C'est aussi, pour les cinéphiles amateurs, l'occasion de voir ou revoir de superbes vieux films, à l'occasion de rétrospectives, de choix thématiques. Cette année, sur le thème de l'argent, j'ai ainsi dégusté des petits bijoux de 1932 (Ernst Lubitsch) à 2005 ( JP. et L. Dardenne). Mais celui qui m'a le plus marquée, c'est L’Argent, de Robert Bresson.
Un titre minimal, pour une
démonstration implacable. Ce film de 1983 n’a pas pris un pli, sauf peut-être
côté costumes : à cette époque, les assassins les portaient ajustés, et
fermaient soigneusement la porte, une fois leur forfait accompli.
Deux étudiants fauchés écoulent un faux-billet chez un photographe, celui-ci le refile à un livreur de mazout, qui paie avec dans un bar, et se fait coffrer comme faussaire. C'est le début de la descente aux enfers d’un innocent, due à l’argent, mais plus encore à la malchance, au destin.
L’intrigue est soutenue, les
personnages et situations crédibles. Le rapport à l’argent n’a pas changé. Un
besoin, un piège. Peu de paroles, aucun temps mort, le spectateur doit rester
vigilant : Un lavage de mains ensanglantées, un amas de cachets, suggèrent
sans discours ni effets spéciaux un meurtre, un suicide. Pas d’images
complaisantes, l’épure fait la force de cette dénonciation sociale.
Des coupables, il y en a pléthore :
les deux lycéens faussaires inconscients, les parents indifférents, le
photographe âpre au gain, sa femme lâche, l’employé malhonnête. Le copain de
bar louche, la police, la justice, qui broie l’innocent sans l’écouter. Chacun
sa part de responsabilité, vite évacuée. Un instant on croit que le faux-témoin
repenti va permettre une rémission, hélas ! Tolstoï, dont la nouvelle
« le Faux Coupon » est ici réinventée par Bresson, ne veut pas
d’échappatoire, sinon dans le sang et la folie. L ’angoisse prend à la gorge devant cet
engrenage qui écrase un individu, et transforme l’innocent en coupable. Nul,
malgré son humanité, n’est à l’abri de l’onde de choc. Un film dont on ne
ressort pas indemne.
Un clin d’œil amusant a posteriori, quand on repère François-Marie
Banier dans le casting de l’Argent, trente ans avant l’affaire
Bettencourt ! Parfois, la réalité rattrape la fiction ...
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