dimanche 2 juillet 2017

Chronique littéraire : La chaise numéro 14, de Fabienne Juhel


C'est une chaise de bistrot, une simple chaise Thonet, qui soutient l'héroïne, Maria, dans sa tentative de reconquérir sa dignité. Car Maria a été tondue à la Libération, par une bande de résistants haineux. Elle avait aimé un capitaine allemand.

Le drame des femmes tondues, au mépris de toute justice, à la fin de la guerre en 1944-45 est un thème qui n'a guère été traité. Pourquoi ? Parce qu'il met à jour plusieurs réflexions morales dérangeantes. Pourquoi tondre les femmes, qui ont aimé des Allemands, alors qu'elles n'ont nui à personne ? Est-ce pire que faire du marché noir, ou obéir avec zèle aux nazis sous prétexte qu'on est fonctionnaire ? Pourquoi les Américains libérateurs, ainsi que les administrations françaises, ont-ils laissé faire ? Qui s'arroge le droit de punir et pourquoi ? Que penser de la lâcheté ou des encouragements de la foule présente ? Quels comptes se règlent derrière cette pratique ? Une vengeance sexiste, un besoin d'affirmer sa virilité ?

Fabienne Juhel, qui enseigne la littérature en Bretagne, traite cette histoire originale avec une belle écriture poétique. L'atmosphère étrange permet à l'intrigue, menée avec brio, des revirements inattendus. Les personnages atypiques, débonnaires ou méchants, sont pour l'auteur l'occasion de régler quelques comptes avec le racisme, la religion, la bêtise humaine en général. Et surtout de faire réfléchir.

Un livre original, dérangeant, au message fort et lumineux, en poche dans la collection Babel.


Chronique publiée dans le JTT du jeudi 29 juin.

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