jeudi 28 décembre 2023

Le marché professionnel des truffes

C’est à Richerenches, près de Grignan, que se tient le plus important marché d’Europe en quantité de truffes commercialisées (en moyenne 700 kg par marché). A l’ombre des remparts de l’ancienne commanderie médiévale, il rassemble courtiers professionnels, producteurs de truffes, acheteurs et amateurs sous les platanes du cours Mistral. En décembre 2023 on a fêté les 100 ans de sa création avec force dégustations et animations. Le marché aux truffes se poursuit tous les samedis matin jusqu’au 9 mars 2024.


Rien de tapageur, au contraire, la discrétion est de rigueur. Tout se passe à l’arrière des voitures garées, coffres ouverts. Une trentaine de courtiers officient, tandis qu’environ 300 producteurs viennent proposer leur récolte de la semaine. Dans le coffre ouvert, une balance, des paniers, un carnet, le courtier examine le lot que lui propose le trufficulteur. Il entaille légèrement chaque truffe pour vérifier sa qualité. Une fois d’accord sur la quantité, le prix se négocie à voix basse. Il est aléatoire et dépend de la demande, de l’offre et aussi des relations avec le trufficulteur. Ainsi le courtier qui achetait le kg de truffes plus de 800€ avant les fêtes ne les prend plus qu’à 300€ en janvier, car la demande est moins forte. Le courtier inscrit le poids, le nom du vendeur et le prix sur son carnet, puis le paie immédiatement en cash.

Les courtiers achètent ainsi les truffes en gros, puis les revendent aux restaurateurs, traiteurs, négociants, conserveries. La Drôme provençale est la région idéale, car toutes les étapes du cycle de la truffe s’y enchaînent, de la culture de chênes truffiers à la fabrication de gourmandises à base de truffe, en passant par la récolte, la vente et la dégustation. 15 à 30 tonnes de truffes transitent ainsi chaque année par Richerenches, un des plus gros marchés de gros avec Carpentras.

Parmi les courtiers présents à Richerenches, une seule femme, Maryse. Issue du sérail, elle a bataillé dur pour se faire admettre dans ce milieu très masculin et créer son propre réseau. Les courtiers, tous déclarés à la chambre de commerce après une formation spécifique, font la chasse aux petits malins qui essaient d’acheter et de vendre au noir. Mais le plus grand danger, c’est encore le vol, car toutes les transactions se payent en billets. La truffe n’est pas pour rien le diamant noir de la Drôme !

Les quelques 2000 visiteurs qui se pressent pour voir (mais finalement ne voient rien) n’ont plus qu’à retourner sur le boulevard de la Rabasse, où se tient le marché des particuliers. On y trouve aussi toutes sortes de truffes de qualités et grosseurs diverses. Il est difficile de ne pas succomber à l’odeur alléchante qui plane sur les étals. Et pour 15€, on peut en dénicher une petite truffe de 20 g, qui rehaussera de son arôme puissant n’importe quel plat de ravioles, pommes de terre, ou simplement une omelette. Cela ne se refuse pas !

Article publié dans le JTT du jeudi 28 décembre 2023.


samedi 23 décembre 2023

La crèche de Léoncel

A Léoncel, dans le Parc naturel du Vercors, c’est une crèche pas comme les autres qui attire les visiteurs, de mi-décembre à mi-février. Une très grande crèche d’environ 30 mètres-carrés, qui représente le paysage, la vie et les traditions de ce coin du Vercors avec un réalisme exceptionnel.

Catherine est une artiste, et pour sa crèche, pas de papier mâché ou tissu étoilé, elle a reproduit en dur le relief de falaises, rochers, les a décorés de mousse et lichens, d’arbustes et fleurs séchés. Montagnes calcaires, sentiers escarpés, pâturages, gorges et forêts sont impressionnants de précision.  Dans ce décor à la fois végétal et minéral, on reconnait la cascade de la Druise, le Moulin de la Pipe, la croix du Vellan, les gorges d’Omblèze.

Tout cela est illustré par des saynètes où les personnages posent dans leurs occupations traditionnelles. Presque 1000 santons recréent ainsi l’atmosphère montagnarde : paysans, musiciens, vaches, chevaux, ours et loups... Mention spéciale pour les charbonniers du Vercors et leur meule de bois, le marché de Plan-de-Baix avec ses fleurs et ses légumes, le vivier à truites des moines de l’abbaye de Léoncel, l’aqueduc de Saint-Nazaire …

Catherine est aussi conteuse : quand elle installe sa crèche monumentale, elle invente pour chaque scène une petite histoire de son cru. Et c’est tout naturellement qu’elle raconte ensuite aux visiteurs les traditions, les anecdotes, les chamailleries des habitants du Vercors. Patience et passion signent cette belle réalisation artistique. Ce n’est pourtant pas l’activité principale de Catherine ! A Léoncel, lieu isolé et magique, avec sa superbe abbaye cistercienne nichée au pied des falaises, c’est elle qui tient à la belle saison le café-auberge, qui accueille, informe et réchauffe les visiteurs.  

Après la visite de l’abbaye pour méditer, ou une ascension sportive jusqu’au Pas de l’Echaillon, ne manquez pas de visiter le magasin associatif du village, où la crèche s’est invitée cette année.  Au régal des yeux, succèdera celui des papilles ; on y sert des goûters généreux, avec vin chaud aux myrtilles, crêpes et gaufres, et jusqu’aux treize desserts de Noël, tradition oblige. Une visite magique, quand la neige saupoudre les sommets, qui allie nature, culture et plaisir.

La crèche de Léoncel sera visible les après-midis, pendant tous les week-ends et vacances à partir du 9 décembre jusqu'à fin février. Visites contées ou libres.

Tél : 06 79 56 01 56   Facebook : La Crèche de Léoncel. 

Article publié dans Regard Magazine de décembre 2023.

samedi 16 décembre 2023

Une surprenante expo au Palais Idéal : Les architectes de l'étrange

Sarah Winchester et Ferdinand Cheval ont vécu à la même époque, aux antipodes l’un de l’autre, ils ne se connaissaient pas. Pourtant une passion commune les a animés pendant des décennies : la construction d’un bâtiment hors norme, défiant la raison ainsi que leurs contemporains.

Si le Facteur Cheval était un pauvre homme, oeuvrant de ses mains pour édifier son Palais Idéal, Sarah Winchester, riche héritière américaine, partant d’une maison de 8 pièces, n’a cessé de la faire agrandir jusqu’à obtenir une bâtisse de 161 pièces sur 4 étages ! Avec 3 ascenseurs et tout le confort moderne, électricité, chauffage, 13 salles de bains… Mais aussi des escaliers qui ne mènent nulle part, des fenêtres posées au sol, des portes s’ouvrant sur le vide… Sarah Winchester y habitait seule, et ses employés avaient besoin d’un plan pour se repérer dans cet espace labyrinthique.

Comment expliquer cette démesure ? La vie même de Sarah Winchester (1839-1922), alternance de joies et de drames, ouvre quelques pistes. Elle grandit dans une famille aisée de la côte Est des Etats-Unis, épouse en 1862 William Winchester, fils du fondateur de la fabrique des célèbres carabines.  Puis les tragédies s’enchaînent, elle perd successivement son bébé, son mari, son beau-père … et se retrouve veuve à 41 ans, immensément riche mais en pleine dépression.

L’époque est au spiritisme, on cherche à communiquer avec les morts. Toute une littérature se développe autour de la communication avec les esprits. Sarah se sent poursuivie par ses défunts, mais aussi par tous ceux qui ont été tués par une carabine Winchester ! Un médium lui conseille de partir, lui affirme qu’elle mourra quand la construction de sa future maison se terminera. Sarah déménage sur la côte Ouest, achète un ranch de 8 pièces à San José en Californie, et commence dès 1886 à l’agrandir. En ménageant des espaces ouverts aux esprits, auxquels se sont joints ceux des tribus indiennes locales exterminées lors de la ruée vers l’or.

Passionnée d’architecture, Sarah dessine les plans, décore somptueusement les intérieurs de vitraux, fresques et tentures. Elle se construit un palais idéal laissant libre cours à ses expérimentations artistiques. Des équipes d’ouvriers se relaient pendant 20 ans jour et nuit, interrompus par le tremblement de terre de 1906. Dont Sarah, acceptant la malédiction, laisse certains dégâts apparents. Les travaux reprennent ensuite jusqu’à sa mort en 1922. La maison hantée est alors rachetée par un organisateur d’attractions qui la renomme The Winchester Mystery House. Elle fait actuellement partie du Ghost tourism, qui flirte sur les croyances ésotériques et accueille des milliers de visiteurs chaque année.

Avec l’exposition « Les architectes de l’étrange », le Palais Idéal met en scène cet hiver une rencontre entre Ferdinand et Sarah, deux bâtisseurs obstinés, deux personnalités hors du commun, à la limite de la déraison. Quelques photos, un balcon-fenêtre reconstitué et surtout un film permettent de saisir la démarche artistique de Sarah. Celle du Facteur paraît plus simple à côté !

Exposition à voir jusqu’au 14 janvier 2024 dans l’espace muséal du Palais Idéal à Hauterives (26).


Article publié dans le Jtt du jeudi 21 décembre 2023.



dimanche 10 décembre 2023

Panique dans la roselière

Christophe Mercier et Maroussia Peyraud ont dédicacé leur dernier album au Détour des mots à Tournon samedi. Un bel ouvrage, aussi décoratif que distrayant, puisqu’il s’agit d’un leporello, un livre accordéon à déplier.

La forme choisie, une frise, est particulièrement judicieuse, puis qu’elle rappelle le Rhône, au bord duquel se déroule l’histoire. Elle permet d’apprécier le travail tout en délicatesse, dans une dominante bleu-vert, de Maroussia, l’illustratrice. Quant à l’histoire, Christophe, ardent défenseur de la nature, l’a imaginée en observant la faune et la flore des roselières de Tain : il met en scène une bande de rats venant piller les réserves des animaux qui s’ y abritaient.

Ce n’est pas la première collaboration de Christophe et Maroussia. Les deux amis ont déjà réalisé ensemble "Un crocodile dans le Rhône ". Et d’autres projets sont en cours, toujours dans la thématique environnementale locale. Des albums de qualité pour sensibiliser les enfants à la nature et à l’art. Un joli cadeau écolo pour Noël.

Article publié dans le Jtt du jeudi 14 décembre 2023.

mercredi 6 décembre 2023

De crèche en crèche à Mirmande

Chaque année depuis plus de dix ans, le beau village perché de Mirmande, dans la Drôme, haut-lieu du tourisme estival, retrouve une activité (ré)créative pendant la période de Noël. Une déambulation de crèche en crèche y est organisée par les habitants, artistes et commerçants. Pendant plus d’un mois, en grimpant au travers des ruelles médiévales, on peut découvrir une cinquantaine de petites crèches modestes ou raffinées, joliment intégrées dans leur environnement et fabriquées astucieusement avec les moyens du bord.


Ce jeu de piste familial est accessible à tous, il suffit de suivre le fléchage mis en place depuis les parkings en bas de la ville. Ensuite, il faut ouvrir l’œil pour découvrir au fil des ruelles les crèches disséminées dans des vitrines, devant des maisons, dans les jardins ou sur une fenêtre... La fin du parcours se situe tout en haut du village, où l’église Sainte-Foy accueille deux immenses crèches provençales. L’une, constituée de santons d’argile, l’autre avec les modèles traditionnels habillés. Chacune présente, en plus de la Nativité, des scènes de la vie villageoise avec une multitude de détails. On y retrouve tous les métiers traditionnels, bûcherons, bergers, rémouleur, boulanger, jardinier… dans un environnement végétal soigné. Quant au décor de fond, il est exécuté spécialement par des artistes locaux.

De nombreuses festivités accompagnent cette manifestation pendant les week-ends. La première :  Montée aux flambeaux le 2 décembre.  Puis, marché de Noël, vente de bugnes, contes de Noël, feu d’artifice… jusqu'au 14 janvier.

Renseignements : mairie de Mirmande ou sur la page Facebook « Noël à Mirmande ».


Article publié dans le Jtt du jeudi 30 novembre 2023.