dimanche 29 octobre 2023

Le Musée du charronnage au car à Vanosc (07)

Le charronnage, mal connu aujourd’hui, fut pourtant un artisanat essentiel pendant des siècles. Il s’agissait de fabriquer les roues, pour équiper charrettes, calèches, diligences et autres véhicules à cheval ou à bras. Un travail de force et de précision, qui nécessitait la maîtrise rigoureuse du bois et du fer. Joseph Besset, né en 1890 à Vanosc, près d’Annonay, fut un Ardéchois visionnaire, ambitieux et acharné au travail comme ses prédécesseurs, Seguin ou Montgolfier… Fils de paysan, il choisit pourtant le métier de charron et entra en apprentissage chez le meilleur patron d’Annonay. Le début d’une carrière pleine de rebondissements.

Pour fabriquer une roue, il faut de nombreuses étapes : d’abord découper le moyeu en orme, le façonner sur un tour, creuser rainures et encoches régulièrement. Ensuite, découper les rayons en acacia, les insérer dans les encoches. Fermer la roue avec des jantes en frêne. Puis préparer le bandage en fer, l’arquer, souder les extrémités. Enfin le positionner à chaud autour de la jante. Il faut donc combiner le travail de menuisier et de forgeron.

En 1907, Joseph connaît son métier et veut découvrir le monde. Avec un ami, ils se fabriquent deux vélos et partent travailler à Paris, puis en Bourgogne, à Tours, à Rouen. Joseph continue vers l’Angleterre, où il se joint à l’atelier de charron de la Cour royale. A 21 ans, il revient en France pour faire son service militaire obligatoire, 2 ans au Maroc. Libéré en 1913, il épouse Marie-Augustine et fonde son propre atelier à Annonay. Mais la guerre arrive.

Elle marque un tournant pour lui : il en revient indemne et convaincu que c’est la fin de la traction animale. Il abandonne « la traction à crottin pour la traction à pétrole » et décide de se consacrer à l’équipement personnalisé de voitures automobiles. Il conçoit la structure de bois, la pose sur des longerons, ajoute les roues, le moteur, puis habille le tout de métal, et garnit l’intérieur. Menuisier, forgeron, tôlier, peintre, sellier, de nombreux ouvriers collaborent avec lui. En 1920 sort sa première voiture, une Roland-Pilain. Suivront Bugatti, Berliet, Delage…

L’entreprise Joseph Besset se développe. Joseph part aux USA, en rapporte un brevet, et une nouvelle idée : développer plutôt les transports en commun. En 1927, avec Ferdinand Janvier, il lance sa production d’autocars avec ossature bois et moteur à l’avant. En 1938, changement révolutionnaire avec le choix du moteur à l’arrière et une structure autoportante métallique : le premier autocar Isobloc voit le jour. Joseph sait parfaitement utiliser le marketing, et son entreprise est florissante. La deuxième guerre freine sa réussite, mais il rebondit en 1946, avec 1300 salariés et plus de 10 véhicules produits par jour.

Au fil des restructurations, la SACA (société annonéenne de construction automobile) devient SAVIEM, RVI (Renault véhicules industriels), IRIS et maintenant IVECO. Cette société continue d’être le plus grand employeur d’Annonay, et la seule entreprise de fabrication de bus et cars de France !

Le musée du Charronnage au Car à Vanosc met en scène cette saga passionnante, à l’image de la vie de son créateur, Joseph Besset. On y voit de magnifiques voitures, camions et autocars anciens. Ouvert toute l’année, grâce à l’action solidaire des bénévoles de l’association locale La Vanaude, il illustre parfaitement le respect qu’en Ardèche verte, on porte aux grands innovateurs.

Tél 04 75 34 79 81 ; site : museeducar.fr

Article publié dans le JTT du jeudi 2 novembre 2023.

jeudi 19 octobre 2023

L'agritourisme en Sardaigne

L’agritourisme est une forme de tourisme visant à faire découvrir les savoir-faire agricoles d’une région, ses spécialités gastronomiques, ses traditions. Exemple, en Vallée du Rhône, l’œnotourisme. En Italie, grande productrice de denrées méditerranéennes, l’agriturismo est devenu le type d’hébergement le plus répandu. Il correspond un peu à nos chambres d’hôte, fermes-auberges ou gîtes ruraux, on y est accueilli et logé dans une exploitation agricole, on y déguste les productions de la maison et on peut participer aux activités.

La Sardaigne, île montagneuse où élevage et cultures vivrières sont omniprésents, s’y prête particulièrement, c’est un plaisir de se déplacer d’un agriturismo à l’autre, d’un élevage de brebis où l’on fabrique son pecorino à une oliveraie centenaire, d’une propriété viticole à une pisciculture, d’un producteur de fruits et légumes à une ferme céréalière … Si les hôtels et Airbnb du littoral restent prisés des amateurs de plages, c’est à l’intérieur de l’île qu’on rencontre vraiment l’âme et le patrimoine sarde. L’accueil y est chaleureux, la nourriture abondante, cochon grillé parfumé de myrte et laurier, culurgione aux bettes, ricotta du matin. Un retour à l’authentique, en pleine nature, avec néanmoins tout le confort, piscine et Wifi.

Le tourisme de randonnée s’est énormément développé en Sardaigne, permettant de profiter de la beauté des panoramas entre mer et montagne, et de découvrir son histoire, entre les fameux vestiges de la civilisation nuragique et le passé minier, de plus en plus valorisé. Même l'été, on peut se rafraîchir dans les grottes, au milieu des forêts ou près des lacs d’altitude. C’est d’ailleurs à Nuoro, au centre de l’île, qu’on rencontre la plus forte densité de centenaires d’Europe ! Avantage de la vie de berger, au grand air, saine et rude … qu’on peut expérimenter en fréquentant les agriturismi.

vendredi 13 octobre 2023

Rando en Savoie pour l'Accueil Muzolais

Ils étaient 85 participants à la grande sortie d’automne de l’association muzolaise, les 2-3-4 octobre. Au programme : 3 jours de randos autour d’Annecy, par groupes de niveaux. Sous un soleil estival, dans une bonne humeur générale, la réussite a été totale.

Croix du Nivolet, Cascade d’Angon, Mont Veyrier, Col de la Forclaz, il y en a eu pour tous les goûts et toutes les difficultés, de 300 m à 1000 m de dénivelé, suivant les capacités de chacun. Forêts de hêtres ou pâturages ensoleillés avec vue sur le Mont-Blanc, falaises vertigineuses surplombant des cuves creusées par les torrents, pont des Fées, les pique-niques ont permis à chacun de profiter pleinement des splendides paysages. Et pour ceux qui ne grimpaient pas, un programme touristique était proposé, avec la visite des gorges du Fier, de la fonderie de cloches Paccard, des belles villes d’Aix-les-Bains et Annecy. Et la possibilité de se promener simplement le long des berges des lacs.

L’hébergement aux Balcons du lac à Sévrier, près d’Annecy, a permis d’assurer chaque soir repos et convivialité à tous, d’échanger sur les exploits ou les découvertes du jour. Et d’affirmer haut et fort en chœur au karaoké du soir : « Fiers d’être Ardéchois » !

Article publié dans le JTT du jeudi 11 octobre 2023.


lundi 9 octobre 2023

Le domaine de Vizille

Le superbe parc de 100 hectares et le château des Lesdiguières, à une quinzaine de km de Grenoble, fut une résidence d’Etat des Présidents de la République de 1925 à 1960. Racheté en 1973 par le département de l’Isère, il est actuellement librement ouvert au public. En 1983, le musée de la Révolution française y a été installé, pour rappeler aux visiteurs le rôle précurseur de Vizille en 1788.

Le château a été édifié sur une forteresse médiévale en 1593 pour François de Bonne (1543-1626), duc de Lesdiguières, gouverneur du Dauphiné, compagnon d’armes d’Henri IV. Agrandi à partir de 1600 par un parc à la française avec une pièce d'eau et un canal long de 800 m, on n’y compte plus les arbres centenaires, au summum de leur développement, cèdres de l’Atlas et du Liban, érables, tulipiers, hêtres, chênes…. Le parc actuel, labellisé jardin remarquable, est un havre de fraîcheur propice à la promenade, à la détente, au rêve. Le terrain plat, traversé d’allées cavalières, de sources et rivières, entouré par un superbe décor montagneux, réserve aussi de nombreux contacts avec la faune. Une partie est consacrée aux ébats des hardes de cervidés. Les truites, carpes, et autres poissons des rivières et bassins, cohabitent avec cygnes, canards et bernaches en toute liberté sur les plans d’eau.

Le jardin de buis taillé et la roseraie ont été dessinés au 19e siècle, lorsque le château appartenait au comte Alberto Marone, propriétaire turinois de Cinzano. Auparavant la propriété appartenait à la puissante dynastie Perier. C’est là que Claude Perier (1742-1801), industriel grenoblois, a lancé avec succès la production de cotonnades imprimées et d'indiennes. Partisan de l’abolition des privilèges, il proposa de réunir à Vizille les premiers Etats généraux du Dauphiné le 21 juillet 1788. Cette réunion illégale, conséquence de la journée des Tuiles du 7 juin à Grenoble, fut la première à accorder au Tiers État majoritaire, le vote par tête. Et à réclamer la tenue d’Etats généraux à Paris ! Un événement majeur qui a justifié la création ici du musée de la Révolution française.

On fête cette année le 40e anniversaire de ce musée par de nombreuses animations et expositions au château et dans le parc. Une raison supplémentaire de profiter de ce petit Versailles républicain, isérois … et gratuit.

Article publié dans le JTT du jeudi 5 octobre 2023.

jeudi 5 octobre 2023

Chronique littéraire : On était des loups, de Sandrine Collette

Un roman éblouissant d’intelligence et d’émotion qui se passe dans le grand Nord. Dans une langue rugueuse, le monologue de Liam, trappeur solitaire qui vit en osmose avec la nature, alterne avec la narration de son drame. Un jour, en revenant de la traque d’un loup, ni son fils ni sa femme ne l’accueillent comme d’habitude, et pour cause : il découvre le corps sans vie de celle-ci, tuée par un ours. En le soulevant, celui de son fils Aru, vivant, apparaît. A la douleur et la rage de Liam s’ajoute un problème vital : que faire de cet enfant de cinq ans ?

Liam est un homme des bois taiseux, il part en chasse plusieurs jours de suite dans des conditions rudes et dangereuses, il ne peut ni ne veut s’encombrer d’un enfant fragile. C’est sa femme qui l’a voulu et jusque-là elle s’en occupait entièrement. Passer du statut de géniteur à celui de père lui paraît un défi insurmontable, d’autant qu’il n’a pas lui-même connu de modèle paternel. En face de lui, la détresse d’Aru est terrible, mais il veut l’ignorer. Au fil des jours et des crises, les pulsions enfouies s’exacerbent jusqu’à l’inconcevable.

Sandrine Collette magnifie la nature de ce grand Nord inhospitalier, dissèque avec minutie les sentiments contradictoires des hommes, du deuil, tout en maîtrisant les rebondissements de son intrigue. L’homme est un loup pour l’homme, c’est connu, mais il arrive aussi que les loups chantent. Un roman original, dérangeant, mais brillant sur la paternité.

Sandrine Collette, née à Paris en 1970, installée dans le Morvan, s’est tournée vers l’écriture dès 2013 et est rapidement devenue un des grands noms du thriller français. Son roman a obtenu le Prix Giono et le Prix Renaudot des lycéens en 2022. Il est disponible en Livre de poche.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 28 septembre 2023.