dimanche 16 août 2020

Descendre le Rhône en péniche

Parcourir le Rhône entre Lyon et Gervans, sur la péniche de Steve, c’est une merveilleuse approche du métier de batelier. Tout commence par une entrée filtrée au port Edouard Herriot. Immense domaine de 187 ha qui accueille plus de 70 entreprises, ce lieu d’échange et de distribution est le premier port intérieur français pour le trafic des conteneurs. Géré par la CNR, relié à l’autoroute et aux voies ferrées, il est formé de plusieurs darses qui accueillent des bateaux de toutes tailles. Sur les quais, encombrés de hangars, grues, chariots, camions, conteneurs, règne une activité contrôlée.

La péniche Condor est amarrée quai de Beaucaire, l’énorme portique de chargement est en train d’y déposer avec son bras articulé le dernier conteneur. Un conteneur pesant environ 30 tonnes, et le Condor transportant 3 000 tonnes, il y en a une centaine, bien alignés sur le pont, sur deux hauteurs, comme un gigantesque jeu de construction. La péniche, à fond plat, peut s’enfoncer dans l’eau de 1m à 3 m maximum suivant la charge.

La cabine de pilotage, appelée timonerie, est un espace surélevé, très vaste, entièrement vitré, où Steve commande la manœuvre de départ. 6 écrans permettent de visualiser par caméra la position de cet immense monstre d’acier de 110 m de long, 11 m de large. Le moteur est à l’arrière, un petit moteur annexe à l’avant est utilisé dans les écluses, et 4 propulseurs d’eau aux quatre coins aident à l’orientation du bateau. 

Après une manœuvre rapide, la péniche sort du port et arrive immédiatement sur l’écluse de Pierre-Bénite. C’est très impressionnant. La péniche s’engage dans le chenal, il ne reste que 30 cm entre chaque bord et le mur. Puis l’énorme porte métallique arrière se ferme, le matelot arrime la péniche aux piliers avec des cordes, car il faut se méfier des courants et du vent. Et l’eau descend, le niveau baisse de 10 m ! Puis la porte avant s’ouvre, la péniche sort du chenal. Grand ciel bleu, soleil, le gigantesque chargement coloré s’engage sur les eaux vertes du Rhône à une vitesse d’environ 20 km/h.

Givors, premier passage sous un pont, on a l’impression qu’on ne passera pas, c’est impressionnant.
Loire-sur-Rhône, siège de la société de fret CFT, la plus importante sur le Rhône, concurrente de VNF. Des péniches attendent leur chargement, Steve salue les bateliers, il les connaît tous.
Vienne : le pont étant très bas, il faut abaisser la timonerie, c’est spectaculaire. Elle se rétracte doucement, jusqu’à laisser juste 40 cm entre le pont et le toit. Un deuxième pont suspendu, très bas aussi. Puis une superbe vue sur la ville, ses façades, ses églises, Saint-André, Saint Maurice, Saint-Pierre. Et sur l’autre rive, la tour de Valois, puis les vignobles de Côte-Rôtie.
Reventin-Vaugris, deuxième écluse. Une dizaine de mètres de dénivelé encore. Steve précise que la plus impressionnante est celle de Bollène, avec 23 m de dénivelé ! Le plus étonnant, c’est de réaliser qu’il n’y a personne aux écluses, elles sont toutes gérées par une dizaine de caméras et un guidage téléphonique depuis le centre CNR de Châteauneuf-du-Rhône.

Le Rhône est un fleuve maîtrisé, tout au long de son cours, il se sépare en deux bras, dont un canalisé, puis les bras se rassemblent, se séparent à nouveau un peu plus loin, ménageant des îlots sauvages. Baigneurs et pêcheurs profitent des berges du vieux Rhône, tandis que les péniches suivent la partie canalisée, qui peut compter jusqu’à 13 m de profondeur.
A Condrieu, un petit port de plaisance évoque déjà le littoral méditerranéen avec ses bateaux blancs amarrés, ses terrasses égayées de parasols. Tout autour les vignes s’étalent sous le soleil, , dans un dégradé de vert et bleu, un véritable paysage de carte postale.

Port de Salaise : c’est là que les cargos fluvio-maritimes comme « la Guêpe » viennent s’approvisionner en ferraille, qu’ils acheminent ensuite jusqu’en Italie, par le fleuve puis la mer. Plus petits que les péniches, ils ont un fond bombé pour naviguer en mer.
Sablons : troisième écluse. Un accident spectaculaire s’est produit ici en début d’année. La porte de l’écluse a cédé alors que la péniche était dans le chenal, l’eau s’est engouffrée violemment, la péniche a piqué du nez. Heureusement, l’équipage a pu sauter à l’eau, mais le chargement en gaz liquide s’est répandu. L’écluse a été fermée deux mois, occasionnant un grave préjudice au trafic. Un petit frisson en passant devant l’épave qui est amarrée en aval.

Voilà Andance et Andancette, reliées par un pont suspendu qui ressemble furieusement à celui de Tain-Tournon. Normal, il a été construit 2 ans après. Puis Saint-Vallier et ses maisons sagement alignées sur le quai.
L’écluse de Gervans est en vue. Depuis Lyon, nous avons parcouru 80 km en 5 h, soit une moyenne de 16 km/h (à la remontée, la péniche chargée ne dépasse pas 5 km/h). Il est 21h, Steve décide de passer l’écluse, puis de s’amarrer pour la nuit aux gros pilotis métalliques installés en aval, qui portent le nom étrange de « ducs d’Albe ». La manœuvre est faite avec précision, l’immense péniche s’immobilise. Il est temps pour l’équipage de se reposer, de préparer un repas. Le pilote n’a pas quitté son poste depuis 5 h. Naviguer sur le Rhône est un régal pour les yeux, mais exige une vigilance constante.

Cette navigation, on peut la partager avec Steve en réservant une semaine en chambre d’hôtes sur sa péniche, le Condor. L’occasion de découvrir un métier, et aussi de voir le Rhône et ses berges autrement. Car les villes, vues depuis le fleuve, dévoilent un aspect paisible et authentique. Quant au superbe paysage naturel qui se déroule sous les yeux, le savourer à petite vitesse est un moment de pur bonheur.

Article publié dans le JTT du jeudi 13 août.

5 commentaires:

  1. Très heureuse de te relire chére Nicole. Cela donne envie. Amitiés.

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  2. bonjour, comment contacter le condor , pour un petit voyage

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  3. c'est compliqué, il faut passer par la compagnie VNF. Bonne chance !

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    1. SVP, ou trouve l'adresse et le N° de Tel de la compagnie VNF, Merci de me renseigner,

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    2. C'est long, il faut déjà contacter par mail la section Saône Rhône.

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