samedi 9 novembre 2013

Chronique littéraire : Une femme fuyant l'annonce, de David Grossman

Un hommage à la puissance de l’amour, contre la guerre interminable en Israël. Ora, après avoir accompagné son fils Ofer en partance pour une opération militaire dangereuse, décide de quitter sa maison. Elle ne veut pas être présente, si les envoyés de l’armée viennent lui annoncer la mort de son fils. Et espère, grâce à ce subterfuge, qu’il restera en vie. Elle part en randonnée en Galilée, forçant son vieil ami Avram  à l’accompagner. L’errance sur les chemins est l’occasion de parler de Ofer, son enfance, son adolescence. Et aussi de son fils aîné Adam. Deux enfants qu’elle a aimés, câlinés, dorlotés sans compter. Des pages merveilleuses sur l’amour maternel, l’éducation, l’enfance.

On découvre peu à peu que Ora a vécu une histoire d’amour complexe avec Avram, et un mariage voué à l’échec avec Ilan. Tout a commencé dans un hôpital militaire où les trois adolescents étaient isolés, contagieux, hallucinés. Le trio devenu ensuite inséparable, a vécu une complicité hors du commun, une créativité hors normes, malgré les complications amoureuses. Autre éloge, celui de l’amitié, la solidarité. Mais la guerre a broyé Avram, ne laissant à Ora et Ilan que la possibilité de survivre dans le souvenir d’avant.

Les premières pages sont obscures, on ne comprend pas pourquoi, comment. Puis les événements, comme dans un puzzle, révèlent leur logique au fur et à mesure des souvenirs d’Ora. Des digressions philosophiques, politiques, littéraires, mais aussi poétiques, ironiques, jaillissent au cours du cheminement entre les collines en fleurs. Malgré l’omniprésence de la guerre, des attentats-suicides, qui étouffent le quotidien. Un livre éblouissant de richesse, de maîtrise et de profondeur, dont le souffle puissant recouvre la vie, la mort, l’amour.

David Grossman, né en 1954 à Jérusalem, est une des figures de proue de la littérature israélienne, fondateur du mouvement « La Paix maintenant ». Pendant l’écriture de ce roman, il a lui-même perdu son fils, tué d’une roquette dans une embuscade.
Son roman est disponible en Points Poche au prix de 8.90€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 5 novembre 2013.

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