jeudi 9 janvier 2020

Chronique littéraire : Là où les chiens aboient par la queue, de Estelle-Sarah Bulle


A travers trois personnages atypiques, Lucinde la couturière arriviste, Antoine la petite trafiquante, et Petit-Frère, l'employé sérieux, l'auteur raconte la vie de sa famille et l'histoire de la Guadeloupe depuis 1940. Une histoire de misère et de racisme, de rire et de débrouillardise, dans un style fluide, aux saveurs épicées, aux expressions imagées.

La Guadeloupe, dans les années quarante, est une île pauvre, tenue par les békés, propriétaires des bananeraies et des exploitations de canne à sucre, soumise à des politiciens véreux. Les autochtones survivent à coups de petites combines, cultivant l'insouciance contre la précarité, malgré un racisme omniprésent dans une société métissée à tous les degrés.

Le bouleversement des valeurs traditionnelles commence avec l'arrivée massive des bateaux. Touristes en goguette, produits de la société de consommation, les classes populaires découvrent qu'ailleurs, on vit mieux, autrement. Ainsi chacun commence à rêver de partir en France, où tout paraît si facile.

Après les émeutes de 1967 et leur violente répression, le père de l'auteur tente sa chance. C'est ainsi qu'Estelle-Sarah naît dans une banlieue parisienne. Où on cultive la nostalgie du pays, tout en essayant de s'intégrer. D'autres difficultés adviennent, l'exil et le racisme, mais la double culture est propice à l'expression poétique.

Estelle-Sarah Bulle est née à Créteil en 1974. Elle travaille dans des institutions culturelles. Ce premier roman passionnant a obtenu le prix Stanislas. Il est disponible en poche chez Liana Levi.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 9 janvier 2020.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire