mardi 5 janvier 2021

Déguster la Chartreuse

La Chartreuse est un massif des Préalpes, situé entre Vercors et Jura, entre Grenoble, Chambéry et Voiron. Malgré la proximité géologique et géographique avec ses deux voisins, la Chartreuse présente une configuration différente. Pas de grands plateaux, mais un relief tourmenté, entaillé par des vallées abruptes. Terre d’élevage, de vastes forêts, de travail du bois et du fer extrait autrefois dans les mines, elle est en partie devenue un parc régional naturel offrant d’innombrables randonnées, qu’on vise les sommets comme Chamechaude (2082 m), Charmant Som (1867 m) ou la Dent de Crolles (2062m). Qu’on préfère le sentier des cascades du cirque Saint-Même ou l’immense forêt domaniale. A pied, VTT, en raquettes, à ski de fond, les petits villages du massif proposent toutes sortes d’accompagnements sportifs ou ludiques. Sans oublier escalade, parapente et balnéothérapie.

La Chartreuse est terre de frontière : à cheval sur Isère et Savoie, auparavant zone frontière entre France et Italie. De quoi favoriser l’installation de populations recherchant la tranquillité, comme les moines.  En 1080, Bruno et six compagnons demandent à Hugues, évêque de Grenoble, l’autorisation de s’installer dans un endroit désert de la montagne. Ce sera à Saint-Pierre-de-Chartreuse.  Le premier ermitage érigé en bois à Casalibus, en 1084, deviendra le berceau d'un grand ordre contemplatif, les Chartreux. Emporté par une avalanche en 1132, il fut reconstruit en pierre en 1133 un peu plus bas. On ne visite pas le monastère, voué au silence et à la prière, mais un musée est installé à la Correrie, deux kilomètres avant. Ce bâtiment, réservé autrefois aux frères convers, des laïcs qui assuraient les tâches quotidiennes ainsi que la mise en valeur du domaine, recevait aussi le courrier, d’où son nom. Le musée retrace l'histoire et la vie simple et sobre des Chartreux. Mais à la boutique, on peut se lâcher … et acheter la fameuse liqueur de Chartreuse, sous toutes les formes : flacons, mignonnettes, bonbons, chocolats (la distillerie a été transférée à Voiron).

Un autre musée exceptionnel a vu le jour à Saint-Hugues-de-Chartreuse : le musée départemental d’art sacré. En 1949, Arcabas, alors jeune professeur aux Beaux-arts de Grenoble, cherchait une église à redécorer entièrement. Le prêtre et le maire de Saint-Hugues ont accepté son projet et mis l’église poussiéreuse du village à sa disposition. Dès 1952, Arcabas et ses étudiants ont commencé à nettoyer, enduire les murs, avant que l’artiste puisse exprimer toute sa créativité, dans une dominante de couleurs rouge, or et noir. Les murs étant humides, il a peint les scènes de la vie quotidienne et de la vie religieuse sur de grandes toiles de jute suspendues dans toute l’église. Jusqu’en 1972, il a conçu non seulement le décor mural, mais aussi les vitraux, sculptures, candélabres, tabernacle et autel. Après être passé du figuratif (les toiles) à l’abstrait (les tableaux du Couronnement placés au-dessus), il est revenu terminer son œuvre en alliant les deux tendances dans les petits tableaux de la Prédelle (en dessous). En tout 111 tableaux légués par Arcabas au département de l’Isère en 1984. Un ensemble contemporain extraordinaire, une éblouissante polyphonie de couleurs.

Nature, culture, sport et détente, les grands espaces de la Chartreuse sont une belle destination de proximité pour se régénérer. A votre santé !


Article publié dans le JTT du jeudi 31 décembre 2020.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire