jeudi 22 janvier 2015

Chronique littéraire : L'échange des princesses, de Chantal Thomas

Il vaut parfois mieux être bergère que princesse. L’histoire que nous conte Chantal Thomas est édifiante et cruelle. Il ne s’agit pourtant nullement d’une fiction, mais d’un fait historique, un marché conclu entre deux puissances rivales, l’Espagne et la France, en 1721.
Le duc d’Orléans, régent, veut garantir sa fonction en consolidant la paix durablement. Pour cela, il propose un double mariage : l’infante Maria Victoria épousera le jeune roi de France Louis XV, et sa propre fille, Louise de Montpensier, s’unira à l’infant Luis d’Espagne.

C’est risqué : les mariés sont des enfants. Maria Victoria a quatre ans, Louis XV onze, comme Louise de Montpensier, et Luis d’Espagne quatorze. Leurs attentes sont différentes, leurs caractères peu affirmés. Maria Victoria joue à la poupée, Louise enrage contre le monde entier, Louis ne se plait qu’en compagnie de ses pages, et Luis refoule ses complexes dans d’interminables parties de chasse. Deuxième écueil : ces enfants n’ont connu nulle affection, ils sont livrés à la politique, à une étiquette  rigide, dans une cour sournoise, où les jalousies s’exacerbent, et où personne ne s’occupe de leurs sentiments.
Les sacrements de baptême, communion, mariage, sont expédiés en un temps record. Commence alors le voyage des princesses, l'une depuis Madrid, l’autre depuis Paris, en compagnie de brillantes escortes. Une expédition de plusieurs mois, qui parfois se transforme en calvaire. Enfin, l’échange a lieu sur l’île des Faisans, au milieu de la Bidassoa. Maria Victoria continue vers Paris, Louise vers Madrid.

Le chroniqueur Saint-Simon a accompagné Louise à Madrid. Fin observateur de la Cour, il a comparé les réactions. En Espagne, la reine Elisabeth Farnèse, sans cœur, domine le lubrique roi Philippe. En France, c’est la guerre entre les ducs d’Orléans et de Bourbon. Les deux petits couples tentent de faire bonne figure, mais derrière les apparences la perversion règne, les divergences se creusent. La mort du régent remet tout en question, puisque les mariages ne sont pas consommés.

Chantal Thomas, née à Lyon en 1945, auteure et universitaire spécialiste du XVIIIème siècle, en propose ici une vision très documentée, ainsi qu’une brillante analyse de caractères. Entre folie, amour, détresse, indifférence, cruauté, tout est mal qui finit mal pour les enfants royaux.

L'échange des princesses est disponible en poche chez Points.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 29 janvier 2015.

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