jeudi 28 septembre 2017

Le retable de Montbéliard ressuscité

Le retable de Montbéliard Mömpelgarder Altar est une œuvre d’art magnifique datant de la Renaissance qui a disparu mystérieusement au 17ème siècle. Montbéliard était alors possession du duché de Wurtemberg, donc de l’empire allemand (jusqu’en 1793, où il fut annexé par la République française). Entreposé à Stuttgart, par un héritier du duc Georges de Wurtemberg, le retable fut volé par les Autrichiens pendant la guerre de Trente Ans. Butin de guerre, une pratique courante entre factions ennemies : Les Autrichiens étaient catholiques, Stuttgart et le Wurtemberg étaient protestants.  Le retable de Montbéliard est resté depuis en Autriche, où il constitue un des joyaux du Musée historique de Vienne.

Une superbe copie de ce trésor vient d’être installée cette année au temple Saint-Martin de Montbéliard. Pourquoi une copie et pas l’original ? Parce que la valeur du retable, exécuté en 1540, est inestimable. Son simple déplacement coûterait une fortune en assurances, et on n’est même pas sûr qu’il soit encore transportable. De dimensions impressionnantes : 4m sur 1.85m fermé, il comporte 6 volets ornés recto-verso, soit 12 panneaux de 12 tableaux chacun. Au centre, une grande crucifixion de 1m sur 1m, entourée de douze panneaux. En tout 157 scènes racontent la vie de Jésus, d’après le Nouveau Testament.

Ce fabuleux livre d’images pieuses a été commandité par le duc Georges I de Wurtemberg, suzerain de Montbéliard. Fraîchement converti à la Réforme, il a voulu se perfectionner dans sa nouvelle religion en l’étudiant à travers un catéchisme illustré. Pas question de l’étudier en latin, alors chaque scène du retable est surmontée d’un extrait du texte biblique rédigé en allemand. Le tout peint à la main. Cette grandiose réalisation est la première bande dessinée de l’histoire. Grâce à Heinrich Füllmaurer, un expert en peinture de Herrenberg (Wurtemberg). Ce peintre et ébéniste était un décorateur chevronné qui maîtrisait parfaitement la perspective à l’italienne, les architectures classiques, les portraits, les couleurs, les drapés, les arrière-plans bucoliques. Pour le choix des scènes, extraites des quatre évangiles, il a pris conseil d’un spécialiste de la Bible de Luther. Résultat : Chacun des 157 tableaux est une merveille de minutie, peinte à l’huile sur bois d’épicéa, et raconte une histoire en plusieurs plans. Le retable a coûté une fortune au duc Georges, à l’époque il était déjà considéré comme un chef d’œuvre.

Actuellement ce trésor est intransportable. Mais la Société d’Emulation Montbéliardaise, désireuse de le faire connaître au public, n’a pas reculé devant la difficulté. D’autant que le temple Saint-Martin, plus ancien édifice protestant de France, est l’œuvre de l’architecte Heinrich Schickhardt, lui-même né en 1558 à … Herrenberg ! Cette double légitimité a conforté l’envie de contourner l’obstacle. Après avoir récolté 40 000 € de fonds, la SEM a décidé de faire exécuter une copie par les meilleurs artisans régionaux.

Il a fallu d’abord demander au musée viennois le droit de reproduire chacune des 157 scènes bibliques. Photos, scans, traitement, puis impression sur panneaux PVC, montage sur cadres en bois, avec charnières et serrures. Une doreuse sur cuivre en Alsace a donné à l’ensemble l’éclat qu’il méritait. Le résultat final est d’une qualité visuelle remarquable, totalement semblable au retable du XVIème siècle, moins la prédelle (le soubassement) et le couronnement (sommital). Il constitue, outre sa vocation religieuse, une mine de documents historiques.

Depuis juin 2016, le fac-similé du retable est installé à demeure à l’intérieur du temple Saint-Martin de Montbéliard. Des visites sont maintenant organisées par l’office de tourisme, la société d’émulation et la paroisse protestante. On peut aussi aller admirer le retable individuellement, mais sans le toucher, car seuls les conférenciers ont l’autorisation de le manipuler. Qu’à cela ne tienne, la technologie est au service de l’art : une tablette numérique, installée à côté du retable, permet de visionner sur écran chacune des peintures, et d’en apprécier la finesse, la portée pédagogique. En cliquant sur la bulle rédigée en allemand, la traduction en français apparaît : que pourrait demander le bon peuple de Montbéliard en plus ?

Eh bien, d’admirer le retable chez soi. C’est possible grâce au site monretable.free.fr mis au point par le Pasteur Jean-Pierre Barbier. Apprécier les 157 tableaux n’est plus réservé à Monseigneur le Duc, mais accessible à tous les internautes.

Article publié dans L'Esprit Comtois numéro 10 (automne 2017).

1 commentaire:

  1. Merci pour ce bel article Nicole, je note... ma prochaine excursion Montbéliardaise sera pour cette merveille !
    Florence

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