mercredi 18 avril 2012

Le poulailler du Molkenrain

Le Molkenrain, pour moi, c’est un délicieux souvenir.  Une halte gourmande dans cette ferme auberge, pendant la Traversée des Vosges de juillet 2003. Un matin d’été lumineux, petit-déjeuner dehors, les tables et bancs installés devant le superbe panorama de la plaine d’Alsace. Les animaux de la ferme en liberté autour de nous, le coq poursuivant ses poules, les vaches paisibles dans la prairie fleurie en contrebas, et surtout, une dizaine de petits cochons espiègles, roses, gris ou tachetés, suivant les lois de la génétique. Car ici, les truies en liberté batifolent en compagnie des sangliers.
Et soudain, sortant de l'écurie, le propriétaire, tenant précieusement dans sa main une boule blanche dégoulinante de petit-lait. Il s’en débarrasse sur la table : c’est la motte de beurre qu’il vient de fabriquer ! Pas question de restrictions caloriques devant un beurre aussi odorant, nous avons alors mangé les plus belles tartines de notre vie…

En ce matin d’avril 2012, la rando au Molkenrain ravive mes souvenirs.  D’abord le ciel bleu et le soleil, compagnons d’autant plus appréciés qu’ils succèdent à des jours de pluie. Ensuite le soulagement quand on atteint  l’auberge, la montée depuis Steinbach est rude, presque 800m de dénivelé, et l’arrêt près du camp de Turenne n’a pas suffi à nous reposer. La vue dominante est toujours aussi belle, mais en version fraîche : les sommets du Grand et du Petit Ballons sont blancs, nous avons rencontré la neige à partir de 1000m. Pas d’animaux domestiques en vue, ils sont encore à l’abri, même les clapiers sont vides, seul un grand chien est affalé devant l’entrée. La terrasse attend des jours meilleurs, il fait environ 4°.

A l’intérieur, tout en boiseries, c’est la chaude ambiance. L’abandon après l’effort. La chaleur, le repos, et les spécialités maison : Tourte à la viande, pot-au-feu, repas marcaire, pommes de terre rôties et salades variées, munster et barkass, fromage blanc au schnaps et tartes aux myrtilles… Tout est abondant et délicieux. Et le niveau sonore monte, monte. A la table de Raymond, entouré d’un parterre de dames, on glousse, on rit, on caquette, on gesticule, on jacasse. A la nôtre, on ricane, on cancane, on s’esclaffe, on compte le nombre de bouteilles de Pinot, sans oublier l’apéro au Muscat corse, on évalue l’ébriété des voisins. Quand Raymond sort l’armagnac (à l’orange pour les dames…) c’est le délire, on se croirait dans un poulailler en furie. Les gendarmes, assis à la table voisine préfèrent s’en aller !


Retour dans la verte vallée, le soleil de la journée a-t-il précipité l’éveil de la nature ? Est-ce le changement d’altitude ? Après la rudesse des sommets, c’est l’explosion de vert tendre, les premières feuilles se déploient, faisant oublier les sombres conifères, les fougères et les mousses colonisent les blocs de grès rose. Les violettes, campanules, Monnaie du pape, rivalisent de bleus. Quelques anémones et primevères jouent la différence. Les oiseaux chantent. Le soleil nous réchauffe. Nous sommes étourdis de sensations printanières.

Soudain Eric compte ses ouailles. Mais il en manque !? Non, Eric, pas une deuxième fois... Voici les retardataires, fatiguées mais toujours volubiles, prêtes à s’enthousiasmer devant les dernières surprises, les sables rouges, le sentier des mines.
Concert de remerciements, à l’arrivée. Eric peut partir content, en saluant sa basse-cour, plus caquetante que jamais.




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