samedi 8 août 2020

La Camargue à vélo, jour 3 : D'Aigues-Mortes à Arles

Étant bien reposés, c’est agréable d’enfourcher les vélos, dans la fraîcheur du matin. Agréable aussi de penser que ce soir, on va les abandonner pour de bon… Nous quittons Aigues-Mortes par le chemin de halage qui longe le canal du Grau-du-Roi, la promenade est idyllique sous les pins parasols. C’est l’occasion d’admirer tous les bateaux qui y stationnent, certains utilisés comme résidences, d’autres comme chambres d’hôtes, restaurants, ou simplement pour la pêche et la plaisance.

Les premiers 17 km sont faciles mais sans surprise, puisqu’on retourne jusqu’à Gallician, entre étangs et roselières. Beaucoup de cyclistes professionnels, sur des vélos ultra légers, nous dépassent : la ViaRhôna a ses adeptes ! Après Franquevaux, on quitte le canal pour s’égayer dans la campagne et suivre une partie du « chemin d’Arles », qui mène à Saint-Jacques-de-Compostelle. Partout des vignobles entourant leurs châteaux. Je téléphone à l’office du tourisme de Saint-Gilles-du-Gard, pour réserver une visite de l’abbatiale. Impossible de rater cette merveille de l’art roman provençal, inscrite au patrimoine de l’Unesco. Nous serons à Saint-Gilles pour le pique-nique, la visite est prévue à 14 h.
 
Aux abords de la ville, d’autres cultures s’imposent : des vergers d’abricotiers, de pêchers, abrités du mistral par de hautes haies de cyprès. Nous avons parcouru 30 km, et je suis déjà épuisée. Je me console en pensant qu’il ne reste plus que 20 km à faire après. La ville neuve de Saint-Gilles est compacte, le seul coin pique-nique possible est situé à côté de la mairie, tout en haut de la vieille ville. Nous errons entre ruelles et escaliers avant d’en trouver l’accès. Une jolie esplanade s’ouvre sur le paysage environnant, avec un parc ombragé, une aire de jeux pour enfants, des bancs sous les platanes et même une boîte à lire. Idéal pour pique-niquer au calme. Nous accrochons nos vélos à la grille du parc.
 
Le rendez-vous avec le guide est fixé à 14 h devant l’abbaye, tout se présente bien. Tout ? Non. L’antivol des vélos reste coincé, quand nous voulons les reprendre, nous ne réussissons pas à les déverrouiller. Le superbe antivol professionnel avec code résiste ! Essais multiples, énervement, nouveaux essais, mots grossiers, tentatives d’ouvrir avec le peu d’outils à notre disposition, rien n’y fait. Les vélos restent attachés à la grille. L’agence de location de vélos ne répond pas au téléphone, elle est fermée jusqu’à 14 h 30. Il faut patienter. Nous allons à pied rencontrer le guide devant l’abbatiale, à 14 h, pour annuler la visite. Il comprend que nous n’avons plus l’esprit disponible pour une visite de deux heures, mais nous conseille de faire quand même un tour rapide de l’édifice, vraiment superbe.
14 h 30, nous remontons au parc. J’appelle l’agence. On me répond. On s’étonne, on nous questionne comme si on était idiots. Vous avez le code ? Vous avez bien aligné les chiffres ? Envoyez une photo. Finalement, après de nombreux échanges, le loueur se décide à venir nous dépanner, il sera là dans 50 minutes. Ouf. C’est le moment idéal pour apprécier la boîte à lire. J’y déniche un roman de Stefan Zweig… Vive la lecture !

Le loueur de vélo arrive avec sa camionnette. Il refait les mêmes gestes que nous, ne comprend pas, c’est un matériel extra, ça l’ennuie de le découper. Mais il n’y a pas d’autre solution. Avec sa scie, il essaie de couper, mais la lame y laisse ses dents. Il change la lame, nouvel essai infructueux, cet antivol est vraiment du bon matériel ! Finalement, il décide de scier un barreau de la grille, même avec la scie usée, il y arrive en deux minutes, fait passer l’antivol dessous, puis fabrique un bandage de fortune au barreau, par sécurité, et embarque les deux vélos attachés entre eux dans sa camionnette. Il propose de nous amener directement à l‘hôtel à Arles. Quelle chance ! Je suis super contente d’éviter les 20 derniers kilomètres et de garder des forces pour visiter Arles ce soir…
 
C’est ainsi que se termine notre balade à vélo : dans une camionnette, où les kilomètres défilent sans effort. Après une bonne douche, la soirée à Arles est la cerise sur le gâteau : les rues piétonnes conduisent à des places ombragées où abondent les terrasses de cafés. Ici, le grand homme, c’est Frédéric Mistral. Partout des vestiges de l’histoire, les arènes, le théâtre romain, la cathédrale Saint-Trophyme. La fondation Van-Gogh, les galeries de photographies, la librairie Actes Sud, donnent envie de prolonger le séjour.

Après avoir parcouru longuement la  ville, un restaurant du côté du Rhône, le Constantin, nous fait signe. Ses légumes braisés à la plancha sont un régal pour les yeux et les papilles. Et sa cave permet de fêter joyeusement la fin du voyage !

Article publié dans le JTT.

lundi 3 août 2020

La Camargue à vélo, jour 2 : des Saintes-Maries-de-la-Mer à Aigues-Mortes

Après une bonne nuit réparatrice pour les mollets et les fesses, et un petit-déjeuner copieux, nous prenons congé. Mauvaise surprise : en sortant mon vélo du garage, nous réalisons que le pneu n’est plus dégonflé mais carrément crevé. Heureusement, un loueur de vélos proche accepte de le prendre en charge, pendant que nous achetons les provisions pour la journée. Il est nécessaire de prévoir au matin le pique-nique et la réserve d’eau, car nous ne savons pas si nous rencontrerons sur le parcours un village, un magasin. En une demi-heure, le pneu est changé, le vélo chargé.

Départ 9 h 30, par la route départementale. Lauriers et bigognes éclatants s’étalent sur les murs des maisons basses. Direction le bac du Sauvage à 6.5 km, un bac à câble rustique qui permet de traverser le Petit Rhône. Il fait la navette gratuitement entre les deux rives. Nous y prenons place avec nos vélos, en compagnie de deux automobiles et quatre cavaliers avec leur monture, c’est cocasse. La traversée ne dure que quelques minutes, et nous voilà en Petite Camargue. Changement de département, de région, puisque nous passons en Occitanie, et aussi d’environnement.


Le long du Petit Rhône, des manades se succèdent. Des troupeaux de taureaux noirs cherchent l’ombrage. Plus loin, des chevaux blancs s’approchent, en quête de nourriture. Puis des vignobles à perte de vue. Les publicités des domaines incitent à découvrir le « vin de sable », une curiosité locale. Les cépages classiques, cabernet, merlot, syrah … plantés sur un terroir sableux, présentent des qualités gustatives différentes, les rosés et les gris de Listel sont célèbres. L’histoire précise que seules les vignes plantées sur le sable ont survécu au phylloxéra qui a ravagé les vignobles du Midi vers 1875, d’où leur popularité.


Une pause fraîcheur au château de Montcalm, vieille demeure du XVIIIème et grand domaine viticole. Nous résistons à la tentation de déguster, par crainte de ne plus pouvoir avancer. La route rectiligne longe des canaux envahis de renoncules d’eau. Derrière les haies de tamaris, on devine les roselières et rizières, où hérons, cigognes, canards s’ébrouent librement.

A Gallician, après 30 km de parcours, il est temps de pique-niquer.  Nous retrouvons la Viarhôna, qui longe le canal du Rhône à Sète. Une halte ombragée nous attend à côté du petit port fluvial. On y rencontre d’autres cyclistes. Un café tout proche nous permet de découvrir le village, et finalement nous cédons à l’attraction de la Cave de Gallician ! (Il ne nous reste plus que 17 km à faire). Pas de dégustation, pourtant, pour cause de Covid … mais des précisions sur les vignes du pays : surtout ne pas confondre les Costières du Gard avec les rosés de Provence ! Nous repartons avec deux bouteilles pour tester le vin au retour.


Nous empruntons la Viarhôna pour la fin du parcours. Elle longe le canal du Rhône à Sète sur d’immenses portions rectilignes. Avec le soleil et le vent de face, c’est un trajet long et assez pénible. Enfin le canal se divise en deux branches, nous empruntons celle qui va vers le Grau-du-Roi. Aigues-Mortes n’est plus très loin. Une tour fameuse l’annonce : La Carbonnière. C'est une tour de guet massive, construite au 13ème siècle au milieu des marais, passage obligé avec péage pour atteindre Aigues-Mortes. Belle construction médiévale.

Voilà enfin à l’horizon les remparts et les tours d’Aigues-Mortes. Notre hôtel est proche, en bordure des fortifications construites par Saint-Louis. 48 km aujourd’hui, c’est moins qu’hier, mais j’ai eu du mal à la fin, peut-être parce que c’est le deuxième jour, et que je ne suis pas aguerrie ? Il me faut un peu de repos avant d’aller visiter la capitale de la Petite Camargue.

Un plan au carré, entièrement ceint par une superbe muraille dorée au soleil. Intérieur piéton et touristique. A travers les portes massives, on aperçoit la campagne, et au loin les montagnes de sel des salins du Midi (triste lieu de mémoire du massacre des Italiens en 1893). Des ruelles fleuries, des boutiques, une église fortifiée hélas fermée pour travaux, et une grande place dominée par la statue de Saint-Louis, qui a embarqué ici deux fois pour les croisades, en 1248 et en 1270. 
Reste à trouver la bonne adresse pour manger : ce sera le bistrot Paiou, situé dans une petite rue à l’écart, qui propose carpaccio de taureau et agneau grillé.  Accueillant et délicieux.
Retour à l’hôtel sous un magnifique coucher de soleil rose et rouge qui illumine l’austère Tour de Constance et son reflet dans l’eau. Puis le long des bateaux endormis sur le canal, idéal pour faire de beaux rêves.



Article publié dans le JTT.


jeudi 30 juillet 2020

La Camargue à vélo, jour 1 : d'Arles aux Saintes-Maries-de-la-Mer

La Camargue, entre les deux bras du Rhône, offre des paysages où s’entremêlent l’eau et la terre. Dans cette nature sauvage infiniment plate, chevaux blancs, taureaux noirs, flamants roses vivent en liberté. La présence de l’homme, en dehors de quelques mas isolés, n’est visible que par la mise en valeur du territoire entre salines, rizières et vignobles. Pour découvrir cette réserve naturelle et apprécier ses trésors, rien de mieux que le vélo. Il permet d’approcher la faune et la flore locales par les chemins buissonniers. De s’arrêter sans problème pour faire des photos, respirer l’air iodé et ressentir pleinement la nature. Sans être sportifs, mais simplement avec l’envie de flâner, nous avons opté pour un tour de Camargue en trois étapes de 50 km environ chacune. En faisant étape chaque soir dans une ville intéressante à visiter. De Arles aux Saintes-Maries-de-la-Mer, des Saintes-Maries à Aigues-Mortes et de Aigues-Mortes à Arles, voilà le programme de notre virée à vélo.

Au matin, à Arles, nous laissons la voiture, et réceptionnons les vélos loués par internet. De bons VTC munis de grandes sacoches, d’un porte-carte au guidon, d’un kit de réparation, d’un casque, d’un antivol. Vite essayés, vite adoptés, quelques longueurs au bord du Rhône nous familiarisent avec les 27 vitesses. Le fort mistral de la veille s’est mué en légère brise, c’est un bon début. Nous chargeons le pique-nique, les bouteilles d’eau, quelques bagages, et c’est parti. Une piste cyclable parallèle à la voie express permet de traverser le grand pont sur le Rhône et de quitter rapidement la ville par une départementale.

La carte et les indications fournies sont claires, le changement d’ambiance est immédiat : Tout est plat et paisible, on sent la présence de l’eau avant de la voir, par des haies de roseaux, de bambous, de joncs. Les cigales et les passereaux rivalisent de trilles. Des mas apparaissent fugitivement derrière des haies frissonnantes sous le vent. Quelques champs de tournesols éclatants. Et soudain, l’infini du ciel se reflète dans l’eau, le paysage immuable n’est plus animé que par le vol des flamants roses et des mouettes. La réserve naturelle se déploie devant nos yeux.
Nous longeons l’immense étang de Vaccarès, les couleurs, comme l’eau et la terre, se mélangent. Une véritable palette de peintre, l’eau bleue devient verte, violette, le sable blanc passe au jaune, devient orangé, puis marron. Eau et sable s’épousent puis s’éloignent, dessinant des méandres, laissant derrière eux des flaques où toutes sortes d’échassiers cherchent leur nourriture, grues, aigrettes, flamants, vite effarouchés par le clic des photos. Les moucherons et moustiques sont moins farouches, ils nous entourent dès qu’on s’arrête. Impossible de sortir les provisions.

Après une trentaine de kilomètres, nous arrivons sur la Digue de la mer. C’est une piste infinie réservée aux cyclistes et randonneurs, interdite aux véhicules, qui s’étend devant nous. A l’horizon un phare nous sert de repère, nous voulons y arriver pour la pause. Plus il se rapproche, plus on oublie notre fatigue. Le soleil est ardent, un vent irrégulier vient de la mer, seuls quelques tamaris isolés procurent un peu d’ombre. Un écosystème différent nous entoure : la sansouire, entre sable et eau, où se développe une végétation de buissons spécifiques aux étangs salés. Enfin nous atteignons le phare de la Gacholle à 13 h, après une quarantaine de km parcourus. C’est l’endroit idéal pour pique-niquer.

Nous repartons reposés et confiants, il ne reste plus que 12 km à parcourir ! La fatigue commence à se faire sentir, le soleil tape dur, le chemin est par endroits recouvert de sable, il faut mettre pied à terre, pousser le vélo qui s’y enfonce. La mer que nous apercevons au loin, derrière une étendue infinie de sable, de dunes, nous fait envie, mais il faudrait pousser trop loin le vélo pour l’atteindre. Nous attendrons la plage des Saintes-Maries pour en profiter. Encore 6 km, mon VTT me semble incroyablement lourd à traîner et je m’aperçois que le pneu arrière est dégonflé. Heureusement, grâce au kit réparation, c’est vite regonflé.

Avec les derniers kilomètres, la civilisation réapparaît, humains, voitures, maisons, puis magasins, restaurants, et notre hôtel tout près des arènes et de la mer. On laisse les vélos au garage, les bagages dans la chambre, on enfile rapidement les maillots, il n’y a que la route à traverser. Le sable est brûlant sous nos pieds nus. La mer scintille, prometteuse, hélas très fraîche, car le mistral de la semaine dernière l’a refroidie. Peu importe, c’est idéal pour se régénérer… 54 km de vélo, environ 5 h de trajet, je ne pensais pas en être capable !

Nous retrouvons l’énergie nécessaire pour parcourir ensuite à pied les ruelles des Saintes-Maries-de-la-Mer, visiter son église-forteresse, qui protège les reliques des Saintes Marie-Salomé et Marie-Jacobé, et sa crypte dédiée à Sainte Sarah, patronne des Gitans. De superbes sculptures monumentales en ferronnerie illustrent le thème de la Camargue sur les places et le bord de mer : taureau de corrida, gardian à cheval, bateau, flamants… Un petit port de plaisance propose des promenades et de la pêche en mer. Quelques touristes étrangers, mais pas de foule, même sur la plage.

Il nous reste à honorer la cuisine des Saintes-Maries. Une adresse incontournable pour déguster la gardiane de taureau : La Grange. Nos appétits sont à la mesure des km parcourus !

Article publié dans le JTT.


mercredi 22 juillet 2020

La Vallée du Bijou


Dans la montagne ardéchoise, entre Le Cheylard et Saint-Martin-de-Valamas, un précieux savoir-faire se perpétue : la création de bijoux classiques, fantaisie ou haute couture. Deux sites de visite sont ouverts au public, pour faire découvrir ce patrimoine qui anime encore l’économie du territoire : La Maison du bijou et l’Atelier du bijou.

La Maison du bijou, contigüe à l’office du tourisme du Cheylard, retrace l’histoire de cette industrie, née de la volonté d’un homme, Charles Murat, en 1868. La présence de l’eau, qui fait tourner les machines, et celle d’une main-d’œuvre locale minutieuse et volontaire, ont décidé ce bijoutier parisien à développer sa production de bijoux en Ardèche, pour passer de la pièce unique à la petite série.

La Maison du bijou expose une belle collection de ses créations au fil du temps : bracelets, colliers, médailles, broches, pendentifs Art déco, Art Nouveau, contemporains, en or, argent, laiton, zamac. Les bijoux n’étant pas réservés aux dames, la collection pour hommes regorge de superbes étuis à cigarettes, pommeaux de cannes, briquets, boucles de ceintures, boutons de manchette… Dans cet espace muséal ouvert par le Conseil général en 2010, on pouvait, jusqu’au Covid, participer à des activités ludiques, comme créer son propre bijou sur des logiciels développés par les élèves du lycée Amblard de Valence.

A Saint-Martin-de-Valamas, l’Atelier du bijou s’est installé sur les lieux mêmes de la première manufacture Murat. Le métier d’ouvrier bijoutier au XIXème siècle y est fidèlement reconstitué. Outils, catalogues, casiers, établis et machines sont d’époque. On peut même faire sonner la cloche qui appelait au travail les gens du village à 7 h et actionner la pointeuse. Il y avait alors 600 employés dans l’usine. D’abord spécialisés dans le chaînage, ils se sont ensuite formés à l’estampage, au placage, à l’assemblage. L’économie de la vallée était prospère, on y comptait une quarantaine de bistrots ! Une ligne de train a été inaugurée dès 1903, facilitant l’acheminement des matières premières et le retour des objets manufacturés.

La vallée de l’Eyrieux, entre Saint-Martin-de-Valamas et Le Cheylard, reste un lieu de production de bijoux originaux et divers ateliers proposent la vente aux particuliers : usine Altesse (qui emploie encore 200 ouvriers) avec les célèbres Georgettes, ateliers Anaïs et Louise, Font’Art Créations, MSR Bijoux, Oktane Concept. Mais c’est à la pépinière d’entreprises ouverte en 2018 à l’Atelier du bijou que se joue le futur, avec de jeunes artisans d’art décidés à perpétuer la tradition autrement : en fabriquant des pièces uniques, et en les commercialisant sur Internet : Aloe Bijoux, Antoine Velsch et Dawn Joaillerie jouent la qualité, l’originalité et la complémentarité. Ils ont trouvé sur place le savoir-faire et les machines nécessaires à leurs créations. Souhaitons-leur du succès, pour que vive la vallée du Bijou !


Article publié dans le JTT.

lundi 13 juillet 2020

Chronique littéraire : Oublier Klara, de Isabelle Autissier

Toute la verve d’une conteuse dans ce roman passionnant, riche d’une documentation impressionnante sur la pêche industrielle, le Grand Nord, la faune sauvage, domaines de prédilection de l’auteure, légendaire navigatrice au long cours.

Cette fois, Isabelle nous emmène en Russie dans les années 1950, sur les bateaux de pêche soviétiques qui sillonnent les mers arctiques. Un monde très dur, où les hommes déchaînent leur violence à l’image de celle des éléments. Autre violence omniprésente mais cachée : le système carcéral mis au point par Staline, où la délation, l’emprisonnement arbitraire, sont organisés afin de peupler la Sibérie d’esclaves utiles à son développement minier. Tous les secteurs de vie sont ainsi piégés, des bateaux aux usines, des écoles aux laboratoires, et même les humbles maisons ne sont pas sûres. C’est ainsi que Klara, la grand-mère de Iouri, a disparu. Iouri, enfant rêveur passionné d’ornithologie, ne l’a jamais connue, ni même entendu prononcer son nom. La parole est bâillonnée, mais la violence refoulée de son père s’exprime sur lui.

2010. Iouri a fui la Russie et son père pour faire carrière en Amérique. Lorsque, par un dernier message, celui-ci, mourant, lui demande de retrouver les traces de sa mère Klara, évaporée dans les années 50, il n’hésite pas et revient à Mourmansk. Certains documents du KGB sont maintenant accessibles, mais la recherche d’archives prend du temps. Le temps pour Iouri de revisiter son enfance, entre une mère indifférente et un père brutal. Que s’est-il donc passé avec Klara dans les années 50 ?

Personnages travaillés, analyse pertinente des excès de la Russie soviétique ou contemporaine, intrigue passionnante : un grand vent venu de l’extrême Nord souffle sur ce roman dramatique, illuminé par la présence des derniers Nenets, ce peuple nomade éleveur de rennes autour du cercle polaire, à l’hospitalité légendaire.

Isabelle Autissier, née à Paris en 1956, est la première navigatrice ayant bouclé le Tour du monde en solitaire. Actuellement présidente du WWF, elle est aussi écrivaine.

« Oublier Klara » est disponible en Livre de poche.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 9 juillet.

jeudi 2 juillet 2020

Les biscuits artisanaux Pitot jouent les AOC


Connaissez-vous les biscuits Pitot ? Pour une pause gourmande et bio, les gâteaux dauphinois ou les gâteaux au grand cœur, fabriqués entièrement à Tain l’Hermitage, garantis sans colorant, ni conservateur, ni huile de palme, présentés en emballages individuels, sont la solution idéale. 

La biscuiterie artisanale Pitot, spécialisée dans le sablé fourré, existe depuis 1973. Installée dans la zone des Lots à Tain elle a gardé sa dimension humaine, une équipe de 6 personnes, et sa qualité traditionnelle, tout en se renouvelant. Le modèle de départ, un sablé aux noix et au miel, a été décliné en diverses garnitures : aux fruits, au chocolat. La recette reste la même :  une pâte sablée fondante, un coulis onctueux, tout cela enveloppé dans un joli papier d’argent plié à la main. Toutes les étapes de la production sont effectuées sur place : la pâte, la garniture et le conditionnement.
La biscuiterie Pitot s’est lancé un nouveau défi : n’utiliser pour ses garnitures que des produits de provenance régionale certifiée : fraises et framboises de producteurs de la Drôme, abricots de Provence, noix et miel du Dauphiné, citrons de Corse… et bien sûr chocolat Valrhona. Exploiter les circuits courts souligne le souci d’une alimentation saine et locale, qui fait la fierté de la marque.

Les biscuits Pitot sont identifiables à leur présentation raffinée : les « gâteaux dauphinois » se présentent en emballage individuel de 60 g ou en format familial de 300 g, les « gâteaux au grand cœur », labellisés bio, sont disponibles en boîte de 6 goûters de 30 g ou en sachets de petits sablés de 15 g. Le packaging est soigné, les étiquettes réalisées par des graphistes et imprimeurs drômois. La distribution est assurée dans les commerces locaux (Intermarché, petit Casino, huilerie Richard …), ainsi qu’à la boutique DiNature à Colombier-le-Vieux, spécialisée dans la vente en ligne de produits haut de gamme pour amis de la nature (pour DiNature, une édition spéciale myrtilles sauvages et farine d’Ardèche a été élaborée). Mais l’essentiel de la production des biscuits Pitot est vendu dans les épiceries des aires d’autoroute. Inutile de dire que le confinement a largement impacté la société.

Si le prix au poids est aligné sur celui des autres goûters fourrés du commerce, c’est la taille des biscuits Pitot qui fait toute la différence. Il suffit d’un délicieux biscuit de 30 g pour faire le plein d’énergie ! On retrouve la saveur intacte des fruits, et la pâte est moelleuse à souhait. Alors n’hésitez plus, consommez beau, bon, bio … et Pitot !

Article publié dans le JTT du jeudi 2 juillet.

Le musée de l'olivier d'Imperia

Imperia est un port de la Riviera italienne, proche de San Remo. Contrairement à la Côte d'Azur, cette région n’est pas seulement une suite de stations de villégiature, mais un important centre de production agricole, au débouché des vallées abruptes des Alpes Ligures. Vallées couvertes de vignes et d'oliveraies en terrasses, soutenues par des murs de pierre sèche, il paraît qu’on en a recensé jusqu'à 220 000 km ! Le littoral lui est couvert de serres, où l’on cultive fleurs, agrumes, légumes … Entre les marchés locaux, les restaurants, le commerce, l’activité agricole bio trouve son débouché. Et la région garde son authenticité en surfant avec succès sur la mouvance slow-food,

La société Fratelli Carli domine le marché de l'huile d'olive italienne depuis presque un siècle. Elle a conçu à Imperia un superbe musée en hommage à l'olivier, symbole de la culture méditerranéenne. Le jardin aux oliviers multi centenaires, où sont disposés amphores et pressoirs antiques provenant de tous les pays riverains de la Méditerranée, entraîne le visiteur dans un merveilleux voyage dans le temps et dans l'espace. L’olivier est un arbre originaire de Phénicie, où il a été recensé il y a environ 7000 ans, ensuite importé en Grèce, puis à Rome et ailleurs, au gré des voies commerciales de l’époque, investissant tout le bassin méditerranéen. Dans le musée, cartes géographiques, photos et vidéos, permettent de suivre l'évolution de la culture, et de comprendre toutes les étapes de la production.
Les mille vertus de l'huile d'olive ont entraîné un développement massif de l'oléiculture, et l'invention d'outils de plus en plus efficaces pour broyer, presser, filtrer et obtenir la précieuse huile. Dans le musée, une collection d'objets usuels ou rituels, meules, scourtins, jarres, lampes à huile, huiliers de table, flacons d'onguents, … témoigne de la diversité des usages : lumière, lubrifiant, chaleur, alimentation, assaisonnement, cosmétique, médicament … Le bois d'olivier était tourné, les noyaux d'olives utilisés en combustible ou en engrais. Rien ne se perdait. La culture de l'olivier est devenue indispensable à la vie méditerranéenne.

La production d'olives de Fratelli Carli (de la variété taggiasca, petite mais très goûteuse) est mise en valeur dans le restaurant qui jouxte le musée. Sous les yeux des visiteurs, les cuisiniers préparent toutes les spécialités ligures à base d'huile d'olive, dont les fameuses trofie al pesto. Ensuite, il ne reste qu'à faire son marché dans l'immense boutique voisine, l'Emporio Fratelli Carli. On y trouve tous les produits à base d'olive, de la sauce tomate à la crème revitalisante, des sardines jusqu'au panettone, dessert traditionnel de Noël…

Renseignements : www.museodellolivo.com et www.oliocarli.fr (en français)

Article publié dans le JTT du jeudi 2 juillet.