vendredi 27 décembre 2013

Le Musée de Valence a ouvert ses portes

Le 14 décembre 2013, l'opération Portes Ouvertes qui marquait la réouverture du Musée d'Art et Archéologie après 6 ans de rénovation a été un succès phénoménal : 10 000 personnes se sont empressées d'aller visiter les nouvelles structures. Sur cinq niveaux, un parcours valorise les collections de peintures, permet d'apprécier l'architecture de l'ancien palais épiscopal, et initie à l'art contemporain.

Plus encore que les dessins de Hubert Robert, les toiles de André Lhote, ou les mosaïques gallo-romaines, c'est le le belvédère dominant Valence, qui a récolté tous les suffrages. En plein ciel, l'ouverture à 360° offre en effet une vision superbe sur le Vercors et Crussol, le kiosque Peynet, la cathédrale Saint Apollinaire et la vallée du Rhône jusqu'au défilé de Tain-Tournon.

10 000 entrées en un week-end, c'était précisément la fréquentation annuelle du musée avant les travaux, preuve que cette rénovation était une nécessité. Le cabinet d'architectes Jean-Paul Philippon a réussi à intégrer la restauration du palais épiscopal dans des extensions contemporaines, pour un coût total de 23,35 millions d'euros, financés par l'état, la région, la ville et le département de la Drôme. 

Aujourd'hui, 5750 mètres carrés permettent de profiter de 20 000 œuvres d'art. Des activités pédagogiques et des expositions temporaires sont prévues, un jardin et une terrasse ont été aménagés. Une bibliothèque spécialisée en Art et Archéologie propose 10 000 ouvrages consultables sur place. Depuis l'ouverture, la fréquentation ne faiblit pas.
L'accueil du public se fait place des Ormeaux. Un tracé rouge au sol rappelle les contours de l'odéon qui s'élevait jadis entre cette place et le Champ de Mars. Ce fil symbolique relie Valence à son passé Valentia.

site: museedevalence.fr

dimanche 22 décembre 2013

Chronique littéraire : Dans la mer il y a des crocodiles, de Fabio Geda

Une merveilleuse histoire de Noël. Miraculeuse, et pourtant vraie. Pleine de difficultés, de joies et de promesses. Comment naître sous une mauvaise étoile, et s’en sortir ?

Einaiat est un jeune Afghan de l’ethnie Hazara, c’est dire qu’il est condamné à mort dès sa naissance, cette ethnie étant persécutée à la fois par les Pachtouns et les Talibans. A dix ans, pour lui donner une chance de survie, sa mère l’emmène de l’autre côté de la frontière, au Pakistan. A lui de se débrouiller, elle rentre au pays. A pied, en stop, libre ou caché, Einaiat multiplie les combines pour subsister, gagner sa pitance. Un jour, avec son ami Soufi, il décide de quitter le Pakistan. Objectif : l’Italie, où il connait quelqu’un, et espère accéder au statut de réfugié. Pour cela, il faut traverser l’Iran, la Turquie, la Grèce. Un périple de plusieurs années les attend.

C’est toute la vie humble et dangereuse des immigrés qui s’incarne ici. Travail au noir sur les chantiers, exactions policières, expulsions, marches forcées dans le froid et la faim, passages clandestins des frontières. Ce roman expose clairement leur irrésistible envie de venir en Europe, quel qu’en soit le prix. Pourtant le ton du livre n’est pas amer. Au contraire, il est léger, divertissant, car le point de vue des enfants sur leur situation misérable est décalé, plein d’humour et de fantaisie.

Fabio Geda, né à Turin en 1972, est éducateur et écrivain. Après avoir rencontré et écouté Enaiat, il a décidé de raconter son histoire. Grand succès, traduit en 27 langues, son récit est maintenant disponible en poche, chez Liana Levi Piccolo, au prix de 8.50€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 19 décembre 2013.


jeudi 19 décembre 2013

Lire, écrire, randonner ... à Gstaad

Pour la plupart des Français, Gstaad évoque paillettes et people, Johnny en tête. Pour les Suisses, Gstaad est synonyme de sports, des paisibles randonnées d’altitude aux compétitions de curling, ski, golf, tennis … Le cadre montagneux est superbe, le village préserve son authenticité, les touristes s’extasient devant les inscriptions gothiques sur les chalets anciens, les expositions de cloches rappellent la fabrication traditionnelle de fromage. Les mélomanes se pressent au Festival Yehudi Menuhin. Alors que manque-t-il à Gstaad ?

Un peu de littérature ! Le Literarischer Herbst a pris l’initiative en proposant au public des lectures d’auteurs suisses alémaniques, de Robert Walser à Arno Camenisch. Et en 2014, l’hôtel Gstaaderhof fera écho, en organisant des semaines de promenades littéraires francophones. On pourra découvrir les œuvres de CF Ramuz ou Roland Buti au fil de balades dans un panorama grandiose. Plus encore : des ateliers d’écriture permettront aux participants d’exprimer par mots et par monts leur créativité, de libérer leur imagination. A vos carnets !

Ces semaines de détente culturelle et tonique, accueillies chaleureusement par l’hôtel, sont programmées en mars, en mai, et octobre 2014. 
Les plumes ont rendez-vous sur l’alpage.


lundi 16 décembre 2013

Délice d'hiver : la confiture de barbarine

La réalisation de cette confiture traditionnelle n’est pas difficile, mais elle nécessite du temps et de l’énergie. Le résultat succulent le vaut bien !

D’abord, il faut trouver une barbarine, au marché ou chez un producteur. La courge barbarine ou gigérine (de Gigéri, petite ville de Kabylie), encore appelée citre du côté d’Apt, et méréville vers Carpentras, est une grosse pastèque cultivée dans le sud-est de la France. Elle n’est pas comestible crue, mais sert de base pour une confiture d’agrumes délicieuse.
Ensuite, il faut peler la barbarine, pour en dégager la pulpe. C’est un gros travail, car la peau est très résistante. Retirer les filaments, les graines (vous pouvez les conserver pour les planter dans votre jardin, vous récolterez ainsi vos propres barbarines à l’automne suivant). Enfin débiter la barbarine en morceaux.
Le plus dur est fait. Reste à s’occuper des autres ingrédients.

Recette classique : 1kg de pulpe de barbarine, 3 oranges et un citron coupés en lamelles, avec leur zeste blanchi préalablement, 1kg de sucre, une gousse de vanille. Mettre le tout dans la bassine à confiture, laisser reposer une  nuit. Remuer. Le lendemain, faire cuire à feu doux pendant 1 h puis laisser reposer.
Recommencer l’opération jusqu’à ce que les morceaux de courge soient translucides. La cuisson en plusieurs fois permet de solidifier cette confiture qui a tendance à rester très liquide, elle lui donne une belle couleur ambrée. Mettre en pots, et déguster. Ou l’inverse !

En pratique, chaque cuisinière a sa propre recette, la confiture de barbarine se personnalise de mille façons. En ajoutant les derniers fruits d’automne : pommes, poires, figues, raisins, coings … En modifiant la quantité de sucre, le choix d’épices (cannelle ou gingembre, suivant le goût). On se rapproche alors de la confiture de Noël, une tradition culinaire d’Alsace, le cadeau « fait maison » des gourmands. 

samedi 14 décembre 2013

Chronique littéraire : Grâce, de Delphine Bertholon

Un roman intimiste, qui flirte avec le fantastique.
Après une longue absence, Nathan, jeune veuf chargé de ses deux jumeaux,  revient passer Noël 2011 dans la maison de sa mère, aux environs de Lyon. Mais les retrouvailles ne sont pas simples, trop de problèmes relationnels subsistent avec Grâce, sa mère, et avec Lise, sa sœur. Impossible de se sentir bien, cauchemars et hallucinations se succèdent. La maison cache un secret, est-elle hantée ? Un fantôme semble s’y déchaîner.

La narration des événements qui adviennent pendant les vacances de Noël 2011 alterne avec le journal de Grâce, en 1981, quand le bonheur a disparu, en même temps que Christina, la jeune fille polonaise chargée des enfants. Christina était la joie de vivre, adorée par Nathan, mais aussi par le père, Thomas. Grâce et Lise ont alors découvert la jalousie. Quel drame s’est joué ? Pourquoi Christina est-elle partie ? Pourquoi Thomas a-t-il aussi quitté la maison ? Tout ce passé douloureux enfoui depuis longtemps, jamais exprimé, interdit aux habitants de la maison de vivre normalement.

Ambiance tendue, irrationnelle, caractères fouillés, liens familiaux décortiqués, l’intrigue est bien menée. Il faut attendre le dénouement pour comprendre l’enchaînement du drame, sa logique, dans une campagne étouffante, et envisager une possible reconstruction.
Delphine Bertholon, née en 1976 à Lyon, a publié quatre romans. Elle est aussi scénariste pour la télévision. 
Grâce est disponible en Livre de Poche au prix de 7€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 12 décembre 2013.

lundi 9 décembre 2013

Festival Entrevues : 'A iucata (le pari) , de Michele Pennetta

En Sicile,  des courses clandestines de chevaux sont organisées de nuit, loin de tout contrôle. Une économie souterraine, avec paris, défis, violence. Une autre mafia, qui reflète l’ambivalence du pays, entre beauté éclatante et sombres trafics. Cet implacable documentaire nous entraîne dans un monde où les chevaux n’ont que la valeur de leurs jarrets. Pas de discours superflu, mais des images fortes.

Un cheval au galop, attelé à un sulky, sur une route panoramique au-dessus de Catane. Nuit et pluie. Une voiture, phares allumés, suit l’équipage. Des hommes courent à côté. Etrange douceur du jour qui se lève, alors que la force sauvage d’un cheval se déploie, incongrue dans la circulation automobile.

Séquence paisible, à l’écurie, cachée dans une ruelle sombre de la ville. Réduit sordide, surveillé par visiophone. Un gamin, Vittorio, nettoie le crottin, change la paille, brosse l’animal. Quelques caresses échangées. Cheval nerveux, toujours entravé, hypersensible aux bruits. Le patron arrive, aboie ses ordres, il faut harnacher, atteler, vite. Des entraînements successifs, toujours en fin de nuit, dans les rues de Catane, entre les voitures. Ou sur la plage, dans un petit matin rose et bleu. Mais pas d’angélisme, le cheval comme le garçon sont tous deux exploités, sacrifiés au dieu Argent.
Le martèlement des sabots, au pas, au trot, au galop, scande le film, staccato du destin résonnant sur le bitume des boulevards. Ordres hurlés du cavalier, halètement du cheval, voix grasses des parieurs, la bande-son dépouillée laisse la part belle au cheval. Au pas, il rentre, épuisé. A l’écurie, la piqûre de dopage l’attend. Les paris sont ouverts.

Déferlante de la course finale, sur une route déserte, dans la montagne. Un duel de chefs, par animaux interposés. Galop surréaliste des chevaux, brun contre blanc, au milieu d’une horde de scooters et motos lancés à plein régime, dans un vacarme de klaxons. Ni la Madone, furtivement invoquée, ni l’Etna majestueux et impassible, au loin, ne peuvent les sauver. Une interprétation moderne des Cavaliers de l’Apocalypse, annonciateurs de catastrophes.


mercredi 4 décembre 2013

Lithographies de Gantner : La collection secrète...

Bernard Gantner est un célèbre artiste peintre, né à Belfort en 1928. Paysages de neige, fermes sous-vosgiennes en grès rose, bords d’étang, arbres calligraphiés, la nature de sa Franche-Comté natale a nourri son œuvre. Puis d’autres lieux l’ont attiré, sa renommée est devenue internationale, il a exposé au Japon, aux USA, en Suisse… Les musées, collectionneurs et amateurs se disputent ses gravures, estampes, aquarelles et huiles.

En 1998, en hommage à son grand-père, maître d’école à Bourogne, qui l’a initié à l’art, et par amitié pour le maire, il a offert à ce village un local, aussitôt appelée Espace Gantner, et une collection de 580 lithographies et eaux-fortes. A charge d’y organiser des expositions. Ce fut le cas lors de l’inauguration.
Puis les temps ont changé, les choix politiques et culturels aussi. L’Espace Gantner est devenu un centre multimédia, les lithographies sont restées au grenier. Plus de dix ans ont passé. 

Bernard Gantner a ouvert son propre musée dans sa maison, à La Chapelle sous Chaux. C’est là qu’il vit, entre forêts et étangs, dans un immense parc paysager.
En 2010, une réorganisation s’amorce : les lithographies quittent leur grenier, pour la mairie. Changement de tutelle. Mais que faire de cette encombrante collection, quand on n’a ni lieu d’exposition, ni budget ? 

2013. Une bibliothécaire motivée s’emploie à mettre en valeur cette magnifique donation, en organisant des expositions ponctuelles, dans la salle… du Conseil Municipal. Paysages roses et verts au printemps, étangs et canaux en été, forêts et ciels dorés en automne, neiges en hiver, elle choisit chaque fois une trentaine de lithographies parmi les 580 à disposition, pour les présenter au public. Un projet émerge enfin : pourquoi pas une arthotèque ? Proposer des œuvres d’art à la location, c’est un concept original. A destination des entreprises, des collectivités ou même des particuliers. Si vous avez envie de changer de décor…

samedi 30 novembre 2013

Chronique littéraire : L'hiver des hommes, de Lionel Duroy

Retour sur la guerre en Yougoslavie. Marc, un écrivain français, enquête en 2010 sur les événements des années 1992-95, et sur leurs conséquences. Une folie meurtrière s'est alors emparée du pays, les communautés serbes, croates, bosniaques, qui, jusque là, cohabitaient en bonne intelligence se sont déchirées, dans d'effroyables tueries, les familles ont été décimées, les maisons détruites. Comment peut-on vivre après cela ?
Marc est surtout passionné par le cas d'Ana Mladic, fille du général serbe accusé de génocide, dont la mort reste mystérieuse, suicide ou attentat ? Les problèmes des enfants de criminels de guerre le fascinent, lui qui a été rejeté par sa famille, après une enfance maltraitée. Que peut-on construire sur des cendres ?

Pour les Serbes, la paix actuelle n'est pas synonyme de nouveau départ. Leur pays est partagé en deux, les plus récalcitrants sont isolés dans la partie serbe de la Bosnie-Herzégovine. Ailleurs, les affairistes sont au pouvoir, les anciens héros de la guerre écartés ou poursuivis, alors qu'ils n'ont souvent fait qu'obéir. Au chômage, au sentiment d'abandon, s'ajoute celui d'injustice, de peur, devant les nombreux règlements de compte, et les jugements partiaux de l'Europe.
Lionel Duroy joue les correspondants de guerre. A travers l'enquête de Marc, son alter ego, il nous permet d'appréhender un maximum d'éclairages sur cette guerre si proche. Le bilan des conséquences est désastreux, et même désespéré : la poudrière des Balkans ne demande qu'à exploser à nouveau. Comme son impossible vie familiale, que ses écrits ont fait voler en éclats.

Lionel Duroy , né en 1949 à Bizerte, a vécu une enfance opprimée dans une famille réactionnaire. Successivement livreur, ouvrier puis journaliste et écrivain, il a obtenu avec son roman le Prix Renaudot des Lycéens en 2012. En format de poche, chez J'ai lu, au prix de 6,50€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 28 novembre 2013.

lundi 25 novembre 2013

Le kaki est de retour !

C’est le fruit du plaqueminier, (anciennement appelé figue caque), un arbre originaire de Chine. Abondamment cultivé au Japon, dont il est le fruit national, avec plusieurs centaines de variétés, c’est un des plaisirs de l’automne dans la Drôme.
Plaisir visuel d’abord : Ces gros fruits orangés, accrochés dans des arbres qui ont perdu leurs feuilles, c’est Noël en Novembre ! En campagne comme en ville, les plaqueminiers illuminent les jardins de leurs lanternes rutilantes. Souvent anciens, imposants, isolés, ils créent une atmosphère magique dans la grisaille de l’automne.

Plaisir gustatif, bien sûr. Le kaki de la Drôme se consomme très mûr, cueilli après la première gelée. Il ressemble alors à une grosse tomate, d’une couleur orange foncé. Sa peau n’est pas bonne, mais sa chair, sucrée et fondante comme une confiture au goût d’abricot, est bourrée de nutriments (vitamine C, carotène, glucose, pectine …). Il faut la consommer à la petite cuillère, quand il est blet, c'est-à-dire mou au toucher. Attention, si vous n’attendez pas, son astringence, due à la présence de tanins, vous incommodera.
Il existe des recettes de confiture, de compotes. Il parait aussi que le kaki séché est une pure merveille, les Japonais en raffolent. Mais le plus simple, c’est de manger le kaki cru, il se conserve longtemps. Quel meilleur aliment pour la santé que ce fruit de saison, succulent, énergétique, produit localement?

Sur le marché, on trouve deux variétés de kakis : le traditionnel  hachiya et le kaki-pomme fuyu. Celui-là, on peut le consommer croquant, ou attendre qu’il mûrisse. Il n’a pas d’astringence, n’est pas fragile, se transporte facilement.
Le terme Persimmon ne qualifie pas une variété particulière, c’est tout simplement le mot utilisé  en Angleterre et en Espagne pour nommer le kaki.

"A la Sainte Catherine, tout bois prend racine". C’est le moment de planter un plaqueminier dans votre jardin, son feuillage est beau, ses fruits savoureux, et c’est un arbre rustique. Tant de vénérables plaqueminiers ont été coupés, sous prétexte que leurs fruits n’étaient plus appréciés… Avec la mode aux vergers anciens, le kaki fait son retour.

samedi 23 novembre 2013

Chronique littéraire : Un héros, de Félicité Herzog

On peut naître petite fille riche, s’appeler Félicité, et néanmoins être très malheureuse.
La fille de Maurice Herzog, « vainqueur de l’Annapurna », et d’une intellectuelle plus apte à enseigner Kant qu’à s’occuper de ses enfants, n’a connu que des nourrices, des séjours encadrés aux quatre coins du monde, des soucis d’adultes. Parents divorcés, tromperies, mensonges  et perversion, aucune émotion ne filtre, même chez les grands-parents, représentants figés d’une riche dynastie aristocratique et industrielle.

Félicité ne partage qu’une seule intimité, fusionnelle, avec son grand frère, Laurent, un garçon brutal qui se sent appelé à un grand destin. Il excelle en tout, mais sombre bientôt dans un délire d’études universelles, ne tolérant pas la moindre faiblesse chez sa sœur. Félicité accepte ses coups et ses conseils, se bat pour préserver le lien. Réussit brillamment, elle aussi. Mais comprend trop tard que Laurent développe une maladie mentale, la schizophrénie, avec une issue fatale prévisible.

Dans son récit, Félicité déboulonne la statue du commandeur, ce père éternel séducteur, qui refuse de payer la pension, ne la regarde pas, ou juste comme une proie sexuelle. Elle dresse aussi un portrait navrant de sa mère, riche héritière qui joue les intellectuelles gauchistes libérées. Et décrypte avec virulence le monde cruel de la finance internationale, dans lequel elle se lance. Les coups et les blessures de l’enfance l’ont endurcie, elle trace son chemin parmi les embûches. Son héros, c’est son frère.
Après la mort de celui-ci, elle éprouve le besoin de comprendre. Comment la folie peut-elle détruire ainsi un jeune homme doué ? Son travail de mémorialiste féroce se double alors d'une quête psychanalytique, et acquiert une dimension universelle.

Félicité Herzog, née en 1968, fait carrière dans la finance internationale. Son récit vient de sortir en Livre de Poche à 6.60 €.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 21 novembre 2013.


mercredi 13 novembre 2013

Qin, l’Empereur éternel et ses guerriers de terre cuite

Au Musée Historique de Berne se tient une magnifique exposition sur la fameuse armée de statues ensevelies, plus de 8000 guerriers et chevaux, destinée à accompagner l’Empereur Qin Shi Huangdi (259-210 avant J.C.) dans sa dernière demeure.
Les principales pièces présentées, huit guerriers, un cheval, un char  et son attelage, sont extraordinaires de réalisme. Les traits des visages, les détails des vêtements, le naturel des attitudes montrent à quel point les Chinois du troisième siècle avant notre ère maîtrisaient l’art de la terre cuite, à l’origine polychrome. D’autres pièces plus petites, au décor souvent inspiré d’animaux, objets du quotidien ou de culte, armes, matériaux de construction, en bronze, pierre ou jade, témoignent du raffinement qui régnait à la Cour du Premier Empereur et donnent une vision plus globale de la vie à l’époque. Les explications en trois langues, anglais, français, allemand, sont claires.

La déambulation parmi les vitrines s’accompagne sur écran de rappels historiques bien dosés. On découvre le parcours de Qin Shi Huangdi, conquérant et stratège, qui, après avoir annexé de nombreux royaumes, s’est attribué le titre de Fils du Ciel. Son rôle politique a été déterminant pour la Chine : non seulement il a réuni un immense territoire, mais il a mis au point une organisation centralisée du pouvoir, qui a servi jusqu’au XXème siècle. En particulier, il a unifié la langue et l’écriture, indispensables à la communication dans son empire. L’influence politique décisive de Qin Shi Huangdi, surtout connu comme guerrier et despote auparavant, a été révélée par l’étude de son complexe funéraire.

Car non seulement le Premier Empereur s’est fait enterrer avec son armée de terre cuite grandeur nature, mais aussi avec sa Cour, ses serviteurs et ses fonctionnaires, ses musiciens et ses animaux. Chaque nouvelle session de fouilles dans l’immense site archéologique de Xi’an (56 km2), découvert par hasard en 1974, permet d’enrichir les connaissances  sur l’époque. Et tout n’a pas encore été  exploité, la sépulture royale, notamment, est toujours à l’abri de son tumulus de 115 m de haut. Les conditions actuelles ne permettent pas d’en assurer la conservation en cas d’exposition à l’air, après 2200 ans sous terre.

Le mausolée, inscrit au patrimoine Mondial, reconnu comme la huitième merveille du monde, a été construit en une trentaine d’années environ par 700 000 prisonniers et esclaves. Seule la Grande Muraille peut rivaliser ! Et pour cause : c’est le même empereur qui en a entrepris la construction méthodique, afin de protéger ses frontières du Nord.
Qin Shi Huangdi, éminent tacticien,  a su conquérir l’éternité !

samedi 9 novembre 2013

Chronique littéraire : Une femme fuyant l'annonce, de David Grossman

Un hommage à la puissance de l’amour, contre la guerre interminable en Israël. Ora, après avoir accompagné son fils Ofer en partance pour une opération militaire dangereuse, décide de quitter sa maison. Elle ne veut pas être présente, si les envoyés de l’armée viennent lui annoncer la mort de son fils. Et espère, grâce à ce subterfuge, qu’il restera en vie. Elle part en randonnée en Galilée, forçant son vieil ami Avram  à l’accompagner. L’errance sur les chemins est l’occasion de parler de Ofer, son enfance, son adolescence. Et aussi de son fils aîné Adam. Deux enfants qu’elle a aimés, câlinés, dorlotés sans compter. Des pages merveilleuses sur l’amour maternel, l’éducation, l’enfance.

On découvre peu à peu que Ora a vécu une histoire d’amour complexe avec Avram, et un mariage voué à l’échec avec Ilan. Tout a commencé dans un hôpital militaire où les trois adolescents étaient isolés, contagieux, hallucinés. Le trio devenu ensuite inséparable, a vécu une complicité hors du commun, une créativité hors normes, malgré les complications amoureuses. Autre éloge, celui de l’amitié, la solidarité. Mais la guerre a broyé Avram, ne laissant à Ora et Ilan que la possibilité de survivre dans le souvenir d’avant.

Les premières pages sont obscures, on ne comprend pas pourquoi, comment. Puis les événements, comme dans un puzzle, révèlent leur logique au fur et à mesure des souvenirs d’Ora. Des digressions philosophiques, politiques, littéraires, mais aussi poétiques, ironiques, jaillissent au cours du cheminement entre les collines en fleurs. Malgré l’omniprésence de la guerre, des attentats-suicides, qui étouffent le quotidien. Un livre éblouissant de richesse, de maîtrise et de profondeur, dont le souffle puissant recouvre la vie, la mort, l’amour.

David Grossman, né en 1954 à Jérusalem, est une des figures de proue de la littérature israélienne, fondateur du mouvement « La Paix maintenant ». Pendant l’écriture de ce roman, il a lui-même perdu son fils, tué d’une roquette dans une embuscade.
Son roman est disponible en Points Poche au prix de 8.90€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 5 novembre 2013.

mercredi 6 novembre 2013

Connaissez-vous le "fini-parti" ?

C’est une pratique autorisant les éboueurs marseillais à quitter leur travail quand la tournée est finie. Logique, à son origine, dans une société qui avait le culte du devoir accompli. Mais le fini-parti est devenu une aberration économique : fini-parti s’est transformé en pas fini-mais bien parti. Résultat : la ville de Marseille est en permanence encombrée de poubelles, pourtant les Marseillais sont ceux qui paient les plus fortes taxes d’enlèvement des ordures en France. Les journalistes du magazine Capital sur M6 ont mené leur enquête.

Embarquement des caméras dans un camion-benne. La tournée se déroule correctement pendant 3h30, puis le camion rentre au dépôt, au nom du fini-parti. L’autre moitié de la tournée n’est pas assurée. Interview des usagers, excédés devant les poubelles qui restent en plan.
Caméra cachée dans les rues, dans un deuxième temps : on voit les camions des éboueurs arriver à toute vitesse, quelques poubelles sont vidées à la hâte, d’autres renversées, ou ignorées, et les camions repartent sur les chapeaux de roue.  Interview d’un responsable de la propreté de la ville : Sur son écran, il visualise le déroulement des tournées en direct, chaque camion ayant une balise. Tout est transparent : les trajets empruntés, la vitesse abusive des véhicules, les arrêts bâclés, environ 10 secondes pour ramasser les ordures, la tournée interrompue. La faute au fini-parti ! Travailler à mi-temps, être payé à plein temps, à Marseille, on peut le faire...
Troisième étape à la mairie de Marseille. Le Maire, d’un naturel arrangeant, explique qu’il tolère tout ça, pour ne pas avoir à subir de conflit avec le syndicat des éboueurs.
                                                                                                                            
Le mot est lâché. Le syndicat ! FO a investi tous les niveaux de la fonction publique à Marseille. Aucune mesure ne peut être prise sans son aval, donc FO verrouille tout, décide des grèves, des promotions, des mutations, du temps de travail. Et encourage le fini-parti, prisé par ses adhérents. FO a même obtenu 600 mètres-carrés de bureaux refaits à neuf par la municipalité dans un immeuble de prestige.

Fini-parti, ça ressemble à pas vu-pas pris, une malhonnêteté affichée. Une galéjade au milieu des scandales, magouilles et règlements de comptes qui sont le quotidien des Marseillais ? Non, car ici toute la population est prise en otage, obligée de vivre dans ses poubelles. A Naples, c’est une histoire de Mafia. A Marseille c’est le fini-parti.

Que faire pour que plus belle soit la vie ? Au moins, comme Stéphane Hessel, Indignez-vous 

dimanche 3 novembre 2013

Les jardins d'Erik Borja

Près de Tain l'Hermitage, à Beaumont Monteux, il existe un jardin exceptionnel, œuvre d'un artiste pétri de culture orientale : le Jardin Zen, d'Erik Borja. En cette période de Toussaint, les couleurs d'automne sont à l'honneur. Mais pas seulement !
Dès l'entrée, une longue allée bordée d'arbres taillés en nuages permet d'apprécier les différents visages du domaine : terrasses méditerranéennes aux senteurs de lavande et romarin, jardin de méditation au gravier soigneusement ratissé, paisible maison de thé dominant le lac, promenade sous les chênes séculaires, forêt de bambous au bord de la rivière, arbousiers, malus, cosmos et zinnias éclatants.

Derrière le calme absolu, la beauté paisible, l'apparente maîtrise des éléments, la nature ne fait pas de cadeau. Lors des pluies torrentielles du 23 octobre, les dégâts occasionnés par la crue de l'Herbasse ont été importants : berges effondrées, arbres déracinés. Les jardiniers travaillent sans relâche à l'entretien. Erik Borja de son côté poursuit une carrière internationale de créateur de jardins d'inspiration japonaise. Celui de Beaumont Monteux, laboratoire d'idées en constante évolution, illustre ses recherches, mais reflète aussi son parcours.

Rien ne destinait Erik Borja à cette carrière. Né en 1941, à Tipaza, après une enfance méditerranéenne, bousculée par la guerre d'Algérie, l'arrivée dans la Drôme, puis les Beaux-Arts à Paris, il participe au mouvement optic art, commence à exposer sculptures et recherches visuelles dans des galeries. Dès les années 70, il ressent le besoin de se ressourcer régulièrement dans la Drôme, puis de s'y installer, entre vignes et arbres fruitiers. Mais c'est un voyage au Japon qui marque le tournant de sa vie. Enthousiasmé par les jardins de monastères, la symbolique des éléments, Erik Borja se plonge dans la philosophie orientale. Là-bas, un jardin reflète un cheminement spirituel, en cohésion avec la nature environnante.

Il a trouvé sa voie, et se lance dans la conception de jardins, en jouant l' équilibre entre végétal et minéral, l'harmonie des formes, des volumes et des couleurs, la présence de l'eau. Sa formation de sculpteur, jointe à la technique des jardiniers dont il s'entoure, le conduisent à renouveler l'art du jardin, il crée des tableaux d'artiste, dont les perspectives structurent le paysage et favorisent la contemplation méditative. Spécialiste reconnu de la taille d'arbres en nuages, il assure à Beaumont Monteux la formation de nombreux stagiaires.

Le jardin a sa vie propre, les érables sont en retard cette année, certains fruitiers ont gelé l'hiver dernier, mais les visiteurs ne sont jamais déçus. Chaque saison est une source de plaisirs visuels différents. Ce week-end, un pépiniériste passionné venu d'Isère, exposait des spécimens aux feuillages flamboyants, dorés, rouges ou bordeaux. La neige sur les bosquets est aussi un instant magique, tout comme la floraison des iris, celle des camélias ou des glycines...
Le Jardin Zen d'Erik Borja, labellisé Jardin Remarquable depuis 2005, est ouvert en toute saison, sur RDV. Que du bonheur !

site : www.erikborja.fr

mercredi 23 octobre 2013

Chronique littéraire : Certaines n'avaient jamais vu la mer, de Julie Otsuka

Ce n’est pas un roman, mais une longue incantation à plusieurs voix. Celles des centaines de jeunes femmes Japonaises entraînées dans un voyage sans retour, dans les années 1920. Achetées par des compatriotes immigrés en Amérique, séduites par correspondance, elles espèrent un mariage, une situation confortable sur la côte Ouest des Etats-Unis. A l’arrivée à San Francisco, elles découvrent de pauvres hères, vivant dans la misère, qui les battent, les violent, et les mettent au travail.

Des milliers de rêves sur le bateau, des milliers de tragédies sur terre, l’adaptation forcée, le travail harassant, une vie de bêtes de somme, hommes et femmes confondus. Et puis naissent des enfants, une amélioration des conditions se dessine, la communauté s’organise, industrieuse, volontaire, soudée. L’intégration réussit. L’avenir sourit.
Pas pour longtemps. En 1941, l’attaque de Pearl Harbor condamne les Japonais immigrés, désignés par l’état US comme fauteurs de troubles, espions, ennemis. Leurs quartiers sont cernés, puis vidés, hommes, femmes, enfants entraînés dans des camps de travail. Il faut fuir, tout abandonner, encore, et repartir à zéro.

Julie Otsuka révèle dans son récit un épisode peu glorieux de l’immigration japonaise aux USA. Par son choix d’une voix démultipliée, elle réinvente le chœur antique, et lui confère une valeur d’éternité.  Un chant de détresse, infiniment reproduit dans d’autres lieux, sous d’autres cieux.
Née en 1962 en Californie, elle-même d'origine japonaise, elle a obtenu le prix Femina étranger 2012 pour Certaines n’avaient jamais vu la mer, disponible maintenant en collection 10/18 au prix de 6.60€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 17 octobre 2013.

jeudi 17 octobre 2013

1783, premier vol de l'homme

C’est le titre d’un documentaire passionnant, présenté par Arte, sur les premiers vols habités en montgolfière. Images superbes, tournées en partie à Annonay, patrie des Frères Montgolfier. Le film mêle deux époques, deux épopées : aujourd’hui, le pari fou d’une poignée d’obstinés pour reconstituer à l’identique l’aérostat du premier envol humain, en novembre 1783. En contrepoint, il raconte l’histoire extraordinaire de l’aérostation à la fin du XVIIIème siècle.

A Annonay, Mercedes, constructrice de ballons, et Guillaume, descendant de l’illustre famille de Montgolfier, souhaitaient fêter dignement le 230ème anniversaire de la première incursion de l’homme dans l’espace, en reconstituant exactement le ballon utilisé par les Frères Montgolfier. Recherches historiques, contacts avec différents fabricants, conseils de spécialistes, les études préliminaires ont été longues, avant de passer à l’élaboration du ballon proprement dit, environ 20 m de haut, constitué de 24 fuseaux de toile de coton enduite de papier.

Les deux passionnés ont fait fabriquer des feuilles de papier à l’ancienne dans un moulin d’Ambert, essayé la colle de poissons pour les appliquer sur les 1000 m2 de toile, appris à mélanger les poudres de couleur traditionnelles pour reproduire les décors d’époque, bleu azur et or, au Musée du papier peint de Rixheim. Cousu ensemble les fuseaux, testé le gonflement à l’air chaud par feu de paille. Après avoir surmonté nombre de difficultés techniques, enfin, la majestueuse montgolfière s’est élevée dans le ciel d'Annonay ! Grâce à Arte, on peut revivre cet instant magique, avec le même émerveillement que le conservateur du Musée de l'Air et de l'Espace de Washington, venu spécialement assister à la performance.

Tout comme son compatriote Benjamin Franklin, 230 ans auparavant, a décrit avec enthousiasme la compétition entre inventeurs, ballon à air chaud des frères Montgolfier contre ballon à hydrogène de J.A. Charles.  Il a assisté au premier vol habité, à Versailles, en présence de Louis XVI et sa cour. Dans la nacelle, un mouton, un coq et un canard : on ne savait pas si l’homme survivrait ! Puis Pilâtre du Rozier a obtenu du roi l’autorisation de devenir le premier humain volant … Un rêve fou, qui s’est concrétisé le 21 novembre 1783. 

« 1783, le premier vol de l’homme » sera rediffusé dimanche 27/10 et mercredi 30 sur Arte. A vos écrans !

jeudi 10 octobre 2013

Chronique littéraire : Les mots de ma vie, de Bernard Pivot

En cette période de rentrée scolaire, rendons hommage à Bernard Pivot, obstiné défenseur de la langue française, qui a remis la dictée à la page.
Sous forme d’un dictionnaire, les mots proposés dans cet ouvrage révèlent avec légèreté une personnalité intime et complexe. Sa géographie personnelle, le Lyonnais, son amour de la table, de la vigne, son histoire familiale, sa réussite télévisuelle sont présentés avec intelligence et drôlerie, dans une langue à la fois gourmande et travaillée.
 
D’Apostrophes en Dictée, de Carabistouille en Chafoin, d’Ortolan en Poularde, de Football en Marron, toute une vie se dessine, à la fois médiatique et discrète. Bernard Pivot aime les mots, et les mots le lui rendent bien. Il les décortique, fait des associations loufoques, philosophe avec le sourire. Son texte est inventif et drôle, on se régale à retrouver des expressions désuètes, des vocables poétiques ou élégants, des réminiscences de patois...

Bernard Pivot, né en 1935 à Lyon, fut journaliste et animateur de nombreuses et populaires émissions littéraires, dont Apostrophes. Passé de l’autre côté, il n’a pas dit son dernier mot : c’est lui qui écrit maintenant, des romans légers, ou des tweets percutants.

Les mots de ma vie est disponible en Livre de Poche au prix de 6.90€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 10 octobre 2013.

mercredi 2 octobre 2013

Le MuCEM, j'aime

Sortir des entrailles de la terre (un parking souterrain sous le port de la Joliette), émerger en plein soleil. Ciel azur, mouettes criardes, mistral violent : vertige. Puis l’œil s'habitue à la lumière. De tous côtés, le décor est grandiose : mer bleu cobalt, imposants immeubles du port de commerce, non moins majestueux bateaux de croisière, cathédrale Major impassible devant l'incessant trafic routier, et, au bout de l'immense esplanade, le MuCEM, cube de béton-dentelle, vision magique.
L'architecte Rudy Ricciotti a conçu pour le Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée un carré parfait de 72 m de côté, encadrant un autre carré intérieur, dans un matériau exceptionnel, un béton gris foncé travaillé en résille. Reflets argentés, découpage harmonieux, photogénie absolue, sur fond bleu, blanc ou ocre. Cet écrin, à la fois massif et aérien, posé face à la mer, est d'une beauté fascinante.

Entrée fluide, direction quatrième étage, pour apprécier le panorama. Difficile de trouver de nouveaux superlatifs, chaque angle de vue est sublime. Le Fort Saint Jean, tout proche, parfaitement restauré, forme un contrepoint idéal au MuCEM, avec ses pierres blondes dominant la mer. La passerelle piétonne qui permet de passer de l'un à l'autre, ouvre un extraordinaire espace de promenade, de détente, de beauté architecturale. Toute la zone est d'accès gratuit, seules les expos sont payantes. Les Marseillais sont gâtés !
Depuis les remparts du Fort, panorama à 360° : le Vieux Port, le Pharo, la Bonne Mère. L'infini de la mer, et de la côte rocheuse, le MuCEM et son patio intérieur. Chemins de ronde tortueux, jardins suspendus, tours de guet. On a planté épices et aromates, légumes anciens, oliviers et figuiers. Le Fort Saint Jean est un lieu spectaculaire et inattendu.

Retour au MuCEM pour les expos. Au RDC, la Galerie de la Méditerranée évoque les points communs aux pays qui la bordent, agriculture, religion, citoyenneté... Au niveau 2, une exposition marginale porte bien son nom : Le grand Bazar. A côté, une exposition exhaustive, Le Noir et le Bleu, éclaire l'histoire, la géographie, les courants artistiques et les civilisations de la Méditerrannée. C'est riche, très documenté. Il faudrait prendre son temps, fouiller les détails, mais la fatigue se fait sentir.
Après quatre heures de visite, une pause s'impose. La terrasse du MuCEM permet d'apprécier la douceur de septembre, la lumière de fin d'après-midi joue avec la dentelle de béton. Le bonheur est sur le toit.

jeudi 26 septembre 2013

Berger Albert

C'est une histoire provençale, comme on en racontait dans les veillées : Atmosphère pastorale, rude labeur, rencontres, amitié, dans la montagne de Giono. Un café littéraire a renouvelé la magie du passé. Hubert Blond présentait son livre : "Les parcours poétiques du Berger Albert".
Entre 1912 et 1959, Albert, berger dans les environs de Banon, a suivi les troupeaux de moutons dans la solitude extrême de la Montagne de Lure, s'installant d'une bergerie à l'autre. Sur les pierres de ces bergeries, il a écrit à la mine graphite des phrases, des poèmes, drôles, tragiques, ou simplement factuels. Un modèle d'art brut, et en filigrane, l'histoire d'une vie solitaire.

Hubert Blond, issu des métiers du bâtiment, et randonneur expérimenté, a recensé des centaines de bergeries de pierres sèches, abandonnées, dans la montagne. Admirateur de la prouesse architecturale (il faut empiler savamment environ un million de petites pierres, pendant des décennies), il a découvert par hasard à l'intérieur quelques phrases soigneusement calligraphiées par Albert. Étonné, ému, et vite passionné, il a exploré ensuite méthodiquement toutes les bergeries autour de Banon, à la recherche des écrits éparpillés, effacés parfois. Et tenté de reconstituer le parcours d'Albert, pauvre berger d'origine italienne, à travers la lecture d'archives et les témoignages d'anciens.

Hubert Blond est illuminé par sa quête. La rencontre virtuelle avec Albert a permis au berger sans biens ni descendance de s'ancrer dans la postérité, et à l'humble randonneur de vivre une aventure passionnante. Le livre est une œuvre commune, cadeau de l'un à l'autre, à la fois reconnaissance et renaissance. Hubert raconte l'histoire d'Albert, sur un fond de photos splendides de la Haute Provence, et transcrit fidèlement les bribes de poésie sauvage recueillis.

"Lamours est une choses si fragille quon peut Le perdre même en parlant"...

Les parcours poétiques du Berger Albert, par Hubert Blond, L'Edition à façon.

mercredi 25 septembre 2013

No stress

Premier jour de cure. Voiture au garage. Appart branché. Nuit paisible, après une balade au soleil. No stress.
Nicole, c'est l'heure ! C'est Jo qui frappe à ma porte, j'ai la flemme de mettre mon réveil. Déjà 6H30 ? Pas le temps de réfléchir, je saute hors du lit, cours à la cuisine, coupe des tranches de pain, les glisse dans le toaster, reviens à la chambre m'habiller en vitesse, retourne à la cuisine, prends un bol de café tout chaud, merci Jo. Beurre et confiture d'abricots sur tartines grillées. Je gloutonne. Tu as vu l'horloge du four ? 5H45 ! Ah, ah, ils ont oublié le changement d'heure !

Moins le quart, je file, dit Jo. On se retrouve aux thermes. Je range le petit déjeûner, vérifie mon sac : maillot, bonnet, sandales, planning. J'éteins les lampes et ferme à clé. Dehors, nuit noire. C'est drôle, l'année dernière, à la même heure, je profitais du lever du soleil, des oliviers argentés sur ciel bleu sombre, en marchant jusqu'aux thermes. Je ne  réfléchis pas davantage, je me hâte. La ville est déserte, pas de commerçant ouvrant un volet métallique, pas de cantonniers aspergeant les rues piétonnes. Même les forains n'ont pas encore commencé à s'installer sur la place du marché. Etrange. Le clocher sonne l'heure, mais je néglige de compter les coups. La température est douce, je me réjouis à la pensée de la boue tiède qui m'attend, avant une longue journée de soleil. No stress.

Et quart. Il m'a fallu moins d'une demi-heure pour arriver aux thermes illuminés. Je retrouve Jo, nous allons attendre notre tour vers l'horloge de l'entrée. Et là, stupeur : elle ne marque pas 7h15 mais 6H15 ! On a une heure d'avance !
J'ai négligé tous les signaux, l'affichage du four, la nuit noire, la ville endormie, je n'ai pas compté les six coups de cloche... confiance et détente totales ... No stress, but cure !

lundi 23 septembre 2013

Coup de coeur : Comment les Eskimos gardent les bébés au chaud, de Mei-Ling Hopgood

Mei-Ling Hopgood est une jeune journaliste nord-américaine, d'origine chinoise, installée à Buenos Aires. Lorsqu'elle accouche de Sofia, elle découvre l'ampleur des questions que chaque maman se pose au sujet de l'éducation de bébé. Et observe avec surprise la diversité des réponses possibles, suivant les pays d'origine. Elle décide alors de rédiger un tour du monde des pratiques éducatives.

Les enfants Argentins se couchent très tard, les petits Chinois apprenent la propreté dès six mois. Les Kenyans, sanglés dans des écharpes colorées, ne quittent jamais le dos de leurs parents. Quant aux bébés Français, ils apprécient la gastronomie. Comment cela est-il possible ? Est-ce bon pour leur développement ?
Mei-Ling Hopgood a interrogé dans tous les pays des parents, des anthropologues et des experts en puériculture. Ses découvertes, elle en a fait profiter sa propre fille. Pas toujours facile !

Ce regard original sur l’éducation, parfois cocasse, parfois sérieux, montre que chacun est formaté par son appartenance, sa culture, mais peut tester d'autres méthodes. Il y a mille et une façons d’être de bons parents.
Avec Mei-Ling, en tous cas, we hope good !

dimanche 22 septembre 2013

Collectionnite aigüe

Il existe à Gréoux, un petit musée privé, consacré aux jouets anciens, ouvert trois après-midis par semaine. De quoi exciter la curiosité, malgré une certaine méfiance devant les 7,50 € réclamés à l'entrée. La maison est typiquement provençale, haute, tuiles romaines, murs mitoyens, volets de bois peints en bleu. A l'intérieur, jolis carrelages fleuris des années cinquante, balustres de fer forgé. Mais il est difficile de s'y mouvoir : du sol au plafond, sur deux étages et une dizaine de pièces, pas un espace nu ! Une accumulation compacte de vitrines, poupées, clowns, ours en peluche, jouets, miniatures. On se sent étouffé, sans savoir où donner de la tête, c'est trop, c'est kitsch...

Et puis arrive l'employé, un homme empressé, volubile. C'est lui qui a tout installé, les vitrines, les décors, les tapisseries, l'électricité dans les différentes maisons de poupées. Il nous fait remarquer la vaisselle de Moustiers, le mobilier d'époque, les costumes, les dentelles à la main... et la mise en scène. Détaille la collection de vélos miniatures, du grand bi au tandem, les voitures de pompiers, les trains électriques, les bateaux, les santons, les poupées régionales et internationales. On commence à se repérer dans l'immense fouillis.

Quand la propriétaire nous rejoint, c'est le grand jeu. Elle raconte l'histoire de sa collection, les achats effectués depuis plus de cinquante ans en salle des ventes, partout dans le monde, les dons d'autres collectionneurs, les legs après décès, les recherches dans les brocantes, et même à la décharge. Les coups de coeur, les rencontres, la concurrence. Le travail de restauration, de mise en valeur, le souci de la reconstitution historique. Le vertige de la collection.

Derrière l'énumération d'anecdotes, toute son histoire se profile. Femme de diplomate, elle a vécu dans 17 pays, rapporté des pièces uniques de ses voyages, landau indien, poupée navajo, objets rituels... Et installé enfin son immense collection dans sa maison de Gréoux. Poupées de porcelaine, de chiffon, de papier mâché, automates, mannequins habillés par de grands couturiers, Bella, Gégé, Barbie... Pièces anciennes, rares et chères, et poupées de pacotille cohabitent dans un décor de manèges enchantés, de vaisselle de lutins, de chefs d’œuvre de maitrise et meubles copiés de l'école Boulle. Un hallucinant voyage dans le passé, dans l'enfance.

Après deux heures d'écoute et d'observation passionnantes, une question se pose. Que deviendra cette superbe collection, dont on ne voit qu'une partie, la cave et le grenierdes croulant aussi  sous les stocks inutilisés ? Un musée municipal ? Non, dit la dame. A Gréoux, on ne s'intéresse pas à ma collection. Mais j'ai déjà eu des propositions privées. La dernière ? Un Chinois, qui rachète tout !

http://www.museedespoupees.com/active.php

mardi 17 septembre 2013

A l'école des gourmets... on apprend à déguster le chocolat !

Ne vous croyez pas dispensé, si vous appréciez quelques carrés le soir, chez vous. Ni si vous profitez d'achats à la boutique Valrhona, pour picorer (ou gloutonner) les échantillons mis à la disposition des clients. Non. Il s'agit d'une initiation autrement plus sérieuse, une vraie dégustation de connaisseur, comme les caves de la région en organisent pour promouvoir leurs vins : l'atelier gourmet de l’École du Grand Chocolat.

L'animatrice vous accueille et installe dans une salle de réunion de l'entreprise Valrhona. A votre disposition, le plumier de dégustation de six grands crus: Manjari, Taïnori, Caraïbe, Alpaco, Guanaja, et Abinao. Une serviette blanche, pour déposer les échantillons de chocolats, afin d'apprécier leurs différences de couleur. Et un verre d'eau, pour se rincer la bouche entre deux dégustations. Voilà, tout est prêt.
Un cours magistral pour commencer : présentation des terroirs, Afrique, Amérique, Asie, et du circuit de fabrication du chocolat. Une suite d'opérations délicates, toutes effectuées à la main, qui exigent un réel savoir-faire. Cueillette des cabosses à la machette (elles poussent collées aux troncs des cacaoyers), ouverture au gourdin, récolte et fermentation des fèves entourées de pulpe (mucilage), à l'abri de l'air, afin de transformer cette pulpe en alcool, qui parfumera les fèves. Ensuite séchage des fèves, puis exportation en France. Enfin, au sein de l'entreprise, grillage, broyage, chauffage et adjonction au grué obtenu des ingrédients nécessaires, sucre, lait, beurre de cacao, pour obtenir chocolat noir, au lait, ou blanc.

Travaux pratiques : Pour apprécier un carré de chocolat, d'abord observez sa couleur, plus ou moins noire, son brillant. Ensuite, humez son arôme. Puis cassez-le en plusieurs fragments. Laissez fondre un morceau délicatement en bouche. Puis un autre, pour dissocier les saveurs d'attaque et celles qui persistent. La présence de fruits rouges, plutôt acides, ou jaunes et doux. Les notes fleuries ou boisées, les amertumes tanniques ou camphrées. Quelle précision dans le choix des mots ! Le vocabulaire des experts est ainsi riche de plus d'une centaine de termes, pour décrire toute la complexité des sensations (précisons qu'ils passent un an de formation en ... cacaothèque) !

Valrhona, fleuron de la gastronomie, propose aux nombreux amateurs, touristes ou locaux, l'occasion d'apprendre à déguster, à apprécier le goût des chocolats. Ses ateliers gourmets permettent une exploration sensorielle et didactique des grands crus, en attendant l'ouverture de la future Cité du Chocolat, prévue le 24 octobre prochain, et ses parcours interactifs.
Et n'ayez pas peur d'abuser : le chocolat est toxique ... mais seulement à partir de 9 kg par jour !

samedi 14 septembre 2013

Swing Brosse System, une famille de musiciens drômois en Haïti

Ils ont fait l'ouverture du festival Vochora en 2012. Venus en voisins, ils habitent près de saint Donat, leur prestation éblouissante a marqué le public. Pas seulement pour la qualité de leur récital de jazz manouche, mais aussi pour l'originalité du groupe : les interprètes sont tous membres de la même famille !

BROSSE : Bernard, Rachel, Odenson, Sara, Sacha, Esther. Le père, la mère, deux grandes adolescentes, deux garçons plus jeunes. Une famille nombreuse, passionnée de musique. Leur grande maison, dans la Drôme des Collines, résonne de cris et de rires, de répétitions et même … d'aboiements ! Partout, des instruments de musique, du matériel de sono, d'enregistrement. Chacun des enfants passe sans problème d'un instrument à l'autre, de l'accompagnement au solo, de la mélodie à l'improvisation. Leur virtuosité est impressionnante.

Comment en sont-ils arrivés là ? Bernard, professeur aux conservatoires de Romans et d'Annonay, a commencé un jour par jouer avec ses filles, lui à la guitare rythmique, Esther et Rachel, déjà fort douées, au saxo, à la clarinette, et au chant. Sara, la maman, professeur des écoles, a décidé de se joindre à eux, en prenant la basse. Quand Odenson les a rejoints au trombone, brûlant les planches, seul Sacha piaffait dans son coin, attendant d'avoir l'âge de se produire sur scène. Maintenant, à 10 ans, il interprète Django Reinhardt à la guitare solo avec une étonnante maestria. Les aînés ont 12, 14 et 15 ans, et toute la famille donne des concerts en France, participe à des festivals de jazz, anime des master classes, se frotte aux virtuoses de demain dans des stages nationaux... et fait de formidables tournées à l'étranger, en Sardaigne cet été, en Chine, en 2012.

La démarche pédagogique des parents et la présence des enfants facilitent les rencontres conviviales. Ainsi, les concerts du Swing Brosse System sont précédés d'ateliers ouverts aux jeunes du pays. Pas besoin de mots pour communiquer ! Dans un village perdu de Birmanie, un concert improvisé avec les enfants de l'école, sans connaître la langue, reste un de leurs meilleurs souvenirs.

Leur grand projet, c'est le festival de Port-au-Prince, en Haïti, en janvier prochain. Un déplacement qui a des allures d'anniversaire, puisqu'il y a dix ans, Bernard et Sara y adoptaient Odenson. Mais le pays n'a pas les moyens d'organiser la tournée de ses invités. Alors, pour réunir le budget nécessaire, le Swing Brosse System multiplie les concerts, et a enregistré un CD, qu'on peut découvrir sur leur site Internet :http://swingbrossesystem.com
Site absolument génial, il suffit de cliquer pour être au courant des actualités du groupe, tout en étant immergé dans leur répertoire de jazz.
D'autres infos sur http://swingbrossesystem.com/discographie
On peut aussi acheter le CD, et gagner des places de concerts via le site Ulule (site de financement participatif) : http://fr.ulule.com/voyage-musical-haiti/

Bon vent, bon swing !

mardi 10 septembre 2013

Chronique littéraire : Un été sans les hommes, de Siri Hustvedt

Mia a été lâchement abandonnée par son mari Boris, après trente ans de mariage. Il veut faire une pause. Suite à un passage critique à l’hôpital, elle se réfugie pour les vacances dans la ville de son enfance. Scénario convenu, mais sublimé par l’écriture caustique de Siri Hustvedt, qui transforme chaque situation en un festival d’humour féroce. Elle analyse en féministe subversive les relations humaines dans l’entourage de Mia.

Il y a matière ! La mère et ses copines, vieilles dames veuves et néanmoins indignes, dans leur résidence. Les élèves, adolescentes perturbées et diaboliques, à qui Mia essaie d’enseigner la poésie. La voisine, jeune mère débordée... A tout âge, les femmes se coltinent à une dure réalité. Mia, elle,  rumine sa mise à l’écart, ne veut rien savoir de sa rivale, surnommée "La Pause". Se laisse consoler par ses sœur et fille, stimulée par sa psy, et surtout par la littérature (même masculine). Car si l’été se passe sans les hommes, ils restent omniprésents dans l'esprit des femmes.

Siri Hustveldt, née en 1955,  est une auteure et poétesse américaine, qui signe là un roman  érudit, tant par les références à la poésie et la psychanalyse qu’aux neurosciences, parfois c’est même un peu délirant. Mais le côté cocasse est propre à ramener n’importe quel mari au bercail ! Le sien, c’est Paul Auster, écrivain américain à la renommée internationale.

Un été sans les hommes est disponible en Babel Poche au prix de 7.70€.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 26 septembre 2013.

mardi 3 septembre 2013

Insectes Volants Non Identifiés



L'autre nuit, en traversant le Rhône, une averse s’est abattue sur la voiture. Des milliers d’insectes aux ailes blanches, en nuée dense, comme une fine grêle se sont écrasés sur les vitres, la carrosserie, en un martèlement léger. Impression inquiétante d’être plongé dans un film catastrophe, genre l’attaque des sauterelles sur le monde. Totale impuissance, inutile de mettre les essuie-glaces. Traverser doucement pour sortir du nuage, concentré sur les rives illuminées du fleuve. Ouf !

 Le lendemain, au même endroit, le sol est blanc, des milliers
de cadavres d’insectes s’étalent en nappes  épaisses sous les réverbères. Les trottoirs crissent sous les pas. Toute la nuée d’hier est là, inexplicablement morte.
Je ramasse une bestiole, pour l’examiner. Pas abîmée, comme morte en plein vol. Plus grande qu’un moustique, de belles ailes blanches, des pattes délicates. Intriguée par le phénomène, je clique sur Internet dès mon retour : « insecte éphémère ». Réponse de l’INRA :

jeudi 29 août 2013

La Foire aux Oignons

Chaque année, depuis plus de sept siècles, le 29 août est jour de liesse à Tournon-sur-Rhône : la Foire aux Oignons, grande manifestation populaire, réunit un millier d'exposants, et une foule de chalands, autour des productions de l'Ardèche et de la Drôme. Les tresses d'ails et sacs d'oignons, d’échalotes sont à l'honneur, mais on trouve aussi tous les fruits et légumes de saison, pêches, prunes, poires, melons, tomates, haricots, pommes de terre... ainsi que fromages, huiles, vins et miel.

La grande attraction se trouve près du kiosque, sous les platanes : une étrange ménagerie à ciel ouvert, avec poules et poussins de toutes races, dont la superbe poule de soie, fragile et duveteuse, poussins, canards, oies et pintades, pigeons. Le poulailler caquette, tandis que lapins, cochons, moutons, veaux, se serrent frileusement dans les coins, pour échapper aux regards des badauds. Cette année, des chevaux de trait au pelage lustré, et des oiseaux de paradis ont du succès chez les enfants. Qui ne sont pas seuls à s'intéresser aux bestioles : de nombreux clients repartent avec un carton troué, ficelé, renfermant des volatiles à engraisser cet hiver.

Les étalages de vêtements, chaussures, les bazars, attirent les parents qui préparent la rentrée, amusés par le boniment des camelots. Dans les rues piétonnes bondées, les commerçants locaux proposent eux aussi de bonnes affaires. Des groupes de joyeux musiciens animent la ville, invitant chacun à profiter de l'ambiance festive et du soleil. La restauration est assurée sur toutes les places, caillettes ardéchoises ou saucisses grillées au menu. Aux petits oignons !