lundi 5 mars 2018

Les "Russiens" de Montbéliard


En 1776, au palais de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, un mariage grandiose est célébré : Sophie-Dorothée de Wurtemberg (1759-1828) épouse le tsarévitch Paul Petrovitch (1754-1801), fils de l’impératrice Catherine de Russie. Devenue Maria Feodorovna par son mariage, la grande-duchesse recréa autour d’elle, dans son palais de Pavlosk, une cour semblable à celle qu’elle avait connue dans son enfance, entre les châteaux d’Etupes et de Montbéliard. En 1796, Paul I succéda à Catherine II, Maria Feodorovna devint tsarine. Femme intelligente, talentueuse et énergique, elle donna naissance à dix enfants, développa une vie artistique brillante et initia de nombreuses œuvres de bienfaisance.
En France, après son départ, les Montbéliardais entreprenants saisirent leur chance. A la Cour de Russie on parlait français. Ils furent nombreux à s’y présenter, tous corps de métiers confondus, créant un lien particulier et durable entre les deux pays. La Révolution de 1789 accéléra le mouvement, plus d’une centaine de Montbéliardais émigrèrent en Russie. Certains s’y établirent, d’autres revinrent en France, riches d’une ouverture exceptionnelle sur le monde. Ils furent surtout précepteurs dans les grandes familles russes. En effet, la religion luthérienne qui prévalait à Montbéliard avait entraîné la création de nombreux établissements scolaires. Les Montbéliardais étaient donc éduqués et protestants, qualités que la tsarine appréciait. 
Ces émigrés montbéliardais à la Cour de Russie furent appelés les "Russiens". Voici quelques-uns des plus célèbres :

Henri Mouhot l'explorateur qui a redécouvert le site d'Angkor (1826-1861).
Georges-Frédéric Parrot (1767-1852) physicien et médecin, nommé par le tsar Paul Ier premier recteur de l’université de Dorpat, puis conseiller d'Etat et directeur du laboratoire de physique de la faculté des Sciences de Saint-Pétersbourg sous Alexandre Ier . 
Fanny Durbach (1822-1901)céda à l’attrait de l’aventure et quitta Montbéliard à l’âge de 22 ans pour Saint-Pétersbourg. Accueillie par une famille de la grande bourgeoisie, les Tchaïkovski, elle fut pendant 13 ans la préceptrice, puis la mère de substitution du jeune Piotr, futur musicien et compositeur célèbre dans le monde entier.
Charles Contejean (1824-1907) naturaliste, après ses études à Montbéliard, partit comme précepteur à Saint-Pétersbourg, où il prépara un diplôme universitaire. De retour en France, il multiplia les postes, donnant libre cours à sa passion pour les sciences naturelles. Fondateur de la SEM de Montbéliard, premier conservateur du musée.

Jules Beucler (1861-1952), de Bondeval, exerça le métier de professeur de français à l’Ecole des Cadets de Saint-Pétersbourg. Il épousa la fille du général Souvorkov, et c’est ainsi qu’en 1898 naquit André Beucler,(1898-1985) écrivain et journaliste à la vie aussi romanesque que ses œuvres.

Adolphe Kégresse (1879-1943) ingénieur et inventeur français partit à Saint-Pétersbourg comme responsable du garage impérial de Nicolas II. Il mit au point des autochenilles originales adaptées à la neige, qui serviront pendant les deux guerres mondiales. Rentré en France après la Révolution russe de 1917, il créa chez Citroën en 1919 le département tout-terrain et développa de nombreux brevets.

Article publié dans L'Esprit Comtois n°12.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire