
La bibliothèque de Voltaire a été acquise par l’impératrice Catherine
II peu après la mort de l’écrivain, en 1778. Par l’intermédiaire de son agent
littéraire et politique, le Baron Grimm, l’Europe entière fut informée de la
vente. Les 6700 volumes, ainsi que les lettres et manuscrits du philosophe avec
qui la tsarine avait échangé une correspondance régulière durant des années
furent achetés au prix fort à sa nièce, Madame Denis. Mieux : Catherine avait
pour projet de faire construire un mausolée digne de ce fonds dans les jardins
de sa résidence de Tsarskoie Selo : une réplique exacte du château de
Ferney, où Voltaire avait vécu paisiblement ses dernières années. Elle dépêcha
à Ferney architectes et dessinateurs avec pour mission d’en dresser les plans.
Une grande maquette démontable du château fut construite. Pour Catherine, le
Ferney russe devait être un reproche vivant à l’absolutisme français qui avait
traité la dépouille de Voltaire avec mépris.

Livres et manuscrits furent d’abord acheminés avec grand
soin jusqu’à Genève, puis Francfort et Lübeck, sous la surveillance du fidèle secrétaire
de Voltaire, Wagnière. Lorsque la fonte des glaces permit la navigation sur la
Baltique, un bateau spécialement affrété les convoya jusqu’à Saint-Pétersbourg,
où ils arrivèrent en août 1779, et furent installés dans la bibliothèque du
Palais d’Hiver. Si le projet de construction de la copie du château de Ferney n’aboutit
pas, la bibliothèque de Voltaire, mise en place et cataloguée par Wagnière
devint partie intégrante de celle de l’Impératrice, qui fit ensuite
l’acquisition de celle de Diderot, puis d’autres collections particulières. L’esprit
des lumières enthousiasmait alors la Russie, mais pas la France !

La bibliothèque impériale devint une curiosité que les
diplomates et voyageurs étrangers visitaient avec délectation. Le fonds Voltaire
était un modèle de bibliothèque d’encyclopédiste du XVIIIe siècle : Droit,
philosophie, histoire, spiritualité, théâtre, romans et magazines, courriers
échangés avec toute l’Europe. Au milieu de la salle trônaient la statue en
bronze de l’écrivain et la maquette de son château. Si, sous le règne de
Nicolas Ier, la bibliothèque, symbole de libre-pensée, fut fermée au public, une
exception fut faite pour l’illustre écrivain dissident Pouchkine, à condition qu’il
ne consulte que les ouvrages historiques !
La
Bibliothèque Nationale de Russie, issue de la bibliothèque
impériale, a été inaugurée en 1814. C’est une des plus grandes bibliothèques du
monde. Pas moins de 15 millions de livres, 13 millions de magazines et revues, 617000 tomes
annuels de journaux et 450000 manuscrits. A l’occasion du tricentenaire de la
fondation de Saint-Pétersbourg, en 2003, la France de Jacques Chirac a offert
les travaux de réaménagement du fonds Voltaire, maintenant accessible à tout
public.
L'occasion de découvrir les notes écrites de la main du Maître sur les ouvrages de ses contemporains et rivaux, comme J.J. Rousseau !
Article publié dans le J.T.T.
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