jeudi 18 juin 2015

Chronique littéraire : Rue des voleurs, de Mathias Enard

Ce roman social brosse un portrait sans concession du monde actuel, celui d’une jeunesse   dans l’impossibilité de trouver un avenir entre l’Afrique à feu et à sang et l’Europe en désagrégation.

Lakhdar, jeune Marocain de Tanger est plutôt content de son sort. Il a deux passions : les romans policiers français, et forniquer avec sa cousine. Tout bascule quand Lakhdar est découvert avec elle. Battu à mort, et renié par sa famille, commence pour lui une vie d’errance, ballotté au gré des rencontres, des petits arrangements pour survivre.
La littérature le sauve, il trouve un job dans une librairie coranique, puis recopie des données sur Internet, où il fait la connaissance de Judit, étudiante à Barcelone. Mais la situation est précaire, dangereuse. La violence des Barbus l’oblige à fuir en Europe, d’un esclavage à l’autre, sur le bateau, dans une entreprise de Pompes funèbres, jusqu’à Barcelone, Rue des Voleurs, à la recherche de Judit.

L’écriture de Mathias Enard, dense et fiévreuse, rend admirablement la complexité, la confusion de ces villes cosmopolites où règne l’urgence de vivre : Tanger, plaque tournante entre Maroc et Espagne, et Barcelone, terre d’accueil et de démesure. La population des bas-fonds, les classes laborieuses, leurs attentes, leurs dérives, le sentiment de ratage, de fin du monde imminente, où les islamistes ratissent large. Le propos est adouci par de belles citations de littérature arabe qui soulignent la dimension humaine commune aux deux rives de la Méditerranée.

Né en 1972, Mathias Enard a étudié l’arabe et le persan, et fait de nombreux séjours au Moyen-Orient et au Maghreb. Il vit actuellement à Barcelone.
Rue des voleurs est maintenant disponible en poche chez Actes Sud, collection Babel.

Chronique publiée dans le JTT.

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