Alice Ferney utilise une trame romanesque, pour se livrer à
de percutantes études de caractères. Ce roman narre la naissance, la vie et la
mort d’un couple, mais c’est surtout l’occasion d’une analyse minutieuse des
comportements masculins et féminins sur plusieurs générations.
Serge et Marianne sont deux jeunes gens gâtés par la vie, dotés
d’intelligence, d’esprit d’entreprise, sportifs et beaux. Un beau couple, bien
assorti ! Alors, comment expliquer la faillite de leur mariage, après
vingt ans et trois enfants ?
C’est que le mariage ne concerne pas simplement deux personnes,
mais au moins six, en comptant les parents de chaque côté. Impossible de
nier la part génétique et éducative des conjoints, le poids des rêves inassouvis,
des vengeances retenues, consciemment ou non, par leurs parents, malmenés avant
eux par leurs propres parents.
Vladimir, dont la mère est décédée quand il avait dix ans, a
voulu combler ce manque en faisant de sa femme une mère au foyer, Nina, cueillie
à seize ans, caressait pourtant des rêves de liberté. Brune est tyrannique, confite
de certitudes, Henri essaie de la fuir en s’éloignant au bureau. Serge a été tellement
adulé, enfant, qu’il adore se pavaner, il se sent génial. Marianne, écrasée
dans son enfance, accepte malgré sa
réussite brillante de se laisser traiter comme un chien.
La psychogénéalogie explique comment ce mélange de
refoulements engendre alcoolisme, terreur, lâcheté, malheur. Elle démonte les
mécanismes cachés de la
famille. Mais ne donne pas les clés du bonheur. Chacun peut
retrouver ses propres frustrations, ses limites, ses incohérences, dans cette
peinture de mœurs, où les sentiments n’ont pas la même valeur pour tous. Un
roman complexe et perturbant.
Chronique publiée dans le JTT du jeudi 5 mars 2015.
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