J’en suis une. Pas de ma
faute, je suis tombée dedans quand j’étais petite !
Fortiche en dictée à
l‘école. Puis essayant de faire celle de Bernard Pivot, à la TV, malgré les
ricanements de mes enfants. Déjouer ses pièges était un régal, à la
fois résolution d’énigme, friandise ludique et arrière goût de nostalgie.
L’année dernière, quand j’ai
repéré le test de sélection des Timbrés sur le journal, j’ai répondu illico. Sans
m’intéresser vraiment à la suite, c’était la première édition d’un nouveau
concours d’orthographe, ça me suffisait. Sur 20 000 réponses, 10 000 candidats
ont été retenus pour participer aux finales régionales, dans une vingtaine de villes de France. J’étais convoquée à
Colmar. Les 500 finalistes nationaux se sont retrouvés à Paris le 18 juin 2011, j’y étais.
Philippe Delerm, parrain de la première édition, et
Frédérick Gersal avaient concocté dictées et questionnaires, multiplié les
pièges. A Paris, ils animaient la finale dans la superbe salle du Théâtre des
Variétés. C’était la grande fête de l’orthographe ! Les gagnants ont fait
moins de trois fautes, moi plus de vingt !
Cette année, j’ai recommencé le parcours. Rempli le premier
questionnaire en novembre. 25 000 réponses. Convoquée aux finales régionales à Colmar, le 24 mars. Heureusement, ce n’est pas trop loin, ni trop grand. Car le plus
dur pour moi, c’est de trouver les lieux, l’IUT en l’occurence, et une place
pour me garer.
Après, c’est la routine : la queue à la vérification d’identité,
l’entrée dans l’amphi, le discours de la Direction générale de la Poste, et le questionnaire de Frédérick Gestal, 10, 20 ou 30 points de grammaire
ou vocabulaire, suivant la catégorie, cadet, junior ou adulte. De plus en plus difficiles.
Enfin la
dictée. Eric-Emmanuel Schmitt, parrain du concours cette année, apparaît sur
l’écran géant, pour nous la présenter. Concentration.
Une dictée, il ne faut pas la lire, il faut la faire, sinon
on ne se rend pas compte des difficultés. Féminin ou masculin ? Singulier
ou pluriel ? Un h ou deux l ? Un accent ou pas? Les pièges sont pervers, les faux amis
nombreux.
Voici le texte, essayez !
Les anges de Rio
Alors que chaque jour Rio développait davantage ses
tentacules constitués de maisons marron, de toitures rouges, de volets
turquoise, les enfants du bidonville avaient aménagé une scène de théâtre à
ciel ouvert. Là, ils donnaient libre cours à leur imagination : ils jouaient des
saynètes, chantaient à tue-tête, s’exerçaient à la danse. Tous les
dimanches à seize heures pile, ces artistes en herbe offraient une
représentation qu’ils avaient rodée pendant la semaine. (fin dictée cadets)
Sur ce sol où chèvres et moutons s’étaient succédé, l’art
avait désormais pris ses quartiers. Certes, ce n’était pas un repaire de
talents. Quand Pablo se risquait à interpréter une chanson en américain –
langue dont il n’avait nul rudiment –, on n’entendait qu’un galimatias confus,
un charabia absurde où surnageaient, distincts, çà et là, les mots qu’il
prenait pour du brésilien. Si Jairo fredonnait, on souffrait aussi le martyre
tant il produisait de sons faux : quoique la ligne mélodique s’avérât juste,
chacune des notes qu’il émettait sonnait un ou deux commas plus bas que celle
de ses camarades, ce qui donnait l’impression d’un bourdon au sein du choeur.
(fin dictée juniors)
Quoi qu’il en soit, leur chef, Pamela, quinze ans, avait
su tirer parti de tous ces défauts et transformait les prestations ratées en
numéros burlesques. – Je veux bien qu’on rie, mais pas de vous, réitérait-elle
à loisir, dressée debout sur l’estrade en ruine. Au fil des triomphes, tout le
monde voulait faire partie de cette troupe hors pair. Certes, Pamela incorpora
le plus de candidats possible. Mais arrivée à quatre-vingts garçons et
quatre-vingt-dix filles qu’elle avait accepté d’accueillir, elle avoua ne
pouvoir prendre la population tout entière. Géhenne devenue paradis, la favela
exultait quelle que fût la production dominicale. Ces jeunes thaumaturges
régalaient de leurs chants montant vers le ciel le public carioca qui, ne fût-ce
que le temps de la représentation, faisait fi des décombres dispersés, du chaos
des ordures et des immondices pourries. Répétant pour eux et pour l’azur, les
enfants se baptisèrent « La compagnie verticale ».
Eric-Emmanuel Schmitt
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