mercredi 17 avril 2024

Chronique littéraire : Roman fleuve, de Philibert Humm

 Une histoire complètement loufoque racontée avec le sérieux d’un pape. C’est ce contraste qui fait tout le charme de ce récit d’une descente de la Seine, à la rame, sur un canot bricolé, de Paris à l’embouchure. Et contrairement à l’annonce du titre, le récit est court et léger.

Philibert entraîne dans son aventure deux compagnons, Adrian et Waquet, tout aussi dénués de sens pratique et d’expérience que lui. Mais qui se prennent très au sérieux ! Leur navigation est digne des Pieds-Nickelés, les nombreuses péripéties sont affrontées avec amateurisme et relative bonne humeur. Mais les références géographiques ou culturelles concernant le parcours sont, elles, parfaitement maîtrisées. Un discours pontifiant sur une épopée originale et mal préparée, ce n’est pas « courant », même sur un fleuve !

Avec cette lecture dynamique et pleine d’humour, Philibert Humm a obtenu le Prix Interallié 2022. Né en 1991, journaliste et écrivain, il a déjà publié 3 romans et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin…

Son roman est désormais publié en poche  chez Folio.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 18 avril 2024.

samedi 6 avril 2024

Chronique littéraire: Fille en colère sur un banc de pierre

Cette fille en colère, c’est Aïda, dont l’enfance a été détruite par la disparition de sa petite sœur Mimi, qu’elle avait emmenée en cachette au Carnaval. Aïda, rendue responsable du drame, est devenue la bête noire de sa famille, et dès qu’elle l’a pu, elle a quitté son île pour se fondre dans l’anonymat de Palerme.

Vingt ans après, elle y revient pour les funérailles de son père. Que va-t-elle retrouver sur son île ? Que va-t-elle raconter sur elle-même, qui n’a rien fait de sa vie, bloquée dans l’incompréhension du drame ? Ses deux autres sœurs, Violetta la bourgeoise, et Gilda la chicaneuse, ne semblent guère heureuses non plus de son retour…

Dans un style à la fois tendre, incisif, humoristique, poétique, Véronique Ovaldé déroule toute la palette des émotions, des sentiments, de la culpabilité à l’amour, dans une intrigue bien tenue. Mais le dénouement ici n’est pas essentiel, c’est plutôt l’évolution des personnages qui est passionnante. Aïda trouvera-t-elle la force de sortir de la fatalité ?

Véronique Ovaldé est une écrivaine et éditrice française née en 1972. Ses romans ont tous connus un beau succès depuis l’an 2000. « Fille en colère sur un banc de pierre » est maintenant disponible en poche chez J’ai Lu.

Chronique publiée dans le JTT du jeudi 4 avril 2024.

mardi 2 avril 2024

Élodie Loisel, de l'Ardèche médiévale aux grands espaces canadiens

Elodie Loisel est une auteure à succès, avec à son actif une quinzaine de livres en 10 ans. Ses romans fantasy ou jeunesse, ses polars paranormaux sont des best-sellers au Québec où elle a été lancée par les maisons d’édition ADA et Glénat-Canada. Maintenant publiée aussi en France, chez PunchLine, elle poursuit une écriture internationale depuis Rochemaure en Ardèche, berceau familial. Avec pour devises : imagination, travail et chance.

Elodie, née en 1984 à Montélimar, a grandi à Rochemaure, où elle vit actuellement avec sa famille. Pas étonnant qu’elle ait apprivoisé très jeune l’atmosphère gothique, mystérieuse, du village, qui nourrit son style d’écriture. Un monde où partout se manifeste l’étrange : vieilles rues du bourg médiéval accrochées à la roche noire, le basalte, qui a donné son nom à Rochemaure. Carré magique et pénitents blancs à la chapelle Notre-Dame-des-Anges, grilles grinçantes du cimetière, ruines énigmatiques du château des Adhémar, édifié sur sa cheminée volcanique. De quoi laisser s’envoler l’imagination…

Après des études au Teil, Elodie a rejoint l’ARFIS, une école de cinéma à Lyon. Elle a ensuite collaboré pendant 10 ans à de nombreux films en tant que scénariste et assistante réalisatrice. Et un jour, une idée a germé : proposer un scénario sur une de ses passions : les légendes arthuriennes. En souvenir des vacances passées chez son grand-père breton, dont elle ne se lassait pas d’explorer la bibliothèque. Les mystères de la forêt de Brocéliande la passionnaient depuis toujours, et s’attaquer à Merlin était alors dans l’air du temps, dans la mouvance des séries Harry Potter et Kaamelott. Un scénario pouvait y trouver sa place. Mais qui dit scénario dit film, et le budget d’un film en costumes s’avérant colossal, Elodie a décidé de faire autrement. Simplement écrire son histoire sous forme de roman. C’est ainsi qu’est né « L’héritier de Merlin », dont la gestation a coïncidé avec son congé parental…

L’éditeur québécois ADA lui a fait tout de suite confiance, mais en exigeant une suite. Ainsi est née la série « Le secret des druides », des best-sellers primés au Canada et même traduits en chinois. Elodie n’a alors pas hésité à traverser l’Atlantique pour s’installer à Québec avec mari et enfants. Une décision courageuse, qui lui a permis de se faire connaître et d’écrire d’autres ouvrages intégrés au terroir canadien : « Les yeux du vide » (les crimes de Silver Creek) puis « Lola Rock », une série inspirée par les aventures d’une collégienne. Son petit plaisir secret : introduire dans chacun de ses livres un discret clin d’œil à l’Ardèche.

Retour en France au bout de deux ans, pour d’autres expériences littéraires, dystopie, thriller : « The last game » (Total combat), un livre à deux entrées, qui se lit tête bêche, suivant que l’on est un joueur ou l’autre ; Henri Heller, un polar noir ; Les MILFS au Pérou, une fantaisie hilarante sur cinq femmes débordées, et maintenant « Zoé Rock », les aventures inspirées par l’entrée en sixième de sa fille cadette.

Elodie est une femme épanouie et joyeuse, joueuse aussi, puisqu’elle a collaboré au jeu de rôle « Légende du loup-garou ». Très présente sur les réseaux sociaux, ainsi que sur les salons littéraires, elle invite son public à échanger avec elle, propose des concours, des quizz, fait tester des lectures. Son panel de livres, très accessibles, est adapté aux goûts et aux âges de chacun. Sa bonne étoile brille au-dessus de Rochemaure, elle imagine déjà le prochain ouvrage …

Article publié dans Regard Magazine de février 2024.

jeudi 28 mars 2024

Les Amis de l'église Saint-Martin de Vion

La salle communale de Vion était comble mardi soir 12 mars pour assister à la naissance de cette nouvelle association. Une association nécessaire, soutenue par toute la population, depuis la fermeture l’église au culte en mai 2023 et aux visites depuis janvier 2022. Tous les participants, maire, curé et bénévoles étant d’accord, la soirée s’est déroulée de manière remarquablement efficace.

Les statuts de l’association ont été adoptés à l’unanimité, le bureau de 10 membres constitué sans problème, avec Stéphanie Morin comme présidente. La mise en valeur de l’église, sa restauration et la programmation d’événements culturels sont les objectifs. Pour cela il faudra récolter des fonds, obtenir des subventions auxquels seule une association peut prétendre. Mais, et il y a un mais, l’église étant en partie classée aux monuments historiques, tous les travaux dépendent de la Direction Régionale des Affaires Culturelles. Pour obtenir les autorisations, le budget et l’aval d’un architecte du patrimoine, il faut énormément de temps. La mise aux normes de l’électricité du bâtiment est la priorité, afin de réouvrir Saint-Martin au culte. Un budget de 30 000 € est nécessaire.

Il faut souligner l’importance de cette magnifique église romane qui mérite le détour. C’est un des plus anciens bâtiments religieux d’Ardèche, avec son clocher carré percé d’arcatures, un chevet massif, un chœur décoré de colonnettes supportant des chapiteaux historiés et une mystérieuse crypte où l’on découvre une vasque de pierre, peut-être vestige d’une civilisation gauloise, et un sarcophage de l’époque carolingienne. Du parvis, la vue est spectaculaire sur Vion, les vignes de Saint-Joseph et la vallée du Rhône.

Les habitants de Vion sont motivés pour faire revivre leur église. Les nombreuses animations culturelles, visites, concerts, crèche géante, qui ont marqué les esprits, ne demandent qu’à reprendre. L’espoir d’une solution enfin possible régnait parmi les participants conviés à une collation après l’AG. Pour soutenir leur projet, que vous habitiez Vion ou ailleurs, vous pouvez adhérer à l’association Les Amis de l’église Saint-Martin, dont la cotisation est fixée à 15€.

Article publié dans le JTT du jeudi 28 mars.

mercredi 27 mars 2024

Une conférence passionnante de l'océanographe François Sarano

Salle comble à la médiathèque de Guilherand-Granges jeudi soir 7 mars , pour accueillir le célèbre plongeur et océanographe valentinois. François Sarano a plaidé pour la connaissance, le respect et l’humilité par rapport au seul monde sauvage encore inexploré : l’océan. Un monde où aucun animal n’est domestiqué, où tout reste à apprendre. Un monde où le plongeur, délivré de la pesanteur, retrouve son innocence.

Les océans couvrent les trois quarts de la surface de la Terre et contiennent 97 % de l’eau de notre planète. Ils sont profonds jusqu’à 10 000 m, une zone que seuls 5 sous-marins au monde peuvent atteindre. La vie y a proliféré depuis 3 milliards d’années, alors que les hommes ne sont apparus sur terre qu’aux environs d’un million d’années. C’est dire la multiplicité et l’avance des espèces marines en matière d’adaptation et d’organisation sociale.

C’est en étudiant un clan de cachalots que François Sarano et ses équipes ont pu comprendre la richesse des relations entre eux. Avec vidéos à l’appui, le chercheur a fait partager au public ses expérimentations, ses hypothèses, ses confirmations, au bout de dix ans d’étude et d’observation de ces géants des mers (jusqu’à 20 m de long pour 20 tonnes). Les résultats sont extraordinaires. On voit les cachalots femelles allaiter leurs bébés, puis l’organisation d’une crèche sous la responsabilité d’une femelle, afin de les garder quand les mères plongent dans les abysses pour se nourrir (exclusivement de calamars géants, 450 kg/ jour). Les nourrices qui prennent la relève car les bébés cachalots doivent être allaités presque en continu. La communication entre eux par des caquètements à des fréquences diverses, les caresses demandées et données, la solidarité et la longévité du groupe. Et même l’acceptation de la présence de François Sarano, qui les observe à quelques mètres, une fois qu’elles ont compris qu’il n’était pas une menace.

François est un conférencier hors pair, à la fois savant, comédien, pédagogue, philosophe. C’est un régal de découvrir à travers ses anecdotes comment fonctionne le clan des cachalots. Le parallèle avec notre société est évident : chaque individu est unique, mais tisse des liens avec ses congénères et s’organise pour survivre au mieux. Sa connaissance, son adaptation à son milieu sont bien supérieures au nôtres. Mais des menaces pèsent sur lui, particulièrement les nuisances sonores qui perturbent leur communication. François le répète : « celui ou celle qui peut échanger avec un cachalot ou tout autre animal, ou qui essaie de le faire, saura communiquer et partager avec des hommes et des femmes d’autres cultures, d’autres religions. »
 

Article publié dans le JTT du jeudi 28 mars.

mardi 19 mars 2024

Valrhona et la mobilité douce : l’entreprise prend le large !

Valrhona va renouer avec l’héritage historique du transport sur les canaux, fleuves et océans, en misant sur deux modes de transports innovants pour réduire ses émissions de carbone.

Première innovation : Un bateau électrique, mis au point par la start-up franco-suisse Fly-Box, pourra bientôt livrer les clients de Valrhona en utilisant les réseaux fluviaux. Ressemblant à un catamaran, cette plateforme électrique de 8 m de long, transportera rapidement des charges inférieures à une tonne en volant au-dessus de l’eau « sans bruit, sans vagues, sans émissions ».

Deuxième projet : Valrhona envisage d’utiliser des plateformes de plus grande taille (18m), toujours conçues par Fly-Box, mais propulsées avec de l’hydrogène vert. Ces dernières pourront remonter le Rhône pour acheminer des containers de plusieurs dizaines de tonnes de fèves de cacao depuis le port de Fos-sur-Mer jusqu’à la chocolaterie de Tain-l’Hermitage. Et réciproquement, pour transporter les produits finis destinés à l’étranger, de Tain jusqu’au port. Ces opérations nécessitent environ 600 camions. L’objectif plus lointain est même de caboter le long des côtes méditerranéennes pour approvisionner directement les clients jusqu’à Barcelone ou Gênes.

Dans un troisième temps, la livraison de chocolat en ville pour les ateliers des chocolatiers, les restaurants ou les hôtels sera mise au point en utilisant le réseau de voies navigables françaises. Celles-ci, largement inutilisées, permettent de joindre le Rhône à la Seine ou au Rhin. Vu leur taille, les bateaux Fly-Box peuvent passer partout. Et une fois arrivés sur le quai des centres villes, la livraison s’achèverait par vélos-cargos électriques.

Valrhona voit encore plus loin. L’entreprise est depuis novembre 2023 sociétaire de Windcoop, la première coopérative citoyenne et militante de transport de marchandises à la voile. Avec la société productrice de vanille Norohy, elle a engagé un investissement de 300 000 €, qui permettra la construction d'un voilier-cargo destiné à acheminer, dès 2026, 100% du cacao Valrhona et de la vanille Norohy de Madagascar jusqu'au port de Marseille.

La diminution de l’empreinte carbone fait depuis longtemps partie des enjeux stratégiques de la Maison Valrhona. Depuis 2019 Valrhona est ainsi passée aux biocarburants comme le colza pour alimenter sa flotte de camions, permettant d’économiser 143 tonnes de CO2 en 2022. Elle a mis au point une consommation de cartons réduite de 30 %. Dans les agglomérations françaises, Valrhona a également choisi de mettre en place la livraison des derniers kilomètres à vélo ou en véhicule électrique (3,2 tonnes de CO2 économisées en 2022). A Tain, les employés de Valrhona circulent déjà d’un site à l’autre en vélo électrique.

Contacté, Thomas Maurisset, Directeur des Opérations Valrhona, annonce quelques dates :  Présentation de la plate-forme Fly-Box à l’Ocean Week de Monaco en mars, à la Viva Tech de Paris en mai, et test sur le fleuve … en juin ! Une échéance qui excite la curiosité des habitants de la vallée du Rhône. L’arrivée de ces bateaux électriques innovants sur le Rhône sera une belle façon de renouer avec l’origine étymologique du nom Valrhona.

Article publié dans le JTT du jeudi 14 mars.


vendredi 15 mars 2024

Hippolyte Cupillard, la passion du film d’animation

Le pôle de l’image animée de la Cartoucherie à Bourg-lès-Valence rassemble une quinzaine de structures et studios de cinéma, dont Folimage spécialiste des films d’animation, Foliascope dédié au stop-motion et La Poudrière, une école qui forme aux différents métiers du cinéma d’animation. Avec environ 700 emplois, la Cartoucherie représente à la fois une économie locale et une notoriété internationale. Elle a participé à la réalisation de films primés comme récemment « Interdit aux chiens et aux Italiens » et « Léo, la fabuleuse histoire de Léonard de Vinci ».

Difficile d’intégrer la Poudrière, cette formation professionnalisante, où les promotions comptent en général une dizaine d’étudiants venus du monde entier, Chine, Inde, Russie, Italie … Hippolyte Cupillard a eu la chance d’y être admis, et de finaliser ainsi ses études de réalisateur en 2018. Après une formation initiale aux Beaux-Arts de Besançon, suivie d’un Erasmus à la célèbre école d’art et design La Cambre de Bruxelles, ce passionné de cinéma dès le plus jeune âge (ses parents étaient férus de ciné-club) a pu côtoyer à La Poudrière tous les métiers nécessaires à la création d’un court-métrage d’animation. Le vivier cinématographique de La Cartoucherie lui a aussi permis de rencontrer des partenaires de travail et de se constituer un réseau. Car fabriquer un film d’animation nécessite du temps, de l’argent et de nombreuses techniques spécifiques. A partir d’une idée, viennent d’abord le dessin et le scénario. Puis il faut mettre en mouvement les images, choisir musique et bruitage, enregistrer, monter le tout, couper. Pour tout cela, trouver des financements et des distributeurs.

Hippolyte a eu de la chance, son film de fin d’études, L’île d’Irène a été programmé dans les festivals de courts métrages d’animation, ce qui lui a permis de se faire connaître dans le milieu. Son second film, La séance, un hommage au cinéma se relevant du Covid, a été programmé dans les salles du Navire à Valence et du centre Pompidou à Paris. S’il continue de travailler à ses propres créations, Hippolyte collabore régulièrement avec d’autres réalisateurs comme animateur 2D ou dessinateur. Ainsi pour le film « J’ai perdu mon corps » de Jérémie Clapin, primé au festival de Cannes 2019 et à celui d’Annecy.

Le bouche-à-oreille fonctionne, même s’il fait appel au crowdfunding pour financer le court métrage actuellement en gestation, Gemini, dont le thème est : « Est-il possible de rêver jusqu’à oublier sa propre réalité ? Est-il possible de s’enfoncer si profondément dans son monde intérieur que l’on se libère de sa propre souffrance au travail ? ». Vaste question, loin des scénarii populaires. Mais Hippolyte ne cherche pas la notoriété, et en cela le cinéma d’animation se distingue vraiment du cinéma en prises réelles. La création, tellement plus épanouissante, est son objectif. Or Valence offre une intense activité de production visuelle. La Poudrière explose de talents, les conditions idéales pour rendre Hippolyte heureux.

Article publié dans Regard Magazine de mars 2024.