Tant de richesses : la vieille ville, ses dédales de ruelles sombres, ses églises et
places ombragées de palmiers. Les Ramblas, ponctués de fleurs, d’oiseaux et de
kiosques divers, pris d’assaut par un flot incessant de promeneurs.
La mer d’un bleu intense, le port
dominé par la statue de Christophe Colomb, saluant le large. Les plages de la
Barceloneta au soleil, le marché aux poissons, celui des fruits. Les bars à
tapas. Et la colline de Montjuic, son fort austère, une merveilleuse vue panoramique,
des jardins en cascade. Des musées à foison, art roman ou gothique, Miro ou
Picasso…
Mais le plus spécifique, le plus extraordinaire,
c’est l’omniprésence des œuvres de Gaudi dans la ville moderne. Né en 1852, Antoni
Gaudi, au génie visionnaire, a révolutionné l’urbanisme et imposé sa créativité.
Grâce au soutien d’un mécène inconditionnel, le Comte Güell.
Diplômé d’architecture à
Barcelone en 1878, il a dessiné, réalisé, sans relâche lampadaires, immeubles,
jardins, usines, églises, dans un style moderne et esthétique, l’Art Nouveau.
Ses créations sont
époustouflantes. Dès ses débuts, son style s’éloigne de tout ce qui est
conventionnel. Gaudi s’inspire de la nature, cyprès et palmiers, fleurs et
oiseaux, fruits et graines, coquillages et œufs, pour décorer ou inventer des
courbes, des lignes, des vagues qui leur ressemblent. Une géométrie
ondulatoire, et un délire de couleurs.
La Pedrera est l’exemple le plus
abouti des immeubles à usage d’habitation que Gaudi créait. Non seulement le
plan est à la fois fonctionnel et original, avec d’immenses patios intérieurs,
pour apporter le maximum de lumière, mais la décoration, ferronnerie, verre, bois,
céramique, est extravagante. L’émerveillement est total en débouchant sur le
toit ondulé, où les cheminées anthropomorphes forment un jardin de
sculptures en plein ciel.
En 1886, à 34 ans, Gaudi prend la
direction du chantier de la
Sagrada Familia , la « cathédrale des pauvres », son
œuvre majeure. Il y consacrera quarante ans de sa vie, jusqu’à son décès
accidentel en 1926.
J’avais visité la Sagrada Familia en
2007, l’extérieur était déjà prodigieux, les hauts clochers en forme d’épis de
maïs, les deux portails, la Passion et la Nativité, d’une richesse sculpturale
époustouflante, mais l’intérieur était entièrement bâché, invisible.
Aujourd’hui, entrer dans la nef terminée
est un éblouissement. Une forêt de piliers-arbres soutient une frondaison de
feuilles de pierres. Vitraux colorés, escaliers en colimaçons, voûtes dorées,
l’ensemble est inondé de lumière. Chaque détail est une performance esthétique
et technique, et renvoie à des références religieuses ou naturelles. Une
imagination, une originalité et une culture hors normes.
Le contraste est d’autant plus
grand, quand on découvre l’austère bureau de Gaudi, installé dans la Sagrada Familia ,
où il vivait pour plus de commodité. De simples instruments de géomètre, des
rouleaux de papier, des crayons. Ses maquettes bricolées, hyperboles et
paraboles, ses études de répartition des forces grâce à de petits sacs de plomb,
ses structures en fil, inversées par miroir. Avec ces modestes modèles, son
intelligence fulgurante lui permettait de visualiser l’ensemble, de maîtriser
les étapes de la construction d’un chantier gigantesque entamé partout à la fois. Gaudi a fait exploser
non seulement les limites de l’architecture, mais les capacités de tous les
corps de métier. Ses papiers, ses calculs ont brûlé, il faut actuellement une
armada d’ingénieurs, équipés des ordinateurs les plus performants, pour vaincre
les difficultés techniques et poursuivre son travail.
Gaudi était un génie. Et
Barcelone lui rend hommage, en s’ouvrant aux meilleurs architectes actuels,
Ricardo Bofill, Jean Nouvel, Franck Gehry ...
18/19/20/21 mars 2012
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