vendredi 25 avril 2014

Pivoines Rivière : une renommée internationale

Cultiver des pivoines, c'est entrer dans un monde magique, où la sensualité a rendez-vous avec l'histoire et la médecine. Depuis l'Antiquité, d'Extrême-Orient en Grèce, ces plantes précieuses ont été associées à des rites protecteurs, notamment au flux sanguin. L'expression "Rouge comme une pivoine" en témoigne, c'est la couleur de la variété ancienne Rubra Plena.


Cette année, la floraison des pivoines est précoce, aussi les portes ont été ouvertes au public dès avril dans la célèbre pépinière Rivière de Crest (Drôme). Chaque jour, les visiteurs se pressent, nombreux, pour admirer la fabuleuse collection, plus de 750 variétés, aux couleurs éclatantes, parfaitement mises en valeur par les contreforts bleutés du Vercors. L'occasion aussi d'acquérir de nouveaux plants, car la culture des pivoines est une passion insatiable.

Il existe deux sortes de pivoines : les arbustives, en pleine floraison actuellement, et les herbacées, un peu plus tardives, dont l'épanouissement est superbe en mai. Les recherches des pépiniéristes ont conduit à une troisième variété, les hybrides, Itoh, dont la floraison s'étage dans le temps. Que dire des couleurs ? Pourpre, rose, nacre, paille, carmin... des pétales ? fournis, échevelés ou froissés. Des étamines ? Dorées, aux macules nuancées ; des parfums ? suaves et troublants... Un vocabulaire sensuel, pour amoureux passionnés. La variété et la beauté des pivoines sont telles qu'à peine en possède-t-on une, qu'on en désire une autre ! La personnalisation de leurs noms  ajoute au charme : à qui la préférence, entre Alexandre Dumas et Caroline d'Italie, Princess Margaret ou Jitsugetsunishiki ?

Plants, terreau spécial, bouquets de fleurs coupées, catalogues, conseils d'entretien, on trouve tout ce qui concerne la culture des pivoines à la pépinière Rivière, pivoiniste de renommée internationale depuis 1849.
La collection de pivoines est visible à Crest tous les jours du 15 avril au 31 mai. Mais on peut s'émerveiller aussi en consultant le site :  www.pivoinesriviere.com

dimanche 20 avril 2014

Chronique littéraire : Le sermon sur la chute de Rome, de Jérôme Ferrari

Un livre puissant et dense, nourri de spiritualité et de culture, mais intégré dans la réalité actuelle par une intrigue crédible, la course à la réussite de deux amis en Corse. La philo et l'histoire sont à l'honneur, les héros naviguent entre les soubresauts du XXème siècle et le désenchantement du XXI ème, entre Leibnitz qui espère le meilleur des mondes, et Saint Augustin qui annonce la fin inéluctable d'une civilisation.

Alternance de chapitres : d'un côté, la voix du grand-père, Marcel, ses réflexions sur les drames qui ont jonché son parcours, la misère en Corse, les guerres, la vie coloniale.De l'autre la narration proprement dite : Mathieu et Libero amis d'enfance, abandonnent leurs études de philo à Paris pour un projet qui les motive davantage, faire revivre un bar dans leur village natal, en Corse. Succès total : argent et filles à gogo, satisfaction des pulsions, illusion du pouvoir, deviennent leur quotidien.
Utopie de la jeunesse : croire qu'on peut réinventer le monde, sans imaginer que la bêtise, le drame vont les rattraper. 

L'auteur ne s'attarde pas sur les lieux ni les personnages, mais explore les pensées, les espoirs des  hommes. En quelques phrases, il évoque des pays en crise, des situations désenchantées. La Corse, l'Algérie, l'Afrique, le monde étudiant ou rural sont ainsi photographiés, analysés au scalpel, dans toute leur complexité. La fin claque comme une gifle, pourtant, dès le début, le drame est programmé :  l'homme bâtit sur du sable.

Jérôme Ferrari, né en 1968 à Paris, d'origine corse, est  prof de philo et écrivain. Le sermon sur la chute de Rome a obtenu le prix Goncourt en 2012. Il est disponible en Babel Poche au prix de 7.70 €.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 17 avril 2014.

mercredi 16 avril 2014

Expo à l'ASCAP

L’artothèque de l’ASCAP à Montbéliard est à la fois un lieu de conférences, d’ateliers, une structure de prêt et un musée, dédiés à l’art contemporain. Le problème avec l’art contemporain, c’est qu’il ne s’adresse pas simplement à nos émotions. Il y a toujours un concept à décrypter, la nécessité d’une explication, d’une initiation. D’où la difficile rencontre avec le grand public.

Ce n’est pas le cas pour l’actuelle exposition Motif à Mots, accessible à tous. Parce qu’elle présente des réalisations issues d’arts populaires comme la broderie, le graphisme, la photographie. Parce que les jeunes créatrices ont voulu honorer la mémoire des hommes, et celle du lieu : Montbéliard, à l’ombre de Peugeot. Parce que les œuvres reflètent une intimité à la fois réaliste et sublimée.
Emblématique de l’expo, une grande broderie de Sandra Dufour représente la vie d’un couple, sur toile de lin. En sérigraphie bleue,  l’univers de Lucien, ouvrier chez Peugeot. Et au petit point rouge,  celui de sa femme Germaine, installée dans une maison ouvrière, dans les années cinquante.

Valentine Fournier expose des boîtes-objets et photos détournées, Elyse Galiano brode des poèmes sur mouchoirs anciens, et Célia Callois-Benoist joue avec l'écriture et la calligraphie.
Motifs ornementaux ou motifs de recherches, mots imagés ou détournés, boîtes à photos ou boîtes à livres, l’artothèque propose ce joli détour dans la culture surréaliste jusqu'au 11 juin.


vendredi 11 avril 2014

La croisière s'enlise ...

Les bateaux de croisière de la compagnie Grand Travel Circle font depuis de nombreuses années escale à Tournon tous les lundis soir.  Pour une soirée spéciale très prisée des touristes américains : l’accueil dans une famille française. En effet, nos amis d’Outre-Atlantique n’apprécient pas seulement notre patrimoine culturel et nos paysages, ils sont très curieux de savoir comment vivent les Français.

Cette soirée permettait aux touristes de partager un repas en famille, de prendre le temps d’échanger sur tous les sujets, sécurité sociale ou politique, éducation ou culture, et surtout de découvrir les spécialités gastronomiques locales. Ils photographiaient avec enthousiasme la présentation des tables, la préparation des plats, le décor de la maison… Et savaient apprécier un bon Saint Joseph, des tommes de chèvre ou une tarte aux abricots.

Las ! Cette convivialité n’est plus possible. Le fisc s’en est mêlé. Un jour, de braves Tournonais qui participaient à l’échange ont été convoqués à la Gendarmerie de Tournon. Stupeur et tremblements. Pourquoi ? Motif simple : travail dissimulé ! Il faut dire que la compagnie donnait en cash 16€ de dédommagement  pour les frais de repas. Non déclarés.
L’antenne lyonnaise de la compagnie alertée, la direction générale à Boston a pris l’avis d’avocats.  Pour continuer l’échange, il fallait trouver une structure légale. Tout est si compliqué en France ! Ainsi une table d’hôte ne peut exister sans chambre d’hôte. Un échange culturel ne peut donner lieu à une rétribution financière. Réunir Français et Américains au restaurant ne donne pas vraiment satisfaction. Alors ?
Résultat, les soirées franco-américaines sont annulées. Les bateaux continueront de faire escale à Tournon, mais les croisiéristes dîneront à bord.

Dommage, ces rencontres étaient de vrais moments de partage. Qui parfois se poursuivaient sur Internet par l’envoi de recettes. Quelle surprise quand mes correspondants US m’ont envoyé la photo, prise dans leur appartement de New York,  d’un menu "à la Nicole" cuisiné à leur retour pour leurs amis, avec cake aux olives, salades et caillettes ardéchoises !   Congratulations !

samedi 5 avril 2014

Chronique littéraire : Eva dort, de Francesca Melandri

Une page d’histoire de l’Italie, à travers une région méconnue : le Haut-Adige, ou Sud-Tyrol. La dualité du nom illustre le problème : ce bout de territoire autrichien, livré à l’Italie en 1919, a été italianisé de force, victime de répression ethnique, puis de terrorisme dans les années 1960. Après une longue rébellion, cette région multiculturelle a enfin obtenu un statut autonome. Pacifiée, bénéficiant de l’ouverture des frontières et de l’avènement du tourisme, c'est maintenant une destination de vacances privilégiée.

Le roman de Francesca Melandri raconte le parcours de deux femmes : Eva, fille d’aujourd’hui, bien intégrée dans l’opulent Haut Adige, et sa mère, Gerda, native du Sud Tyrol miséreux, alors de langue allemande. Un monde macho, où Gerda,  fille-mère rejetée par sa famille, n’est arrivée à s’en sortir, que par son travail de cuisinière. L’enfance d’Eva est aisée, mais elle a sa part d’ombre : l’absence du père. D’autant que Vito, figure paternelle de substitution, les a abandonnées inexplicablement après leur avoir fait connaître le goût du bonheur. C’est à sa demande, qu’Eva entreprend un long voyage en train, du Haut Adige jusqu’en Calabre, pour recueillir ses dernières paroles. Et comprendre.

En toile de fond, l’histoire de l’Italie, de Mussolini à  Aldo Moro, et le portrait d'une société patriarcale, religieuse, qui évolue vers la mixité sociale et la tolérance.
Francesca Melandri, écrivain et scénariste née à Rome en 1964, mélange chronique historique et carnet de voyage. Son roman riche et passionnant atteint une dimension universelle grâce à des personnages aux aspirations proches des nôtres.

Eva dort est disponible en Folio au prix de 7.90€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 3 avril 2014.