samedi 2 février 2019

Le passage du Saint Suaire à Saint-Hippolyte (25)

Le Saint Suaire est un drap de lin jauni de 4.36 m sur 1.10m qui a servi à envelopper le corps d’un crucifié, considéré depuis des siècles comme celui du Christ. Il est vénéré comme une relique par les chrétiens. Est-ce vraiment le linceul du Christ ? La question reste posée, malgré les innombrables analyses entreprises depuis plus d'un siècle.

Transporté en 1453 à Chambéry, puis à Turin, le Saint Suaire est conservé depuis 1578 dans une chapelle construite spécialement pour l’accueillir, à l’intérieur de la cathédrale San Giovanni. C'est un important lieu de pèlerinage. Mais à part de très rares ostensions, le Saint Suaire n’est pas visible. Il est enfermé dans un coffre blindé rempli d’un gaz inerte et doté d’un équipement de sécurité maximal : température, pression et humidité contrôlées. Les fidèles n’en aperçoivent qu’une reproduction mystérieuse. L’exposition publique du Saint Suaire en 2015 a attiré 2 millions de pèlerins à Turin. 


Le Suaire fut vénéré jusqu’au VIIème siècle à Jérusalem, puis on a perdu sa trace. On l’évoque comme prise de guerre par les Ottomans, avec d’autres reliques de la Passion, à Constantinople au XIIème siècle. La première mention du linceul en France provient de Lirey, en Champagne, en 1357. Il aurait été donné par Othon de la Roche à la famille de Charny, après la prise de Constantinople par les Croisés en 1204. L’abbaye de Lirey attire alors des foules innombrables venues vénérer la relique. En 1418, le Saint Suaire est transporté en Franche-Comté, à Saint-Hippolyte, par Marguerite de Charny, épouse de Humbert de la Roche-en-Montagne. Il y restera 34 ans ! Une copie du suaire, dans la collégiale atteste sa présence, ainsi qu’un vitrail de la même époque représentant Humbert tenant le suaire. Mais c’est à l’église de Terres de Chaux, village voisin, qu’on retrouve les plus anciens témoignages du passage du suaire : des fresques du XVème représentant le linceul tenu par des anges. 
C’est à l’essor de la photographie qu’on doit la suite de l’histoire. En 1898, à Turin, un photographe, Secondo Pia, obtient l’autorisation de photographier le linceul. Surprise : quasiment invisible à l’oeil nu, l’image apparaît avec précision en négatif : un homme et ses blessures sont clairement imprimés sur le linge : couronne d’épines, flagellation, coup de lance dans la poitrine, clous dans les mains.
Suscitant d'âpres débats sur son authenticité et sa datation, le Suaire de Turin devient alors l'objet le plus étudié de l'histoire. Toutes les techniques modernes d'analyse, tous les pays, s’y confrontent. En 1988, la datation par le carbone 14 démontre l'origine médiévale du suaire (XIIIe – XIVe siècle), qui ne peut donc pas être considéré comme une relique authentique. Dès leur publication, ces résultats sont acceptés par le pape Jean-Paul II. En 1998, celui-ci invite les scientifiques à poursuivre leurs recherches (néanmoins l'Église catholique, propriétaire du linceul depuis 1983, ne s'est jamais prononcée officiellement sur son authenticité). Peu après, on décèle des traces de pollen provenant de Palestine. Récemment, l’université de Padoue a prouvé que la datation au Carbone 14 ne pouvait donner aucun résultat fiable, car de nombreux facteurs ont modifié la teneur du C 14 de la relique (expositions à l'air, voyages divers, fumées des bougies, et surtout les incendies qui l’avaient endommagée aux 13ème et 15ème siècles). Le mystère reste entier.

Saint-Hippolyte et la Franche-Comté peuvent s'enorgueillir d'avoir conservé le Saint Suaire, et pas seulement pendant 34 ans ! A Besançon, la vénération du Suaire a  subsisté jusqu'à la Révolution, occasionnant d'abondantes retombées financières. Qu'on soit croyant ou non, la visite de Saint-Hippolyte et Terre-de-Chaux mérite le détour pour mieux comprendre l'histoire.

Plus de détails dans le numéro 14 de L'Esprit Comtois.


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