La présence des cimenteries à Viviers explique cette mise au point de carreaux polychromes en ciment comprimé, sans cuisson, par trois Vivarois : Etienne Larmande puis Louis-François Damon, inventeurs du procédé, et Auguste Lachave. Les seuls pavages existants étaient alors en pierre, en marbre ou en granito, des matériaux très onéreux que les applicateurs travaillaient sur place. Le carreau de ciment, solution alternative originale, solide et bien moins chère, connaît donc rapidement un immense succès.
Le procédé révolutionnaire est découvert par l’ingénieur
ardéchois Étienne Larmande et relaté par Yves Esquieu, professeur d’art
: « La chaux hydraulique, seule ou mélangée dans de certaines proportions
à de l’argile calcinée, du sable et de l’eau, produit une matière aussi dure
que de la pierre ordinaire sans qu’il soit besoin d’aucune cuisson. »
Les carreaux sont coulés dans un moule en fonte d’acier qui définit leur
format. À l’intérieur du moule vient se positionner le diviseur, un séparateur
de couleurs destiné à la création des motifs. Yves Esquieu précise : « Pour
pouvoir incruster des dessins polychromes, Larmande demanda à un serrurier de
Viviers, Auguste Lachave, de concevoir le matériel de fabrication, notamment
les “diviseurs” de bronze destinés à répartir les couleurs. »
À l’intérieur de chaque cloisonnement du diviseur, le fabricant injecte de la couleur puis ôte le diviseur, afin que les couleurs arrivent en jonction. L’artisan pose ensuite la chape composée de ciment Portland et de silice (sable) sur la couche d’usure. Elle définit l’épaisseur des carreaux ciment (12 mm pour les murs et 16 à 19 mm pour les sols) et fait leur solidité. Cet ensemble encore positionné dans le moule part sous presse pour être compacté, puis sorti de son moule. Ensuite, les carreaux sont plongés dans des bacs d’eau pour qu’ils durcissent avant d’être séchés.
Présenté à l’Exposition universelle de 1867 à Paris, le carreau mosaïque de
ciment obtient un franc succès et fait rapidement le tour de l’Europe. Puis, en pleine période de
colonisation, ce procédé simple permettant de faire de plaisants motifs colorés
à bas coût s’est diffusé aux quatre coins de la planète. On en retrouve en
Indochine, au Maghreb, en Afrique, partout où la France avait des colonies.
Les artisans de tous les pays se sont rapidement emparés de
la technique. « Du moment qu’il existait une cimenterie, il était facile
de faire appel à un ferronnier ou un dinandier pour créer le diviseur propre à
réaliser les motifs colorés. Ensuite, une seule presse hydraulique était
requise, un procédé mécanique simple qui a permis à ces carreaux de se
développer partout », explique Delphine Laporte, designer spécialisée en
« zellige » marocain. En Espagne, notamment à Barcelone, les carreaux
de ciment connaissent une période de faste à l’époque moderniste et leurs
motifs Art nouveau continuent à faire aujourd’hui le tour du monde.
Cette passionnante exposition rend hommage aux anciennes fabriques de carreaux de ciment de la région, notamment à Viviers et Bourg-Saint-Andéol. Et glorifie une invention purement ardéchoise dont le monde entier s’est emparé. Elle est visible jusqu’au 26 septembre, du mardi au vendredi de 10h à 13h et de 14h à 17h à la maison des Chevaliers de Viviers.
Article publié dans le Jtt.
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