jeudi 30 décembre 2021

Il y a 500 ans, le premier tour du monde, un exploit de Magellan

Tous les explorateurs avaient essayé avant lui. Christophe Colomb, en 1492, pensant arriver en Inde, a découvert l’Amérique. Mais pourquoi l’Inde était-elle une destination si importante aux yeux des Espagnols ? Parce que c’est de là que provenaient les épices, dont le commerce rapportait plus que l’or. Les épices récoltées dans les îles de Malaisie, transportées en Inde, étaient ensuite acheminées en caravane chamelière jusqu‘en Egypte, où elles étaient chargées sur des navires vénitiens pour être enfin vendues en Europe. Toutes ces étapes intermédiaires payantes, l’interminable et dangereux voyage, faisaient flamber leur prix, aussi le but de tous les gouvernants européens était de s’approvisionner directement dans les îles de l’océan Indien.

C’est ainsi qu’après avoir découvert l’Amérique, d’autres navigateurs ont forcé le destin et les peurs de l’époque en contournant l’Afrique par le sud, ce qui n’avait jamais été tenté, puis en navigant vers l’est à travers l’océan Indien jusqu’aux îles Moluques. Magellan, alors âgé d’une vingtaine d’années, a participé au voyage, il en a acquis une solide expérience de navigateur (les voyages duraient plusieurs mois, sur des bateaux peu fiables, qui essuyaient des tempêtes, ignoraient les récifs) et de meneur d’hommes (indispensable pour aborder des populations pas toujours accueillantes et gérer les mutineries, la faim sur le bateau). Il en ramena aussi un esclave malais, Enrique, qui le suivit ensuite dans toutes ses expéditions. 

En 1517, à l’âge de 37 ans, Magellan était convaincu de pouvoir atteindre les mêmes îles en navigant plein ouest, et en contournant l’Amérique par le sud. Il pressentait, sans aucune preuve, qu’il devait exister un passage entre l’océan Atlantique et l’océan Pacifique. Citoyen portugais, mais lassé des refus de son roi Manuel d’organiser une expédition, il rejoignit l’Espagne, comme Christophe Colomb avant lui. Le roi Charles-Quint dégagea les fonds nécessaires à cette expédition dont on pensait qu’elle durerait plus d’un an.

Magellan prépara soigneusement pendant un an son expédition, il partit de Séville en septembre 1519 avec une flotte de cinq navires. Il longea les côtes africaines, puis traversa en direction du Brésil, faisant une pause sur ses côtes accueillantes. Enfin, il commença à longer la côte sud de l’Amérique, en sondant chaque baie pour trouver le fameux passage. L’hiver austral l’arrêta quelques mois, de mars à octobre 1520, puis la descente le long de la Patagonie continua, dans une nature de plus en plus hostile. Les vents violents causèrent le naufrage d’un bateau, un autre se mutina et repartit vers l’Europe. Mais en novembre 2020, Magellan découvrit enfin le passage qui porte son nom : le détroit de Magellan, en Terre de Feu, à l’extrême sud de l’Amérique.

Il lui fallut encore un an d’errance à travers l’océan Pacifique avant d’arriver aux îles Moluques. Hélas Magellan ne termina pas son tour du monde. Il fut tué aux Philippines en avril 1521 par une tribu sauvage. Il avait eu le bonheur de voir sa théorie prouvée lorsqu’il a entendu Enrique parler sa langue natale avec les autochtones, c’est donc qu’il avait retrouvé sa terre d’origine. Finalement c’est lui, l’esclave Enrique, qui le premier a bouclé son tour du monde !


Le retour vers l’Espagne s’effectua sans Magellan, dont la dépouille ne fut même pas retrouvée, avec deux navires à bout de souffle mais chargés d’épices, le troisième navire ayant sombré. L’arrivée à Séville en septembre 1522 fut grandiose pour son lieutenant et principal dissident, qui reçut fortune et hommages de l’empereur Charles-Quint. Mais Magellan, l’organisateur de ce tour du monde, fut oublié, sans gloire ni reconnaissance, jusqu’au vingtième siècle. 

En 2004, l'Espagne a construit pour l'honorer une réplique historique de son navire Victoria qui a depuis fait le tour du monde.

Pour en savoir plus : lire la biographie de Magellan, par Stefan Zweig

Article publié dans le JTT du jeudi 30 décembre 2021.


mercredi 22 décembre 2021

La crèche vigneronne de Saint-Jean-de-Muzols

Ce n’est pas une crèche académique, mais elle est joyeuse et originale. Elle ne décore pas un coin du séjour, non, elle occupe toute la cave des propriétaires, Claude et Véronique. Sur un lit de mousse cueilli à Arlebosc, elle s’étale sur une dizaine de mètres. Les santons, de tailles et matières différentes, ont été glanés au fil de leurs voyages, et regroupés par thème : le travail des vignes, la Bretagne, le désert, et même les curés du coin… Pendant un mois, cette imposante crèche privée fait la joie des visiteurs, surtout des enfants.

Monter la crèche est une tradition familiale héritée des parents et grands-parents, dont les photos apparaissent dans le décor. Toute la cave rassemble d’ailleurs une multitude de souvenirs conviviaux, rappelant la vie de famille ainsi que les investissements professionnels et locaux, dont les affiches des salons du Livre et du Vin de Tournon, que présidait Claude. L’amitié a aussi sa place, en témoigne une petite crèche toute en Gromolls, de fabrication tournonnaise. Et bien sûr la collection de bouteilles et cuves est toujours en activité. Saint Joseph n’est pas que dans la crèche !

Claude et Véronique cultivent l’accueil et la bonne humeur, n’hésitant pas à régaler les visiteurs d’un verre de leur production. Il règne dans leur cave de vignerons une ambiance de simplicité, de joie et de partage, n'est-ce pas là le vrai sens de la crèche ?

Article publié dans le JTT du jeudi 23 décembre.

jeudi 16 décembre 2021

Chronique littéraire : Nézida, de Valérie Paturaud

C’est l’histoire d’une jeune fille drômoise au siècle dernier, née en 1856 à Comps. Elle habite un village perdu dans la montagne au-dessus de Dieulefit, et semble condamnée à la vie dure des paysannes de l’époque. Mais par son caractère volontaire et aventureux. Nézida défie la tradition protestante austère, étudie, et refuse de se marier avec les gars du pays. Finalement elle épouse un garçon de la ville, un Lyonnais, qui va lui faire découvrir un autre monde. A Lyon, tout est différent, Nézida s’adapte, s’épanouit et se dévoue aux autres. Mais le drame guette.

Valérie Paturaud a été émue par un portrait et un prénom étrange, Nézida, en feuilletant un vieil album de photos. Sans indications sur la vie de cette personne, elle a reconstruit son histoire d’après différents membres de sa famille. Nézida est donc un roman choral, construit par petites touches, qui croise les regards des proches, père, mère, frère, instituteur, amie… Pas tous bienveillants, car Nézida a suscité la désapprobation. Ensemble, ils brossent un portrait sensible de cette jeune fille rebelle au destin lumineux et tragique. Une forte personnalité, à la fois féminine et féministe, à l’avant-garde dans les années 1880.

Le nom de son mari, Soubeyran, est très connu dans la région, porté en particulier par Marguerite, fondatrice de l 'École de Beauvallon, qui accueillit dès 1929 des enfants « blessés de la vie ». Marguerite Soubeyran fut aussi reconnue comme « Juste parmi les nations » pour avoir abrité des enfants juifs pendant la deuxième guerre mondiale.

Valérie Paturaud, après avoir été institutrice dans les quartiers difficiles de la banlieue parisienne, vit depuis une dizaine d’années à Dieulefit.  Elle s’intéresse à l’histoire culturelle de la vallée, haut lieu du protestantisme et de la Résistance.

Son récit est disponible en format Piccolo chez Liana Levi.

samedi 11 décembre 2021

La plus humble des crèches

Elle se trouve à Saint-Montan dans le Vivarais, dans la grotte de l’ermite Montanus, qui a donné son nom au village. Un homme pieux et austère, désireux de prier et méditer en silence. Mais sa notoriété de saint homme était grande ! Il avait notamment prédit la naissance de Saint Rémi en 435, avant de quitter sa région natale de Laon. Après des années d’errance, il trouva dans les gorges de la Sainte-Baume, au sud de Viviers, une nature sauvage, un climat doux, de l’eau, et s’y installa. Plus tard, une rencontre fut organisée entre Saint Rémi et Saint Montan par l’évêque de Viviers. Mais ces personnalités ne pouvant grimper jusqu’à la grotte, la rencontre eut lieu au débouché des gorges. C’est là que fut par la suite édifiée la chapelle San Samonta.

C’est de cette chapelle romane, située à la sortie de Saint-Montan, en direction de Larnas, qu’il faut partir à la découverte de la grotte. Une belle grimpette au pied des falaises, dans les pierriers, sur un sentier balisé, permet en une trentaine de minutes d’accéder à la grotte, dissimulée dans une végétation de pins et chênes. De là, la vue est spectaculaire sur les gorges de la Sainte-Baume et la vallée du Rhône, au loin. La grotte est aménagée comme une maison troglodyte, sur deux niveaux, elle témoigne par sa conservation du passage d’autres ermites à d’autre époques. Un petit oratoire replonge le visiteur dans sa fonction première, la prière. Et sur un repli de la roche, quelqu’un a installé une toute petite crèche dont la modestie s'accorde parfaitement au lieu et au symbole.

La préservation du site est assurée par les Amis de Saint-Montan. C’est grâce à cette association de bénévoles que le village de Saint-Montan a connu une deuxième naissance. Depuis 44 ans, le château, ses remparts, le village, les églises et la grotte ont été restaurés. Saint-Montan est ainsi devenu un des plus beaux villages d’Ardèche. La solidarité, l’opiniâtreté, le dévouement, de belles leçons à méditer devant l’humble crèche cachée dans les falaises.

Article publié dans le supplément Noël de La Tribune.

lundi 6 décembre 2021

La Maison de la Céramique de Saint-Uze

La Drôme des Collines a connu une activité céramique dès le néolithique, grâce à la présence d’argile, d’eau et de bois, puis a profité largement des voies de communication pour se développer. Actuellement c’est un des plus importants pôles céramiques de France, grâce à des entreprises comme Ceralep, Novoceram, Panyol, Revol, Jars… A Saint-Uze, la céramique a marqué la vie économique et quotidienne dans tous les domaines. Ainsi les Saint-Uziens ont été les premiers Drômois à bénéficier de bains-douches municipaux. La Maison de la Céramique occupe ce lieu historique qui a fait la fierté des habitants, on venait s’y laver de loin et en train !

Actuellement, la Maison de la Céramique de Saint-Uze est un musée méconnu des locaux mais très prisé des voyagistes. Le parcours ludique et pédagogique qu’elle propose, entièrement réaménagé depuis le confinement, rend hommage cette richesse locale parfaitement exploitée. Il existe 4 grandes familles de céramiques : la terre cuite, la faïence, le grès et la porcelaine. La collection de pièces anciennes du musée raconte leur histoire, les différentes techniques de fabrication et de décoration. Elle est complétée par la présentation de productions des entreprises actuelles, en arts de la table, isolateurs haute-tension, carrelages, briques réfractaires et composants pour l’aéronautique en carbure de tungstène.

cLes fameux grès « Bleus de Saint-Uze » occupent une place privilégiée, les manufactures de Saint-Uze ayant inondé le marché culinaire français et international entre le 17e et le 20e siècles. Les cafetières, pots, plats, décorés au tampon ou au pochoir, se cachent encore dans certains greniers. Impossible de ne pas citer deux autres collections exceptionnelles du musée : les céramiques antiques et répliques réalisées par Jean MONTAGU, maître artisan potier à Saint-Vallier, Docteur en art et archéologie et celle, unique en France, de 500 pots de yaourt, yaourtières et produits dérivés de 1915 à 1960.

Labellisée site incontournable de la Drôme, la Maison de la Céramique propose, en plus de sa collection permanente, des expositions temporaires, des ateliers créatifs pour enfants et adultes, et une boutique de créations artisanales. Après une délocalisation au Vineum Jaboulet de Tain en septembre, le musée accueille dès le 27 novembre l’exposition « Crèches et boîtes vitrées », une belle façon de s’immerger dans l’esprit de Noël.


Maison de la Céramique SAINT-UZE Tél. 04 75 03 98 01. Ouvert du mercredi au dimanche, 14h-18h.

Article publié dans le JTT du jeudi 2 décembre.  

mercredi 1 décembre 2021

O mia Patria ... adesso in italiano

Après une première édition épuisée, O mia Patria a été réédité en français cet été.

Et maintenant, il est aussi disponible en version italienne !


C'est l'histoire de Giacinto, parti d'Italie à pied il y a un siècle, cheminant à travers les Alpes puis la Suisse jusqu'en France où il s'est installé en 1922.

Son itinéraire s'inscrit dans un contexte mouvementé, guerres de 1914-1918 et de 1939-1945, difficultés d'intégration, crise économique. Mais grâce à son énergie et son bon caractère, il a affronté les épreuves avec optimisme. Et gagné le coeur d'Henriette.

Un parcours auquel pourront s'identifier toutes les familles dont l'aïeul est venu d'Italie pour faire souche en France.

Et en prime, une préface de M. Sandro Gozi, député européen.

En vente aux Editions du Lion , place de la grande fontaine à Belfort.

samedi 27 novembre 2021

La Vache qui rit fête ses 100 ans !

Et à cette occasion, sa Maison-Musée, à Lons-le-Saunier (Jura), s’est refait une beauté. Architectes et scénographes ont concocté dans l’espace muséal qui lui est dédié un parcours à la hauteur de sa réputation. Car l’histoire de la Vache qui rit est une étonnante aventure, qui cumule l’histoire de la famille Bel et celle de l’émergence de la publicité.

Tout a commencé en 1865, lorsque Jules Bel s’installa dans un petit village du Jura pour créer sa société fromagère. Pendant 30 ans, il affina puis vendit des meules de gruyère et d’emmental. Puis, en 1898, ses fils Léon et Henri transférèrent la compagnie à Lons-le-Saunier, ville qui présentait deux avantages : la présence d’une ligne de chemin de fer et de salines, le sel étant nécessaire à la fabrication du fromage.

Léon, affecté pendant la guerre de 1914-1918 au ravitaillement des troupes, se rendit compte des difficultés de transport et de conservation des marchandises. L’emblème du train du ravitaillement était un bœuf hilare, surnommé la Wachkyrie, pour se moquer des Walkyries qui décoraient les trains allemands. Après la guerre, il apprit qu‘une famille suisse, les Graf, avait inventé une recette de fromage fondu pour écluser leurs nombreuses meules restantes. Léon Bel s’associa avec eux et lança en 1921 La Vache qui rit, une crème de gruyère d’abord vendue en boîtes métalliques. Une vache à quatre pattes, souvenir de guerre, décorait le couvercle. Le premier atelier de fabrication à Lons est devenu l’actuelle Maison de la Vache qui rit.

Le succès fut immédiat. En 1924, Léon changea le logo de la marque avec un dessin de l’artiste Benjamin Rabier, la fameuse tête de vache rouge aux boucles d’oreilles. En 1926, une usine moderne fut construite à Lons, qui produit encore le fameux fromage pour la France et une partie de l’Europe. Un service marketing, innovant pour l’époque, développa une stratégie commerciale fructueuse : véhicules customisés, matériel publicitaire, posters, plaques émaillées, présentoirs. Et pour les enfants, buvards, protège-cahiers, images. Ainsi que des spots publicitaires dans les cinémas, puis à la télévision dès les années 1950. La marque Vache qui rit s’est alors répandue à travers le monde entier, largement copiée et contrefaite. Mais le coup de génie, ce fut l’invention de la présentation en portions individuelles. Ainsi que celle du tircel, en 1980, cette petite languette qui permet une ouverture facile. Tous les produits suivants de la marque, Kiri, Babybel, apéricubes … en sont équipés. La Vache qui rit domine le marché et continue à épouser la tendance, elle est proposée maintenant en Pik et Croq et même en bio !

La Maison de la Vache qui rit, avec l’histoire de cette aventure industrielle hors normes, ses parcours ludiques et artistiques, mérite une visite ! Profitez de la route des vacances ou des nombreuses animations proposées tout au long de l’année.


www.lamaisondelavachequirit.com

Article publié dans le JTT du jeudi 25 novembre 2021.

jeudi 25 novembre 2021

Les Bodin's, de Thaïlande à Tournon

Salle comble, entièrement réservée d’avance, dimanche après-midi au ciné théâtre pour visionner le film « Les Bodin’s en Thaïlande » et profiter ensuite d’un échange avec les deux artistes, Vincent Dubois (alias Maria Bodin) et Jean-Christian Fraiscinet (son fils). L’ambiance était plus que chaleureuse, la température digne de la Thaïlande, et le film, une suite de gags, de blagues et de clichés sur le pays du Sourire, a bien fait rire le public. Il l’a fait rêver aussi, car en plus du comique, l’action et la tendresse étaient au rendez-vous, dans un décor idyllique.

Après la projection, les deux artistes ont eu droit à une standing ovation en montant sur scène, accueillis par Laurent Sausset. Dans un échange direct avec le public, ils ont rappelé leurs débuts en ces lieux. Vincent a en effet été primé lors du Festival des Humoristes en 1992. Il a rencontré Jean-Christian à Villard-de-Lans en 1993, et leur spectacle tourne ainsi depuis 30 ans ! D’artistes inconnus, ils ont gagné le statut de vedettes, après leur participation aux émissions TV de Patrick Sébastien et Michel Drucker. Et maintenant, ils sont programmés dans tous les Zéniths de France, avec une équipe de 52 techniciens, 8 comédiens et 10 semi-remorques de matériel !

Mais leur marque de fabrique reste la même : humour, improvisation et simplicité. Ils ont expliqué le tournage du film, bien impacté par le Covid : arrivés sur place en mars 2020, ils ont dû en repartir précipitamment au bout de dix jours, pour y revenir 6 mois plus tard. L’avantage alors, c’est qu’il n’y avait plus aucun touriste en Thaïlande, ils ont donc profité d’un contact idéal avec la population et les lieux paradisiaques. Cette confrontation à une autre culture leur a donné envie de renouveler l’expérience et de filmer dans d’autres pays. Alors, bon voyage et bonne chance aux Bodin’s !

Le film continue de passer à Tournon jusqu’en décembre. Pour égayer une journée morose, courez-y ! Et d’après eux « le bouche à orteil » c’est la meilleure pub !

Article publié dans le JTT du jeudi 25 novembre 2021.

jeudi 18 novembre 2021

En forme avec le Kaki

 C’est le fruit du plaqueminier, (anciennement appelé figue caque), un arbre originaire de Chine. Abondamment cultivé au Japon, dont il est le fruit national, avec plusieurs centaines de variétés, c’est un des plaisirs de l’automne dans la Drôme.

Plaisir visuel d’abord : Ces gros fruits orangés, accrochés dans des arbres qui ont perdu leurs feuilles, c’est Noël en Novembre ! En campagne comme en ville, les plaqueminiers illuminent les jardins de leurs lanternes rutilantes. Souvent anciens, imposants, isolés, ils créent une atmosphère magique dans la grisaille de l’automne.

Plaisir gustatif, bien sûr. Le kaki de la Drôme se consomme très mûr, cueilli après la première gelée. Il ressemble alors à une grosse tomate, d’une couleur orange foncé. Sa peau n’est pas bonne, mais sa chair, sucrée et fondante comme une confiture au goût d’abricot, est bourrée de nutriments (vitamine C, carotène, glucose, pectine …). Il faut la consommer à la petite cuillère, quand il est blet, c'est-à-dire mou au toucher. Attention, si vous n’attendez pas, son astringence, due à la présence de tanins, vous incommodera.

Il existe des recettes de confiture, de compotes. Il parait aussi que le kaki séché est une pure merveille, les Japonais en raffolent. Mais le plus simple, c’est de manger le kaki cru, il se conserve longtemps. Quel meilleur aliment pour la santé que ce fruit de saison, succulent, énergétique, produit localement?

Sur le marché, on trouve deux variétés de kakis : le traditionnel  hachiya et le kaki-pomme fuyu. Celui-là, on peut le consommer croquant, ou attendre qu’il mûrisse. Il n’a pas d’astringence, n’est pas fragile, se transporte facilement.
Le terme Persimmon ne qualifie pas une variété particulière, c’est tout simplement le mot utilisé  en Angleterre et en Espagne pour nommer le kaki.

"A la Sainte Catherine, tout bois prend racine". C’est le moment de planter un plaqueminier dans votre jardin, son feuillage est beau, ses fruits savoureux, et c’est un arbre rustique. Tant de vénérables plaqueminiers ont été coupés, sous prétexte que leurs fruits n’étaient plus appréciés… Avec la mode aux vergers anciens, le kaki fait son retour.

mardi 9 novembre 2021

Chronique littéraire : Loin, de Alexis Michalik

Alexandre Dumas a trouvé un héritier ! Dans ce roman picaresque, savant mélange de carnet de voyage, de recherche généalogique, de documentaire géopolitique, émaillé de péripéties rocambolesques, on s’amuse, on s’instruit, on se prend à l’intrigue. Tout est parfaitement ficelé, les coups de théâtre s’enchaînent autour des trois personnages aux caractères opposés, Antoine, jeune homme plutôt sage, sa sœur Anna, complètement déjantée, et Laurent, leur ami encombré de sa double culture.

Ballotés à travers l’Autriche, Berlin, la Turquie, l’Arménie, puis la Géorgie, le Soudan et l’Inde, ils cherchent à retrouver le père d’Antoine et Anna, parti sans donner de nouvelles il y a vingt ans. Il faut compter sur la chance et aussi sur leurs capacités à rebondir, pour trouver d’infimes indices à interpréter. Cette quête foisonnante des origines permet d’approcher simplement mais sans superficialité la société des différents pays traversés. Elle montre aussi la grande culture de l’auteur et son sens de l’humour.

Alexis Michalik est né en 1982 à Paris. Acteur et scénariste à succès, il a obtenu de nombreux prix au théâtre (Edmond) et joué dans des films et séries télévisées (Kaboul kitchen). Ce touche-à-tout insatiable a réussi un premier roman étourdissant avec ce carnet de voyages et d’aventures sans limites.

« Loin » est maintenant disponible en Livre de poche.

Chronique publiée dans le JTT en novembre 2021.

vendredi 5 novembre 2021

Charles Gauthier, de la campagne haut-saônoise aux Salons parisiens

Charles Gauthier (1831-1891) est un sculpteur de renom, ami de Bartholdi, dont l’œuvre prolifique est dispersée partout en France. Pourtant la Franche-Comté, sa terre natale, l’a oublié et ne possède que peu d’exemples de son travail. Une injustice pour cet enfant de Chauvirey-le Châtel, en Haute-Saône, où il naquit le 7 décembre 1831, dans une famille de modestes cultivateurs. Une toile peinte par Eugène Glück en 1875 le représente à la mairie du village, un honneur bien mérité. Car, pour passer de la campagne de Chauvirey aux salons artistiques de Paris, il a fallu beaucoup de travail et surtout une bonne étoile au jeune paysan. Laissons la parole à son ami Bartholdi, qui s’exprima lors de son éloge funèbre :

« Le hasard décida de la carrière de Gauthier : c’était un enfant laborieux et docile, mais il rêvait de tout autre chose que la vie rurale. Un jour arriva à Chauvirey un restaurateur de tableaux et de sculptures, M. Bulet, qui venait faire des travaux à l’église ; il se mit en quête d’un gamin de bonne volonté disposé à lui rendre service ; le jeune Gauthier saisit avec empressement cette occasion de s’affranchir, au moins provisoirement, de sa vie journalière. Il avait alors 13 ans ; ce fut le point de départ de sa carrière.

Le patron fut si satisfait de son auxiliaire et constata chez lui des aptitudes si marquées qu’il le prit comme apprenti et l’emmena partout où l’appelèrent ses travaux. Bientôt convaincu que son apprenti méritait de faire des études plus étendues, il insista auprès de sa famille pour en obtenir l’agrément. Parents et amis entrèrent en campagne et obtinrent du Conseil Général une subvention qui, si minime qu’elle fût (500 francs), permit au jeune Gauthier de passer quelques années à l’Ecole de dessin de Besançon, puis à l’Ecole des Beaux-Arts de Dijon. Ce furent des années de labeur tenace et de privations qu’il traversa vaillamment.

Ses succès à l’Ecole de Dijon lui en présageaient de plus importants à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Il y entra en 1854 et, jusqu’en 1862, il y épuisa, à l’atelier de François Jouffroy, la série des mentions et des médailles. A deux reprises il put se croire Prix de Rome, mais des concurrents plus heureux lui furent préférés, et il dut se contenter du second Grand Prix en 1861. Il semble que cet échec apparent fut presque un stimulant nouveau pour Gauthier, et grâce à l’énergie de son caractère, il prit rang rapidement parmi les jeunes statuaires qui se révélèrent au public à cette époque. Depuis 1865 et jusqu’en 1890, il exposa à chaque Salon des œuvres qui le signalèrent. Il obtint coup sur coup des médailles et, en 1872, il fut décoré de la Légion d’honneur.


L’énumération de ses œuvres est longue et la froideur d’une nomenclature ne saurait rendre tout le mérite, le travail, l’ardeur, que représente l’ensemble d’une production de ce genre. Gauthier avait une grande facilité de travail, son talent reposait sur les études sévères et consciencieuses qu’il avait faites ; mais il avait su ajouter à ces études un charme personnel, une grâce parfumée de Renaissance qui n’enlevait rien à la solidité des principes de son éducation. L’ensemble de son œuvre a une grande valeur artistique et celui de sa vie inspire un profond respect. Gauthier fut aussi apprécié pour son caractère que son talent. Il fut fréquemment membre du jury du Salon et adjoint par l’Institut au jugement des concours pour le Grand prix de Rome. Pendant près de dix ans il fut professeur à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs : son zèle et son dévouement lui valurent la haute estime et l’affection de ses collègues et de ses élèves. »

C’est ainsi que Auguste Bartholdi rendit hommage à son ami Charles Gauthier, décédé d’un refroidissement le 5 janvier 1891, à soixante ans. Gauthier fut enterré au cimetière du Montparnasse, où reposent de nombreuses personnalités du monde artistique. (Bartholdi l’y rejoindra quelques années plus tard, en 1904). C’est Jules Blanchard, ancien élève de Jouffroy comme Gauthier, qui sculpta le buste ornant sa tombe.

De l’œuvre prolifique de Charles Gauthier il reste peu de témoignages visibles en Franche-Comté, mais beaucoup en France. A Vesoul, on peut admirer le buste du Docteur Gevrey en bronze, dans la rue des Casernes. Le docteur Gevrey (1807-1888) est un médecin et philanthrope de la ville, qu’il soigna héroïquement toute sa vie et surtout lors d'une épidémie de choléra en 1854-55, ce qui lui valut d’être nommé chevalier de la Légion d'honneur. Le musée de Vesoul en revanche ne possède que quelques copies en plâtre ou terre cuite dans ses réserves. En particulier Le Jeune braconnier, dont l’original en marbre est exposé dans le parc du château de Fontainebleau.

A Besançon, Charles Gauthier réalisa la première statue en bronze de Jouffroy d’Abbans, en plein centre-ville, elle surmontait une fontaine devant l’église de la Madeleine. Cette statue fut inaugurée le 17 août 1884 en présence de Félix Faure et de Ferdinand de Lesseps. Elle fut hélas fondue pendant la guerre de 1914 (une autre statue de Jouffroy d’Abbans est actuellement en place près du pont Battant). On en trouve une maquette au musée des Beaux-Arts de Besançon, ainsi que le bas-relief en plâtre Chryséis rendue à son père par Ulysse, qui permit à Gauthier d’obtenir le second Prix de Rome en 1861. A Bolandoz, petite commune du Doubs, une superbe Marianne sculptée par Gauthier orne la fontaine municipale, devant le beau lavoir. Ce buste en bronze a été posé sur une colonne érigée à l’occasion du centenaire de la Révolution, en 1889.

A Nancy, se trouve le monument au sergent Blandan, ce militaire, fils d’une famille de Lons-le-Saulnier, est mort en héros en 1842 pendant la guerre coloniale à Boufarik en Algérie. Gauthier a érigé cette statue de bronze dès 1843 ; placée à Boufarik, elle a été ensuite rapatriée à Nancy. C’est dans le Paris façonné alors par Haussmann qu’on trouve le plus d’œuvres de Charles Gauthier : à l’église de la Trinité, au musée Carnavalet, à l’Opéra, l’Hôtel de ville, l’église Notre-Dame-des-Victoires, le palais du Trocadéro… Notons La philosophie sur la façade de la Sorbonne. Il a aussi décoré plusieurs maisons particulières. Mais le plus accessible à tous ses admirateurs se trouve sur la fontaine du Théâtre-Français, en face de la Comédie-Française, où ses quatre sculptures d’enfants assis, en bronze, supportent la vasque. D’autres œuvres sont dispersées dans les parcs et musées de France.

Charles Gauthier illustre parfaitement les courants artistiques de la fin du XIXe siècle, entre académisme et glorification des valeurs morales. Sa carrière édifiante, reflet de la pugnacité haut-saônoise, son caractère énergique et bienveillant, ses capacités de travail et son charisme en tant que professeur de sculpture, ont été reconnus par ses contemporains. Il mériterait une vraie reconnaissance franc-comtoise. Peut-être faut-il imaginer un événement pour fêter les 200 ans de sa naissance, en 2031 ?  

Article publié dans l'Esprit Comtois numéro 24 (été 2021). 

mercredi 27 octobre 2021

En trottinette électrique dans les vignes

Une animation originale attendait les amateurs de sensations fortes samedi à la Cave de Tain : parcourir les vignes en trottinette électrique tout terrain. Les engins mis à disposition sur le parking de la Cave étaient impressionnants : pas de trottinettes de ville, non, mais la version XXL avec des grosses roues de VTT. Une fois les candidats harnachés, casqués, gantés, avec dans le sac à dos la batterie qui ne pèse pas moins que 7kg, les animateurs de Trot Trot Trot ont donné les consignes pour la randonnée. Attention au départ ! C’est rapide, il faut avoir de bons réflexes et garder l'équilibre.


Par les chemins goudronnés, le groupe est monté aisément sur la colline de l’Hermitage, histoire de se familiariser avec les trottinettes, avant d’aborder plus difficile : les sentiers caillouteux jusqu’au belvédère de Pierre-Aiguille. Une pause pour admirer le panorama, le temps splendide contribuant à l’euphorie générale. Après la redescente plutôt scabreuse à travers les vignes, le taux d’adrénaline au maximum, les participants ont pu se détendre lors d’une dégustation bien méritée.

La nouvelle salle de dégustation de la Cave est une bulle de verre qui embrasse le vignoble de l’Hermitage, délicatement doré par l’automne. Bénédicte, de Terres de Syrah, a développé les caractéristiques des différents cépages, marsanne, roussanne, syrah, en insistant sur leurs arômes respectifs, des plus légers, fleurs d’acacia, agrumes, pêches, miel, aux plus intenses, prune, mûre, girofle, poivre, truffe… Avant de passer aux travaux pratiques en proposant Saint-Péray Fleur de Roc 2018, Crozes-Hermitage blanc Les Hauts d’Eole 2019, Crozes-Hermitage rouge les Hauts du Fief 2017, Saint-Joseph rouge Esprit de Granit 2018… pour terminer en beauté sur un élégant Hermitage rouge 2017.

Terres de Syrah, l’antenne oenotouristique de la Cave de Tain, propose ainsi des animations variées tout au long du Fascinant week-end : promenades et dégustations en trottinette, en buggy, en bateau sur le Rhône ou dans le Train des Gorges, visite des chais, ateliers de dégustations… Ces manifestations sont reconduites tout au long de l’année. En particulier le partenariat avec l’agence Trot Trot Trot, une petite entreprise sportive et innovante basée à Génissieux, qui organise des randonnées découvertes dans la Drôme des Collines. 


Article publié dans le JTT.

jeudi 21 octobre 2021

Essayez l'aviron !

Le club d’aviron de Tain-Tournon, c’est d’abord un lieu idyllique, en pente douce vers le Rhône, sous les ombrages, au nord de Tain. Le Rhône scintille au soleil, le vent est léger, le moment est idéal pour oser ce corps à corps avec le fleuve.

Une équipe sympathique accueille et gère le public venu aux séances d’initiation. D’abord un animateur montre les mouvements indispensables à la navigation, et les novices s’exercent sur des rameurs disposés sur l’herbe (ergomètres). Ensuite, des équipes sont constituées, avec trois débutants, un barreur et un rameur confirmés. Elles navigueront sur une embarcation école, solide et stable. Car les embarcations légères et fines des pros ne sont pas faciles à maîtriser.

On sort les bateaux du hangar, on les porte à l’embarcadère, c’est un exercice collectif. Idem pour les paires de rames, qu’il faut verrouiller à leur place. La manœuvre suivante est délicate : grimper dans le bateau… d’abord poser un pied, glisser le deuxième pied dans un espace minuscule, et s’asseoir, cette fois c’est un exercice d’équilibre.  Puis on saisit les rames, et quand toute l’équipe est prête, le chef de bord, assis face aux quatre rameurs, donne le départ.

Et ça y est, on quitte le ponton, on s’éloigne rapidement sur l’eau… Mais pas question de rêver, il faut suivre les consignes, apprendre à manœuvrer, trouver un rythme commun, s’y tenir. L’esprit d’équipe est indispensable. Le bateau remonte le Rhône en direction de la Table du Roy. Sensation merveilleuse de glisser au ras de l’eau, de faire corps avec le fleuve. Rappel à la réalité quand les rames s’entrechoquent, quelqu’un a perdu la cadence ! Il faut se recaler, se concentrer sur la manœuvre suivante, le demi-tour. Attendre sagement au bord qu’une péniche passe, avec l’impression d’être un fétu de paille face à ses vagues.

La descente du fleuve en direction de la Teppe est plus rapide, à peine le temps de découvrir Tain et Tournon sous un angle nouveau, il faut garder le rythme, rester concentré. Puis un autre demi-tour, à l’endroit où le Rhône s’élargit, et c’est la remontée jusqu’au club, le passage sous les ponts, et déjà l’embarcadère. Manœuvre d’approche hésitante, on s’y reprend, on y arrive. Sortie du bateau délicate, les muscles contractés. Contrairement à ce qu’on imagine, ce sont les jambes qui travaillent plus que les bras. La terre ferme est là ! Soulagement et ravissement. Quelle belle expérience !

Et déjà un autre équipage se présente, on laisse la place, étourdis par tant de sensations nouvelles en si peu de temps. On voudrait recommencer tout de suite… 

La solution : s’inscrire au club qui propose en ce début de saison des séances d’initiation gratuite tous les samedis de septembre, le matin pour les adultes et l’après-midi pour les jeunes à partir de 10 ans. L’aviron peut se pratiquer à tout âge, et à tout niveau, du loisir à la compétition. Il existe même une section handisport qui accueille les personnes avec handicap. Une préparation physique complémentaire, l’Avifit, permet à tous ceux qui le désirent de se muscler en salle, pendant toute l’année. On peut aussi profiter des animations ponctuelles, défis, opérations caritatives qui se succèdent tout au long de l’année.

contact@avirontaintournon.fr       tél: 0475087019

Article publié dans le JTT du jeudi 21 octobre 2021.

mardi 12 octobre 2021

Randonnée en Provence

La randonnée de deux jours organisée par l’Accueil Muzolais a obtenu un franc succès. Jeudi 7 octobre, à 6 h du matin, deux cars Palisse ont emmené les 102 participants dans la région des Baux de Provence pour une première journée de marche. Dispersés en cinq groupes de niveaux différents, ils ont arpenté les chemins des Alpilles, entre rochers sculptés par le vent (particulièrement violent ce jour-là) et végétation méditerranéenne odorante. L’après-midi s’est terminé aux Carrières de Lumières, pour un spectacle visuel consacré aux peintres Cézanne et Kandinsky. 

L’hébergement du soir à Carry-le Rouet a enchanté tout le monde. Et le lendemain, une grande balade sur les sentiers escarpés du bord de mer, du fort de Niolon à Ensuès la Redonne en passant par la calanque de Méjean a permis à tous de profiter d’un grand bain de soleil et de nature. Le retour à Saint-Jean-de-Muzols a été l’occasion de beaux échanges entre les participants, une convivialité qui caractérise l’Accueil.

Article publié dans le JTT.

samedi 2 octobre 2021

Le carreau mosaïque de Viviers

Une exposition organisée à la maison des Chevaliers de Viviers par le CICP (centre international construction et patrimoine) rappelle l’histoire de cette fabrication vivaroise qui a essaimé dans le monde entier : les carreaux de mosaïque en ciment, un décor de sol mis au point dans les années 1850‑1860.

La présence des cimenteries à Viviers explique cette mise au point de carreaux polychromes en ciment comprimé, sans cuisson, par trois Vivarois : Etienne Larmande puis Louis-François Damon, inventeurs du procédé, et Auguste Lachave. Les seuls pavages existants étaient alors en pierre, en marbre ou en granito, des matériaux très onéreux que les applicateurs travaillaient sur place. Le carreau de ciment, solution alternative originale, solide et bien moins chère, connaît donc rapidement un immense succès.

Le procédé révolutionnaire est découvert par l’ingénieur ardéchois Étienne Larmande et relaté par Yves Esquieu, professeur d’art : « La chaux hydraulique, seule ou mélangée dans de certaines proportions à de l’argile calcinée, du sable et de l’eau, produit une matière aussi dure que de la pierre ordinaire sans qu’il soit besoin d’aucune cuisson. »
Les carreaux sont coulés dans un moule en fonte d’acier qui définit leur format. À l’intérieur du moule vient se positionner le diviseur, un séparateur de couleurs destiné à la création des motifs. Yves Esquieu précise : « Pour pouvoir incruster des dessins polychromes, Larmande demanda à un serrurier de Viviers, Auguste Lachave, de concevoir le matériel de fabrication, notamment les “diviseurs” de bronze destinés à répartir les couleurs. »

À l’intérieur de chaque cloisonnement du diviseur, le fabricant injecte de la couleur puis ôte le diviseur, afin que les couleurs arrivent en jonction. L’artisan pose ensuite la chape composée de ciment Portland et de silice (sable) sur la couche d’usure. Elle définit l’épaisseur des carreaux ciment (12 mm pour les murs et 16 à 19 mm pour les sols) et fait leur solidité. Cet   ensemble encore positionné dans le moule part sous presse pour être compacté, puis sorti de son moule. Ensuite, les carreaux sont plongés dans des bacs d’eau pour qu’ils durcissent avant d’être séchés.

Présenté à l’Exposition universelle de 1867 à Paris, le carreau mosaïque de ciment obtient un franc succès et fait rapidement le tour de l’Europe. Puis, en pleine période de colonisation, ce procédé simple permettant de faire de plaisants motifs colorés à bas coût s’est diffusé aux quatre coins de la planète. On en retrouve en Indochine, au Maghreb, en Afrique, partout où la France avait des colonies.

Les artisans de tous les pays se sont rapidement emparés de la technique. « Du moment qu’il existait une cimenterie, il était facile de faire appel à un ferronnier ou un dinandier pour créer le diviseur propre à réaliser les motifs colorés. Ensuite, une seule presse hydraulique était requise, un procédé mécanique simple qui a permis à ces carreaux de se développer partout », explique Delphine Laporte, designer spécialisée en « zellige » marocain. En Espagne, notamment à Barcelone, les carreaux de ciment connaissent une période de faste à l’époque moderniste et leurs motifs Art nouveau continuent à faire aujourd’hui le tour du monde.

Cette passionnante exposition rend hommage aux anciennes fabriques de carreaux de ciment de la région, notamment à Viviers et Bourg-Saint-Andéol. Et glorifie une invention purement ardéchoise dont le monde entier s’est emparé. Elle est visible jusqu’au 26 septembre, du mardi au vendredi de 10h à 13h et de 14h à 17h à la maison des Chevaliers de Viviers.

Article publié dans le Jtt.

 

jeudi 16 septembre 2021

L'insolite musée de la douane suisse, à Lugano

De tout temps, les Suisses ont protégé leur territoire, et on ne plaisantait pas avec leurs douaniers. Même s’ils ne sont pas inclus dans l’Union européenne, les accords de Schengen y permettent maintenant la libre circulation des marchandises, et le travail des douaniers a bien évolué. Plutôt que stationner aux frontières, ils interviennent n’importe où sur le territoire helvétique pour contrôler des proies repérées préalablement.

Le musée de la douane suisse à Gandria, près de Lugano, a le charme désuet des pratiques abandonnées. Le temps où les contrebandiers essayaient d’échapper aux gabelous par tous les moyens. Comme la frontière avec l’Italie longe le lac, la contrebande s’effectuait par bateau ou à pied à travers la montagne. Double cale ou double fond, toutes sortes d’astuces étaient utilisées pour faire passer le tabac, les bijoux ou l’argent. Des cachettes aménagées dans les talons de chaussures, dans de fausses victuailles, dans les vêtements … en témoignent.

La partie pédagogique du musée évoque l’histoire des douanes, les principaux postes névralgiques en Suisse, la vie des douaniers au siècle dernier. Mais le plus édifiant, c’est l’étage réservé aux actuelles prises des douaniers. Des stocks de contrefaçons : montres, sacs, bijoux. Des kilos de faux médicaments. Des œuvres d’art provenant d’Afrique ou d’Asie. Les animaux sauvages ne sont pas épargnés : tortues naturalisées, coquillages précieux, peaux de tigres, défenses d’éléphants… Une caverne d’Alibaba où les stratagèmes les plus sophistiqués concernent le camouflage des drogues, cachées dans des canettes de boissons, des poches secrètes… L’activité actuelle des douanes a pourtant changé, l’essentiel est maintenant orienté sur la protection des propriétés intellectuelles, des droits d’auteur et le filtrage des migrants.

Dans le jardin du musée, on retrouve l’histoire concrète avec une belle collection de bornes anciennes en pierre, chacune ornée du double écussonnage, d’un côté le symbole suisse (ours de Berne, croix blanche, CH…) de l’autre les symboles du pays limitrophe (fleur de Lys ou RF pour la France, I pour Italie). Une réalité tangible, à l’opposé des actuelles frontières virtuelles.

https://www.myswitzerland.com/fr-fr/decouvrir/musee-suisse-des-douanes/

 Article publié dans le JTT.

jeudi 9 septembre 2021

En bus, à vélo et en bateau sur le Rhône

C’est la formule originale proposée par la Compagnie des Canotiers pour une superbe promenade dans la nature ardéchoise. Les voyageurs, avec leurs vélos, embarquent dans le bus de la ligne 11 vers 9h en gare de Tournon, direction Lalouvesc. Puis ils descendent à vélo le long de la vallée de l’Ay, à leur rythme. Rendez-vous à l’embarcadère de Saint-Vallier à 14h 30, pour un retour à Tournon par le fleuve, dans le catamaran des Canotiers.

Nous avons interprété la formule à notre guise, quittant le bus au col du Marchand, pour réduire le trajet et éviter la ville. Immédiatement, l’immersion dans la nature nous enchante. La descente vers Satillieu est un pur plaisir, vivifiés par l’air frais, dans de sombres forêts de sapins égayées de fougères phosphorescentes et d’épilobes roses. 

Le village de Satillieu est un centre commercial accueillant, idéal pour faire une pause et acheter des provisions, avant de poursuivre la route vers Saint-Romain d’Ay. La petite départementale traverse alors un paysage de campagne, ponctué de hameaux aux solides maisons de pierre ocre et de vénérables châtaigniers et mûriers. Les cultures, les vergers, les jardins, alternent avec les prairies où paissent les vaches. L’odeur du foin coupé embaume l’air. On devine le lit de la rivière Ay entre les entre les arbres, quelques pêcheurs y sont installés. Ce n’est qu’au sanctuaire de Notre-Dame d’Ay qu’un sentier bucolique permet d’approcher ce petit affluent du Rhône. Un joli torrent qui a creusé son lit entre roches et buissons foisonnants. Fraîcheur, ombre et soleil, clapotis de l’eau sur les cailloux, l’endroit est parfait pour le pique-nique.

Puis le trajet se continue vers Ardoix, où commencent les gorges de l’Ay, une petite merveille de la nature. Hautes murailles granitiques, végétation sauvage, à pic impressionnant au fond duquel la rivière cascade. Dans cet univers minéral la route dévale une pente vertigineuse, il faut s’arrêter près des ponts, se pencher au-dessus des murets, pour apprécier le fabuleux travail de creusement des falaises par l’eau. Enfin Sarras apparaît, les collines s’adoucissent pour accueillir les vignes, on retrouve la civilisation, les feux rouges, la circulation sur le pont qui mène à Saint-Vallier. Et au bord du quai, le catamaran des Canotiers nous attend. Nous embarquons avec nos vélos pour une paisible descente du Rhône jusqu’à Tournon.

Un moment de détente totale, à admirer le bel alignement des maisons sur la rive, le défilement des berges puis les coteaux, les villages, sous un angle différent. Après le spectaculaire passage de l’écluse de Gervans, on dépasse la mythique Table du Roy, et déjà  le château de Tournon se profile à l’horizon. Fin de la balade au port, nous remercions les navigateurs pour cette belle proposition touristique. En quelques heures, nous avons vécu un dépaysement total, avons côtoyé des milieux naturels variés : montagne, campagne, végétal, minéral, aquatique… Tout cela sans grand effort et sans aucun souci d’organisation !

La Compagnie des Canotiers propose cette aventure (parmi d’autres) les dimanches et jeudis d’été, au prix de 18 € (+0.80 € pour le bus). Renseignements et réservation : 0644307976 et www.canotiersboatnbike.com.

Article publié dans le Jtt du jeudi 9 septembre 2021.