Ce n’est pas un roman, mais une longue incantation à
plusieurs voix. Celles des centaines de jeunes femmes Japonaises entraînées
dans un voyage sans retour, dans les années 1920. Achetées par des compatriotes
immigrés en Amérique, séduites par correspondance, elles espèrent un mariage,
une situation confortable sur la
côte Ouest des Etats-Unis. A l’arrivée à San Francisco, elles
découvrent de pauvres hères, vivant dans la misère, qui les battent, les
violent, et les mettent au travail.
Des milliers de rêves sur le bateau, des milliers de
tragédies sur terre, l’adaptation forcée, le travail harassant, une vie de
bêtes de somme, hommes et femmes confondus. Et puis naissent des enfants, une
amélioration des conditions se dessine, la communauté s’organise, industrieuse,
volontaire, soudée. L’intégration réussit. L’avenir sourit.
Pas pour longtemps. En 1941, l’attaque de Pearl Harbor
condamne les Japonais immigrés, désignés par l’état US comme fauteurs de
troubles, espions, ennemis. Leurs quartiers sont cernés, puis vidés, hommes,
femmes, enfants entraînés dans des camps de travail. Il faut fuir, tout
abandonner, encore, et repartir à zéro.
Julie Otsuka révèle dans son récit un épisode peu glorieux
de l’immigration japonaise aux USA. Par son choix d’une voix démultipliée, elle
réinvente le chœur antique, et lui confère une valeur d’éternité. Un chant de détresse, infiniment reproduit
dans d’autres lieux, sous d’autres cieux.
Née en 1962 en
Californie, elle-même d'origine japonaise, elle a obtenu le prix Femina
étranger 2012 pour Certaines
n’avaient jamais vu la mer,
disponible maintenant en collection 10/18 au prix de 6.60€.
Chronique publiée dans le JTT du jeudi 17 octobre 2013.
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