jeudi 29 novembre 2012

Festival EntreVues : L'Argent

La Fête du cinéma à Belfort, c'est d'abord une compétition internationale de longs et courts métrages, documentaires et fictions d'avant-garde. Le Cinéma des quais grouille d'une foule bigarrée, cosmopolite, de tous âges, toute la semaine, les séances s'enchaînent de 12h à 24H. Interview de réalisateurs, rencontres de professionnels, débats, soirées festives.
C'est aussi, pour les cinéphiles amateurs, l'occasion de voir ou revoir de superbes vieux films, à l'occasion de rétrospectives, de choix thématiques. Cette année, sur le thème de l'argent, j'ai ainsi dégusté des petits bijoux de 1932 (Ernst Lubitsch) à 2005 ( JP. et L. Dardenne). Mais celui qui m'a le plus marquée, c'est L’Argent, de Robert Bresson.

Un titre minimal, pour une démonstration implacable. Ce film de 1983 n’a pas pris un pli, sauf peut-être côté costumes : à cette époque, les assassins les portaient ajustés, et fermaient soigneusement la porte, une fois leur forfait accompli.
Deux étudiants fauchés écoulent un faux-billet chez un photographe, celui-ci le refile à un livreur de mazout, qui paie avec dans un bar, et se fait coffrer comme faussaire. C'est le début de la descente aux enfers d’un innocent, due à l’argent, mais plus encore à la malchance, au destin.
L’intrigue est soutenue, les personnages et situations crédibles. Le rapport à l’argent n’a pas changé. Un besoin, un piège. Peu de paroles, aucun temps mort, le spectateur doit rester vigilant : Un lavage de mains ensanglantées, un amas de cachets, suggèrent sans discours ni effets spéciaux un meurtre, un suicide. Pas d’images complaisantes, l’épure fait la force de cette dénonciation sociale.

Des coupables, il y en a pléthore : les deux lycéens faussaires inconscients, les parents indifférents, le photographe âpre au gain, sa femme lâche, l’employé malhonnête. Le copain de bar louche, la police, la justice, qui broie l’innocent sans l’écouter. Chacun sa part de responsabilité, vite évacuée. Un instant on croit que le faux-témoin repenti va permettre une rémission, hélas ! Tolstoï, dont la nouvelle « le Faux Coupon » est ici réinventée par Bresson, ne veut pas d’échappatoire, sinon dans le sang et la folie. L’angoisse prend à la gorge devant cet engrenage qui écrase un individu, et transforme l’innocent en coupable. Nul, malgré son humanité, n’est à l’abri de l’onde de choc. Un film dont on ne ressort pas indemne.

Un clin d’œil amusant a posteriori, quand on repère François-Marie Banier dans le casting de l’Argent, trente ans avant l’affaire Bettencourt ! Parfois, la réalité rattrape la fiction ...

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