en Ferme, dont la devise est : un week-end pour découvrir … toute l'année pour revenir !

Article publié dans le JTT du jeudi 2 mai.