vendredi 30 juin 2023

"L'Univers sans l'Homme" au musée de Valence


La nouvelle exposition au musée de Valence rassemble pièces anciennes et contemporaines sous le titre énigmatique : « L’univers sans l’homme ». Une exclamation de Baudelaire, dénigrant les artistes réalistes qui ne s’intéressaient plus qu’à la nature, en est à l’origine. Parmi eux, Gustave Courbet, dont deux toiles sont exceptionnellement prêtées pour cette exposition à Valence.

Pourquoi ce choix de peindre la nature victorieuse sur l’homme ? Parce que, à partir du 18e siècle, de nombreuses catastrophes naturelles, telles que le tremblement de terre de Lisbonne en 1755, ont donné aux artistes l’envie de s’écarter de la toute-puissance humaine. Jusqu’à imaginer des villes entièrement vides, comme dans les œuvres de Atget ou Chirico autour de 1900, ou plus tard, de montrer l’horreur de l’utilisation des bombes atomiques. Dans le déroulement chronologique de l’exposition apparaissent ensuite les robots, les œuvres créées par l’Intelligence artificielle, début de la substitution de l’homme par la machine. Mais l’exposition se termine sur une note positive : L’homme disparaît devant une nature dont la puissance révèle aussi sa beauté. C’est le message délivré par les Nymphéas de Monet, autre prêt prestigieux à admirer sans modération.

Le thème de cette exposition recoupe les préoccupations actuelles de notre société, confinement, guerre, déséquilibre climatique. Comme toujours dans l’art contemporain, il faut comprendre le fil directeur pour apprécier le choix éclectique des œuvres présentées. Et accepter de se laisser surprendre en déambulant dans les sept salles que le musée de Valence consacre à cette exposition temporaire, visible jusqu’au 17 septembre 2023.

Article publié dans le Jtt du jeudi 27 juillet.

mercredi 14 juin 2023

Gilbert et Béatrice Cochet , deux naturalistes engagés

Réensauvageons le monde !

C’est le slogan de deux naturalistes ardéchois, experts internationaux pour la biodiversité :  Gilbert et Béatrice Cochet. Notre planète est accablée par le réchauffement climatique, la pollution, la sécheresse, mais il existe des sources d’optimisme, des solutions pérennes pour préserver la faune, la flore, les écosystèmes. Des solutions qui ont fait leurs preuves à travers le monde. L’objectif de Gilbert et Béatrice Cochet est de les faire connaître, les propager, pour mettre en place un rapport respectueux et durable avec la nature. Par des livres, des conférences, des interventions au niveau international (Conseils scientifiques de Rhône-Alpes, des Gorges de l’Ardèche, de l’Union internationale des conservatoires naturels), et la participation à de nombreux documentaires naturalistes.

C’est à Saint-Romain-de-Lerps que ces deux globe-trotters posent leurs bagages et mettent au point leurs travaux entre explorations de la planète et congrès. Une maison polie par les ans, cachée dans un bosquet de pins et de cèdres, avec vue ouverte sur la vallée du Rhône. Du grand air, de la lumière, des livres et des cartons, ainsi que des boutures de fleurs dans le moindre coin … On est bien chez des amoureux de la nature. Ces anciens profs agrégés de Science et Vie de la Terre du lycée de Tournon ont la pédagogie chevillée au corps. Après avoir publié « Réensauvageons la France » avec Stéphane Durand en 2018, Gilbert et Béatrice élargissent le point de vue dans leur dernier ouvrage « l’Europe réensauvagée », toujours chez Actes sud. Le public en redemande, puisque l’éditeur leur a proposé de plancher maintenant sur le ré-ensauvagement du monde !

-        Gilbert : Réensauvager la France, c’est proposer un éventail de solutions simples pour le bien-être et l’épanouissement de tous, hommes, plantes et animaux. La France est un pays riche d’une grande diversité de climats, de reliefs, d’écosystèmes. Pourtant de nombreux animaux, cours d’eau, forêts, mers sont en péril. Protéger, mieux gérer, réintroduire certaines espèces comme le lynx dans les Vosges, l’ours dans les Pyrénées, jusqu’au chamois ou l’ibis en Ardèche*, redonner de la fluidité aux cours d’eau pour permettre le passage des saumons … Voilà des pistes à suivre.

-        Béatrice : La pêche industrielle est un désastre écologique, c’est comme si l’on tuait la poule aux œufs d’or ! En observant les réalisations d’autres pays d’Europe, on trouve des solutions. Ainsi l’Italie a interdit la pêche dans un secteur de l’Adriatique pendant 5 ans, malgré l’opposition des professionnels. Après ce laps de temps, la réouverture a permis de faire des pêches exceptionnelles, car la nature est résiliente, si on lui laisse le temps, elle se régénère d’elle-même.

-        Gilbert : Les forêts de Bavière, de République tchèque, des Carpates, par un programme de gestion raisonnée sont redevenues ce qu’elles étaient, de grandes réserves boisées accueillant des milliers de visiteurs venus observer la faune sauvage. Voir de près évoluer de grands mammifères en liberté procure à l’homme une émotion extraordinaire, un sentiment de paix, de liberté.

A l’échelle mondiale, tous deux évoquent la renaissance du Costa Rica. Ce petit pays d’Amérique centrale est l’exemple même d’une transformation profitable à tous. Il s’était lancé comme ses voisins dans la culture du café, du cacao, de la banane, en défrichant la forêt et forçant sur les pesticides, sans sortir de la pauvreté. C’est la lucidité et la volonté d’un président qui ont arrêté cette agriculture néfaste et peu rentable pour mettre en valeur un patrimoine naturel exceptionnel, en créant des parcs naturels. Aujourd’hui les retombées financières de l’écotourisme font vivre tout le pays. Mais pour cela, tout le monde a joué le jeu, jusqu’aux braconniers recyclés en guides…

-        Béatrice : Pour préserver la biodiversité, il faut non seulement la volonté politique, mais aussi l’acceptation de la population. Les jeunes générations sont en attente de solutions, même radicales, il faut leur en proposer !

Gilbert : Car protéger une zone, c’est bien, mais peu efficace, alors que protéger un territoire intégralement, c’est assurer la survie des espèces. La nature est plus forte que l’homme.

Les Cochet sont complices et complémentaires dans la vie comme dans leurs travaux. Ensemble ils ont pagayé, plongé, escaladé, exploré... Béatrice a même passé son brevet de pilotage d’avion puis d’hélicoptère quand Gilbert avait besoin d’illustrer ses ouvrages scientifiques de photos aériennes. Après avoir accompagné en tant qu’experts les films animaliers de Jacques Perrin (« Les saisons »), les documentaires télévisés (« Des racines et des Ailes », « Ushuaia »), c’est dans la mouvance du film « Demain » de Cyril Dion qu’ils s’inscrivent, en montrant qu’on peut gérer la planète autrement … et réensauvager la vie.  

*on a trouvé dans les gorges de l’Ardèche un reste d’ibis chauve datant de la Préhistoire, preuve de sa présence ancienne sur le territoire. Cette population d’oiseaux migrateurs en voie de disparition, dont l’habitat est le sud du pourtour méditerranéen, pourrait être réintroduite et sédentarisée en Ardèche, avant de lui réapprendre à voler … un bel exemple du réensauvagement de l’Europe.



Article publié dans le Jtt du jeudi 29 juin.

samedi 3 juin 2023

Les jardins de Brogieux (07)

A une trentaine de km de Tournon, le château de Brogieux est une ancienne maison forte du 14e siècle située sur la commune de Roiffieux. Ses magnifiques jardins en terrasse ont été créés à partir de la fin du 18e siècle par Pierre-Marie Bollioud, ancêtre de la propriétaire actuelle, tout aussi passionnée par la botanique.

Une exceptionnelle collection d’agrumes, oranger, citronnier, cédratier, bigaradier, bergamotier, kumquat, yuzu, occupe la première terrasse, dans autant de pots d’Anduze d’époque. Des arbustes prolifiques dont la récolte assure de belles confitures, mais qu’il faut chaque année mettre à l’abri dans l’orangerie en hiver. Le jardin à la française, étagé et encadré de nombreux et vieux murs de pierre, est l’endroit idéal pour l’épanouissement d’une multitude de rosiers anciens, auxquelles les actuels jardiniers ont ajouté les variétés Ronsard, Meilland, Croix ... Tout cela parsemé de bordures fleuries, iris, pivoines, pavots, glycines, lauriers, rhododendrons.

La dernière terrasse s’articule en plates-bandes autour d’un bassin orné d’une sphère armillaire. On y trouve à la fois des plantes aromatiques et médicinales, thym, romarin, sarriette, mélisse, camomille, menthe, bourrache … et quelques légumes. Et prolongeant la perspective, un imposant cèdre du Liban multiséculaire (1799) veille sur la nature environnante, le magnifique panorama ouvert sur la vallée du Rhône et le Vercors. D’autres arbres du parc témoignent de l’histoire tumultueuse du jardin, certains importés depuis Versailles en 1772, comme les figuiers, d’autres remplacés après la grande tempête destructrice de 1999, tilleuls, buis en topiaires, ifs, voisinant avec les arbres exotiques, comme l’araucaria,  ou l’éblouissant frémontodendron du Mexique. 

La maison forte remaniée au fil des siècles domine de sa façade classique ce merveilleux jardin, entourée de tous les bâtiments qui lui ont permis de vivre en autarcie dans le passé : magnanerie, chapelle, serre, orangerie, volière… Il ne reste que quelques vestiges du bâti originel, la tour-pigeonnier, la cour et ses voûtes, aux belles pierres ocre, où l’on vous accueille sur rendez-vous, du 1er mai au 30 septembre et pendant les journées du patrimoine, les rendez-vous au jardin et autres soirées musicales de l’été.

Tél. 06 71 17 68 75 - 06 08 76 59 15

Article publié dans le JTT du jeudi 8 juin.