vendredi 30 octobre 2020

Festival Vochora : Dante en musique à la collégiale de Tournon


Quelle gageure que s’attaquer à la mise en musique de la Divine Comédie de Dante ! La Camera delle Lacrime, ensemble de musique ancienne, a osé. Et après avoir donné à Tournon Les Cercles de l’Enfer et La Montagne du Purgatoire, lors de concerts précédents, le chef Bruno Bonhoure et le metteur en scène Khaï-dong Luong ont présenté cette fois Les Sphères du Paradis. Un spectacle étonnant, entre récital médiéval et opéra new-age.

Le texte original, tantôt récité, scandé, ou chanté, était accompagné de musiques exécutées sur des instruments médiévaux, et soutenu par les chœurs Madrigal, Pro Musica et les élèves du Conservatoire. Au Paradis, on y était presque, avec la voix des anges (superbes duos du ténor Bruno Bonhoure et de la soprano Clémence Montagne) et la gestuelle christique exécutée par la quarantaine de participants, tous vêtus de blanc.

Le public a applaudi avec enthousiasme cette prestation extraordinaire, il a aussi applaudi Gérard Lacombe, directeur du Festival, qui relève le défi en avançant les horaires des concerts suivants, afin d’observer le couvre-feu et de continuer la programmation. Lui-même a félicité les spectateurs pour leur présence fidèle, un soutien dont tous les musiciens ont besoin en cette période d’incertitude.

Article publié dans le JTT du jeudi 29 octobre.

jeudi 22 octobre 2020

Ouverture du Festival Vochora à La Roche de Glun

Premier concert très apprécié dimanche en l’église de La Roche de Glun. Nana Sila, quatuor vocal féminin, a enchanté le public par un récital de chansons populaires des Balkans, agrémenté de percussions, guitare, flûte et violon.

Maria Abatantuono, Marina Cotte, Camille Perret et Emilie Lainé sont d’ici mais chantent l’ailleurs. Bulgarie, Turquie, Roumanie, Bosnie, Ukraine, leurs chants racontent les campagnes, les histoires d’amour, le travail, la vie des femmes et bien plus encore… 

L’église était pleine, le protocole sanitaire a été parfaitement maîtrisé par les bénévoles de l’association. Une réussite qui redonne de l’espoir à tous les amateurs de musique et de culture.



Article publié dans le JTT du jeudi 22 octobre.

jeudi 15 octobre 2020

Le blob, un phénomène naturel qui colonise les forêts humides

 

Ni végétal, ni animal, ni champignon, le blob est un être vivant inclassable qui fascine les chercheurs. Vous l’avez sans doute croisé en forêt, ou dans votre cave, sans savoir ce qu'était cette étrange masse spongieuse, jaune et visqueuse. Pour la première fois dans le monde, il est montré et expliqué au public au zoo de Vincennes.

Le blob (Physarum polycephalum) est un organisme primitif apparu il y a 500 millions d'années, avant le règne animal. Il se développe dans des milieux humides.  Composé d’une unique cellule géante, le blob défie toutes les lois de la biologie. Il est capable de se déplacer, de se nourrir, de s’adapter, mais surtout il est immortel !

Audrey Dussutour, éthologue au CNRS et spécialiste du blob a trouvé son surnom, en hommage au film The Blob avec Steve McQueen (1958), Elle explique : Si on le fait sécher, c 'est une forme de dormance, il peut rester ainsi pendant deux ans. Quand on le réveille, le blob est tout neuf. Et vous pouvez faire ça ad vitam æternam. Donc en laboratoire, avec des conditions de température et de nourriture parfaites, il est en effet immortel

Comme il n’a qu’une cellule, il est microscopique au démarrage de son cycle, mais peut doubler de volume chaque jour. Il possède plusieurs noyaux, qui peuvent se multiplier ou se diviser à volonté. Dans la chambre de culture du zoo, un blob élevé aux flocons d'avoine, sur papier humide, a atteint la taille de 10 mètres. Le blob peut non seulement apprendre mais également transmettre les nouvelles informations mémorisées à des congénères en fusionnant temporairement avec eux. Le blob a la capacité de cicatriser en seulement deux minutes si une partie de sa cellule est sectionnée. Mais plutôt que de mourir, la partie sectionnée cicatrise et devient à son tour un blob parfaitement autonome. On comprend que la recherche scientifique s’intéresse à ce génie sans cerveau.

Le blob ne peut se reproduire qu’avec des types sexuels différents, mais on en a répertorié 720, alors pas de problème ! Il a une reproduction semblable à celle du champignon. Peut-il nous envahir ? Non, puisqu’on peut l’assécher à volonté. N’ayez pas peur de cet OVNI, contrairement à The Blob, il est inoffensif !

Pour en savoir plus : www.cnrs.fr/fr/le-blob-capable-dapprendre-et-de-transmettre-ses-apprentissages


Article publié dans le JTT du jeudi 15 octobre 2020.

jeudi 8 octobre 2020

Beauvoir-en-Royans, la « capitale » du dernier Dauphin dauphinois

A Tain l’Hermitage, le 8 avril 1350, fut célébré le mariage du fils du roi de France, futur Charles V, avec la princesse Jeanne de Bourbon. Une sculpture placée devant l’église rappelle cet événement, un moment clé de l’histoire du Dauphiné. Ce mariage s’est tenu à Tain parce qu’il scellait le rattachement du Dauphiné, alors état indépendant vassal du Saint-Empire, au royaume de France. De longues tractations avaient eu lieu auparavant à Tournon et Tain, villes frontières de la France et du Dauphiné, de l’empire et du royaume*. Humbert II, dernier Dauphin du Viennois, totalement ruiné, rachetait ainsi ses dettes en cédant son territoire à la France. Mais il exigeait que le premier fils du roi portât désormais le titre de Dauphin, et que le Dauphiné gardât ses prérogatives administratives.

L’histoire de Tain est donc liée à celle du château de Beauvoir-en-Royans. Dans cette grandiose demeure, la dernière qu'Humbert II s’était fait construire, il entretenait une cour fastueuse. Un château aux 1 000 fenêtres où vivaient tumultueusement plus de 2 000 personnes. Il avait choisi la plus belle vue, d'où le nom de Beauvoir, au pied des falaises calcaires du massif du Vercors, entre Grenoble et Valence. Beauvoir était alors la « capitale » du Dauphiné. Humbert II fut un joyeux noceur, mais aussi un bon administrateur du Dauphiné. Il créa le Conseil delphinal en 1337, puis la cour des comptes à partir de 1340. Il fonda également l‘université de Grenoble le 12 mai 1339. En 1347, de retour de croisade, pourtant ruiné, il fit construire le couvent des Carmes à côté du château de Beauvoir En 1349, il céda définitivement le Dauphiné à la France par le traité de Romans et revêtit l'aube de bure des dominicains. Humbert II mourut en 1355 à l’âge de 43 ans.

A une cinquantaine de kilomètres de Tain, la visite à Beauvoir est un grand bain de fraîcheur. En face de Saint-Marcellin, surplombant la vallée de l’Isère, le site du château et du couvent des Carmes ont été restaurés par le département de l’Isère. Et si seules quelques ruines majestueuses, chapelle, donjon, enceinte, évoquent la somptuosité du château, le cadre verdoyant est spectaculaire. On peut s’y détendre, y pique-niquer, s’y instruire. Dans l’ancien couvent rénové, le tout nouveau musée des Dauphins présente l'histoire du Dauphiné, de sa faune, sa flore, et même celle de l’eau-de-vie locale, la Mousseline, cousine de la Chartreuse.

Comme il n’y a pas d’exposition cette année, le musée est en accès gratuit. A côté, le jardin médiéval et le verger conservatoire encadrent un restaurant qui met en valeur les produits du pays. Tout cela dans un village médiéval parfaitement restauré, dont l’histoire explique en partie le « mariage du siècle » de Tain l’Hermitage.

*D’où l’ancienne appellation Empi et Riaume pour désigner les deux rives opposées du Rhône

Article publié dans le JTT du jeudi 8 octobre 2020.

vendredi 2 octobre 2020

Chronique littéraire : La goûteuse d'Hitler, de Rosella Postorino

 

En 1943, dans son QG de Prusse, sur le front de l’Est, Hitler, hanté par la possibilité d’un empoisonnement, fait recruter une dizaine de femmes du village voisin, pour goûter la nourriture avant qu’elle lui soit servie. Rosa est l’une d’elles. C’est une Berlinoise, mais son immeuble a été bombardé, son mari est engagé sur le front, elle s’est donc réfugiée chez ses beaux-parents à Gross Partsch, juste à côté de la Tanière du Loup.

Rosa n’a pas le choix, les SS viennent brutalement la chercher chaque matin. Elle doit ingurgiter la nourriture trois fois par jour, sous leur surveillance, leurs menaces, chaque bouchée étant peut-être la dernière. De plus, étant étrangère au village, elle est mise à l’écart, agressée par les autres femmes. Et après l’attentat contre Hitler de juillet 1944 et la défaite annoncée, la pression se renforce.

Cette histoire vraie, Rosella Postorino la met en scène avec beaucoup d’empathie. A travers Rosa, elle développe l’histoire du nazisme d’un autre point de vue, celui des Allemands contraints et otages du tyran. Les sentiments, les craintes, les doutes que son héroïne rencontre sont finement analysés. Rosa est une femme qui tente de survivre, à n’importe quel prix. Elle laisse ses intuitions, ses rêves la dominer parfois, et c’est ce qui la sauvera.

Rosella Postorino est une écrivaine italienne née à Reggio di Calabria en 1978. Lauréate de nombreux prix littéraires, elle vit maintenant à Rome.

Son roman est disponible en Livre de Poche.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 1 octobre.