jeudi 30 octobre 2025

Chronique littéraire: Traverser les montagnes et venir naître ici, de Marie Pavlenko

Marie Pavlenko évoque ici deux destins de femmes lumineux et tragiques dans une histoire bouleversante.

Astrid s’est volontairement retirée du monde après la mort de son mari et de ses deux fils. Elle a acheté une vieille maison isolée dans le Mercantour. Soraya est une jeune Syrienne qui a traversé la montagne à pied, elle est sur le point de mettre au monde un bébé, fruit d’un viol. Tout les oppose, chacune vit dans ses douloureux souvenirs, pourtant elles vont se rencontrer, s’épauler puis se supporter. Jusqu’où ?

Cette rencontre de deux femmes au passé étouffant dans une nature implacable, donne lieu à une intrigue réussie, avec une analyse pertinente des personnalités et des problèmes des migrants. Le résultat est un roman passionnant, dans un style fluide, à la fois poétique et réaliste.

 Marie Pavlenko est née à Lille en 1974. C’est une journaliste et romancière qui a beaucoup écrit pour la jeunesse. Son roman est disponible en poche chez Pocket.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 30 octobre 2025.

vendredi 24 octobre 2025

Chemin des Artistes en Drôme des Collines

Peinture, sculpture, photographie, arts numériques, plus de 400 artistes professionnels ou amateurs ont exposé leurs œuvres dans 36 communes les 11 et 12 octobre. De Crépol à Upie, de Châteauneuf-sur-Isère à Barbières, cette 17e édition du Chemin des artistes proposait en outre des circuits thématiques, des jeux et des démonstrations.

Dans la salle des fêtes d’Alixan, parmi la trentaine d’exposants, trois artistes se distinguaient par leur originalité. Le sculpteur Nicolas Rochegude, membre de l'association ZINZOLIN (zinzolin.assoc.free.fr), travaille la terre, la résine et le bronze, peaufine les patines sur ses oeuvres abstraites. Formes géométriques anguleuses ou courbes enchevêtrées composent des sculptures où le volume joue avec la lumière, laissant libre cours à l’interprétation.

Murielle Durand est une artiste peintre éclectique, qui cette année propose une technique de stylo bille mélangée à de l'acrylique, un travail de précision exigeant beaucoup et de temps. Ses portraits sont bluffants de vérité !

Brigitte et Jean-Jacques Alcalay, photographes animaliers et éthologues, ont trouvé en Afrique australe un terrain idéal pour saisir entre animaux des moments insolites et saugrenus qui suscitent sourire, enthousiasme et émerveillement. Des instantanés qui ont demandé des heures d’attente et inspirent de nombreuses réflexions sur la proximité des natures humaine et animale.  

Impossible de présenter toutes les propositions. « Chemin des artistes » avec ses expositions aux univers pluriels permet à chacun de découvrir, partager et s’émouvoir. De vivre l’art au plus près de chez soi, chaque année, en sillonnant les petits villages de la Drôme.

Article publié dans le JTT du jeudi 23 octobre 2025.

mardi 21 octobre 2025

La Donation Patt, centre d'art d'Audincourt

Dans l’Espace Japy, vaste parc culturel au cœur de la ville, le Château Peugeot parfaitement rénové accueille désormais une collection d’art moderne et contemporain exceptionnelle. Exceptionnelle par la valeur de cette collection, 236 œuvres, tableaux, lithographies, sculptures, évaluée à plus de deux millions d’euros. Exceptionnelle par sa constitution et la personnalité des collectionneurs, Gérard et Andrée Patt. Exceptionnelle par l’opportunité que la ville d’Audincourt a su saisir en acceptant leur donation.

Ce couple de collectionneurs, après une vie modeste, elle institutrice, lui ouvrier chez Alsthom, s’est découvert une passion pour l’art à l’approche de la soixantaine. Premier achat en 2000, d’une toile de Di Concetto chez un galériste de Megève où ils séjournaient chez des amis. Un vrai coup de cœur. Mais cette toile ne pouvait rester orpheline, une passion était née. Ils se sont formés à l’art moderne et contemporain au fil des rencontres avec les artistes et les galéristes, ont écumé les galeries, en particulier chez Marchand et Cheloudiakoff à Belfort. Leurs moyens modestes les ont obligés à acheter parfois des œuvres à tempérament, et même à vendre leur voiture, leur appartement. Les Belfortains se souviennent de les avoir souvent vus se déplacer en ville sur leurs vieux vélos !

Vivant chichement, mais misant sur la hausse des cotations d’artistes émergents, ils ont rassemblé en plus de vingt ans une collection hétérogène, d’abord fruit de coups de cœur, de flair, devant le travail d’artistes inconnus. Puis la connaissance du milieu de l’art leur a permis d’affiner leurs choix, d’acheter judicieusement des œuvres dont la cote montait. Enfin, par souci de cohérence, ils ont continué d’écumer le marché, n’hésitant pas à soutenir de nouveaux talents, comme Garonnaire, achetant puis revendant certaines toiles, pour se constituer un capital.

A plus de 80 ans, leur passion est toujours aussi vive, mais grâce à la donation, leur maison de Botans est un peu moins pleine ! Une maison qui, rapidement trop petite, avait dû être agrandie, pour accueillir leurs trésors et les nombreux visiteurs intéressés. Car le but des Patt a toujours été de transmettre leur amour de l’art. N’ayant pas d’enfants, partager leur passion donnait un sens à leur vie. Après de multiples démarches, désirant donner leur collection à un musée, 2023 a vu l’aboutissement de leur projet, lorsque la ville d’Audincourt a accepté le challenge. Condition nécessaire, il fallait que la collection reste indivisible. Pour lui offrir un cadre digne d’elle, et promouvoir la culture, la ville d’Audincourt a engagé les travaux de restauration du Château Peugeot, édifié en 1880 pour l’industriel Benjamin Peugeot.

Un an plus tard, le résultat est une belle réussite : le Centre d’art d’Audincourt est un lieu plein de charme, dans un parc arboré et fleuri, au bord du Doubs, égayé de sculptures étonnantes. Avec 500 000 € d’investissement, le Château a retrouvé de beaux volumes intérieurs, une douzaine de salles lumineuses sur deux étages permettent de se familiariser avec l’art moderne (avant 1960) et contemporain, 135 œuvres originales y sont exposées.  Andrée et Gérard Patt peuvent être fiers de leur « bébé » et continuer à collectionner !

Un peu de chauvinisme ne faisant pas de mal, il faut souligner dans la collection la présence de nombreuses œuvres d’artistes franc-comtois : bronzes de Messagier ou de Thomann, toiles champêtres de Mühl, lithographies de Gantner, résines de Sonja Brissoni ou Nicole Mériot, sculptures d’Agnès Descamps, céramiques de Livia de Poli, jusqu’aux premières tableaux de Saype, le spécialiste du Land art XXL. Au fil des salles, on rencontre aussi des artistes de renommée nationale ou internationale, Dali, Fontana, Errò, Di Rosa, Combas … Couleurs éclatantes, matières domptées, clins d’œil provocateurs, la diversité des œuvres ne laisse pas indifférent.

Cette belle donation, inaugurée en mai 2024 et saluée par la presse et les radios attire un public de connaisseurs venus de Suisse, d’Alsace, de Lyon ou Paris. Des bornes interactives viennent d’être mises au point pour compléter les commentaires lors de visites. Reste à motiver le public local, qui n’a pas encore mesuré sa chance de bénéficier d’un tel équipement culturel.

La transmission artistique est pourtant en marche, car toutes les écoles d’Audincourt, les garderies et même les crèches se pressent au Château Peugeot pour participer aux visites et ateliers adaptés. Les collégiens et lycéens vont suivre. Entre les enfants et l’art contemporain, le courant passe !

Donation Patt, centre d’art : 2 rue du puits, 25400 Audincourt

Horaires : vendredi, samedi et dimanche de 15h à 18h.
Tél : 03 81 36 37 38 

Articlez publié dans l'Esprit Comtois de l'été 2025.

lundi 13 octobre 2025

Le nouveau collège de Suze-la-Rousse : une performance architecturale

L’inauguration de ce collège tant attendu a rassemblé plusieurs centaines de visiteurs, et tous les responsables administratifs, locaux, départementaux, régionaux. Il faut dire que la curiosité était à son comble :  le collège conçu par Rudy Ricciotti, star de l’architecture, à qui on doit le MUCEM et la médiathèque Latour-Maubourg de Valence entre autres, avait un cahier des charges des plus contraignants : Situé à Suze-la Rousse, site classé avec son château médiéval, il fallait le camoufler dans la nature pour qu’il soit invisible.

Le cabinet Rudy Ricciotti a brillamment relevé le défi en imaginant un bâtiment « furtif », intégré dans un tumulus (une colline).  Le résultat est un édifice horizontal disposé en rectangle autour d’une immense cour centrale de 1500 m2, à la manière d’un atrium romain. A demi enterré dans les vignes il est protégé du mistral. Lumière omniprésente grâce aux murs vitrés, structure et huisseries en bois blond, couverture en tuiles, chauffage au bois, sol de béton, la volonté des architectes comme de la Région a été de faire travailler sur le chantier des entreprises locales.

A l’intérieur, des salles de classe au mobilier épuré, des toilettes dignes d’un hôtel 4 étoiles, un CDI avec studio de webradio, une cantine ultramoderne, des salles équipées d’ordinateurs et tableaux digitaux dernier cri, il est difficile de faire la liste de toutes les innovations techniques qui font du collège Do Mistrau un établissement bien ancré dans le XXIe siècle.

Clin d’œil avec l’histoire : en réalisant les fouilles d’archéologie préventive sur le site du collège, on a trouvé de nombreux objets gallo-romains, funéraires et culinaires, témoignant de la présence d’une voie et d’une vie antiques.  L’occasion pour les collégiens de créer avec l’INRAP un club d’archéologie très actif.

Quelques chiffres : 24 millions d’euros, 4260 m2 de bâti, élaboration d’une voirie adaptée avec parkings et pôle bus, pour une capacité d’accueil de 500 à 600 élèves. La refonte de la carte scolaire va permettre aux élèves de Suze et des villages alentour de profiter de ce prestigieux outil d’éducation, qui leur promet un bel avenir.


Article publié dans le JTT du jeudi 23 octobre 2025.

dimanche 5 octobre 2025

Les Rencontres de la photo à Chabeuil

Du 11 au 14 septembre, Chabeuil a pris une allure festivalière. C’était la 24e édition de cette manifestation qui anime toute la ville. Les photos étant exposées dans 6 lieux différents, avec un fléchage efficace, ce jeu de piste amusant permettait aussi de découvrir le centre médiéval joliment restauré.

Cette année, Hans Silvester était l’invité d’honneur. Un voyageur infatigable, célébré internationalement, qui montre la beauté de la nature et des hommes, tout en analysant les menaces qui pèsent sur les ressources naturelles de la planète. Né en Allemagne en 1938, installé en Provence depuis 1962, c’est un reportage sur la Camargue, des photos de chevaux en noir et blanc accompagnées par des textes de Jean Giono, qui a marqué pour lui le commencement du succès. Lauréat de nombreux prix, Hans Silvester collabore depuis toujours avec le magazine Géo.  Ses photos ethniques du Pérou, du Japon, du Mexique, d’Inde ou d’Afrique, sont exceptionnelles de beauté et véhiculent l’histoire des peuples.

D’autres photographes méritaient le détour, par l’originalité de leur technique ou de leurs sujets. Ainsi Elisabeth Schneider utilise la photosynthèse, Sophie Benoit saisit de façon décalée les poses d’un couple de danseuses, Sarah Desteuque documente l’engagement humain vis-à-vis de l’animal… De la recherche, un traitement technique différencié, la qualité des tirages et beaucoup de talent aussi, dans le regard des clubs photos dont celui des élèves du collège Seignobos.

Les Rencontres de la photo sont organisées par l’association Clic’Image, ses bénévoles et la municipalité de Chabeuil. En plus de permettre les échanges entre les 20 photographes lauréats et le public, des stages, des lectures d’images, une conférence de Hans Silvester étaient prévus. Ainsi qu’un festival Off et une exposition collective aux Serres Gaillard, route de Valence. Des milliers de visiteurs fidèles sont venus au rendez-vous de cet événement culturel majeur de la Drôme.

Article publié dans le JTT du jeudi 9 octobre 2025.

vendredi 26 septembre 2025

Deux remarquables expositions au Musée de Valence

Depuis ce printemps, le musée de Valence invite à découvrir deux prêts exceptionnels qui viennent renouveler et enrichir son parcours artistique.

Tout d’abord, une salle entièrement consacrée à l’album Jazz de Henri Matisse : 20 feuillets, une explosion de couleurs et de formes, réalisés entre 1943 et 1947. Qui correspond à un changement radical dans le travail de l’artiste : la technique des papiers découpés. Matisse (1869-1954) est alors un vieux monsieur, hospitalisé, alité, il ne peut plus peindre ou pratiquer des techniques qui demandent des diluants. Il décide alors de découper des formes dans des papiers colorés et les coller. Il taille donc directement dans la couleur, sans dessin préalable. Le livre d’artiste associé a pour thème principal le monde du cirque. Un exemplaire de Jazz a été offert au musée de Valence par l’artiste, il est habituellement conservé dans les réserves de la Médiathèque. Courez l’admirer jusqu’au 5 octobre !

Le deuxième ensemble à visiter est la collection prêtée par le Musée d’Orsay : 22 œuvres, de Chardin à Giacometti, en passant par Picasso, Klee, Léger... Dans cet ensemble de chefs-d’œuvre dispersés à travers le musée, mention spéciale pour la salle consacrée à Giacometti (1901-1966). C’est après la guerre que s'affirme le style de Giacometti, caractérisé par des sculptures filiformes, à l'anatomie peu claire, mais avec des proportions exactes et dont seulement les têtes et les visages ont un regard saisissant. A apprécier jusqu’au 30 novembre.

Rénové superbement depuis 12 ans, le musée de Valence multiplie les animations, avec des visites et ateliers pour adultes, pour enfants, par thème. Entrée gratuite pour les journées du patrimoine, les 20 et 21 septembre, ainsi que tous les premiers dimanches du mois. L’occasion de monter ensuite jusqu’au belvédère, au 5ème étage, d’où la vue sur le Vercors d’un côté et l’Ardèche de l’autre, est elle aussi exceptionnelle.

Article publié dans le JTT du jeudi 25 septembre 2025.

mercredi 24 septembre 2025

Chronique littéraire : Le grand secours de Thomas B. Reverdy

Une fresque sociale, qui démarre dans un lycée de banlieue pour se développer dans la rue, avec les inévitables débordements de violence d’une cité ghettoïsée, Bondy.

 L’intrigue suit le déroulement d’une journée dans un lycée qui, malgré les apparences, fonctionne correctement. L’équipe pédagogique tente de transmettre des connaissances à des ados plus ou moins motivés. Ainsi Candice, une prof de théâtre atypique a fait venir un écrivain, Paul, pour animer un atelier d'écriture en classe de seconde. Mohammed, bon élève, y participe volontiers. S’il écrit, c’est pour éveiller l’attention de Sara qui l'ignore. Mahdi, tête brûlée, préfère rater les cours et se fait tabasser dans une bagarre de rue. C’est un flic raciste qui a provoqué la bagarre. Alors tout s’embrase, une émeute se forme et se développe dans tout le quartier, sans épargner le lycée. 

Un récit réaliste, pertinent, pessimiste mais pas dépourvu d'espoir. Les différents protagonistes voient leurs certitudes éclater. Thomas B. Reverdy connaît bien son sujet, il est lui-même prof en banlieue et la description des lieux, des scènes, sent le vécu. Né en 1974, ce romancier français est souvent venu présenter ses livres à la librairie tournonnaise Au détour des mots.

Son roman est disponible en poche chez J'ai Lu.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 25 septembre 2025.

jeudi 18 septembre 2025

Baker's street, la nouvelle boulangerie ... so french


!Changement de style et de propriétaires pour l’ancienne pâtisserie Saint-Sorny du quai Farconnet à Tournon. C’est maintenant Cléo et Emmanuel Janin qui en prennent les commandes. Un duo pas ordinaire puisqu’ils sont père et fille. Une vocation héréditaire ? Pas du tout ! C’est Cléo qui a entraîné son père dans l’aventure.

Cléo est une fille déterminée. Après un bac général avec mention, au lycée Gabriel Faure, elle a opté pour le métier de ses rêves : la pâtisserie. Elle a donc suivi au CFA de Davézieux les formations en pâtisserie, boulangerie, chocolaterie, en alternance avec des stages chez divers maîtres d’apprentissage de Tain-Tournon. Et le hasard a joué. Alors qu’elle travaillait chez Gilles Saint-Sorny, un apprenti a démissionné, impossible de le remplacer. Gilles a alors demandé à Cléo : Ton père pourrait venir nous aider ? Emmanuel, curieux de connaître la passion de sa fille, a accepté d’essayer : à la quarantaine, il était en reconversion professionnelle. Ce stage improvisé l’a séduit, et il a décidé à son tour de se former à la boulangerie au CFA de Chabeuil.  Tous deux ont suivi des formations distinctes, et bientôt un projet commun a germé : ouvrir leur propre boulangerie-pâtisserie. C’est chose faite, puisqu’ils ont racheté et rénové la boutique Saint-Sorny du quai.

Baker’s street, ça vous fait penser à qui ? A Sherlock Holmes, bien sûr, dont c’est l’adresse à Londres. Cléo, amateur de polars et anglophile (son dernier stage s’est effectué à Dublin), a donc choisi ce clin d’œil pour son enseigne de boulangerie-pâtisserie-salon de thé-glaces. Avec la mention « artisans de fille en père ». Tout sera home made, et devant le public, puisque le labo est ouvert sur le magasin.

Vous pourrez donc voir Cléo et son père, au four et au pétrin, tous les jours sauf mercredi de 7h à 19h. Et pour vous servir en boutique et aux glaces, les souriantes Ambre et Cindy vous attendent.

Baker’s street à Tournon, c’est the place to be.



Article publié dans le JTT du jeudi 18 septembre 2025.

vendredi 12 septembre 2025

Fany Morand, un regard malicieux et décalé sur la nature

Fany vit dans la campagne drômoise, et ses promenades au long de l’Herbasse, des étangs, des prairies et des forêts sont autant d’occasions de photographier la flore locale et les animaux qui la peuplent. Lucanes, grenouilles, troglodytes mignons, musaraignes, rien n’échappe à son œil aiguisé d’artiste. Pour elle qui est pratiquement née un crayon à la main, c’est une source infinie d’inspiration.

De retour à son atelier, elle invente à partir de ses clichés une composition sur son carnet. Et quand elle en est satisfaite, la reproduit à l’encre de Chine sur une feuille de dessin, avant de la scanner et mettre en couleurs grâce à sa palette numérique. Ah, la palette numérique ! Il faut entendre Fany chanter ses louanges ! C’est après la naissance de ses enfants qu’elle a découvert ce merveilleux outil qui lui a permis de continuer à peindre. Car s’adonner à la peinture en présence d’un tout petit signifie profiter de ses rares heures de sieste. Et donc installer sa table de travail, sortir les affaires de peinture, peindre, s’arrêter parfois en pleine inspiration, laver pinceaux-bocaux-palette, ranger et ne rien laisser à hauteur de petites mains agrippeuses, le tout en moins de deux heures… Pour elle le numérique a été un cadeau magique : elle pouvait travailler sur son ordi, et quand la sieste se terminait, tout ranger en un clic !

Fany conjugue ses talents artistiques, son humour décalé, avec un imaginaire fécond, nourri d’expériences éclectiques, des Beaux-Arts à la paléontologie, de l’Histoire à l’archéologie, de l’astronomie au cinéma. Etudiante, elle a même fouillé la région d’Aix-en-Provence à la recherche d’œufs de dinosaures pour le musée de Quinson ! Après des collaborations avec le musée du Havre pendant ses années en Normandie, elle s’est installée dans la Drôme pour diriger la ludothèque de Saint-Donat, donnant libre cours à sa créativité pour inventer jeux, scénarii et décors.

Désormais elle se consacre exclusivement à l’illustration, qu’elle soit traditionnelle, au crayon, à la plume, à la peinture acrylique ou aquarelle, ou qu’elle soit numérique, infographie, multimédia, création d’affiches, illustrations de jeux de rôles… Son style à la fois naturaliste et fantastique, un réel où s’intègre un surnaturel malicieux, surgi de ses influences, a convaincu les responsables culturels. Après des expositions cet été à Lalouvesc, Tournon, Saint-Antoine l’Abbaye, elle sera au Palais delphinal de Saint-Donat du 2 au 14 septembre. Et à Saint-Christophe-et-le-Laris pour le week-end du patrimoine les 20-21 septembre.

Un succès bien mérité pour ses « observations surnaturalistes » qui mêlent sciences naturelles et imaginaire, et questionnent notre rationalité. 

Pour tout savoir sur ses réalisations numériques, voir son site : fanymorand.fr

Article publié dans le JTT du jeudi 11 septembre 2025.

samedi 6 septembre 2025

L’expo de l’été au musée de la Chaussure de Romans : "L’invitation de Toros à Beyssac"

Cet été, le musée de la Chaussure de Romans-sur-Isère accueille dans sa chapelle les créations du sculpteur Toros Rast-Klan et du marqueteur d’art Pierre-Henri Beyssac. Une rencontre entre deux savoir-faire d’exception : la dinanderie et la marqueterie.

Quand Marie Toros découvre le travail de marqueterie de Pierre Henri Beyssac, elle perçoit des connexions avec l’oeuvre de son mari, le sculpteur Toros. Tous deux créent à partir d’une feuille, de métal pour l’un, de bois pour l’autre. Mais, là où Toros martèle ses feuilles de métal pour leur donner corps en volume, Pierre-Henri Beyssac découpe, assemble et compose à plat ses placages de bois. Là où Toros travaille ses surfaces pour obtenir des patines singulières, Pierre-Henri Beyssac chine et collecte des essences de bois colorés, veinés ou texturés.

C’est une anecdote plus ancienne encore qui a fortifié le lien : Quand Toros, Syrien d’origine arménienne, a émigré en France, il avait dans ses bagages une table en marqueterie, artisanat emblématique de son pays. Cette table, il a dû à grand regret s’en défaire pour se procurer du métal. Marie s’est remémoré cette histoire quand elle a rencontré Pierre-Henri au salon des métiers d’art de Romans. Meilleur ouvrier de France, installé dans le Vercors, il mêle dans ses œuvres les essences de bois des forêts locales à d’autres essences orientales, ébène, amboine, eucalyptus… pour en faire des tableaux abstraits. Une universalité dans la démarche, un affranchissement des préceptes, le choix de l’épure, le jeu de textures et de lumière, tout relie l’œuvre de Beyssac à celle de Toros.

L’exposition « L’invitation. De Toros à Pierre-Henri Beyssac » est visible au cœur de la chapelle du musée de la Chaussure jusqu’ au 21 septembre.

Article publié dans le JTT du jeudi 28 Août.


jeudi 4 septembre 2025

Festival des Humoristes de Tournon

Mardi 26 août, Philippe Pheigneux, de la compagnie Zinzoline de Saint-Péray a proposé un spectacle alliant mime et magie à la librairie tournonnaise Au Détour des mots. Le concept : raconter une histoire non pas avec les mots mais avec son corps. Une pantomime drôle, poétique et parfois époustouflante qui a conquis le public installé dans la salle BD de la librairie. Avec énergie et souplesse, passant d’un personnage à l’autre, accompagné seulement de livres, musique et tours de magie, Philippe a a entraîné enfants et adultes dans un tourbillon d’émotions, sans dire un mot. Quand le geste, compris instinctivement par tous, remplace la parole…

Salle comble et grand succès pour Antonia de Rendiger mardi soir. La comédienne ne s’en cache pas, elle n’est pas parisienne mais alsacienne. Et les personnages qui peuplent ses sketchs sont populaires, embringués dans des situations conflictuelles bien connues. Mère et fille, grand-mère et petite-fille, homme et femme, écolos et obèses, les rapports humains constituent la base de son spectacle « Scènes de corps et d’esprit ». Avec brio elle change de voix, d’attitude, improvise, caricature, créant une multitude de personnages comiques soutenus par un texte très écrit. Car Antonia préfère le sketch au stand-up. Mais à la fin du spectacle, ce sont tous les spectateurs qui ont tenu à lui faire une ovation en stand up !

Vendredi 29 août, grande soirée « découvertes » présentée avec facétie par Thierry Nadalini. Quatre artistes avaient chacun 30 minutes pour convaincre le public de leur talent. Leur diversité a enchanté les spectateurs qui, à l’issue de la représentation, devaient noter les candidats en vue d’octroyer le Prix du public.

Inde Daoui a ouvert le ban, en interprétant une petite fille unique rêvant de paillettes, voulant être une star et occuper le devant de l’affiche, comme son idole Céline Dion qu’elle imite à merveille.

Pierre-Alexandre, accompagné de ses instruments, guitare et piano, a évoqué en mots et en chansons ses galères amoureuses en temps de grève SNCF, sa vieille Panda qui le lâche, et les dangers du métier de moniteur d’auto-école. Des sujets traités avec dérision qui ont bien fait rire le public.

Hermann Meva crève la scène avec son physique à la Omar Sy et son ego surdimensionné. Un regard acéré sur la société qui l’exclut, sur la difficulté à trouver sa place quand on est métis noir-arabe dans les beaux quartiers de Lyon. Une critique efficace des préjugés, qui a touché avec efficacité et humour les spectateurs.

Camille Liénard, toute de noir vêtue, ne veut pas être une femme objet, une poupée, elle préfère la compagnie des garçons. Avec une énergie folle, elle sort en bande et noie ses problèmes existentiels dans les fêtes et l’alcool. Mais la nuit, elle confie ses pensées secrètes au public.  Eh oui, au fond d’elle-même, de quoi rêve-t-elle ? D’amour bien sûr, comme tout le monde !

Difficile de choisir entre tous ces jeunes talents !   Le verdict tombera samedi lors de la cérémonie de clôture du Festival.      

Article publié dans le JTT du jeudi 4 septembre.

jeudi 28 août 2025

Le musée de l'école de Monastier-sur-Gazeille

Vous avez certainement déjà vu des salles de classes reconstituées dans des musées. Mais au Monastier, il s’agit de tout autre chose. Une vraie école sur trois étages, fondée par les Frères en 1892 pour une centaine d’enfants de la région, avec classes et pensionnat, est devenue un musée extraordinaire. Où vous serez transformés en élèves du 19e siècle le temps d’une visite…

Les acheteurs du bâtiment vide en 2012 étaient des passionnés. Pour créer leur musée ils ont collecté, chiné et installé un matériel scolaire
impressionnant : murs entiers de crayons, de plumes, de plumiers, grandes cartes de géographie, de sciences, de vie quotidienne, innombrables cahiers, livres, compas, cartables, encriers, trousses, bons points et images … ainsi qu’une cinquantaine de sabots et de blouses anciennes. Avec tout ce matériel à leur disposition, les nouveaux propriétaires ont décidé d’innover en proposant une visite originale et ludique : ils jouent les instituteur-institutrice pour les visiteurs. Ceux-ci, redevenus élèves, doivent faire une dictée à la plume, des calculs au boulier et écouter une leçon de morale, en blouse et sabots. L’occasion de rire et de chanter avec le guide-chant !

Heureux temps où le règlement précisément chaque punition (mot grossier : 10 lignes, bavardage : 15 lignes, bagarre : 5 temps à conjuguer), où les élèves devaient respecter les enseignants, leurs parents et leurs camarades… Si vous êtes nostalgique de l’école, une visite au Monastier-sur-Gazeille s’impose. C’est en Haute-Loire, à la limite de l’Ardèche. Et pour agrémenter encore la visite, sachez qu’un étage du musée est un gîte d’étape, une adresse incontournable sur le chemin de Stevenson, qui commence précisément là.

Article publié dans le JTT du jeudi 21 août. 

lundi 25 août 2025

Tain l'Hermitage: Un nouvel espace de jeux pour les enfants

Entre le Rhône et la chocolaterie Valrhona, l’ancien parc à jeux pour enfants a été totalement réaménagé cet été, et le résultat est plébiscité par tous, y compris parents et grands-parents.

De nouveaux agrès en bois naturel pour grimper, sauter, se balancer, des tunnels et des cabanes, un tourniquet, un toboggan, et même une tyrolienne, il y en a pour tous les goûts et tous les âges de 1 à 12 ans. Des jeux éducatifs et sensoriels pour stimuler l’éveil et la curiosité des tout petits et même un espace pour changer bébé. Les agrès aux formes arrondies, sans danger, sont peints de couleurs vives, tandis que le sol est revêtu d’une matière souple et colorée qui absorbe les chocs et sécurise les zones de jeux. L’allée centrale est déclinée en deux teintes : marron pour rappeler la terre viticole et bleu évoquant le Rhône. Des bancs et chaises longues confortables permettent aux adultes de veiller sur leur progéniture à l’ombre des arbres. 


Outre la sécurité, l’esthétique et le respect de l’environnement, la volonté de la municipalité a été de profiter de cette modernisation du jardin public pour l’ouvrir aux enfants à mobilité réduite : certains jeux  sont accessibles en fauteuil roulant.

Le parc Charles de Gaulle n’est pas encore inauguré qu’il a déjà trouvé son public. Qu’ils soient habitués ou touristes de passage, tous ont adopté cette oasis de fraîcheur et de gaieté au bord du Rhône. Et le marchand de glaces n’est pas loin !

Article publié dans le JTT du jeudi 21 août.

lundi 18 août 2025

Lucien Mainssieux, peintre de Voiron

Voiron en Isère est une petite ville active et commerçante. Proche du lac de Paladru et du massif de la Chartreuse, elle est connue pour ses caves de distillation de la liqueur de Chartreuse ainsi que pour la célèbre chocolaterie Bonnat. Mais à l’ombre de l’église Saint-Bruno, au milieu des rues piétonnes se cache une autre pépite : le musée Mainssieux. Créé en 1989, il contient la collection personnelle de Lucien Mainssieux, un peintre célèbre du XXe siècle.

Lucien Mainssieux est né en 1885 à Voiron. Orphelin de mère, atteint d'une tuberculose des os du bassin, qui l’oblige à passer ses douze premières années alité, il développe des dons artistiques en tous domaines, musique, peinture, littérature. Après des études d’art à Grenoble, il commence une carrière de critique musical et peintre à Paris en 1905. Il y fréquente les cercles d’artistes de l’avant-garde (Pablo Picasso, Max Weber, Stravinsky), ses modèles sont Cézanne et Corot, cependant, il restera toute sa vie un artiste indépendant.

Ce sont ses voyages, un peu partout en France, en Italie et surtout en Afrique du Nord, qui influencent sa manière de peindre. En 1910 il découvre Rome qui l’émerveille. Il y retournera plusieurs fois, réalisant des tableaux qui assureront son succès auprès du public. En 1921, il part en Tunisie. Sa découverte du monde musulman le fascine, il peint des palmeraies, des sables et des oasis. Puis c’est le Maroc entre 1929 et 1958, l’Algérie entre 1942 et 1954, où il rencontre sa femme.

 Sa technique picturale varie en fonction de son évolution.  Au début de sa carrière, ses peintures s'inspirent du fauvisme, en Italie, ses peintures sont plus classiques, avec des couleurs pâles, alors qu'en Afrique, il favorise les scènes quotidiennes aux couleurs vives. Ses œuvres sont réputées, il expose partout en Europe. Et collectionne les œuvres de ses amis.

Lucien Mainssieux garde un attachement tout particulier au Dauphiné et à Voiron, sa ville natale, où il revient faire des séjours chaque été. Les douze dernières années de sa vie se passent entre Voiron, Paris et Tipaza. A sa disparition en 1958, Lucien Mainssieux institue la ville de Voiron légataire universelle de son fonds d’atelier et de sa collection, constituée tout au long de sa vie, principalement des toiles des XIXe et XXe. Plus de 1 000 peintures, 6 000 dessins, des ouvrages illustrés, des objets personnels et l’intégralité de ses archives et documents.

Un petit musée et un grand artiste se cachent à Voiron, une ville agréable  à découvrir !

Musée Mainssieux  7 place Léon Chaloin, 38500 Voiron; tél: 04 76 65 67 17

Article publié dans le JTT du jeudi 7 août 2025.

mercredi 13 août 2025

Le lac de Paladru et son histoire

En période de canicule, qu’il est bon de faire quelques dizaines de km pour arriver aux Terres froides, cet ensemble de collines et de plateaux d’Isère parsemé d’étangs et de cours d’eau, où la température reste fraîche. Le lac de Paladru en est l’attraction emblématique, avec ses plages, sa réserve naturelle et son musée. Sa magnifique couleur bleue qui tranche sur le vert des forêts et pâturages alentour invite à la baignade ou au canotage.

Le lac est d’origine glaciaire, il mesure 5300 m de long sur environ 1000 m de large, sa profondeur maximale est de 36 m. Il est très abrupt, à 15 m du bord, il y a déjà 15 m de fond, mais ce sont surtout ses variations de niveau qui sont étonnantes. Nourri par deux torrents et par les précipitations, en 2024 son niveau était de 3 m plus haut en juin qu’en juillet ! Ces variations expliquent qu’on ait retrouvé les vestiges d’un village néolithique ainsi que ceux d’un hameau médiéval, conservés tous deux sur des plages immergées.

Un superbe musée-pirogue contemporain, le MALP, ouvert depuis 2022 au bord du lac, expose les résultats des fouilles subaquatiques réalisées depuis 1972. Issus de deux époques bien différentes, les 600 objets conservés par l’eau racontent d’une part la vie des premiers agriculteurs du néolithique (2700 av JC) et d’autre part celle des paysans-cavaliers de l’an Mil. En particulier, on y trouve la fameuse pirogue taillée dans un tronc de chêne. Ainsi que armes, bijoux, ustensiles de cuisine, outils… témoignant de toute l’inventivité, l’ingéniosité des premiers hommes.

Par une belle journée d’été, à Paladru, on peut alterner les plaisirs entre pique-nique, baignade, paddle ou pêche, et profiter ensuite d’une visite culturelle passionnante. Une escapade qui plaira à tous les publics.

Article publié dans le JTT du jeudi 7 août.

dimanche 10 août 2025

Chonique littéraire : Les dieux du tango, de Carolina de Robertis

C’est toute l’histoire et la sensualité du tango qui constituent la trame du roman. Né à la fin du 19ème siècle autour du Rio de la Plata, l’estuaire qui relie Buenos-Aires, en Argentine, et Montevideo, en Uruguay, le tango est une musique métissée d’origine africaine, indienne, européenne. Cette danse langoureuse est devenue une danse de bal, d’abord jouée exclusivement dans les cafés des bas-fonds des deux villes, où les hommes dansaient avec des prostituées, avant de devenir la danse à la mode dans toutes les capitales au début du 20ème siècle.

Carolina de Robertis a imaginé un personnage singulier en la personne de Leda, jeune fille émigrant depuis l’Italie, en 1913, pour retrouver à Buenos-Aires son futur mari, Dante. Hélas Leda apprend à son arrivée que Dante a été tué lors d’une manifestation ouvrière. Comment va-t-elle s’en sortir dans cette ville livrée à la violence, où les femmes sans mari sont des proies ?

C’est grâce à son violon. Subjuguée par cette musique de rue, Leda va apprendre à jouer des tangos. Et comme à l’époque il est interdit aux femmes de jouer du tango, elle se déguise en homme pour pouvoir jouer et survivre. Elle prend le nom de Dante, est engagée dans un orchestre, cachant à tous son véritable sexe. Peu à peu, elle développe sa créativité, en suivant l’évolution de ce genre musical jusqu’à son âge d’or. Portée par la musique, elle découvrira aussi sa propre personnalité, si longtemps étouffée.

Carolina de Robertis offre ici une fresque à la fois sociale, historique et humaine. Sa documentation solide permet d’appréhender la naissance d’une nation portée par une musique métissée à son image. L’auteure, née en Angleterre en 1975, d’origine uruguayenne, enseigne en Californie, et est une fervente défenseure des droits des femmes.

Ce roman est disponible en Livre de Poche.

Chronique publiée dans le JTT  du jeudi 31 juillet.

mercredi 6 août 2025

Les 50 ans de la Grande Motte

La célèbre station balnéaire et port de plaisance de l’Hérault, à quelques km de Montpellier et de la Camargue, se caractérise par une grande homogénéité architecturale, dont les éléments les plus visibles sont les immeubles en forme de pyramides. Cette architecture futuriste a obtenu le 19 janvier 2010, le label « Patrimoine du XXe siècle ».

Ce fut un des plus importants projets urbanistiques et touristiques des « Trente Glorieuses ». Dès 1962, sous le gouvernement De Gaulle-Pompidou, naît la volonté d’aménager 200 km de littoral entre la Camargue et les Pyrénées, afin d’accueillir un million de touristes de France et d’Europe du Nord. L’architecte retenu pour construire la Grande-Motte est Jean Balladur, philosophe avant-gardiste, qui veut mettre l’homme au cœur d’une cité hors du commun, dans un écrin de verdure.

Limité par deux étangs, celui de l’Or et celui du Ponant, la mer Méditerranée et le Vidourle, le territoire choisi était occupé par un marécage et des dunes. Des dispositions spécifiques d’urbanisme s’y appliquèrent afin de préserver les espaces naturels, les paysages et l’équilibre écologique du littoral. Répondant à la démocratisation du tourisme de masse, refusant le luxe, le projet de Jean Balladur, très décrié à l'époque, fut de créer des terrains de sport, une plage bordée d'un simple chemin piéton, des façades d’immeubles perpendiculaires au littoral, éliminant la hiérarchie entre les appartements avec vue et sans vue. Un palais des congrès, une mairie, des commerces, une extraordinaire église dédiée à Saint Augustin ont complété l’équipement. Les travaux de dragage, de remblaiement, ont commencé en 1966, puis les constructions s’enchaînèrent. Et en octobre 1974 fut créée la commune de la Grande-Motte.

50 ans plus tard, la Grande-Motte continue d’évoluer. De nouveaux immeubles sortent de terre sous l’impulsion des successeurs de Jean Balladur. Des parcs, des jardins, des pistes cyclables quadrillent la ville, occupant 70 % de la surface totale. L’harmonie architecturale répond à la douceur de vivre, les automobiles étant écartées au profit d’une mobilité douce. La station révèle aujourd’hui tout son sens esthétique et est devenue une ville jardin. Un projet imaginé et réalisé grâce à la vision novatrice d’un architecte de génie, Jean Balladur, accompagné de son jardinier en chef, Pierre Pillet.

En toutes saisons, c’est un plaisir de sillonner la Grande-Motte et sa région à vélo. Et en été, la baignade est au bout de la rue, l’ombrage tout aussi proche. Alors n’hésitez pas à fréquenter cette station populaire, née d’un projet audacieux, qui 50 ans après, a prouvé sa pertinence. 

Article publié dans le JTT du jeudi 7 août 2025.