samedi 27 octobre 2018

La Faïence de Moustiers


Moustiers-Sainte-Marie est un des plus beaux villages de France, perché dans les falaises ocre et roses des Hautes-Alpes, à quelques kilomètres des gorges du Verdon et du lac de Sainte-Croix. Un petit coin de paradis. Mais si des milliers de visiteurs s'y attardent chaque année, c'est aussi pour son histoire, intimement liée à celle de la faïence.

La nature autour de Moustiers a toujours fourni aux habitants les matériaux nécessaires à la poterie : eau, argile et bois. Dès le Moyen-Age, on y fabriquait des objets utilitaires en terre vernissée, tuiles, conduits, cruches. Mais il a fallu le passage d'un moine italien, originaire de Faenza, pour percer le secret de l'émail blanc qui imperméabilise les pièces. Pierre Clérissy créa ensuite en 1668 le premier atelier de « Faïence », utilisant la technique du « grand feu », que seule la couleur bleue supporte.
Lorsque Louis XIV, en grand besoin d'argent pour financer les guerres, demanda aux nobles de faire fondre leur vaisselle d'argent, la faïence bleue de Moustiers la remplaça sur les tables aristocratiques et devint à la mode à travers toute l'Europe. La notoriété de Moustiers s'amplifia durant tout le XVIIIème siècle.

En 1738, Joseph Olérys apporta d'Espagne la technique des décors polychromes, enrichissant la palette de couleurs des faïences.
Mais en 1769, on découvrit un gisement de kaolin près de Limoges, ce fut l'avènement de la porcelaine, plus fine. Les guerres, les tremblements de terre et la concurrence de faïences bon marché mirent peu à peu un terme à la production et la suprématie de Moustiers.
En 1927, Marcel Provence, disciple de Frédéric Mistral, comme lui passionné de culture provençale, décida de ranimer la fabrication de la faïence de Moustiers, célèbre dans le monde entier. Il installa au village un four électrique et s'entoura d'artistes inspirés par l'art moderne, notamment Picasso, qui réinventèrent l'artisanat de la faïence.

Depuis, les ateliers de faïenciers ont essaimé dans le village, ils sont actuellement une quinzaine à produire des œuvres originales, rivalisant d'imagination pour le plus grand plaisir des visiteurs, qui constituent un immense potentiel d'acheteurs. Mais le plaisir des yeux est gratuit pour tous ceux qui déambulent dans le village, entre les boutiques, le Musée de La Faïence avec sa magnifique collection de céramiques anciennes et la recherche des plaques de rues, enseignes, décors de fontaines, tous en authentique faïence de Moustiers.

Article publié dans le JTT du jeudi 25 octobre 2018.

samedi 20 octobre 2018

Quand Dieu boxait en amateur, de Guy Boley

Ce titre intrigant résume parfaitement le roman. Dieu, c'est le père de l'auteur, champion de boxe amateur dans les années 50-60 à Besançon. Pourquoi Dieu ? Une promotion en somme, parce que ce père, René, était déjà un demi-dieu lorsque son fils enfant l'observait dans sa forge, luttant contre les éléments dans une gerbe d'étincelles (voir « Fils du Feu »). Puis un jour, par la force de l'amitié, ce père-là, amateur de théâtre mais anticlérical, a accepté de jouer le rôle du Christ dans la pièce montée par son ami curé. Il est ainsi devenu Dieu.

Autant « Fils du Feu » était un récit à la fois flamboyant et retenu, centré sur l'enfance, la famille et la forge, autant « Quand Dieu... » se disperse en une multitude de facettes, toutes celles qui composent la personnalité de René : le quartier populaire des Chaprais, la forge, la boxe, l'amitié, le théâtre. L'occasion de brosser des scènes et des personnages pittoresques, pleins de vie ou en déshérence, entre neige et suie.
La société change, les traditions se perdent, le fils du Feu devient homme. Après avoir, dans les années 68, rejeté en bloc tout ce qui faisait la gloire de son paternel, rompu avec sa famille et vagabondé à travers le monde, Guy Boley renoue les fils de son passé. Pour honorer la mémoire du père, maintenant décédé, qu'il a si grossièrement rejeté, illustrant la formule psy : pour se construire, il faut tuer le père, tuer Dieu.
Le style de Guy Boley est flamboyant, imagé, mêlant érudition, causticité et efficacité. Il martèle ou cisèle les mots, alternant passages lyriques, expressions populaires, termes techniques ou savants, dans un décor nostalgique noir et blanc. C'est finalement le dictionnaire, l'amour partagé des mots, choisis, précis, assortis, qui relient le père et le fils, et transcendent cette mise à nu de deux destins cabossés.

Après avoir participé à Livres dans la Boucle à Besançon, aux Correspondances de Manosque, Guy Boley rencontrera les lecteurs de sa région, durant les Petites Fugues en Franche-Comté, du 19 novembre au 2 décembre.

vendredi 12 octobre 2018

Chronique littéraire : La veuve des Van Gogh, de Camilo Sànchez

On a écrit beaucoup de commentaires sur  Vincent Van Gogh, son frère Théo, et leur lien indéfectible. Lien si fort qu’après la mort de Vincent, Théo sombra dans le désespoir et ne lui survécut que 6 mois. L’originalité de ce récit, c’est de faire entendre la voix de Johanna, épouse puis veuve de Théo, qui dut « supporter », dans tous les sens du terme, l’omniprésence de Vincent. Après une descente aux enfers, dont seul son bébé lui donna la force de s’échapper, elle quitta Paris, pour retourner chez ses parents en Hollande.
C’est là qu’après un temps de deuil, elle décida de faire connaître l’œuvre de Vincent. Une œuvre picturale immense, niée par les contemporains, mais aussi une œuvre poétique, dont elle prit conscience en lisant les 350 lettres adressées par Vincent à son frère. Aidée de quelques amis, elle commença par aménager une maison d’hôtes où elle exposa les peintures de Vincent. L’intérêt des galeristes se fit jour peu à peu. Vincent était en avance sur son temps, c’est le vingtième siècle qui lui rendit honneur. Et Johanna, se montrant déterminée dans un monde de marchands aguerris, s’affirma comme une devancière de la cause des femmes.
Camilo Sànchez est né en Argentine en 1958. Diplômé en journalisme et sciences humaines, il a collaboré à différents journaux et revues. "La Veuve des Van Gogh" est son premier roman.
Disponible en poche chez Liana Levi.
Chronique publiée dans le JTT du jeudi 4 octobre.

vendredi 5 octobre 2018

Le quartier de La Défense à Paris

Le quartier de la Défense n’est pas simplement le premier quartier d’affaires d’Europe : il a une âme. Situé à l’ouest de Paris, au-delà du pont de Neuilly, dans une zone très active, son aménagement a commencé en 1958. Encadrée par l’état, son architecture a été réfléchie. A première vue, une multitude de tours à la géométrie audacieuse, aux matériaux innovants, qui surprend par sa verticalité. Doublée au sol, par une large esplanade végétalisée réservée aux piétons, qui grimpe doucement de la Seine vers la Grande Arche et au-delà, poursuivant l’axe historique Louvre - Champs-Elysées. 

La Grande Arche est l’emblème du quartier. Ce cube évidé de marbre blanc d’une pureté fascinante, issu pourtant d’une histoire mouvementée et douloureuse, a permis d’harmoniser et de donner une assise à la fois aérienne et monumentale à l’ensemble de constructions hétéroclites qui l’entoure. Elle a été inaugurée en 1989, pour le bicentenaire de la Révolution. Sa terrasse panoramique, à 110 m de hauteur offre une vue extraordinaire à 360° sur l’agglomération parisienne. En face, l’axe historique traversant l’Arc de Triomphe, puis le moutonnement vert du jardin d’acclimatation, d’où surgit la Fondation Vuitton, plus loin la Tour Eiffel. De l’autre côté, les tours Nuages, le Mont-Valérien, Puteaux, Courbevoie, Nanterre et La Garenne-Colombe. Tout autour de la Grande Arche les immeubles rivalisent de hauteur et d’originalité, en bas, la large esplanade de jardins, commerces et espaces de détente gère les flux de circulation : piétons, métro en sous-sol.
Cette esplanade aménagée dans les années 2000 est agrémentée d’une soixantaine d’œuvres d’art contemporain monumentales, de Calder, Miro, César, Takis… Le parcours artistique se déroule dans une suite de jardins, bosquets, jeux d’eau, qui donne un charme incroyable à ce quartier gigantesque. Restaurants, bars, commerces, Food trucks s’y succèdent, les milliers d’employés, étudiants, habitants en profitent dès les beaux jours pour y déjeuner ou flâner. Parmi toutes les œuvres d’art, il en est une qui dénote par son style XIXème, mais elle est déterminante : c'est la statue de bronze de La Défense, qui a donné son nom au quartier. Oeuvre de Louis-Ernest Barrias, elle commémore la défense de Paris lors du siège de la ville par les Prussiens en 1870-71 et fut érigée en 1883 au rond-point de Courbevoie, devenu maintenant rond-point de la Défense. 
Les touristes ne s’y trompent pas, ils sont plus de 2 millions à fréquenter ce Paris ultramoderne, sophistiqué et cependant très convivial.

Article publié dans le JTT du jeudi 4 octobre.