samedi 28 décembre 2019

Le Comptoir rhodanien se diversifie


Mi décembre, l’entreprise tainoise a proposé une vente promotionnelle de ses nectars et autres jus de fruits. Une manière de faire connaître ces nouveaux produits, puisque c’est cette année que le Comptoir rhodanien s’est lancé dans ce type de fabrication. On pouvait aussi acheter pommes, noix et châtaignes à des prix très attractifs. Le public ne s’y est pas trompé, et l’opération sera renouvelée dès 2020.

Depuis plus de 50 ans, le Comptoir rhodanien stocke, conditionne et expédie les fruits de la Vallée de Rhône. Le travail se concentre sur 4 fruits principaux : la cerise et l'abricot pour la
campagne d’été, la noix et la châtaigne pour la campagne d’automne-hiver. La commercialisation s’effectue sous le label Pauline, marque lancée en 1996 par les repreneurs de l’affaire, M. et Mme Soulhiard, en l’honneur de leur fille.

L’entreprise a peu à peu élargi son activité et maintenant travaille en partenariat avec 400 producteurs répartis sur les départements de la Drôme, l’Ardèche, l’Isère, le Vaucluse et le Gard. Avec ses différentes filiales, exploitations et sites de conditionnement, le Comptoir Rhodanien regroupe plus de 400 hectares de production propre et expédie chaque année plus de 40 000 tonnes de fruits. L’entreprise est installée sur plusieurs sites à Chanas, à Nîmes …, elle gère une filiale de production en Espagne, qui permet d’offrir sur le marché des fruits en amont de la production française, ainsi que fraises et oranges. On peut d’ailleurs retrouver la plupart de ces produits dans le point de vente associé, situé au rond-point de sortie de l’autoroute à Tain. 

Si le Comptoir rhodanien emploie sur ses différents sites 100 salariés qualifiés, en été, il monte en puissance et embauche beaucoup de saisonniers. C’est une opportunité que de nombreux jeunes de Tain-Tournon saisissent pour valider un premier job. Une solution pratique, pour personnes motivées, accessible sur place ou par internet sur le site :
www.pauline-comptoir-rhodanien.com/recrutement/

Article publié dans le JTT.

jeudi 12 décembre 2019

La verquelure du marché de Noël de Montbéliard

La verquelure est une toile de chanvre à carreaux tissée à la main. Dans tous les foyers francs-comtois, dès le Moyen-âge, on l’utilisait en draps, serviettes et rideaux, ou pour couvrir oreillers et édredons. D’après la tradition, la verquelure destinée aux foyers protestants était à petits carreaux bleus et blancs, celle destinée aux catholiques à plus gros carreaux rouges et blancs, puis dans les années 1920 on a réalisé une verquelure patriotique, tricolore. Cette « toile de Montbéliard », solide et rustique, très réputée, était exportée partout en France et en Suisse. Mais sa fabrication traditionnelle a disparu au début du XXème siècle

Le pragmatisme et la ténacité des Francs-Comtois (dont la devise est : "Comtois rends-toi, nenni ma foi"...) a permis de remettre au goût jour cette toile caractéristique du pays de Montbéliard. Une volonté de l’office du tourisme, conjuguée à la notoriété du Marché de Noël de Montbéliard. Ce marché, classé dans les plus beaux marchés de Noël d'Europe, attire des centaines de milliers de visiteurs chaque année, du 24 novembre au 24 décembre : 140 chalets d’artisans blottis au pied du temple Saint-Martin, première église luthérienne de France, un parcours de saveurs locales, avec cancoillotte, mont d’or, comté et saucisses à l’honneur, des animations chaque jour, une patinoire en plein air et surtout, des lumières, des lumières, partout, qui transforment le centre historique en pays de rêve.

Le projet verquelure, porté par l’office de tourisme, a donc bénéficié de la magie de Noël. Un jeune tisserand local, Cédric Plumey, passionné de textiles anciens et de matières naturelles, a accepté de
fabriquer la toile. Puis les couturières de l’association d’insertion ont confectionné oursons, cœurs, étoiles, sacs, nappes, en partenariat avec la section mode du Lycée local. Et la verquelure est devenue le cadeau emblématique du marché de Noël. Cette année, la demande explose, la production se diversifie encore, avec un nouveau modèle de verquelure agrémenté d’un fil doré. Une prouesse technique que ce mélange de textures !


Au chalet de l’Office de tourisme, au coeur du Marché de Noël de Montbéliard, on peut acheter la verquelure au mètre ou en objets de décoration … On peut aussi contacter Cédric Plumey sur son site manufacturemetis.com pour d’autres textiles réalisés en tissage mécanique.
La verquelure, un tissu qui a une histoire, et maintenant un avenir.

Article publié dans le numéro 18 de l'Esprit Comtois et dans le JTT.

lundi 2 décembre 2019

Chronique littéraire : Les cigognes sont immortelles, de Alain Mabanckou


Une histoire dramatique traitée avec finesse, poésie et humour. Et habilement construite : partant de la narration de Michel, jeune collégien de Pointe-Noire, il s'ouvre sur l'histoire du Congo, de la colonisation, et de la politique africaine en général.

Michel promène le lecteur dans sa famille, son quartier, un monde bien ritualisé de petits bonheurs entre Maman Pauline et Papa Roger. Le collège, les courses, les copains, son chien, un quotidien rassurant qu'il enjolive encore de son imagination débordante. Mais un jour de mars 1977, la radio annonce l'assassinat du président Marien Ngouabi. Commence alors un temps de peur, de mensonge, de troubles. A la capitale Brazzaville, mais aussi dans son village et dans sa famille.

La naïveté des questions que pose Michel devant l'événement permet d'exprimer clairement toutes les difficultés qui gangrènent l'Afrique : corruption, militarisation, violence. L'évolution de son univers douillet vers un monde menaçant, aux dangers tapis dans l'ombre, est une brillante et douloureuse métaphore de la réalité politique, ainsi que des dérives de l'âme humaine en général. C'est très fort.

Alain Mabanckou est un écrivain né en 1966 à Pointe-Noire au Congo-Brazzaville. Ses oeuvres sont traduites dans le monde entier. Nommé au Collège de France en 2016, il enseigne actuellement la

littérature francophone à l'Université de Los Angeles.

Les cigognes sont-elles immortelles ? En tous cas, elles sont maintenant disponibles en format poche chez Points.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 28 novembre 2019.

vendredi 22 novembre 2019

Les pneumatiques de la BnF


La BnF, dont le site historique, rue Richelieu à Paris, est maintenant l'Institut national d’histoire de l’art (INHA), accueille les visiteurs dans un superbe décor du XVIIème siècle. L’occasion de découvrir l’histoire d’un monument de l’esprit. Et d'une technologie qui fut révolutionnaire, le transport par pneumatiques !

La BnF est l’héritière de la bibliothèque royale, fondée en 1368, développée par Colbert à partir de 1666 pour la gloire de Louis XIV, devenue la première d’Europe sous la gouverne de l’Abbé Bignon dès 1719. Bibliothèque nationale enrichie sous la Révolution par les milliers de documents saisis. Modifiée de 1854 à 1858 par l’architecte Labrouste, dont la salle de lecture éponyme est une réussite exceptionnelle. Seize pilastres de fonte soutiennent neuf coupoles percées d’oculi qui dispensent une lumière uniforme. Le décor est soigné, avec chaises, pupitres et étagères de bois, lampes d’opaline verte, fresques végétales au mur.

Dans la salle de lecture, réservée aux chercheurs, le silence règne. Au fond, derrière la grande porte encadrée par deux cariatides monumentales, se trouve le magasin central, c’est-à-dire la réserve, avec une autre salle de lecture aux documents en libre accès. Mais ce qui attire l’attention, c’est l’imposante tubulure ancienne conservée au centre des lieux. Qu’est-ce ?
C’est le système pneumatique qui permettait aux bibliothécaires d’antan d’envoyer les demandes de documents dans les services concernés. Un système à air comprimé, qui propulsait des navettes tubulaires contenant les messages à plus de 400 m par minute. Installé en 1935, utilisé jusqu’en 1998, date de déménagement des collections dans la BnF François-Mitterrand, il constitue un élément de décor décalé au milieu des ordinateurs qui l’ont remplacé.

Ce système de communication était incontournable dans toutes les capitales du monde à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Et pas seulement en bibliothèque ! C’était le mode de transport du courrier public, mis en place dès 1866 à Paris. En 1888, près de 200 km de tubes posés dans les égouts reliaient les bureaux télégraphiques de la capitale. Dans le langage courant, on parlait alors d’envoyer un «pneu». En 1934, le réseau pneumatique parisien atteignit son apogée avec une longueur de 467 km, desservant plus de 130 bureaux et distribuant une dizaine de millions de correspondances par an (chiffre record de 30 millions en 1945).


Si aujourd’hui les SMS ont remplacé les « pneus » pour la communication, de nombreuses enseignes, hypermarchés, banques, hôpitaux, pharmacies, utilisent encore ce système à air comprimé  pour s’envoyer de petits colis en interne. Plus besoin de courir d'un étage ou d'un bâtiment à l'autre.

Article publié dans le JTT du jeudi 14 novembre 2019.


vendredi 15 novembre 2019

Le lac d'Esparron et les Basses Gorges du Verdon


Les gorges du Verdon sont un site spectaculaire, emblématique de la Haute Provence. On admire de haut cet impressionnant canyon creusé dans des falaises vertigineuses, difficilement accessible de près. Si l'on veut pénétrer dans le lit du Verdon, les Basses Gorges, entre les lacs d'Esparron et Sainte-Croix, offrent un abord plus facile, dans un paysage moins impressionnant mais tout aussi sauvage.

C'est uniquement par navigation sur le Verdon assagi qu'on peut découvrir ce superbe site naturel. En canoé, kayak, paddle, pédalo ou bateau électrique, sur une dizaine de kilomètres d'eau turquoise, les gorges déroulent leurs falaises calcaires grignotées par la végétation méditerranéenne. De nombreux oiseaux y nichent. Quelques cavernes et grottes témoignent d'une occupation humaine dès le néolithique : Entre l'eau et le soleil, le bois, les baies et le gibier, on pouvait y vivre en autarcie. Les touristes découvrent ce coin de paradis à leur rythme, entre navigation, observation de la faune et de la flore, pique-nique et baignade dans le Verdon … si l'on n'est pas frileux.

Pour une température idéale, il faut revenir au lac d'Esparron, à l'embouchure des gorges, un des plus beaux lacs de Provence. Dans ses eaux cristallines dont la couleur varie entre turquoise et émeraude, entouré de falaises, il emmagasine la chaleur. De multiples calanques et plages sauvages le bordent, mais aucune route n'en fait le tour. Pour le découvrir, il faut louer une embarcation au village d'Esparron, blotti autour de son château, ou emprunter les sentiers de randonnée. Le plus spectaculaire, c'est celui de l'ancien canal, en balcon au-dessus du lac. Les jeux de lumière entre les pins et l'eau sont sublimes. Et l'histoire de ce canal d'irrigation est un bel hommage au labeur des hommes. Construit il y a 150 ans pour alimenter en eau la Provence, sur une longueur de 15 km, à flanc de falaise au-dessus du Verdon, il a nécessité le percement de 59 tunnels dans la roche des basses gorges !


Article publié dans le JTT.

mercredi 6 novembre 2019

Chronique littéraire : La salle de bal, de Anna Hope

Un roman envoûtant, aux personnages attachants, à l’intrigue originale, qui s’empare d’un sujet méconnu : la vie dans les asiles psychiatriques anglais au début du XXème siècle.

Emma a été internée quand elle a cassé une vitre dans la filature où elle travaillait depuis l’âge de dix ans. John est tombé en dépression, après la perte de son enfant. Clem est une intellectuelle bourgeoise qui refuse de se marier avec un vieil ami de ses parents. Ils ne sont pas fous, mais pourtant ils sont prisonniers dans ce gigantesque asile de plus de deux mille personnes. Leur liberté est aliénée, ils vivent sous la contrainte et les coups, prisonniers d’un système carcéral qui les exploite, les broie et les retient à vie. Le plus fou, c’est peut-être le psychiatre, le docteur Charles Fuller, qui expérimente sur eux ses théories.

Le bal du vendredi, dans la belle salle d’apparat en fait partie. La musique, l’exercice, la rencontre avec l’autre sexe, cette parenthèse en société permet-elle de revitaliser les âmes perdues ? Une théorie qui ne tiendra pas face à l’eugénisme alors très en vogue dans les milieux politiques.

La description du fonctionnement de l’asile, gigantesque entreprise agricole qui vit en autarcie fait frémir. L’évolution des personnages est intéressante, Ella et John parviendront-ils à s’évader pour vivre une vraie vie ? Un style poétique, mais proche de la nature et de la vie concrète. Le roman se passe en Angleterre, mais il pourrait se passer partout où on enferme les personnes non conformes à la règle. Emouvant, passionnant, bien documenté, il nous fait réfléchir.

Anna Hope est à la fois actrice et écrivaine. Elle est née en 1974 à Manchester (Royaume-Uni).
Son roman « La salle de bal » est actuellement disponible en poche chez Folio.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 7 novembre 2019.

vendredi 25 octobre 2019

Les Dolomites, paradis de la randonnée


Inscrit au patrimoine de l’humanité depuis 2009, ce massif des Alpes italiennes subjugue par son originalité. Les Dolomites étaient, il y a des millions d'années, un massif de corail. De ce fait, les bastions de cette immense citadelle de pierre, à l’architecture verticale, forment un panorama lunaire, dominant de vastes forêts.  Les récifs coralliens pétrifiés changent de couleur en fonction de l’heure et de la lumière du jour, passant du blanc au rose, de l’orange au gris. Les nuages qui jouent autour des sommets accentuent encore le côté fantastique du paysage.


Les sommets dolomitiques, suite de murailles et d’aiguilles déchiquetées culminent à 3343m avec la Marmolada. Ils dominent des alpages fleuris d’orchidées, de campanules et de rhododendrons, et d’immenses forêts de sapins, épicéas ou pins. Les sentiers innombrables et bien entretenus sont ponctués de refuges d’altitude confortables, où la gastronomie italienne se décline en polenta succulente, pasta locale (canonsei) et autres assiettes de speck et fromages de montagne. Avec en dessert, le strudel hérité du Tyrol.

La proximité avec la frontière autrichienne a fait des Dolomites un haut-lieu de la Grande Guerre dès 1915. Partout des vestiges de tranchées (taillées dans la roche), tunnels, abris, fortifications. Un énorme travail d’ingénierie a été accompli pour assurer la survie des soldats à plus de 2500 m d’altitude dans un climat d’une rudesse extrême, avec la mort omniprésente. C’est ainsi que les militaires ont mis au point les fameuses via ferrata pour se déplacer. Ces parcours aériens font le bonheur des sportifs de notre époque.

Pas étonnant que les Dolomites soient devenues une destination incontournable pour les amoureux de randonnées ou d’escalade, de VTT ou de botanique. Sentiers bien balisés, hébergement assuré, remontées mécaniques au top. Avec la perspective des Jeux Olympiques d’hiver de 2026, accueillis dans leur capitale, Cortina d’Ampezzo, au vertigineux domaine skiable, les Dolomites s’apprécient sans limites…


Article publié dans le JTT du jeudi 24 octobre.

jeudi 17 octobre 2019

Jean-Baptiste Kléber, architecte de Belfort et général d'Empire

Le bâtiment et la bagarre sont les deux pôles entre lesquels évolue Kléber dès sa naissance, le 9 mars 1753 à Strasbourg. Son père, pauvre tailleur de pierre, décède quand il a 3 ans, Jean-Baptiste, resté seul avec sa mère, connait la misère, la rue, la violence. En 1759, elle se remarie avec Jean-Martin Burger, maître-charpentier, et l’aisance revient au foyer. Une chance pour Kléber qui, à 6 ans, fréquente alors un milieu d’artisans du bâtiment, menuisiers, sculpteurs, maçons. 
Remarqué par la qualité de ses dessins, il est envoyé à Paris en 1772, dans l’atelier du grand architecte Victor-Louis Chalgrin, qui signera l’Arc de Triomphe quelques années plus tard. Entre 1772 et 1774, Kléber s’initie à l’architecture néo-classique, sobre et géométrique, qui s’inspire de l’Antiquité. Il dessine plusieurs projets, tout en menant une vie d’étudiant débauché. Aimable et généreux, orgueilleux et bagarreur, il accumule les dettes, les aventures, sa famille finit par lui couper les vivres. Il passe même quelques jours en prison à Besançon après un duel contre un prétendant éconduit.
En 1774, Kléber revient à Strasbourg, cherche en vain du travail. Il se sent coincé, son tempérament fougueux bouillonne. Le destin le favorise : un jour, dans une taverne, il défend deux officiers bavarois pris à parti par une meute d’assaillants. Les Bavarois apprécient son intelligence, sa stature, son courage et lui conseillent de s’engager dans leur régiment, où ses qualités seront reconnues. Ils intercèdent pour lui, et en 1775, Kléber reçoit une promesse d’engagement chez les cadets du prince de Bavière. A Munich il devient adjoint au professeur de fortifications. Sa prestance, son niveau militaire et la qualité de ses dessins d’architecture le font repérer par le général autrichien Von Kaunitz qui le prend à son service à Vienne. Mais on lui refuse le grade mérité de capitaine en 1782, Kléber démissionne et rentre à Strasbourg en 1783. Son demi-frère François-Martin Burger, inspecteur depuis 1780 des bâtiments publics en Haute-Alsace, lui cède sa place d’architecte à Belfort.  


En octobre 1784, Kléber s’installe place d’Armes. Il doit gérer toutes les constructions des villes et communautés de la région de Belfort. D’abord, la reconstruction de l’église de Chèvremont, terminée en 1787. Puis la réalisation d’un clocher pour l’église de Larivière. Ensuite l’hôpital de Thann, les maisons des chanoines de Lure. Enfin la gestion de l’abbaye de Masevaux, les jardins privés du château de l’abbesse à Florimont. En 1784, Kléber réalise des plans pour la future mairie de Belfort, En paysagiste de talent, il dessine aussi les plans du jardin du château d’Etupes, résidence de la famille de Wurtemberg qui règne sur Montbéliard. En 1789-1791, il construit le château de Grandvillars pour Charles de Péseux, seigneur du lieu.

Dès 1789, Kléber adhère aux idées révolutionnaires. Avec ses amis, à Belfort, il refait le monde. Mais la guerre avec la Prusse et l’Autriche menace. Kléber est détaché en janvier 1792 auprès du général Wimpfen à Neuf-Brisach. La suite, c’est une carrière fulgurante d’officier : Kléber est promu lieutenant-colonel en mai dans l’armée du Rhin. Puis général après ses exploits à Mayence. Envoyé en Vendée, puis à l’armée de Sambre-et-Meuse, il multiplie les victoires. En 1797 il est présenté à Bonaparte, le vainqueur d’Italie. Kléber est séduit, voilà l’homme fort dont la France a besoin pour se relever du chaos. Bonaparte projette la conquête de l’Egypte. Kléber  embarque avec lui à Toulon le 18 mai 1798. 

En Egypte les batailles s’enchaînent, tandis qu’en France le Directoire perd pied. Bonaparte décide de rentrer prendre le pouvoir. Il laisse le commandement de l'armée d'Égypte à Kléber, le 22 août 1799. Kléber arrive à tenir le pays. Le 14 juin 1800, alors qu’il discute avec l’architecte Protain des plans de sa résidence, un fanatique syrien l’assassine d'un coup de poignard dans le cœur. Après avoir tant de fois frôlé la mort comme général, c’est en architecte que Kléber s’éteint.
Article publié dans l'Esprit Comtois n°17 (été 2019).

vendredi 11 octobre 2019

Chronique littéraire : Chien-Loup, de Serge Joncour


La double histoire, qui se déroule au Mont d'Orcières, un coin sauvage perdu dans les Causses, happe immédiatement le lecteur. L'intrigue se déploie sur deux époques, en 1914 et en 2017, par  chapitres alternés. La beauté des lieux, la nature immuable, laissent apparaître peu à peu leur sauvagerie, la peur, l'irrationnel, envahissent les esprits. Est-on dans un thriller ? Pas simplement, et c'est la force de ce magnifique roman, qui traite aussi bien de l'histoire que de la nature, de la violence sociale et individuelle, en temps de guerre comme dans le monde contemporain.

Franck et Lise ont loué pour l'été une ferme isolée dans le Haut-Quercy, à des kilomètres du dernier village. On n'y arrive qu'en 4X4, par un chemin vertigineux. Si Lise s'y sent tout de suite en harmonie avec la nature, l’impossibilité d'avoir du réseau plonge Franck dans le désarroi. D'autant que des animaux sauvages rôdent la nuit autour de la maison. Un mystérieux chien-loup les surveille et les provoque, sans qu'on puisse comprendre son attitude. Peu à peu, Franck découvre qu'il s'est passé quelque chose de terrible ici, en 1914.

Serge Joncour restitue avec maestria l'univers du village dans la guerre, les hommes au front, les femmes exténuées par les travaux agricoles et domestiques. Il évoque de même très justement la tension moderne, avec l'addiction au portable. Et dans la nature omniprésente, la sauvagerie animale et aussi humaine qui ne demande qu'à se réveiller, quelle que soit l'époque.

Né en 1961 à Paris, Serge Joncour a pratiqué divers métiers avant de se consacrer à l'écriture dès 1998. Devenu écrivain à succès, il a été un des animateurs de l'émision littéraire « Des Papous dans la tête » sur France Culture.

Chien-Loup est maintenant disponible en poche chez J'ai lu

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 3 octobre.

samedi 5 octobre 2019

Les fours Panyol, un succès français et d'abord ... tainois

Le four à bois Panyol, avec sa forme en quartiers d'orange, est un produit 100% naturel. Il suffit d'enflammer quelques bûches de bois sec pour l'amener à 400°. La cuisson est à la fois assurée par conduction, convection et rayonnement, ce qui rend le four très performant. Une fois chaud, il cuit une pizza ou une tarte en 2 minutes. On peut aussi saisir, griller viandes et poissons, ou laisser mijoter gratins et rôtis. Cuire son pain, sa pogne. La pyrolise s'effectue naturellement : le four reste toujours propre, blanc. Mais ce qui étonne le plus, c'est sa rapidité de réaction.

L'utilisation de la Terre blanche de Larnage ne date pas d'hier. Dès 1840, une entreprise fabriquait des briques réfractaires sur le lieu d'extraction, près de la carrière. Puis l'entreprise Fayol s'est installée à Tain, avec une production de briques destinées aux fourneaux, barbecues, fours industriels. C'est avec l'arrivée d'un nouveau dirigeant, Jean Pivard, que la société, devenue Panyol, s'est orientée vers la production de fours réfractaires en kit pour une clientèle familiale. Avec succès, malgré l'hégémonie de l'électricité.

Dès l'époque romaine, la terre de Larnage était utilisée comme poterie culinaire, les musées archéologiques de Vienne et Lyon en témoignent. La géologie des lieux explique les qualités particulières de cette terre : l'évolution du massif granitique, la présence antérieure de la mer, ont favorisé l'émergence des deux composants nécessaires à la fabrication de la céramique : le kaolin (argile) et le feldspath (sable). L'entreprise assure le travail d'extraction, transport, tamisage, puis le mélange avec l'eau pour faire une pâte, ensuite vidée de son air, moulée en pain, et découpée en briques. Le séchage de 4 à 40 jours suivant la météo est suivi de la cuisson dans un énorme four annulaire tournant, où les briques entrent d'un côté par un tunnel et ressortent 32h plus tard à l'autre extrémité, cuites à 1200°. Un savoir-faire d'exception qui a permis à l'entreprise Panyol d'être promue Entreprise du Patrimoine Vivant.


L'entreprise Panyol domine le marché du four réfractaire, tant en France qu'à l'international. Elle emploie une trentaine de personnes et tourne 24h sur 24, 7 jours sur 7, les fours ne pouvant pas s'arrêter. Le service commercial répond à toutes les demandes, tous les formats de four pour particuliers ou professionnels. Après contrôle, les commandes sont empaquetées sur palettes avec notice et sacs de ciment pour le montage et l'isolation. Pour les non-bricoleurs, il existe maintenant des fours entièrement montés et livrés avec un revêtement hermétique, qu'on peut simplement poser au jardin. Le prix minimum pour un petit four familial à monter est de 1300 €.

Quelques visites sont organisées l'été pour le public curieux de cette technologie à la fois moderne et ancestrale. Elles se terminent par une petite démonstration, mais les différents modes de cuisson sont visibles   Les odeurs qui s'échappent alors du four ravissent l'odorat des visiteurs. Cuisiner à l'ancienne, avec les performances modernes, c'est possible avec le four Panyol !
en vidéo sur le site de l'entreprise.

Renseignements : www.lepanyol.com

Article publié dans le JTT du jeudi 3 octobre.

mercredi 18 septembre 2019

Yan Pei-Ming face à Courbet

Pour célébrer le bicentenaire de la naissance du peintre Gustave Courbet (1819-1877), le Musée Courbet d’Ornans (Doubs) multiplie les expositions. Celle de l’été est consacrée à la confrontation entre le maître franc-comtois et l’artiste contemporain chinois.

Deux peintres qui ont beaucoup en commun. Leur goût pour les portraits, la nature, les animaux. Leur « grande gueule » et leur physique imposant. L’implication dans la vie politique de leur pays, et leur mise à l’index. Chacun à son époque a remis en question le paysage artistique et politique dans des œuvres peintes ou sculptées.

Ainsi, on peut voir dans les salles du musée les chiens fidèles de Gustave répondre aux tigres belliqueux de Yan, les portraits de famille de l’un observant les ancêtres de l’autre, la paisible Vallée de la Loue s’opposant aux buildings de Shanghai, ou les femmes légères, célébrées par les deux hommes, chacun à sa façon. Le parcours muséal permet de saisir la technique puissante de Pei-Ming, qui décline une couleur de base dans toute sa gamme chromatique, sur de grands formats, par exemple gris-noir-blanc. Alors que Courbet, lui, joue jusqu’à l’infini avec les verts.
Le président Macron a inauguré le 10 juin l’exposition Yan Pei-Ming face à Courbet. Elle est visible au Musée Courbet d'Ornans jusqu'au 30 septembre 2019.

C’est dans l’atelier de Courbet, autre lieu d’Ornans ouvert aux visites, que Yan Pei-Ming, qui vit maintenant près de Dijon, a réalisé certaines œuvres exposées, dont son portrait monumental. Autre visite incontournable en pleine nature, à quelques kilomètres : la Ferme de Flagey, ancien domaine familial de la famille Courbet.
Un portrait de Gustave encore plus phénoménal accueille les visiteurs : celui réalisé en bois flotté par l’artiste bisontin Vanly Tiene. Une prouesse d’équilibre, et un hommage à la modernité de son oeuvre.

Article publié dans le JTT du jeudi 19 septembre.

mardi 10 septembre 2019

Dormir dans un tonneau

C'est possible dans la Drôme ! A Chanos-Curson, Jean-Pierre et Jacqueline Sauvajon ont depuis longtemps transformé leur ferme viticole du XVème siècle en un lieu convivial qui accueille les vacanciers. Chambres d'hôtes, gîte 3 épis, piscine, pain et confitures maison ... Derrière ses murs de galets, la Ferme des Denis est un endroit chaleureux, authentique. Mais il y a plus ! La Ferme des Denis propose un hébergement insolite, emblématique de la région : On peut y dormir dans un tonneau ! Un tonneau tout confort, aménagé pour 2-3 personnes, avec sa petite terrasse.

Autre facette du domaine : les spectacles et animations qui y sont donnés régulièrement, au profit de l'enfance handicapée, sous l'égide de l'association « Mon regard sur le tien ». C'est ainsi que dimanche, une centaine de personnes a pris place dans la cour ombragée de la ferme pour applaudir le spectacle musical de la pétillante Chutney. Un récital sur le thème « L'amour des Sixties ». Chutney, en robe à pois et look B.B., a chanté les grands tubes de F. Hardy, F. Gall, Sheila... et enchanté le public. Un beau succès pour une belle cause.


renseignements: www.lesdenis.com

Article publié dans le JTT du jeudi 5 septembre 2019.

mardi 3 septembre 2019

Chronique littéraire : La vie parfaite, de Silvia Avallone

Une vie parfaite ? C’est un rêve que partagent tous les protagonistes de cette histoire. Qu’ils soient issus d’une misérable banlieue de Bologne ou des quartiers chics, ils rêvent, soupirent, à un ailleurs meilleur, jusqu’à s’en rendent malades. Leurs blessures d’enfance les empêchent non seulement d’être heureux mais aussi d’être libres, présents.

Envie de forcer le destin, de corriger les drames ? Les hommes veulent de l’argent, des voitures, du sexe. Les femmes, elles, sont rongées par l’obligation d’élever les enfants quand elles en ont. Et par le désir d’enfant sinon. Une force tellurique qui emporte Adele, enceinte à dix-sept ans de Manu, un voyou emprisonné et Dora, prof passionnée qui ne supporte pas sa stérilité, et détruit son couple. Chacune suit un parcours douloureux semé de doutes et d’emportements. Mais aussi d’amour à donner, à assouvir enfin.

A son habitude, Silvia Avallone dresse un portrait vivant et actuel des problèmes qui secouent la société, pas seulement italienne. Cassure entre deux mondes, entre deux sexes. Poids des liens du sang, de la transmission. Echappe-t-on à son destin ? Seul Zeno, l’adolescent secret et tourmenté s’autorise à vivre autrement, à sortir du rang. Le malaise de la jeunesse et de ses choix est traité ici par une intrigue solidement menée, des personnages variés et fouillés. Un beau travail romanesque et sociologique.

Silvia Avallone est une écrivaine et poétesse italienne née en 1984 à Biella dans le Piémont. Tous ses livres, au succès international, dressent un portrait sans concession des difficultés sociales du monde « périphérique ».

« La vie parfaite » est actuellement disponible en poche chez Liana Levi.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 29 août.

mercredi 28 août 2019

Le Musée de Besançon, fleuron artistique de Franche-Comté

Le musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon est l'un des plus anciens musées publics de France. Il a été créé en 1694, soit près d’un siècle avant le musée du Louvre. Après quatre années de rénovation, ses collections, scénographiées par l’architecte Adelfo Scaranello sont à nouveau visibles. Une visite artistique et architecturale s’impose, au cœur de la vieille ville de Besançon, à l’ombre de la citadelle de Vauban classée au patrimoine de l’Unesco.

Peintures de la Renaissance au XXème siècle, sculptures médiévales, important cabinet de dessins et estampes, fonds archéologique, racontent toute l’histoire de l’art européen. Un parcours permanent chronologique permet d’apprécier les oeuvres majeures du musée : taureau d’Avrigney, momie de Séramon, mosaïque de Neptune, toiles de Cranach, Titien, puis l’emblématique Déploration sur le Christ mort de Bronzino. Enfin, l’imposant Hallali du cerf de Courbet, l’enfant du pays, et la fierté du musée. Les salles du XVIIIème et du XIXème sont spectaculaires, exposant sur plusieurs niveaux Hubert Robert, Boucher, Goya, Ingres, Géricault. Enfin les impressionnistes, de Bonnard, Signac à Charles Lapicque, précèdent les salles d’exposition temporaire. 
Le musée de Besançon a été constitué à partir de collections privées. En 1694, l’abbé Boisot, lègue à la ville sa collection, issue de celle de la puissante famille de Granvelle (ministres de Charles-Quint), à condition qu’elle soit montrée au public deux fois par semaine. Par suite, le musée s’enrichit d’autres donations, celle de Pierre-Adrien Pâris, architecte de Louis XVI, en 1819. Puis celle du peintre Jean Gigoux en 1894, et la collection d’art moderne des époux Besson en 1963.
Cette dernière acquisition fut l’occasion pour Louis Miquel, collaborateur de Le Corbusier, d’agrandir la Halle aux Blés édifiée par Pierre Marnotte en 1843, qui faisait office de musée. Dans cette architecture classique, Louis Miquel a dressé des murs et une rampe hélicoïdale en béton, en 1970. L’architecte Adelfo Scaranello à son tour est intervenu en 2014 pour épurer et agrandir les espaces, multipliant les sources de lumière naturelle grâce à l’ouverture de fenêtres et verrières. Les nouveaux locaux ont été inaugurés par Emmanuel Macron le 16 novembre dernier.
Le musée est désormais connu dans le monde entier, grâce au « Compagnon de visite », un accompagnement virtuel, conçu par la société bisontine Livdeo, qui vient d’obtenir une récompense mondiale au MuseWeb de Boston.

Article publié dans le JTT du jeudi 15 août..

jeudi 22 août 2019

Chronique littéraire : L'Archipel du Chien, de Philippe Claudel


L’Archipel du Chien est un ensemble fictif d’îlots volcaniques quasi déserts, situés en Méditerranée. Dans ces terres inhospitalières et fermées sur elles-mêmes, Philippe Claudel imagine une histoire dramatique sur fonds de migrants, propre à réveiller les consciences, à travers cinq personnages emblématiques.
L’histoire : Un jour, trois cadavres de jeunes Noirs sont retrouvés sur la plage. Le Maire et le Docteur, inquiets de voir leurs projets d’installation de thermes remise en question en cas de révélation, décident d’escamoter les corps, le Curé y consent, seul l’Instituteur, un « étranger » du continent s’y oppose. Le forfait accompli, il essaie de comprendre d’où ces migrants sont arrivés, par quels courants, malgré la réprobation des autres. Une réprobation qui évolue en manipulation, puis en menace. L’arrivée d’un Commissaire, chargé d’une mystérieuse affaire, va exacerber les problèmes de conscience jusqu’à l’exécution d’un plan diabolique, soutenu par une société archaïque et angoissée.
Philippe Claudel, écrivain et scénariste né en Lorraine en 1962, nous entraîne dans une fable oppressante sur la condition humaine. Entre le polar sociologique et la tragédie grecque, sa parabole sur la lâcheté ne peut que remuer nos consciences.

« L’Archipel du Chien » est maintenant disponible en Livre de poche.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 1 août.

vendredi 16 août 2019

L'empire Burrus et la Forêt de Saoû

L’auberge des Dauphins, dans la forêt de Saoû, fut un restaurant gastronomique luxueux très fréquenté jusqu’en 1939. Le caprice d’un homme d’affaires richissime, Maurice Burrus, qui, séduit par la région, avait acheté la forêt en 1924, avec l'idée d'en faire un domaine de chasse. Il s’est finalement consacré à la sylviculture, plantant des espèces rares, et faisant construire une route goudronnée sur 27 km pour l’ouvrir aux visiteurs. En 1928, il a fait édifier en pleine forêt un pavillon magnifique sur le modèle du Petit Trianon : l'Auberge des Dauphins, un établissement très vite réputé. Laissée à l'abandon à la fin de la guerre, l'Auberge a été rachetée par le Département de la Drôme qui a entrepris sa restauration afin d'en faire un lieu d'accueil touristique et culturel, pour les milliers de visiteurs de la forêt de Saoû. Ouverture prévue dans quelques mois.
Mais quelle relation entre la famille Burrus, alsacienne d’origine, et la Drôme ? 


Entre 1820 et 1996, la famille Burrus a créé un immense empire industriel autour du tabac, depuis l’Alsace : Dambach, Sainte-Croix, jusqu’à la Suisse : Boncourt. Produisant puis achetant des tabacs dans le monde entier, mettant au point et commercialisant les premières cigarettes « russes ». Leur fortune, une des premières de Suisse, leur a permis non seulement de fortifier leur position dans la filière du tabac, mais d'édifier des châteaux, d'acheter des forêts, des immeubles, de s'intégrer au monde politique. Entreprise paternaliste mais aussi mécène, la famille Burrus a subventionné l'archéologie, en particulier à Vaison-la Romaine, ville fondée par un noble romain homonyme, le préfet et précepteur de Néron, Sextus Afranius Burrus.
Un des plus fervents amateurs d’art de la famille, Maurice Burrus (1882-1959), a repris les recherches généalogiques de son cousin Armand, qui avait essayé de prouver sa filiation avec le général romain. Son enquête traversait les époques, les pays, depuis Sextus Afranius, préfet du prétoire de César, ami de Sénèque, installé à Vaison, jusqu'à l'arrivée à Dambach en Alsace d'un Antonius Borri, descendant des Borri, nobles milanais (patronyme dérivé de Burrus), à la fin de la guerre de Cent Ans. Antonius fut le premier à cultiver des vignes et du tabac en Alsace. Après les guerres napoléoniennes, un de ses descendants, Martin Burrus, s'est expatrié en Suisse où la législation du tabac était plus libérale. Il a renvoyé ensuite ses fils édifier une succursale en Alsace, après l'annexion de celle-ci par l'Allemagne en 1871. Succursale florissante qui sera nationalisée quand la France récupérera l'Alsace. L'histoire industrielle et familiale des Burrus est ainsi liée aux mouvements politiques de cette zone frontière. Mais leur fortune est déjà mondiale et indestructible.

Maurice Burrus, député d’Alsace, a donc financé les fouilles archéologiques et la restauration du théâtre antique de Vaison-la-Romaine, où il s’est installé. C’est de là qu’il partait visiter sa forêt de Saoû. Le maire de Vaison a utilisé habilement la générosité du mécène pour faire renaître sa ville. Le 19 juin 1932, une grande fête fut donnée dans le théâtre antique de Vaison en l’honneur de Maurice Burrus, qui fut proclamé citoyen d'honneur de la ville. Le député alsacien a donc rejoint, deux millénaires plus tard, le précepteur de Néron dans la légende dorée des Burrus. Pour lui, un rêve de gloire réalisé, et pour la Drôme et le Vaucluse, un superbe patrimoine à faire fructifier.

Article publié dans le JTT du jeudi 8 août.

dimanche 11 août 2019

Hommage à Leonardo da Vinci

Léonard n’a vécu que les trois dernières années de sa vie en France, les meilleures peut-être, de 1516 à 1519. Car François Ier, qui l’avait rencontré lors de ses campagnes en Italie, a immédiatement reconnu le génie universel de Léonard. Il l’a invité à le rejoindre en Touraine, mettant un domaine, le Clos-Lucé, à sa disposition. Ainsi que le titre de premier peintre, ingénieur et architecte du roi, et la pension correspondante. Léonard a enfin pu se sentir libre de créer à sa guise. Il a inventé des machines extravagantes pour le divertissement du roi, mettant en scène des fêtes somptueuses. Elaboré les plans du château de Chambord, peaufiné la Joconde et bien d’autres dessins. Si bien que le Louvre est maintenant le grand héritier de l’œuvre de Léonard.

La vie de Léonard a été semée de difficultés. Né en 1452 à Vinci, en Italie, Leonardo était le fils bâtard d’un notable. Choyé par ses grands-parents, il n’a cependant pas pu accéder à l’école en raison de son illégitimité, et n’a appris le latin et le grec nécessaires à sa profession d’artiste qu’à l’âge de 40 ans, en autodidacte. Il a cependant vécu une enfance heureuse, dans une maison isolée de la campagne toscane, proche de la nature, des animaux. A 17 ans, son père l’a placé comme apprenti chez le grand maître Verrocchio à Florence, où toutes les disciplines artistiques étaient enseignées : peinture, sculpture, architecture, mais aussi menuiserie, métallurgie, chimie. Les apprentis commençaient par préparer les produits, dorer, encadrer, puis se confrontaient à l’ingénierie : il fallait inventer les machines pour transporter, installer les œuvres. Reconnu très vite pour son immense talent de peintre, Léonard créa ensuite son propre atelier en 1478. 
Avant de solliciter les faveurs des mécènes, séduits par ses qualités d’ingénieur : Ludovic Sforza à Milan (1482-1499), amateur de machines de guerre et automates de théâtre, puis d’autres commanditaires, de 1499 à 1516, à Venise, Mantoue, Rome, Bologne, Florence… Leonardo met au point des machines destinées à améliorer le travail des artisans, ainsi que des machines volantes, flottantes, roulantes, des plans pour modifier l’hydrologie d’une région, assécher, déplacer les fleuves ou les collines. Des dessins d’anatomie d’une précision époustouflante. A Léonard, rien d’impossible. Seuls 6000 dessins issus de ses carnets (codex) ont été retrouvés, mais il en reste bien d’autres éparpillés à travers le monde. Son écriture spéculaire (en miroir) n’a pas facilité la tâche de ses lecteurs !
François Ier, vainqueur à Marignan en 1515, l’a convaincu de le suivre en France, et Léonard, malgré son âge, a entrepris le long voyage en 1516 : 32 jours à dos de mulet, de Rome à Amboise en passant par Florence, Milan, Turin, le col du Mont-Cenis, Modane, Lyon, Bourges…  C’est en Touraine qu’il a trouvé reconnaissance et repos.

En France comme en Italie, cette année, on célèbre le cinq-centième anniversaire de la mort de Léonard, avec une imagination qui fait honneur au maître. Ainsi, en plus des expositions classiques dans les musées, le public peut se réjouir devant l’escalier monumental de Blois recouvert d’une Joconde ou prendre le train Paris-Milan entièrement décoré de dessins de Léonard.

Article publié dans le JTT du jeudi 8 août.