vendredi 26 septembre 2025

Deux remarquables expositions au Musée de Valence

Depuis ce printemps, le musée de Valence invite à découvrir deux prêts exceptionnels qui viennent renouveler et enrichir son parcours artistique.

Tout d’abord, une salle entièrement consacrée à l’album Jazz de Henri Matisse : 20 feuillets, une explosion de couleurs et de formes, réalisés entre 1943 et 1947. Qui correspond à un changement radical dans le travail de l’artiste : la technique des papiers découpés. Matisse (1869-1954) est alors un vieux monsieur, hospitalisé, alité, il ne peut plus peindre ou pratiquer des techniques qui demandent des diluants. Il décide alors de découper des formes dans des papiers colorés et les coller. Il taille donc directement dans la couleur, sans dessin préalable. Le livre d’artiste associé a pour thème principal le monde du cirque. Un exemplaire de Jazz a été offert au musée de Valence par l’artiste, il est habituellement conservé dans les réserves de la Médiathèque. Courez l’admirer jusqu’au 5 octobre !

Le deuxième ensemble à visiter est la collection prêtée par le Musée d’Orsay : 22 œuvres, de Chardin à Giacometti, en passant par Picasso, Klee, Léger... Dans cet ensemble de chefs-d’œuvre dispersés à travers le musée, mention spéciale pour la salle consacrée à Giacometti (1901-1966). C’est après la guerre que s'affirme le style de Giacometti, caractérisé par des sculptures filiformes, à l'anatomie peu claire, mais avec des proportions exactes et dont seulement les têtes et les visages ont un regard saisissant. A apprécier jusqu’au 30 novembre.

Rénové superbement depuis 12 ans, le musée de Valence multiplie les animations, avec des visites et ateliers pour adultes, pour enfants, par thème. Entrée gratuite pour les journées du patrimoine, les 20 et 21 septembre, ainsi que tous les premiers dimanches du mois. L’occasion de monter ensuite jusqu’au belvédère, au 5ème étage, d’où la vue sur le Vercors d’un côté et l’Ardèche de l’autre, est elle aussi exceptionnelle.

Article publié dans le JTT du jeudi 25 septembre 2025.

mercredi 24 septembre 2025

Chronique littéraire : Le grand secours de Thomas B. Reverdy

Une fresque sociale, qui démarre dans un lycée de banlieue pour se développer dans la rue, avec les inévitables débordements de violence d’une cité ghettoïsée, Bondy.

 L’intrigue suit le déroulement d’une journée dans un lycée qui, malgré les apparences, fonctionne correctement. L’équipe pédagogique tente de transmettre des connaissances à des ados plus ou moins motivés. Ainsi Candice, une prof de théâtre atypique a fait venir un écrivain, Paul, pour animer un atelier d'écriture en classe de seconde. Mohammed, bon élève, y participe volontiers. S’il écrit, c’est pour éveiller l’attention de Sara qui l'ignore. Mahdi, tête brûlée, préfère rater les cours et se fait tabasser dans une bagarre de rue. C’est un flic raciste qui a provoqué la bagarre. Alors tout s’embrase, une émeute se forme et se développe dans tout le quartier, sans épargner le lycée. 

Un récit réaliste, pertinent, pessimiste mais pas dépourvu d'espoir. Les différents protagonistes voient leurs certitudes éclater. Thomas B. Reverdy connaît bien son sujet, il est lui-même prof en banlieue et la description des lieux, des scènes, sent le vécu. Né en 1974, ce romancier français est souvent venu présenter ses livres à la librairie tournonnaise Au détour des mots.

Son roman est disponible en poche chez J'ai Lu.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 25 septembre 2025.

jeudi 18 septembre 2025

Baker's street, la nouvelle boulangerie ... so french


!Changement de style et de propriétaires pour l’ancienne pâtisserie Saint-Sorny du quai Farconnet à Tournon. C’est maintenant Cléo et Emmanuel Janin qui en prennent les commandes. Un duo pas ordinaire puisqu’ils sont père et fille. Une vocation héréditaire ? Pas du tout ! C’est Cléo qui a entraîné son père dans l’aventure.

Cléo est une fille déterminée. Après un bac général avec mention, au lycée Gabriel Faure, elle a opté pour le métier de ses rêves : la pâtisserie. Elle a donc suivi au CFA de Davézieux les formations en pâtisserie, boulangerie, chocolaterie, en alternance avec des stages chez divers maîtres d’apprentissage de Tain-Tournon. Et le hasard a joué. Alors qu’elle travaillait chez Gilles Saint-Sorny, un apprenti a démissionné, impossible de le remplacer. Gilles a alors demandé à Cléo : Ton père pourrait venir nous aider ? Emmanuel, curieux de connaître la passion de sa fille, a accepté d’essayer : à la quarantaine, il était en reconversion professionnelle. Ce stage improvisé l’a séduit, et il a décidé à son tour de se former à la boulangerie au CFA de Chabeuil.  Tous deux ont suivi des formations distinctes, et bientôt un projet commun a germé : ouvrir leur propre boulangerie-pâtisserie. C’est chose faite, puisqu’ils ont racheté et rénové la boutique Saint-Sorny du quai.

Baker’s street, ça vous fait penser à qui ? A Sherlock Holmes, bien sûr, dont c’est l’adresse à Londres. Cléo, amateur de polars et anglophile (son dernier stage s’est effectué à Dublin), a donc choisi ce clin d’œil pour son enseigne de boulangerie-pâtisserie-salon de thé-glaces. Avec la mention « artisans de fille en père ». Tout sera home made, et devant le public, puisque le labo est ouvert sur le magasin.

Vous pourrez donc voir Cléo et son père, au four et au pétrin, tous les jours sauf mercredi de 7h à 19h. Et pour vous servir en boutique et aux glaces, les souriantes Ambre et Cindy vous attendent.

Baker’s street à Tournon, c’est the place to be.



Article publié dans le JTT du jeudi 18 septembre 2025.

vendredi 12 septembre 2025

Fany Morand, un regard malicieux et décalé sur la nature

Fany vit dans la campagne drômoise, et ses promenades au long de l’Herbasse, des étangs, des prairies et des forêts sont autant d’occasions de photographier la flore locale et les animaux qui la peuplent. Lucanes, grenouilles, troglodytes mignons, musaraignes, rien n’échappe à son œil aiguisé d’artiste. Pour elle qui est pratiquement née un crayon à la main, c’est une source infinie d’inspiration.

De retour à son atelier, elle invente à partir de ses clichés une composition sur son carnet. Et quand elle en est satisfaite, la reproduit à l’encre de Chine sur une feuille de dessin, avant de la scanner et mettre en couleurs grâce à sa palette numérique. Ah, la palette numérique ! Il faut entendre Fany chanter ses louanges ! C’est après la naissance de ses enfants qu’elle a découvert ce merveilleux outil qui lui a permis de continuer à peindre. Car s’adonner à la peinture en présence d’un tout petit signifie profiter de ses rares heures de sieste. Et donc installer sa table de travail, sortir les affaires de peinture, peindre, s’arrêter parfois en pleine inspiration, laver pinceaux-bocaux-palette, ranger et ne rien laisser à hauteur de petites mains agrippeuses, le tout en moins de deux heures… Pour elle le numérique a été un cadeau magique : elle pouvait travailler sur son ordi, et quand la sieste se terminait, tout ranger en un clic !

Fany conjugue ses talents artistiques, son humour décalé, avec un imaginaire fécond, nourri d’expériences éclectiques, des Beaux-Arts à la paléontologie, de l’Histoire à l’archéologie, de l’astronomie au cinéma. Etudiante, elle a même fouillé la région d’Aix-en-Provence à la recherche d’œufs de dinosaures pour le musée de Quinson ! Après des collaborations avec le musée du Havre pendant ses années en Normandie, elle s’est installée dans la Drôme pour diriger la ludothèque de Saint-Donat, donnant libre cours à sa créativité pour inventer jeux, scénarii et décors.

Désormais elle se consacre exclusivement à l’illustration, qu’elle soit traditionnelle, au crayon, à la plume, à la peinture acrylique ou aquarelle, ou qu’elle soit numérique, infographie, multimédia, création d’affiches, illustrations de jeux de rôles… Son style à la fois naturaliste et fantastique, un réel où s’intègre un surnaturel malicieux, surgi de ses influences, a convaincu les responsables culturels. Après des expositions cet été à Lalouvesc, Tournon, Saint-Antoine l’Abbaye, elle sera au Palais delphinal de Saint-Donat du 2 au 14 septembre. Et à Saint-Christophe-et-le-Laris pour le week-end du patrimoine les 20-21 septembre.

Un succès bien mérité pour ses « observations surnaturalistes » qui mêlent sciences naturelles et imaginaire, et questionnent notre rationalité. 

Pour tout savoir sur ses réalisations numériques, voir son site : fanymorand.fr

Article publié dans le JTT du jeudi 11 septembre 2025.

samedi 6 septembre 2025

L’expo de l’été au musée de la Chaussure de Romans : "L’invitation de Toros à Beyssac"

Cet été, le musée de la Chaussure de Romans-sur-Isère accueille dans sa chapelle les créations du sculpteur Toros Rast-Klan et du marqueteur d’art Pierre-Henri Beyssac. Une rencontre entre deux savoir-faire d’exception : la dinanderie et la marqueterie.

Quand Marie Toros découvre le travail de marqueterie de Pierre Henri Beyssac, elle perçoit des connexions avec l’oeuvre de son mari, le sculpteur Toros. Tous deux créent à partir d’une feuille, de métal pour l’un, de bois pour l’autre. Mais, là où Toros martèle ses feuilles de métal pour leur donner corps en volume, Pierre-Henri Beyssac découpe, assemble et compose à plat ses placages de bois. Là où Toros travaille ses surfaces pour obtenir des patines singulières, Pierre-Henri Beyssac chine et collecte des essences de bois colorés, veinés ou texturés.

C’est une anecdote plus ancienne encore qui a fortifié le lien : Quand Toros, Syrien d’origine arménienne, a émigré en France, il avait dans ses bagages une table en marqueterie, artisanat emblématique de son pays. Cette table, il a dû à grand regret s’en défaire pour se procurer du métal. Marie s’est remémoré cette histoire quand elle a rencontré Pierre-Henri au salon des métiers d’art de Romans. Meilleur ouvrier de France, installé dans le Vercors, il mêle dans ses œuvres les essences de bois des forêts locales à d’autres essences orientales, ébène, amboine, eucalyptus… pour en faire des tableaux abstraits. Une universalité dans la démarche, un affranchissement des préceptes, le choix de l’épure, le jeu de textures et de lumière, tout relie l’œuvre de Beyssac à celle de Toros.

L’exposition « L’invitation. De Toros à Pierre-Henri Beyssac » est visible au cœur de la chapelle du musée de la Chaussure jusqu’ au 21 septembre.

Article publié dans le JTT du jeudi 28 Août.


jeudi 4 septembre 2025

Festival des Humoristes de Tournon

Mardi 26 août, Philippe Pheigneux, de la compagnie Zinzoline de Saint-Péray a proposé un spectacle alliant mime et magie à la librairie tournonnaise Au Détour des mots. Le concept : raconter une histoire non pas avec les mots mais avec son corps. Une pantomime drôle, poétique et parfois époustouflante qui a conquis le public installé dans la salle BD de la librairie. Avec énergie et souplesse, passant d’un personnage à l’autre, accompagné seulement de livres, musique et tours de magie, Philippe a a entraîné enfants et adultes dans un tourbillon d’émotions, sans dire un mot. Quand le geste, compris instinctivement par tous, remplace la parole…

Salle comble et grand succès pour Antonia de Rendiger mardi soir. La comédienne ne s’en cache pas, elle n’est pas parisienne mais alsacienne. Et les personnages qui peuplent ses sketchs sont populaires, embringués dans des situations conflictuelles bien connues. Mère et fille, grand-mère et petite-fille, homme et femme, écolos et obèses, les rapports humains constituent la base de son spectacle « Scènes de corps et d’esprit ». Avec brio elle change de voix, d’attitude, improvise, caricature, créant une multitude de personnages comiques soutenus par un texte très écrit. Car Antonia préfère le sketch au stand-up. Mais à la fin du spectacle, ce sont tous les spectateurs qui ont tenu à lui faire une ovation en stand up !

Vendredi 29 août, grande soirée « découvertes » présentée avec facétie par Thierry Nadalini. Quatre artistes avaient chacun 30 minutes pour convaincre le public de leur talent. Leur diversité a enchanté les spectateurs qui, à l’issue de la représentation, devaient noter les candidats en vue d’octroyer le Prix du public.

Inde Daoui a ouvert le ban, en interprétant une petite fille unique rêvant de paillettes, voulant être une star et occuper le devant de l’affiche, comme son idole Céline Dion qu’elle imite à merveille.

Pierre-Alexandre, accompagné de ses instruments, guitare et piano, a évoqué en mots et en chansons ses galères amoureuses en temps de grève SNCF, sa vieille Panda qui le lâche, et les dangers du métier de moniteur d’auto-école. Des sujets traités avec dérision qui ont bien fait rire le public.

Hermann Meva crève la scène avec son physique à la Omar Sy et son ego surdimensionné. Un regard acéré sur la société qui l’exclut, sur la difficulté à trouver sa place quand on est métis noir-arabe dans les beaux quartiers de Lyon. Une critique efficace des préjugés, qui a touché avec efficacité et humour les spectateurs.

Camille Liénard, toute de noir vêtue, ne veut pas être une femme objet, une poupée, elle préfère la compagnie des garçons. Avec une énergie folle, elle sort en bande et noie ses problèmes existentiels dans les fêtes et l’alcool. Mais la nuit, elle confie ses pensées secrètes au public.  Eh oui, au fond d’elle-même, de quoi rêve-t-elle ? D’amour bien sûr, comme tout le monde !

Difficile de choisir entre tous ces jeunes talents !   Le verdict tombera samedi lors de la cérémonie de clôture du Festival.      

Article publié dans le JTT du jeudi 4 septembre.