jeudi 24 juin 2021

Une mousseline de papier qui fait rêver les femmes

La papeterie de Montségur-sur-Lauzon, en Drôme provençale, est un fleuron de l’artisanat français, ses papiers de soie emballent tous les produits de luxe, en parfumerie, bijouterie, couture, cosmétique, lingerie, maroquinerie et fleuristerie.  Des papiers d’une grande qualité, destinés à la protection et la décoration, qui se déclinent dans plus de 450 coloris, avec sigle personnalisé pour les grandes marques. Et qui ont valu à l’entreprise de Montségur, labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant, d’être invitée au salon du « Fabriqué en France » à l’Elysée en janvier 2020.

Au bord du Lez, fournisseur de la force motrice, il y a toujours eu des moulins, car jusqu’au XIXe siècle, chaque famille cultivait du blé pour ses besoins en farine. C’est en 1840, alors que la sériciculture était en plein essor au sud de la France, que l’un d’entre eux se reconvertit en moulin à papier. La pâte à papier était alors fabriquée à partir des fibres de mûriers, elle pouvait même servir de nourriture aux vers à soie quand les mûriers étaient malades, car elle contenait tous les nutriments nécessaires à leur développement. C’est l’origine du terme « papier de soie », cette mousseline de papier résistante, soyeuse et légère comme de la soie.

A l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris en 1889, centenaire de la Révolution, les canuts lyonnais exposèrent à Paris leurs soieries, mais aussi tout le processus de leur fabrication, depuis l’élevage de la chenille du Bombyx jusqu’au tissage final. Le papier de soie enveloppait les vers à soie, et les chutes de ce papier, perforé pour eux, s’entassaient au fil des semaines. Elles trouvèrent par hasard un nouvel usage en … confettis ! Les confettis utilisés alors étaient des boulettes de plâtre, pauvre imitation des confetti italiens qui sont de succulentes dragées. Le succès des nouveaux confettis de papier lancés dans les bals populaires fut immédiat. La sériciculture en Provence connaissait alors une décroissance due aux maladies du ver à soie et à la concurrence étrangère. Le moulin à papier de Montségur se tourna donc vers la production de confettis, pour lesquels la demande des théâtres, opéras, fêtes, bals … était croissante.

Au XXe siècle, les préoccupations hygiéniques se développant, un nouveau marché émergea : celui du papier toilette. A Montségur le moulin ajouta ce produit de plus en plus indispensable à sa production. Le papier de soie, fin et résistant, était conditionné en rouleaux ou feuillets d’une couleur marronnasse. C’est à la fin des années 1960 qu’un célèbre fleuriste parisien contacta l’entreprise : la consistance, le toucher, le bruit du papier produit à Montségur correspondaient exactement à ce qu’il recherchait pour emballer ses bouquets, mais il lui fallait de la couleur pour les mettre en valeur ! Une nouvelle ère commença pour la papeterie, qui se tourna alors vers le papier de soie de haute qualité, teinté dans la masse.

Le processus de fabrication reste inchangé depuis le XIXe siècle. La pâte à papier utilisée provient maintenant de fibres de cellulose, issue de bois d’éclaircies. Dans une première cuve, on la mélange avec de l’eau, on y ajoute un colorant. Puis cette matière première est acheminée vers l’énorme machine qui fait la fierté de la papeterie : une Allimand de 1910, toujours en parfait état. Tamisage, pressage, séchage, après ces étapes, le mélange passe de 99% d’humidité à seulement 4%. Au bout de trois heures, le papier se présente sous forme de gros rouleaux qui peuvent être imprimés, plissés, métallisés, nacrés ou parfumés, suivant leur destinataire, avant d’être découpés au format voulu et envoyés.

Sous l’impulsion du maître-papetier Rémi Danglade, repreneur de l’entreprise en 2007, le moulin de Montségur a acquis ses titres de noblesse. A la fois producteur, imprimeur, et transformateur de papier de soie, non abrasif, indégorgeable, recyclable et biodégradable, il compte actuellement une quarantaine d’employés. Le credo de son dirigeant : qualité, réactivité, flexibilité et respect de l’environnement, lui ont permis de devenir une référence mondiale en matière de papier de soie. Un luxueux papier qui a même « emballé » Madame Macron lors de sa présentation à l’Elysée !

https://www.papeteries-montsegur.com   
04 75 98 11 23

 Article publié dans le JTT du jeudi 24 juin 2021.

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