jeudi 9 mars 2023

André Villers, le « Picasso » de la photo

Comment un jeune franc-comtois espiègle, condamné à l’immobilité, est-il devenu une star de la photographie internationale, ami de tous les grands artistes du XXème siècle ? par la grâce de la pénicilline, puis l’amitié du plus illustre de tous, Picasso. Et surtout le talent.

 André Villers est né à Beaucourt le 10 octobre 1930 dans une famille modeste. Son père, René, était horloger, André était le cadet de la fratrie, qui comptait aussi René, Marcel et Jeanne. Il passe son enfance dans un quartier ouvrier, en compagnie d’enfants d’immigrés venus travailler dans les usines Japy. S’il adore le foot, c’est plus souvent avec une boîte de conserve qu’un ballon qu’il joue. Suite aux privations de la Seconde guerre mondiale, vers 1945, il commence à souffrir de la hanche, à claudiquer. On lui diagnostique une décalcification osseuse due à la tuberculose. En 1946, le jeune André est transporté, presque mourant, au centre médical héliomarin de Vallauris, dans le sud de la France. André doit rester alité pendant presque cinq ans, le corps couvert d’un plâtre. Couché dans son lit toute la journée, sa seule échappatoire est alors la musique de jazz. C’est grâce à la pénicilline nouvellement introduite en médecine qu’André reprend des forces et petit à petit, réapprend à marcher.

Au cours de cette période, Pierre Astoux, professeur au sanatorium, l'initie à la photographie. Il s’agit non seulement de prendre des photos, en noir et blanc, mais aussi de les développer. Cette alchimie, voir peu à peu les images apparaître dans le bain, passionne André. Le révélateur est une révélation ! Il s’amuse à varier les dosages avec le fixateur, et c’est magique. Il joue avec les décalages, les pliages, obtient des tirages décalés, conserve les meilleurs dans une boîte qui ne le quitte pas. Dès 1952, il parcourt Vallauris à la recherche de sujets. Comme les grands maîtres, Doisneau, Lartigue, Cartier-Bresson, il saisit au vol des scènes de la vie quotidienne, des jeux d’enfants, des portraits.

 En 1953, il a 23 ans, se promène à son habitude dans Vallauris pour prendre des photos sur le vif. Sur la place du village, il repère un homme âgé, se reposant au soleil, lui demande s’il peut le photographier. L’homme acquiesce, puis s’intéresse à ses autres clichés. Lui aussi, il a fait de la photo ! André montre ses tirages fétiches. « J’aime beaucoup. Je pense que tu as du talent, fiston. Maintenant, viens avec moi, je vais te montrer ce que je fais, moi ». Et l’homme emmène André dans son atelier, un fouillis de peintures, sculptures et objets en céramique. Le jeune André est comme hypnotisé. Cet homme, c’est Pablo Picasso ! « Au sanatorium, on parlait de Picasso comme du fada de Vallauris. J’étais jeune, j’écoutais peu, mais j’ai tout de même été frappé quand Picasso m’a dit : les gens me prennent pour un fou alors que j’essaie de dire la vérité ».

Cette rencontre avec Picasso ouvre à André les portes d’un autre monde. Picasso repère immédiatement ses capacités créatrices, il prend sous son aile le jeune homme fauché, dont il apprécie la discrétion et l’humour. Il l’autorise à venir dans son atelier prendre toutes les photos qu’il souhaite. André réalise de très nombreux portraits intimes du peintre, au travail ou au repos. Leur complicité grandit, malgré les cinquante années qui les séparent. Un jour André arrive les mains vides, son vieil appareil devant être réparé. « Tu n’as pas ta machine à coudre aujourd’hui ? » plaisante Picasso. Il lui offre alors un magnifique Rolleiflex, qu’André ne quittera plus.

 André, dont la jeunesse a été saccagée, est assoiffé de connaissance, d’échange, d’amitié. Picasso va jouer plus qu’un rôle de mentor, il « le fait naître ». Au contact du maître, il commence à laisser libre cours à son envie de créer quelque chose de différent à partir de ses photos. Il expérimente toutes sortes de combinaisons avec ses négatifs, intercalant des matériaux divers, découpant, juxtaposant des ombres, des pliages. Il crée ainsi une nouvelle forme d’expression artistique, à partir de photos. Picasso qui trouve cela intéressant lui confie une silhouette de petit faune, qu’André photographie dans diverses situations, la combinant avec des collages de vermicelles, de végétaux…  Picasso s’amuse ensuite à découper les tirages et à les recomposer autrement. Une complicité artistique qui débouche sur la réalisation d'une œuvre à quatre mains : 30 images seront publiées sous le titre « Diurnes », accompagnées d'un texte original de Jacques Prévert en 1962. L’occasion pour André de se lier aussi avec le poète, qui lui confiera : « ce qu’on te reproche, cultive-le, c’est toi ! ».

Peu à peu, André rencontre toute l’intelligentsia internationale : les peintres Chagall, Dali, Fernand Léger, les réalisateurs Buñuel et Fellini, les poètes et écrivains Prévert, Michel Butor, les chanteurs Serge Gainsbourg ou Léo Ferré, et bien d’autres encore … Une université vivante pour André le timide, qui utilise son appareil comme un moyen d’entrer en contact avec les artistes. Tous passent devant son objectif, mais il ne se contente pas de faire des portraits. Il continue d’innover, d’expérimenter, créant lui-même ses négatifs à partir de papiers calques, développant une œuvre plastique inédite intégrant pastel, cartons peints, et papiers découpés. L’occasion de collaborer avec d’autres artistes.

Un premier mariage, la naissance d’un fils en 1958, quelques épisodes sombres, une rechute qui le ramène au sanatorium en 1959, des problèmes d’alcool, il retrouve la sérénité auprès de Chantal, qu’il épouse en 1969, puis la naissance de Matthieu. En 1970 il achète une maison à Mougins, où il accueille tous ses amis artistes. Internationalement reconnu pour ses illustrations poétiques abstraites, il est l’invité de nombreuses expositions à Prague, Paris, Genève, Tokyo, New York… et publie de nombreux ouvrages. Inclassable, il est qualifié par ses amis de « phénomène culturel ».

Il reste cependant un homme simple, curieux et généreux, qui n’hésite pas à aider d’autres artistes, et à donner nombre de ses œuvres. Ainsi, il lègue près de 500 tirages originaux aux Musées de Belfort, après l’importante exposition organisée en son honneur en 1986. A sa ville de Mougins, où un musée portant son nom est ouvert en 1982, il fait don de matériel photographique, et d’une importante collection de 300 portraits de Picasso et œuvres de Doisneau, Lartigue, Clergue…

14 juillet 2006, André Villers est nommé chevalier des Arts et des Lettres. Sa renommée est mondiale. Mais la maladie l’a rattrapé. Il vit maintenant au Luc, dans le Var, dans une maison plus adaptée à ses déambulations en fauteuil. Il continue de travailler, ne pouvant rester une minute sans découper, coller, dessiner, expérimenter. Il mêle l’argentique au numérique, cherchant toujours de nouvelles formes d’expression. Jusqu’à son décès, le 1er avril 2016.


Ses clichés de Picasso sont visibles dans tous les musées Picasso du monde, et bien sûr dans celui de Paris. D’autres photographies sont exposées au musée Nicéphore Niepce de Chalon-sur-Saône et au musée de la Photographie de Charleroi en Belgique. Mais la plupart de ses œuvres dorment maintenant dans les réserves des musées. Même à Mougins, où le musée André Villers a fermé en 2019, remplacé par un centre d’art dédié à la photo contemporaine.

Beaucourt lui a rendu hommage un an après son décès, en avril 2017, par une exposition à la mairie. Et une rue du quartier Bellevue a été baptisée André Villers. Une reconnaissance tardive, car cet immense photographe était ignoré dans son bourg natal. C’est du côté suisse qu’est venue la popularité, lorsque son cliché de l’architecte Le Corbusier a été choisi pour figurer sur le billet de 10 francs. Commentaire d’André : « la Suisse, c’est un peu chez moi, j’y emmenais les vaches depuis Saint-Dizier pendant la guerre ». Toujours modeste, il ne précise pas qu’alors, à 12 ans, il aidait à faire passer la frontière à des réfugiés. Le billet de 10 CHF, après avoir fait le tour du monde, est actuellement « collector », comme toutes les œuvres d’André Villers !

Article publié dans l'Esprit Comtois n° 29.


vendredi 3 mars 2023

Le sentier Blanc-Martel dans les gorges du Verdon

Tous les fanas de randonnée ont « Martel » en tête. Un sentier mythique, une rando superbe, qui permet d’apprécier pleinement le Grand Canyon du Verdon, site classé au patrimoine de l’Unesco. Ce canyon a été entièrement parcouru pour la première fois en 1905 par Alfred-Edouard Martel, explorateur, hydrologue, accompagné de Isidore Blanc, instituteur au village voisin de Rougon. Le sentier Blanc-Martel, aménagé ensuite dans les années 1920 par le Touring club de France, est balisé et sécurisé. Entièrement rééquipé en 2013, il bénéficie d’un système de navettes permettant de rejoindre le parking du départ.

Cette randonnée exige de l’endurance et une bonne forme physique, il faut compter environ 7 h de marche entre le départ du chalet de la Maline et l’arrivée au point Sublime. Être conscient qu’il n’y a pas d’autre issue que les deux extrémités, donc si on commence, il faut aller jusqu’au bout et ne pas craindre le vertige. Enchaîner montées et descentes, affronter les escarpements rocheux, les pierriers, les volées d’escaliers, les passages aériens, les passerelles … traverser tunnels et grottes.

Dès le chalet de la Maline, on pénètre dans un monde de falaises sauvages. La pente est raide, la vue est spectaculaire, les eaux turquoise du Verdon apparaissent tout au fond des gorges. Il faut se concentrer à chaque pas pour ne pas glisser dans les éboulis et autres pierriers. La végétation éparse se densifie au fur et à mesure de la descente. Buis, arbrisseaux rabougris, chênes kermès, chênes verts, laissent peu à peu la place à des chênes majestueux dont les racines épousent la roche.

En bas, près du Verdon, un sentier presque plat permet de reprendre son souffle. On peut prêter attention aux oiseaux qui gazouillent, aux vautours qui tournoient là-haut au-dessus des falaises. Reconnaître quelques fleurs, violettes, primevères, anémones, hépatiques, iris, où virevoltent des papillons jaunes. S’enivrer des odeurs de thym. Admirer la couleur turquoise du Verdon, ses marmites, ses rapides, ses goulets. Et profiter de sa fraîcheur !

Puis une remontée bien raide précède une nouvelle descente vertigineuse, par une série d’escaliers métalliques de plus de 150 marches. Encore une autre montée, qui conduit au couloir Samson et ses tunnels, vestiges d’installations hydrauliques abandonnées. La canalisation du Verdon, afin d’irriguer Aix et la Provence, a été un chantier titanesque sans cesse réorganisé, jusqu’à la construction de l’actuel canal de Provence. Certains tunnels sont fermés, ils servent de zone de protection pour les chauves-souris. Tout le canyon est d’ailleurs un parc naturel classé.

L’arrivée au Point Sublime, terme du sentier est forcément … sublime. Le regard embrasse tout le Grand canyon du Verdon, merveille naturelle creusée par l’opiniâtreté d’un torrent de montagne à travers les masses rocheuses des Préalpes. Exemple suivi par les hommes, qui, depuis la Préhistoire, ont façonné par leur travail cette terre si belle mais difficile à vivre. Une nature sauvage, entre influences alpine et méditerranéenne, refuge pour la flore et la faune. Que seule la randonnée permet d’apprécier à sa juste valeur.

Article publié dans le JTT du jeudi 16 mars.



vendredi 24 février 2023

Interdit aux chiens et aux Italiens !

Une accroche provocatrice pour un film émouvant, réaliste, plein d’humour, qui raconte l’émigration de Luigi et Cesira, du Piémont jusqu’en Valais, puis d’Ariège en Drôme. Comme des milliers d’autres Italiens, contraints par la misère à partir trouver du travail ailleurs, après la première guerre mondiale.

Cette histoire est celle de Luigi Ughetto, le grand-père d’Alain Ughetto, réalisateur du film.  Une histoire qu’Alain ne connaissait pas. C’est après la mort de son père, que, décidé à connaître ses origines, il est parti faire des recherches de l’autre côté des Alpes, près du mont Viso, où un village entier s’appelle Ughettera (la terre des Ughetto …). Et là, il a pu reconstituer grâce à des témoignages, des archives, l’histoire de ces émigrés italiens qui ont traversé non seulement la frontière, mais la faim, le froid, la fatigue, le fascisme et deux guerres. Avec un accueil pas toujours amical à leur arrivée ! Après s’être intégrés, ils n’ont plus jamais reparlé des difficultés endurées.

Alain Ughetto est plus qu’un réalisateur, c’est un bricoleur de génie. Son film est exceptionnel car c’est un film d’animation, où les personnages sont des marionnettes en silicone, les maisons en carton, les murs en sucre, les arbres en brocolis… Et pourtant on y croit ! Poésie, humour et système D font du film un pur moment de bonheur. Pas étonnant qu’il ait reçu un accueil triomphal par le public, et raflé le premier prix au festival de cinéma d’animation d’Annecy.

Cerise sur le gâteau, ou plutôt sur le panettone, les Drômardéchois peuvent prolonger le plaisir en allant visiter l’exposition « Luigi, le premier, est parti » au Centre du Patrimoine Arménien à Valence. Tous les décors, les objets, personnages, utilisés pour le film y sont présentés, car il a été fabriqué à Valence, aux studios Foliascope. On reste stupéfaits devant l’inventivité des artistes et le travail réalisé. Une superbe performance locale.

Le Centre du Patrimoine arménien, espace culturel dédié à toutes les émigrations, présente à travers « Luigi, le premier est parti » un éclairage complet sur l’émigration italienne, explorant les racines communes aux nombreux descendants d’Italiens de la région. Un film, une exposition, qui évoquent la grande histoire à travers celle d’une modeste famille italienne emblématique … A déguster à tout âge.

Expo visible jusqu’au 12 mars au CPA, 14 rue Gallet à Valence

Film actuellement dans les cinémas de Romans et Valence.

Article publié dans le Jtt du jeudi 23 février.

mercredi 22 février 2023

Chronique littéraire : S'adapter, de Clara Dupont-Monod

Dans un style à la fois poétique, sensoriel et vivant, l’auteur nous raconte comment l’arrivée d’un enfant « pas comme les autres » bouleverse une famille. Notamment la fratrie, qui découvre que ce n’est pas l’enfant, mais la société, qui est inadaptée. Car la famille, elle, s’adapte. Bien obligée. Un enfant handicapé, c’est comme un bébé dont il faut pourvoir à tous les besoins, mais sans évolution, sans interaction, un bébé qui grandit et pèse de plus en plus lourd. Et ce poids n’est pas que physique.

Le frère aîné se sent envahi d’une responsabilité inconditionnelle vis-à-vis du petit frère, dont il s’occupe obsessionnellement. Au risque de perdre son envie de vivre sa propre vie. La sœur cadette, elle, se réfugie dans le rejet total. Rejet de l’enfant, mais aussi de son grand frère, tellement changé depuis l’arrivée du petit frère. Rejet de ses parents, submergés par la charge et les démarches administratives stériles. Seule sa grand-mère arrive à percer un peu sa carapace. Et puis il y a le quatrième enfant, celui qui vient après, et se demande comment c’était avant…

Clara Dupont-Monod se sert d’une expérience familiale pour nourrir son récit, sobre, sans pathos, mais juste et émouvant. Née à Paris en 1973, cette journaliste et écrivaine inscrit son roman dans la nature cévenole, dont la beauté et la rudesse s’accordent merveilleusement à ce sujet difficile. Une réussite totale.

« S’adapter » a obtenu le Prix Goncourt des lycéens et le Prix Femina en 2021. Il est disponible en Livre de poche. 

Chronique publiée dans le Jtt du jeudi 16 février.

jeudi 16 février 2023

Tous les chemins mènent à Nîmes

Tout près du Pont du Gard, la ville de Nîmes, pour laquelle ce fameux aqueduc a été construit, mérite une visite particulière. Avec environ 150 000 habitants, cette cité dynamique profite de sa situation de carrefour entre la mer et les Cévennes, la vallée du Rhône et le Languedoc. Le centre-ville a fait peau neuve, c’est un plaisir de parcourir ses ruelles piétonnes qui mènent aux somptueux vestiges romains ou romans.

Les Arènes sont la fierté de Nîmes. Un amphithéâtre de forme ovale, 133 m sur 101 m, datant du Ier siècle, dont subsistent deux galeries d’arcades, pouvant contenir actuellement encore jusqu’à 13 800 spectateurs (20 000 au temps des Romains) lors des ferias, corridas, concerts et reconstitutions historiques qui s’y déroulent à la belle saison. Ne pas oublier le selfie devant les arènes, à côté de la statue en bronze d’un célèbre torero local !

En face, le musée de la Romanité, inauguré en 2018, présente dans une architecture contemporaine de verre ondulé les riches collections archéologiques de la ville. Toute l’histoire de Nîmes y est présentée, de façon classique et interactive, des premiers témoignages de vie aux Gaulois, puis aux Romains, jusqu’au Moyen-âge et à l’époque romane.

Les jardins de la Fontaine, étagés sur une colline, sont le poumon vert de Nîmes. Ces jardins à la Française ont été créés à partir de 1745 sur un site historique et naturel de 15 ha par Jacques-Philippe Mareschal, ingénieur du roi Louis XV. Il a mis en scène la source et les vestiges antiques, avec allées symétriques, alignements d’arbres, balustres et bassins. En grimpant à travers la partie méditerranéenne du jardin, on arrive à la Tour Magne. Edifiée par les Gaulois au IIIe siècle avant J.C., elle offre une vue panoramique sur la ville, ses jardins et ses monuments, dont la fameuse Maison Carrée.

Ville à la fois gauloise et romaine, cévenole et camarguaise, fief protestant depuis le XVIe siècle, centre de production de tissus à partir du XVIIIe siècle, avec la fameuse toile denim, Nîmes est riche d’une forte identité par son histoire et sa culture. C’est une belle destination de week-end au soleil.

 Article publié dans le Jtt du jeudi 16 février.

jeudi 9 février 2023

Le Fram, légendaire bateau des explorations polaires

A Oslo en Norvège, un musée a été construit autour d’une goélette exceptionnelle, le Fram. Ce bateau légendaire, dont le nom signifie « En avant » a été conçu pour résister à la banquise, lors des explorations polaires à l’aube du XXe siècle. Avec une coque de 39 m sur 11 m, dont l’épaisseur atteint 80 cm, un avant renforcé de fer qui pouvait glisser sur la glace, pour diminuer la pression, et bien d’autres innovations techniques, c’était le bateau le plus solide du monde.

Ce trois-mâts a été construit pour atteindre le pôle Nord, lors de l’expédition organisée par Fridtjof Nansen (1861-1930).  Le Fram se laissa prendre dans la glace et dériver vers le pôle (sans l’atteindre totalement) expérimentant ainsi la présence de courants sous-marins sous la banquise. L’expédition¸ soigneusement préparée, avec tout le nécessaire à la survie de l’équipage (16 membres) et des scientifiques, médecin, artisans, cuisinier, mushers, chiens de traîneaux… se prolongea de 1893 à 1896. Dans le musée du Fram, cartes géographiques, documents et photos illustrent les différentes expéditions de l’extrême qu’il rendit possibles. Les visiteurs peuvent monter à bord du navire pour observer son aménagement intérieur, les cabines, cuisine, salle à manger, la chaufferie, les ateliers de réparation, les cales de stockage… C’est impressionnant d’efficacité.

Otto Sverdrup (1854-1930), autre héros norvégien, participa à la fameuse expédition du Fram de 1893-1896. Il avait déjà été le premier homme avec Nansen à traverser en 1888 le Groenland à ski. Il. Plus tard il dirigea, sur le Fram, l’expédition qui permit en 1898-1902 de découvrir et cartographier de nouvelles îles arctiques, dans la partie nord du Canada.

La troisième grande expédition du Fram fut la découverte du pôle Sud par Roald Amundsen en 1911. Le pôle Nord ayant été atteint, seule cette partie de la Terre restait inexplorée. Et pour cause !  Non seulement le continent antarctique est difficilement accessible, car zone de tempêtes, mais il est constitué de montagnes de glace de plus de 1500 m de haut. Amundsen (1872-1928) prépara son expédition secrètement, car un autre explorateur, l’Anglais Scott, voulait aussi être le premier à atteindre le pôle Sud. Les deux expéditions se déroulèrent presque en même temps. C’est le Fram qui fit la différence, sa coque lui permit d’aller s’amarrer très bas au sud, dans la baie des Baleines. Amundsen partit ensuite en traîneau avec ses chiens et, au prix de deux mois d’efforts inouïs, arriva le premier au pôle Sud, où il planta le drapeau norvégien.

L’exploit de 1911 marqua la fin des explorations polaires, la Terre avait été entièrement explorée. On pouvait commencer à rêver à la Lune !

Article publié dans le JTT du jeudi 9 février 2023.


jeudi 2 février 2023

Grand succès au théâtre pour "Lorsque Françoise paraît"

Françoise, c’est l’immense Dolto (1908-1988), la psychanalyste qui a révolutionné la perception de l’enfance. Lorsque Françoise naît dans une famille bourgeoise traditionnaliste, les bébés ne sont que des tubes digestifs. La petite Françoise est une enfant rebelle, facétieuse, observatrice, ultrasensible aux propos de son entourage et qui pose sans cesse des questions. A 4 ans, angoissée par les décès de proches et par l’incompréhension de sa mère, elle s’invente un BAG (bon ange gardien) qui la soutiendra toute sa vie. A 8 ans, elle décide que plus tard, elle travaillera pour être indépendante … et sera « médecin d’éducation ». Sa mère scandalisée la trouve monstrueuse !

L’autre ami de Françoise, c’est son poste de radio, la musique venue des USA lui permet de supporter une enfance brimée par l’incompréhension devant son imagination débordante. Cette liberté d’esprit lui donnera pourtant la force de briser les tabous, de devenir ce qu’elle voulait, médecin, pédiatre,  psychanalyste. Et d’imposer au monde son écoute bienveillante des enfants, qu’elle considère comme des personnes. En 1976, ses émissions de radio « Lorsque l’enfant paraît » lui offrent renommée et reconnaissance par tous les parents en quête de conseils d’éducation.

C’est une prouesse que de mettre en scène la vie et l’œuvre de Françoise Dolto, le tout avec humour et légèreté. Pari réussi avec le spectacle proposé mardi 31 au Théâtre Jacques Bodoin. Sophie Forte a incarné une Françoise de tous les âges avec exubérance et sagacité. Stéphane Giletta et Christine Gagnepain ont composé autour d’elle avec maestria une farandole de personnages, père mère, nurse, curé, psy, malades… jusqu’aux plus proches, son mari Boris, ses enfants… et son poste de radio ! Un spectacle jubilatoire qui a conquis le public et certainement réveillé son âme d’enfant.


Article publié dans le Jtt.