lundi 15 mai 2017

Un travail de Romain : Les bateaux de Caligula


Caligula (12-41 après JC) est un empereur romain qui a laissé de très mauvais souvenirs dans l’histoire. Ce successeur de Tibère, intronisé en 37, despote fou, débauché et sanguinaire, finit assassiné. Est-ce pour se protéger qu’il avait décidé de vivre à Nemi (à une trentaine de km de Rome), non pas au bord du lac mais SUR le lac ?

Il s’était donc fait construire un gigantesque bateau de 75 m sur 24 m. Sur la coque plate fut édifiée une somptueuse villa flottante, avec colonnes de marbre, sol en mosaïque, tuiles en bronze, thermes, jardins et statues. Sur un autre navire de même dimension, il fit construire un temple dédié à Diane, déesse de la chasse, dont le sanctuaire monumental était un lieu de pèlerinage au bord du lac. La crainte de l’au-delà le tenaillait, sans doute. Les deux navires, coulés à la mort de Caligula, sont restés dans l’oubli pendant les siècles suivants.

Quelques pêcheurs plongeaient parfois, et rapportaient des objets antiques, qui accréditaient l’idée qu’un trésor était caché au fond du lac. Au XIXème siècle, les vestiges rapportés confirmèrent l’intérêt de fouiller les épaves, enfouis à une quinzaine de mètres de profondeur. C’est en 1924 que la campagne de fouilles commença vraiment sous l’impulsion de Mussolini. Autre époque, autre tyran mégalomane, qui voulait affirmer la puissance infinie de Rome. Grâce au canal émissaire antique retrouvé, le lac fut lentement vidé. En 1929 le premier bateau apparut à l’air libre. Le second suivit en 1930. Mussolini fit spécialement construire un vaste musée sur la rive, avec deux ailes symétriques, pour y conserver les navires et leur cargaison d’antiquités. Hisser les deux navires mis à jour jusqu’au bord du lac fut une prouesse technique.  Et le Musée des Navires Romains ouvrit ses portes en 1940.

Hélas, cette formidable trouvaille ne fut visible que quelques années par les archéologues, scientifiques et amateurs. Le musée fut entièrement détruit dans un gigantesque incendie le 1 juin 1944. Vengeance des nazis, bombardement par les Américains qui débarquaient à Anzio ou feu allumé accidentellement par les réfugiés qui passaient la nuit dans le musée ? Nul ne sait. Seules quelques pièces furent sauvées. Et le superbe musée, longtemps abandonné, n’a été ré-ouvert qu’en 1988, avec les maquettes des navires, les photos de leur sauvetage et quelques antiquités récupérées dans les villas romaines voisines.

Les navires romains de Nemi ne sont plus visibles, mais leur histoire subsiste dans notre mémoire, « Fluctuat nec mergitur »  comme le chantait Brassens ...

Article publié dans le JTT.

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