(Les puristes rectifieront l’orthographe)
Vous avez déjà vu Eric
stressé ? Non ? Ben nous, oui.
Il faut dire que ce n’était pas
gagné, lundi : mauvaise nuit, long trajet sous la pluie, accueil frisquet à la Ferme Robert ,
météo décourageante. Un chemin escarpé dangereux, boueux, entre racines et
pierres glissantes, pour monter à l’assaut des falaises, et, après tant
d’efforts, arrivés au sommet, à 1465m, un épais brouillard. Pas de vue. Mais d’autres surprises: un extraordinaire foisonnement de fleurs, renoncules, anémones,
gentianes, orchis, myosotis… Les formes fantomatiques des hêtres dans
la prairie. Les
murets de pierre, véritables œuvres d’art, avec leurs ouvertures calibrées. Et partout les
trilles optimistes des oiseaux.
Pique-nique à l’abri. Ironie :
le refuge s’appelle le Soliat, c’est-à-dire soleil !
Prendre son temps, manger au sec,
tandis que les capes s’égouttent, faire contre mauvaise fortune bon cœur, on
est très forts pour cela. Nous plaisantons sur le poster du site, pris un jour
de grande visibilité, apprécions le refuge rustique, avec son grand feu
dans l’âtre, la réserve de bois bien rangé, les saucisses qui sèchent, pendues
au milieu des cloches, les bouteilles de fée verte en vente libre, et les œufs de poules
heureuses !
On entend des vaches, mais on ne
les voit pas, tant mieux, car elles sont laides, génétiquement modifiées, des gros réservoirs à lait, sans cornes.
En sortant, un vent violent nous
saisit, la luminosité change. Les nuages se bousculent, tourbillonnent, le ciel
vire du noir au gris, et soudain, le voile se déchire, et le cirque rocheux
apparait dans toute sa beauté. Un arrondi parfait, des falaises calcaires vertigineuses,
une forêt touffue en contrebas. Le spectacle est magnifique. Tout l’horizon se
dégage, les villages, les crêtes voisines, verdure à l'infini, le soleil apparaît, on peut même
apercevoir le lac de l’autre côté. Et les bouquetins gambadent autour de nous.
Comme Eric !
Tonnerre, grêle, les éléments jouent
avec nous. Puis de nouveau soleil et douceur, les gentianes bleues se déploient, éclatantes.
Le soir, honneur aux spécialités
locales : absinthe, vin de Neuchâtel, fondue au vacherin fribourgeois et
gruyère, röstis et saucisses maison, cornets à la crème, présentés sur leur
support de bois… Ambiance chaleureuse, l’aubergiste nous fait visiter sa
collection de cloches, et l’exposition sur le patrimoine naturel. Les douches
sont chaudes, les chambres proprettes. Idyllique ? Pas tout-à-fait, il
paraît que certains ronflent!
Deuxième matin pluvieux. On s’en
fiche, dans les gorges, les nuages ne nous gêneront pas. Et d’abord, une petite
distraction : le trajet en train jusqu’à Boudry, où nous commençons à
remonter l’Areuse en furie. Plus nous nous enfonçons dans la faille, plus le
décor est spectaculaire, les eaux tumultueuses ont creusé un étroit défilé, le
sentier passe d’une rive à l’autre, entre les falaises, par des
passerelles aériennes, les cascades succèdent aux chutes d’eau, aux marmites bouillonnantes. Un grondement
assourdissant domine tout. Un nuage de
gouttelettes projetées se mêle à la brume, nous sommes vaporisés d’ions
négatifs. Sourires extatiques, nous nous émerveillons devant ce chaos de
pierres sculptées, d’eaux rugissantes, où pousse une végétation de création du
monde. Un dégradé de verts, défi à l’équilibre, fougères, mousses, noisetiers,
résineux, égayés de géraniums et pélargoniums sauvages, tapissent les rives,
envahissent les rochers, grimpent à l’assaut des falaises.
Pique-nique sur des troncs d'arbres, le soleil se montre parcimonieux, juste le temps de voir un héron et
…des girafes. Débriefing copieux, enfin, au café de Noiraigue : noires eaux, on
l’avait compris.
Entre Soliat et Noiraigue, une
nature somptueuse et indomptée, modelée par des forces telluriques. Et nous,
petits humains avides de sensations inédites, avons eu la chance de profiter
de ce décor grandiose.
Merci, Eric !
Merci, Eric !
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